IBN TAYMIYA Taqi ad-Dîn, FATWA SUR LES NUSAYRÎ (Alaouites), v. 1380 n-è

Que disent les Sayyids, savants Fuqaha de la religion (que Dieu soit satisfait d’eux tous, les aide à manifester la vérité évidente et à anéantir les sectes des hérétiques!), au sujet des Nusayri ?
-Qui professent que le vin est licite, croient à la métempsycose, à la préexistence du monde, et nient la réalité du réveil des morts,[9] de la résurrection, du paradis et de l’enfer dans une autre vie?
-Qui disent que les 5 prières sont une expression symbolique désignant les cinq noms d’Ali, Hasan, Husayn, Muhsin et Fâtima.
-Que la récitation de ces cinq noms tient lieu de la lotion générale après le commerce charnel, des ablutions partielles et de toutes les autres prescriptions et recommandations attachées à la prière ?
-Que le jeûne est le symbole des noms de 30 hommes et de 30 femmes énumérés dans leurs livres, qu’il serait trop long de rapporter en cet endroit ?
-Qui pensent que le créateur des cieux et de la terre est Ali b. Abî Tâlib (que Dieu soit satisfait de lui!), leur Dieu au ciel et leur Imam sur la terre, et qui font consister la sagesse de cette incarnation de la divinité dans une forme humaine en ceci que Dieu veut, en se mêlant à ses créatures, enseigner à ses serviteurs comment ils doivent le connaître et l’adorer?
-Qui disent que le Nusayri ne devient un vrai croyant qu’ils admettent dans leur société, font boire avec eux, auquel ils révèlent tous leurs secrets et donnent de leurs femmes en mariage, que quand leur maître spirituel l’a soumis au Khitâb.
-Or le khitâb consiste en un serment qu’on fait prêter au nouvel adepte de cacher sa religion, de ne pas révéler les noms de ses shyûkh et des chefs de sa secte, de ne se lier d’amitié avec aucun musulman ni avec quiconque est étranger à sa croyance; de connaître son Imâm et Seigneur, qui lui apparaît à tous les âges et à toutes les époques; de connaître la transmission du Ism et de la Ma’ana, dans tous les temps, à toutes les époques. Or l’Ism se trouvait dans le premier homme, Adam, et le Ma’ana était Seth; puis le Ism fut Jacob et la Ma’ana Joseph.
-Ils prétendent que la preuve de cette distinction est contenue dans le Qur’ân vénéré, alléguant l’histoire de Jacob et de Joseph (le salut soit sur eux deux!). Pour Jacob, ils disent qu’il fut le Ism, parce que, ne pouvant outrepasser ses pouvoirs, il prononça ces paroles : Plus tard, j’implorerai votre pardon auprès de mon maître; certes, il est clément, miséricordieux. ( XII, 99.) Le Ma’ana qu’il avait en vue était Joseph. Et en effet, Joseph dit : Il n’y aura point de reproches contre vous aujourd’hui (XII, 92) Ceci ne peut être attribué à un autre que lui, car il savait qu’ il était lui-même le Dieu ordonnateur de toutes choses.
Ensuite ils prétendent que Moïse était le Ism et Josué la Ma’ana, car le soleil s’arrêta devant Josué quand il le lui eut commandé, et obéit à son ordre. Or le soleil s’arrêterait-il à la voix d’un autre que son maître ?
Puis ils ajoutent que Salomon était le Ism et Asaf la Ma’ana, tout-puissant, omnipotent. Ils énumèrent ainsi tous les prophètes et tous les envoyés de Dieu, l’un après l’autre et en suivant cet ordre, jusqu’au temps de Muhammad (que Dieu le protège et le sauve!).
-Or ils disent que Muhammad était le Ism et ‘Ali la Ma’ana, poursuivant celle succession dans tous les âges jusqu’à nos jours.
-Parmi les notions exactes qu’on possède sur leur affiliation et sur leur religion est celle-ci que, pour eux, ‘Ali est le Seigneur, Mahomet le Voile, et Salmân la Porte, et que cette trinité a toujours existé et existera toujours. Les versets suivants d’une de leurs lettres sont célèbres (maudite en soit la teneur!) : “J’atteste qu’il n’y a pas d’autre Dieu que ‘Ali aux tempes chauves, le corpulent ; qu’il n’y a pas d’autre Voile que Muhammad, le véridique, le sûr ; et qu’il n’y a pas d’autre route peur parvenir à lui que Salmân le fort, le vigoureux”.
