Al-Mas’ûdî, Avertissement, Division du monde en 4 quadrants et 2 parties, v. 950 n-è

Le monde est divisible en quatre quadrants

1 : L’un est le quadrant oriental qui s’étend à l’est de la ligne allant du Nord au Sud. C’est un quadrant mâle; il indique la vie longue, le pouvoir longtemps gardé, la mémoire, l’orgueil, l’impuissance à retenir un secret, le désir de paraître, la vanité, et tout ce qui y touche; tout cela répond à la nature solaire; les hommes de cette région ont en outre la science de l’histoire, de la chronologie, des biographies, des règles du gouvernement et des étoiles.

2 : Les habitants du quadrant occidental sont sous l’influence dominante du principe féminin, là où ne s’exerce pas l’action des planètes mâles, comme les habitants du quadrant oriental sont sous l’influence du principe mâle tant qu’elle n’est pas surmontée par celle des planètes féminines. Ce sont des gens discrets, religieux, dévots, fortement enclins à embrasser les doctrines hérétiques, avec les autres caractères qui se lient à ceux-ci ; car ils sont de la portion soumise à la Lune.

3 : Les habitants du quadrant septentrional sont ceux pour qui le Soleil est loin du Zénith, d’autant plus loin qu’ils pénètrent davantage dans le Nord, comme les Slaves, les Francs et autres nations voisines. Le Soleil n’ayant sur ces régions qu’une faible puissance à cause de son éloignement, le froid et l’humidité y dominent, et les neiges et les glaces y disparaissent rarement. Les humeurs y ont peu de chaleur; les hommes ont la stature haute, un caractère farouche, des mœurs rudes, l’intelligence stupide, la parole lourde; ils sont d’un teint si blanc qu’il passe du blanc au bleuâtre; leur peau est fine, leur chair épaisse; leurs yeux sont bleus aussi, en harmonie avec les nuances de leur teint; leurs cheveux sont flottants et roux par l’effet des vapeurs humides. Leurs croyances religieuses sont sans solidité, à cause de la nature du froid et du défaut de la chaleur. Ceux d’entre eux qui habitent le plus avant dans le Nord sont les plus grossiers, les plus stupides et les plus bestiaux. Ces caractères s’accentuent chez eux davantage à mesure qu’ils sont plus éloignés dans la direction du Nord, comme on le voit chez les peuplades turques qui s’enfoncent dans les régions septentrionales. Etant très loin de la trajectoire que décrit le Soleil de son lever à son coucher, ils ont des neiges abondantes, le froid et l’humidité envahissent leurs demeures, leurs corps deviennent mous et épais, les vertèbres de leurs dos, les os de leurs cous sont si souples qu’ils peuvent lancer leurs flèches en se retournant du buste tandis qu’ils fuient ; leurs articulations forment des creux tant il y a de chair; leurs yeux sont petits dans des visages arrondis; la chaleur leur monte au visage lorsque le froid s’empare de leurs corps; les humeurs froides produisent en effet beaucoup de sang et colorent le teint, parce que le froid rassemble la chaleur et la fait paraître au dehors.

Les hommes qui habitent à soixante et quelques milles au delà de cette latitude sont les tribus de Gog et de Magog. Ils appartiennent au sixième climat et ils comptent parmi les bètes.

4 : Les peuples du quadrant méridional, comme les Zanj et les divers rameaux des Habasha, et ceux qui se trouvent sous la limite de l’Equateur et qui ont le Soleil au Zénith à sa culmination, présentent les caractères opposés aux précédents : chez eux la chaleur est intense, l’humidité rare ; ils sont noirs de teint, ont les yeux rouges, un naturel emporté; car l’atmosphère est enflammée et les enfants se développent tellement dans la matrice que leur teint en est brûlé; leurs cheveux sont crépus par l’effet des radiations de la chaleur sèche; c’est ainsi que des cheveux lisses qu’on approche du leu se contractent d’abord, puis se courbent ou se tordent en boucles à mesure qu’on les porte plus près du foyer ou qu’on les en éloigne.

La terre se divise d’une autre manière en deux parties
D’après ce que nous avons dit plus haut : l’une habitée, l’autre inhabitée.
1 : La partie habitée se partage en plusieurs régions. Dans l’une, celle qui est située au Sud, la chaleur est excessive, à cause de la proximité du Soleil, et l’atmosphère est enflammée ; dans l’autre, celle du Nord , le froid est extrême à cause de l’éloignement du Soleil. Quant à l’Orient et à l’Occident, ils sont tous deux tempérés ; mais l’Orient est plus connu et plus renommé pour la douceur et l’excellence de son climat.

2 : La partie inhabitée de la terre se subdivise en deux autres parties caractérisées l’une par la rigueur excessive du froid, due à l’éloignement du Soleil, l’autre par l’intensité extrême de la chaleur, due à sa proximité. Aucun animal ne peut naître dans ces contrées ni aucune plante y germer. Dans la région qui est distante de l’Equateur de 66 degrés vers le Nord, rien de vivant ne peut naître, tant est rude le froid et tant est loin le Soleil. Lorsqu’on arrive à la latitude de 66° 9′ l’année ne se compose plus que d’un jour et d’une nuit, le jour durant six mois sans nuit, et la nuit six mois sans jour. Ce jour cesse durant l’hiver, et cette nuit, durant l’été. Dans la région qui, au Midi, est distante de la ligne de l’Equateur de 19 degrés, il ne peut non plus naître rien, la chaleur étant trop grande et le Soleil trop proche.

[Limites de L’oekoumène]
D’après Ptolémée, le point extrême où l’on puisse vivre du côté du Nord est l’île appelée Thulé, située au fond de la mer Occidentale en allant vers le Nord. Sa latitude comptée au Nord à partir de l’Equateur serait de 63 degrés. Cet auteur rapporte la même chose d’après l’opinion de Marinus touchant les limites de la vie sur la terre. L’opinion de Ptolémée est aussi que la limite de la région habitable dans le Sud est sous le parallèle distant de l’équateur de 16° 35’D’autres disent que le lieu où il ne peut plus y avoir de vie, a pour latitude Sud 21° 33′. Ya‘qûb b. Içhâq al-Kindi s’est rangé à cette opinion dans son ouvrage « sur la délimitation de la terre habitable ». On peut désigner un lieu par sa latitude, par sa distance à l’Equateur ou pour la hauteur du pôle en ce lieu. La distance entre la limite de la région habitable au Nord et celle de la région habitable au Sud est de 80 degrés, équivalant en milles à un peu moins de 5,1oo milles. A l’extrémité de la terre habitée à l’Orient est formée par les frontières du pays de Chine et d’es-Sila, jusqu’à ce qu’on aboutisse au mur de Gog et de Magog; ce mur fut bâti par Alexandre pour empêcher ces peuples de faire des dégàts dans la plaine ; derrière se trouve le col de ma montagne, par où ils sortaient et dans lequel le mur fut construit. La montagne commence en dehors de la région habitable, dans le septième climat, où son extrémité fait face à l’Orient; elle s’infléchit ensuite au Sud, puis continue droit tout du long jusqu’à ce qu’elle aille rejoindre l’océan ténébreux qui entoure le monde. La terre habitable à l’Ouest a aussi pour limite l’océan extérieur, et les régions habitées au Nord se terminent encore à cette mer. Au Sud la limite de la terre habitable est constituée par la ligne de l’Equateur sur laquelle les jours sont constamment égaux aux nuits ; c’est aussi sur cette ligne que se trouve l’île de Serendîb, dans la mer de Chine.
[les 7 mers]
[les 7 climats et surtout le 4ème en Irak]