Moise de Khorene, Zeus à Ani, Vème s. n-è

CH. XII.ARDASCHÈS PART POUR L’OCCIDENT, FAIT CRÉSUS PRISONNIER,  ET DONNE À L’ARMÉNIE LES IDOLES QU’IL A ENLEVÉES.

Alors Ardashès (Tigran II ?) ordonne de lever en Orient et au Nord une si grande armée qu’il ignore même le nombre (guerres de Mithridate) ; mais il ordonne à chacun de laisser dans les lieux par où l’on passera et où l’on fera halte, une pierre pour former un monticule, en souvenir d’une si prodigieuse multitude. Ardashès se dirige sur l’Occident et fait prisonnier Crésus, roi de Lydie (sic).

Il trouva en Asie les statues de bronze doit d’Artémis, d’Hercule et d’Apollon, et les fit porter dans notre pays pour les ériger à Armavir. Les pontifes qui étaient de la race des Vahnouni dressèrent à Armavir les statues d’Apollon et d’Artémis; mais la statue virile d’Hercule, faite par Scyllis et Dipenus de Crète, qu’ils prirent pour leur ancêtre Vahak’n, ils l’érigèrent dans le canton de Daron, dans leur propre village d’Aschdischad, après la mort d’Ardaschès.

Mais Ardaschès, ayant soumis la contrée située entre les deux grandes mers, couvrit l’Océan de la multitude de ses voiles pour asservir tout l’Occident. Rome était alors agitée par de grands troubles, et personne n’oppose à Ardaschès une vive résistance. Mais je ne saurais dire par quelle influence s’éleva cet effroyable tumulte, et ces troupes innombrables s’exterminèrent mutuellement. Ardaschès fuit et meurt, dit-on, de la main de ses soldats, après vingt-cinq ans de règne.

Ardaschès, ayant enlevé encore dans l’Hellade les statues de Zeus, d’Artémis, d’Athénée, d’Héphaïstos et d’Aphrodite, les fait transporter en Arménie. Ces statues ne sont pas encore arrivées au centre du pays, que déjà on répand la nouvelle de la mort d’Ardaschès; on fuit, on jette ces statues dans le fort d’Ani; mais les prêtres, s’attachant à ces idoles, restent près d’elles.

H. XIV.RÈGNE DE TIGRANE (DIKRAN) II. — SA RÉSISTANCE AUX ARMÉES GRECQUES. – IL CONSTRUIT DES TEMPLES. — IL ENVAHIT LA PALESTINE.

Après Ardaschès Ier, son fils Tigrane monte sur le trône, dans la 19è année du règne d’Arschagan, roi des Perses. Tigrane, ayant rassemblé les forces arméniennes, se porte contre celles des Grecs, qui, après la mort de son père Ardaschès et la dispersion de ses troupes, étaient parvenus par une marche progressive jusque dans notre pays. Tigrane les attaque et les repousse; Tigrane remet ensuite à son beau-frère Mithridate (Mihrtad) le gouvernement de Mazaca (Césarée) et des provinces méditerranéennes, lui laisse une armée nombreuse et retourne dans notre pays.

Son premier soin fut de construire des temples; mais les prêtres venus de Grèce, craignant d’être relégués au fond de l’Arménie, prétendirent que les présages [avaient ordonné] que les idoles voulaient se fixer dans ces lieux. Tigrane, cédant [à leurs vœux], érige la statue de Jupiter (Zeus) Olympien sur le rocher d’Ani, la statue d’Athénée à Thil, la statue d’Artémis à Eriza, celle d’Héphaïstos à Pakaïarindch. Quant à la statue d’Aphrodite, comme l’amante d’Hercule, il la fait porter à côté de celle d’Hercule à Aschdischad (lieu des sacrifices). Irrité contre les Vahnouni qui avaient dressé dans leurs propres domaines la statue d’Hercule envoyée par son père, il les dépouille du sacerdoce et confisque le village où elle était élevée.

Ayant construit des temples et dressé devant [ces sanctuaires) des autels, le roi ordonne à tous ses satrapes d’offrir des sacrifices [aux dieux] et de les adorer. La famille des Bagratides s’y refuse, et un de ses membres, nommé Asout, qui avait méprisé les idoles, a la langue coupée. Les autres ne furent pas inquiétés, parce qu’ils consentirent à manger de la chair des victimes et de la viande de porc, bien qu’ils ne sacrifiassent pas eux-mêmes et n’adorassent point les idoles. Pour cette raison, Tigrane leur enlève le commandement de l’armée, mais il ne leur ôte pas celui de la cavalerie auquel est attaché le droit de poser la couronne sur la tête du roi. Ensuite Tigrane va en Mésopotamie, y trouve la statue de Parschamin, faite d’ivoire, de cristal et d’argent; il la fait enlever et dresser dans le bourg de Thortan.

Sans plus tarder, Tigrane se porte en Palestine pour demander raison à Cléopâtre, fille de Ptolémée, des insolences de son fils Dionysos envers son père (Ardaschès). Il fait prisonniers un grand nombre de Juifs et assiège la ville de Ptolémaïs. La reine des Juifs, Alexandra, c’est-à-dire Messaline, femme d’Alexandre, fils de Jean, fils de Simon, frère de Juda Macchabée, qui alors occupait le trône de Judée, obtint à force d’argent que Tigrane se retirerait; car ce prince avait reçu l’avis qu’un brigand nommé Vaïgoun dévastait l’Arménie, et qu’il avait occupé une montagne inexpugnable qui, du nom de ce brigand, fut alors appelée Vaïgounikh.