-Ils ont encore les 5 Yatîm et les 12 Naqîb, dont ils connaissent les noms. Dans leurs livres impurs, ils ne cessent pas de parler du Seigneur, du Voile et de la Porte à travers tous les âges, à jamais, sempiternellement.
-Ils disent encore que le Satan des Satans est ‘Umar b. Al-Khattâb, et qu’au-dessous de lui, dans la hiérarchie des Iblis, se trouvent Abu Bekr, le véridique, puis ‘Uthman (que Dieu soit satisfait d’eux tous, les lave et les élève au-dessus des assertions de ces hérétiques et des doctrines de ces pécheurs!). A toutes les époques, dans les écrits où ils traitent de leur religion corruptrice, on retrouve des sectes et des sous-sectes reposant toutes sur ces mêmes bases.
Cette religion maudite a envahi une grande partie de la Syrie, et ses sectateurs sont connus, célèbres. Ils étalent au grand jour leurs doctrines, et quiconque d’entre les hommes intelligents et les savants musulmans s’est mêlé à eux, sait à quoi s’en tenir sur leur compte. Le public lui-même a commencé, dans ces derniers temps seulement, à être instruit « leurs mystères, qui étaient encore gardés secrets au moment où les Francs Dénégateurs s’emparèrent des provinces du littoral, Mais quand revinrent les Jours du Islâm, on découvrit leurs pratiques et leurs égarements. Depuis, on a trop usé de ménagements à leur égard.

Voici la question :
-Que doit-on décider au sujet des fromages caillés avec la présure d’animaux tués par eux?
-Quelle sentence prononcer sur l’emploi de leurs vases et de leurs vêtements ?
-Est-il licite de les laisser sur les frontières de l’Islam et de leur en confier la défense?
-Le ‘Amil doit-il, oui ou non, les destituer et mettre à leur place des musulmans qui en tiendraient lieu avantageusement ?
-Lorsqu’il a pris le parti de les chasser et d’employer d’autres personnes, est-ce une faute de sa part de continuer à les tolérer, malgré son intention formelle de les renvoyer, ou bien lui est-ce licite?
-Lorsqu’il les a d’abord employés et ensuite soit destitués, soit conservés, est-il légal de leur allouer un traitement sur les fonds publics ?
-Lorsqu’on a commencé à les payer, qu’une partie du traitement désigné de l’un d’eux est arriérée et que le gouverneur en diffère le payement pour en disposer en faveur d’un musulman méritant, ou qu’on approuve, est-il tenu de persister dans cette voie, ou bien cela lui est-il seulement permis ?
-Lorsque le ‘Amil (que Dieu l’aide à anéantir leurs absurdités!) leur fait le Jihâd et les chasse des forteresses musulmanes; quand les musulmans s’abstiennent de contracter avec eux des mariages et de manger des animaux tués par eux ; quand le ‘Amil leur ordonne l’observation du jeûne et de la prière, et leur interdit la pratique ostensible de leur vaine religion qu’il sait être de la Dénégation, tout cela est-il plus méritoire, plus digne des récompenses de la vie future que les ghazzû et les ghazzû dirigées contre les Tatars et que l’invasion de la Chine et du pays des Zanj, ou bien ce dernier choix est-il préférable ?
-Celui qui combat contre les susdits sera-t-il considéré comme Murâbit, et sa récompense dans la vie future sera-t-elle égale à celle de ce dernier, qui va guerroyer sur les frontières et sur les côtes de la mer pour prévenir une surprise de la part des Francs, ou bien la récompense du Murâbit sera-t-elle plus grande ?
-Est-ce un devoir pour quiconque connaît les susdits Nusayri, ainsi que leurs pratiques, de les dénoncer et par là d’aider à extirper leur absurde croyance et à répandre parmi eux l’Islam, dans l’espoir que Dieu rendra musulmans leurs enfants et leur postérité, ou bien la négligence et la temporisation sont-elles permises à cet égard?
-Quelle sera la récompense de celui qui s’appliquera et dont tout le zèle et les efforts se tourneront vers ce but ?
-Etendez-vous sur toutes ces questions, vous rendant par là dignes de l’assistance de Dieu et des rétributions de l’autre vie.

Ces gens ci-dessus décrits et appelés Nusayri, ainsi que les autres branches des Qarmât, sectateurs du sens caché, sont plus infidèles que les juifs et les chrétiens, que dis-je, plus infidèles encore que bien des idolâtres. Le mal qu’ils ont fait à la Loi de Muhammad (que Dieu le protège et le sauve !) est plus grand que celui que font les infidèles belligérants, Turcs, Francs et autres.
Ils feignent auprès des musulmans ignorants d’être des Shi‘â, dont le chef était de la Maison ; mais, en réalité, ils ne croient ni à Dieu, ni à son Prophète, ni à son Livre ; ni à la rétribution, ni au châtiment; ni au paradis, ni à l’enfer; ni à aucun des Rusul de Dieu, avant Muhammad (que Dieu le protège et le sauve !), ni à aucune des Lois précédentes.
Bien loin de là, quand ils se servent de la parole de Dieu et de son Prophète, bien claire pour les musulmans, c’est pour s’arroger le droit de baser sur elle leurs doctrines, et ils prétendent que cela constitue la science du sens caché, qui renferme ce qu’en a fait connaître plus haut notre interlocuteur, et bien d’autres choses de ce genre.
Mais ils ne gardent aucune mesure dans les prétentions hérétiques qu’ils élèvent contre les attributs de Dieu et contre ses Ayât, non plus que dans les déplacements qu’ils font subir à la parole de Dieu et de son prophète.
Car leur but est la négation absolue de la Foi et des préceptes de l’Islam, et malgré leurs protestations hypocrites que ces choses sont des vérités qu’ils reconnaissent, elles rentrent dans la catégorie déjà mentionnées par notre interlocuteur.
En fait de dogmes, ils enseignent que les prières symbolisent la science de leurs mystères; le jeûne obligatoire, le secret dans lequel il faut les tenir; le pèlerinage de la Maison Antique, les visites qu’ils doivent à leurs shyûkh. Ils disent que les deux mains d’Abû Lahab sont Abû Bakr et ‘Umar, et que ‘Ali b. Abî Tâlib, est un grand prophète et l’Imâm Evident.
Tout le monde sait de combien d’actes et d’écrits ils se sont rendus auteurs dans leur hostilité pour l’Islâm et pour son peuple. Dès qu’ils en trouvent la possibilité, ils versent le sang des musulmans.
Une fois, ils égorgèrent des pèlerins et jetèrent leurs corps dans le puits de Zamzam ; une autre fois, ils s’emparèrent de la pierre noire qu’ils gardèrent longtemps, et massacrèrent un nombre immense de Fuqaha musulmans, de Shyûkh, d’émirs et de personnages importants, dont Dieu très-haut peut seul faire le compte.
Ils ont composé de nombreux ouvrages contenant les matières dont notre interlocuteur a déjà parlé, et, de leur côté, les musulmans ont écrit des traités pour découvrir leurs mystères, déchirer le voile qui les entourait, et pour montrer dans quelle incrédulité ils sont plongés.
Or leur magisme et leur hétérodoxie sont pires que les croyances des juifs, des chrétiens et des brahmanes idolâtres de l’Inde. Et ce qu’a rapporté notre interlocuteur, dans le but de les décrire, n’est qu’une petite partie de tout ce que savent sur eux les hommes instruits.

On n’ignore pas que les côtes de Syrie tombèrent au pouvoir des chrétiens, précisément du côté des Nusayri. C’est qu’ils ont toujours été les plus grands ennemis des musulmans et se sont joints aux chrétiens contre eux.
Les coups les plus terribles qu’ils ressentirent furent les victoires des musulmans sur les Tatars, la réoccupation du littoral et la défaite des chrétiens, et ils n’éprouvèrent jamais de plus grande joie que lorsque les chrétiens (notre recours est en Dieu ! ) eurent conquis les frontières islamiques.
Or notre territoire s’était toujours étendu jusqu’à l’île de Chypre, conquise par Mu‘âwya, b. Abi Sufyân, sous le khilâfâ’ du AlM ‘Uthman b. ‘Affân, quand vint le IVe siècle de l’Emigration, époque à laquelle ces dénégateurs à Dieu et à son Apôtre se multiplièrent sur tout le littoral et dans l’intérieur des terres.
C’est par leur intermédiaire que les chrétiens purent s’emparer des côtes et enlever d’assaut Jérusalem et les autres villes, et le rôle qu’ils jouèrent dans ces événements fut considérable.
Ensuite, quand Dieu suscita dans l’Islâm des Rois tels que Nûr ad-Dîn, le pieux, Salah ad-Dîn et leurs successeurs, ces Rois reprirent le littoral sur les chrétiens et sur ceux qui les y secondaient, puis, se saisirent de l’Egypte, dont les Nusayri étaient restés maîtres pendant environ 200 ans(sic : Ismaeliens). Ceux-ci s’allièrent encore aux chrétiens, mais les musulmans leur firent le Jihâd jusqu’à ce qu’ils eussent recouvré le territoire en entier.
Depuis cette époque la loi de l’Islam se répandit dans toute l’Egypte et la Syrie. Alors survinrent les Tatars (Mongols), qui inondèrent nos possessions et mirent à mort le Khalîfa de Baghdâd, ainsi que d’autres princes, toujours avec le secours et l’assistance de ces Nusayri(sic : Ismaeliens ou Kizilbash). Ce fut Naçir ad-Dîn Tûsî, astrologue de Hulagu le Sultan des Tatars, devenu son vizir à Alamut, qui décida le meurtre du Khalîfa et l’investiture.

Les Nusayri ont plusieurs noms en vogue parmi les musulmans. Tantôt on les appelle Mulâhida (athées), tantôt Isma‘îlî, tantôt Qarmât, tantôt Bâtinî, tantôt Nusayrî, tantôt Khurramî, tantôt enfin Muhammar.
Parmi ces différents noms, il y en a qui leur sont communs et d’autres qui désignent spécialement une de leurs branches, de même que les mots Islam et Imân s’étendent à tous les musulmans, mais qu’ils se distinguent par d’autres noms particuliers, soit tirés de leur origine, ou de leur ville, soit ayant rapport à une autre circonstance.
Un exposé complet de leurs vues serait trop long; mais comme l’ont dit les savants, leur Loi a les dehors du Rafidhisme, et au fond c’est la Dénégation pure et simple.
En réalité, ils ne croient à aucun des Prophètes et des Envoyés, pas plus à Noé qu’à Abraham, à Moïse, à Jésus ou à Muhammad, et n’ajoutent foi à la moindre parole des livres révélés par Dieu, Pentateuque, Evangile ou Qur’ân.

Ils n’établissent nullement que le monde a été formé par un créateur, envers lequel on doit s’acquitter de devoirs religieux, ni qu’il y a un monde autre que celui-ci, où les hommes sont rétribués selon leurs œuvres.
Tantôt ils s’appuient sur les opinions des matérialiste et des théistes, à l’imitation des auteurs des Traités des Frères de la pureté, tantôt ils suivent les principes des philosophes et les tendances des Mages, adorateurs de la vache, et se montrent aussi subtils que les Dénégateurs et les Râfidî à arguer de la parole des prophètes.
Mais cette parole, ils la travestissent et s’en font une arme, comme par exemple de ces mots du Prophète (que Dieu le Protège et le sauve !) : “La première chose que Dieu créa fut l’intelligence; il lui dit : Avance, et elle avança, puis : Recule, et elle recula”.
Mais ils détournent ces paroles de leur vrai sens, et s’ils enseignent que la première chose créée par Dieu est l’intelligence, c’est pour se rencontrer avec ce dire des philosophes, disciples d’Aristote, que la première chose émanée de l’être nécessaire est la raison. Ils détournent de son vrai sens une parole venue du Prophète (que Dieu le protège et le sauve!), à l’instar des auteurs théistes des Traités des Frères de la pureté et de ceux qui s’en rapprochent; leur religion est la même.
Leurs absurdités ont pénétré chez beaucoup de musulmans et les ont corrompus, au point que certains livres traitent d’une nouvelle secte de gens qui cherchent à concilier la science et la religion, sans toutefois s’accorder complètement avec les Nusayrî sur les bases de leur impiété.
Dans cette maudite doctrine qu’ils nomment ad-Da‘wât-al-Hâdiyat, ils énumèrent plusieurs degrés dont les noms sont Nihâyat al-Balâgh al-Akbar (le comble de la science majeure) et al-Nâmus al-A‘dzam.
Ce Balâgh al-Akbar enseigne la négation et la détractation du créateur et de ceux qui le touchent de près, à tel point que l’un d’eux a été jusqu’à dire que le nom de Dieu est écrit au plus bas de son pied. Ils renient encore en cela les Lois de la Loi de Dieu et les enseignements des prophètes.
Ils prétendent que ces derniers appartenaient à leur race, qu’ils briguaient le pouvoir et que les uns usèrent de bons moyens pour y parvenir, mais que les autres usèrent de moyens criminels et pour cela furent mis à mort.
Ils rangent Muhammad (que Dieu le protège et le sauve !) et Mûsâ (le salut soit sur lui!) dans la première catégorie et le Massîh/Christ dans la seconde.
Enfin, la description de toutes leurs moqueries contre la prière, l’aumône, le jeûne, le pèlerinage, et de toutes leurs théories sur la licence du mariage avec ses proches parentes et sur les autres prescriptions légales, nous mènerait trop loin.
Ils adoptent entre eux des signes et des mots de passe, au moyen desquels ils se reconnaissent les uns les autres, et quand ils se trouvent en pays musulman, où les vrais croyants sont en majorité, ils se cachent de quiconque leur est étranger.

Les docteurs de l’Islam sont tous d’accord sur ces points :
1° Qu’il est illicite de contracter le mariage avec de telles gens, et qu’un homme ne peut ni cohabiter avec son esclave, si elle est Nusayri;
2° Que les animaux tués par eux sont impurs ;

3° Quant au fromage fabriqué avec la présure de ces animaux, il y a deux versions bien connues à son sujet, comme d’ailleurs au sujet de la présure d’animaux crevés ou d’animaux tués par les Mages et les chrétiens, lesquels, dit-on, ne les purifient pas.
Les rites d’Abû Hanifa et d’Ahmad, d’après les deux traditions de ces docteurs, permettent l’usage de ce fromage, car la présure des animaux crevés est pure, suivant ce précepte que le fiel ne meurt pas de la mort de l’animal, et que s’amassant dans une poche impure, à l’intérieur du corps, il ne participe pas à cette impureté.
Dans l’autre tradition, ce sont les rites de Mâlik et de Shâfi‘î, ce fromage est dit impur, parce que la présure venant de ces gens est elle-même impure. En effet, le lait et la présure d’animaux crevés sont impurs, d’après ces rites ; or, ne pas manger d’animaux tués par certains individus, c’est considérer ces animaux comme crevés. Les partisans de chaque version allèguent à l’appui de leur dire des traditions qu’ils font remonter aux Compagnons de Muhammad. Ceux qui soutiennent la première rapportent que les Compagnons de l’Apôtre mangeaient du fromage des Mages, ceux qui soutiennent la seconde rapportent qu’ils ne mangeaient que du fromage qu’ils croyaient fabriqué par des chrétiens.
C’est donc là une question d’Ijtihâd, et il dépend de quiconque cherche à se former une opinion à cet égard, de se conformer (taqlîd) à l’une ou à l’autre décision, selon la réponse du Mufti auquel on aura soumis les deux cas.
4° Pour leurs vases et leurs vêtements, ils sont assimilés à ceux des adorateurs du feu, comme l’enseignent les rites des Imâms. Le Cahîh est qu’on ne peut faire usage de leurs vases qu’après les avoir lavés, car, les animaux tués par eux étant regardés comme crevés, il est impossible que quelque chose de l’impureté des viandes ne reste pas après les vases employés. Lorsque la conviction qu’un de leurs vases a été souillé ne s’impose pas à l’esprit, on peut s’en servir sans lavage préalable. C’est ainsi que ‘Umar (Dieu soit satisfait de lui!) fit ses ablutions avec l’écuelle d’un chrétien. Si donc il y a doute au sujet de la pureté d’un ustensile, nous ne décidons pas qu’il soit impur parce qu’il y a doute.
5° Il n’est pas licite d’enterrer les Nusayri dans les cimetières musulmans, ni de réciter les prières sur leurs corps. Dieu a défendu à son Prophète de prier sur le corps des hypocrites tels que ‘Abd-Allah b. Ubay et ses pareils, qui feignaient de pratiquer la prière, l’aumône, le jeûne et le Jihâd en compagnie des musulmans, n’émettaient jamais d’opinions contraires à la religion musulmane, mais ne les professaient pas moins en secret.
Dieu très-haut a dit:
Ne prie jamais sur aucun d’eux quand ils mourront; ne te tiens jamais sur leur tombe (IX, 86). Combien à plus forte raison ne doit-on pas agir de même à l’égard de ceux-ci qui, outre le zandiq-isme et l’hypocrisie, laissent encore paraître l’incrédulité et l’hétérodoxie!
6° Quant à les employer sur les frontières des musulmans, dans leurs forteresses et à l’armée, c’est une énormité semblable à celle qu’on commettrait en se servant des loups pour garder les moutons. Car ces gens sont les plus traîtres des hommes à l’égard des musulmans et de leurs chefs, les plus acharnés à la subversion de la Loi et de l’Etat les plus empressés à livrer les forteresses à nos ennemis. Il est donc du devoir de nos ‘Ummâl de les rayer des contrôles de l’armée et de ne pas plus s’en servir pour combattre que pour toute autre fonction. Ce serait un crime de mettre du retard dans l’accomplissement de ce devoir, quand on a la possibilité de s’en acquitter.
7° Si on leur a confié un poste ou s’ils remplissent un emploi à de certaines conditions à eux imposées, il faut les rétribuer suivant la loi du talion ; c’est sur cette base qu’on les engage. S’ils exécutent fidèlement les conventions, leurs émoluments leur sont dus; mais s’ils les violent, qu’on leur rende la pareille, bien que les gages de tels gens ne rentrent pas dans la catégorie des « soldes obligatoires », subdivision du chapitre des « contrat licites. »
8° Leur sang et leurs biens sont déclarés licites. Les docteurs se partagent sur la question de savoir si l’on doit les admettre à résipiscence quand ils manifestent le repentir. Ceux qui agréent leur conversion exigent en échange l’abandon de leurs biens aussitôt qu’ils ont adopté la loi de l’Islam. Ceux qui la rejettent, ainsi que la possibilité pour eux d’hériter de leurs proches déclarent que la confiscation de leurs biens est une restitution au trésor public. Car, disent-ils, ces Nusayrî, lorsqu’on les admet, feignent l’ignorance auprès des ennemis de leur secte et cachent ce qui les concerne; d’ailleurs il y en a parmi eux qui ne connaissent pas bien leur religion. La marche à suivre en ceci est de les surveiller avec vigilance, de leur interdire les réunions et le port des armes, et quand ils prennent part au combat et observent les pratiques musulmanes telles que les 5 prières et la lecture du Qur’ân, de laisser parmi eux quelqu’un pour leur enseigner la Loi Islamique et de s’interposer entre eux et leurs instructeurs.
9°Quand Abû Bakr le véridique (que Dieu soit salisfait de lui!), entouré des autres compagnons de l’Apôtre, marcha contre les renégats et que ceux-ci vinrent le trouver, il leur dit : « Choisissez ou la guerre à outrance ou une paix qui vous rende tributaires. » Ils répondirent: « O Lieutenant de l’Apôtre ! cette guerre à outrance, nous la connaissons; quelle sera maintenant la paix qui doit nous soumettre au tribut ? » Abû Bakr continua : « Vous payerez le prix du sang de nos morts et nous ne payerons point le prix du sang des vôtres. Vous témoignerez que nos morts sont au paradis et que les vôtres sont en enfer. Nous conserverons le butin que nous avons pris sur vous, et vous payerez l’équivalent de celui que vous avez pris sur nous. Nous vous dépouillerons de vos armes offensives et défensives. Il vous sera interdit de monter à cheval, et vous laisserez pousser la queue de vos chameaux jusqu’à ce que Dieu révèle à un des Lieutenant de son Apôtre ce qu’il doit faire de vous. »
Tous les compagnons de Muhammad se rangèrent à cet avis, sauf en ce qui concernait le prix du sang des guerriers musulmans morts sur le champ de bataille. ‘Umar dit à Abû Bakr : « Ils sont morts dans la voie de Dieu, que Dieu les récompense pour acquitter sa dette envers eux ; j’entends que ce sont des martyrs et qu’il n’est point dû de prix pour leur sang. » Les autres tombèrent d’accord avec ‘Umar sur ce point.
Voilà donc quelle fut la sentence des compagnons) de Mahomet; telle fut la manière de voir des princes de la science! Les docteurs ont disputé sur ce point, mais l’avis du plus grand nombre est que, pour quiconque a été tué en combattant contre les renégats coalisés et belligérants, il n’est point dû de prix de sang, conformément à une décision récente qui est aussi celle des rites d’Abû-Hanîfa et d’Ahmad selon l’une des traditions. Suivant l’autre, Shafi’ï et Ahmad ont adopté dans leurs rites la première décision.
Quant aux mesures prises par les compagnons de Muhammad envers ces renégats revenus à l’islamisme, mais toujours suspects, ce qui nécessitait à leur égard l’interdiction des chevaux, des armes et de l’accès dans l’armée, comme pour les juifs et les chrétiens, ces mesures, disons-nous, consistèrent en l’obligation pour eux de se soumettre entièrement à la Tradition de l’Islam, afin qu’on pût juger de ce qu’ils feraient en bien et en mal. Et lorsqu’un chef de leur religion égarée annonçait l’intention de se convertir, on le retirait de parmi eux et on l’internait dans une ville musulmane. Il fallait alors qu’il se laissât diriger dans la bonne voie ou qu’il pérît dans son hypocrisie.
10° Il n’y a donc nul doute que le Jihâd et les mesures rigoureuses contre ceux-là ne soient au nombre des actions les plus agréables à Dieu et des devoirs les plus sacrés. Le Véridique et les compagnons de Mahomet combattirent les Renégats avant de marcher contre les Dénégateurs Juifs et Chrétiens. Le Jihâd est d’ailleurs une revanche à prendre pour la conquête des Pays d’Islam.
11° Il n’est licite à personne de cacher ce qu’il sait de leurs affaires; au contraire, on doit dévoiler et divulguer leurs secrets, afin que les musulmans soient instruits de la vérité. Personne ne doit les aider à rester à l’armée ou dans une fonction quelconque. Personne ne doit s’opposer à ce qu’on les persécute, d’après les prescriptions suivantes de Dieu et de son Apôtre, qui comptent parmi les articles les plus importants sur le devoir d’exciter au bien, de détourner du mal et de combattre dans la voie de Dieu (qu’il soit exalté!).
Dieu très-haut a dit à son Apôtre :
O Apôtre ! combats les dénégateurs et les hypocrites (IX, 74).
Et parmi les Dits authentiques émanant de l’Apôtre, on trouve ceci :
Dans le paradis il y a 100 degrés; entre chaque degré il y a un espace égal à celui qui est entre le ciel et la terre. Dieu les a préparés pour ceux qui combattent dans sa voie.
Il a dit encore (Dieu le protège et le sauve!) :
1 jour et 1 nuit employés à combattre dans la voie du Seigneur valent mieux qu’1 mois de jeune strictement observé. Le Jihâd est préférable au Hajj et à la ‘Umra
Dieu très-haut a dit : *
Placerez-vous ceux qui portent de l’eau aux pèlerins et visitent la maison sacrée de la prière au même niveau que celui qui croit en Dieu et au jour dernier et combat dans le sentier de Dieu? Non, ils ne seront point égaux devant Dieu. (IX, 19) Ceux qui croient, ont quitté leur pays et combattent dans le sentier de Dieu, sans épargner leurs biens ni leurs personnes, occuperont un degré plus élevé auprès de Dieu; ils seront bienheureux (IX, 20) Leur Seigneur leur annonce sa miséricorde, sa satisfaction et des jardins où ils jouiront de délices permanents (Coran, IX, 21). Ils y demeureront éternellement, à jamais, car Dieu dispose d’immenses récompenses ( Coran, IX, 22 ).