Denhâ de Tikrît, Première Partie de la Vie de Marûtâ, v. 655 n-è

HISTOIRE DES DIVINES ACTIONS

DE SAINT MAR MAROUTA L’ANCIEN

MÈTROPOLITAIN DE TAGRIT QUI AIME LE CHRIST, ET DE TOUT L’ORIENT, ECRITE PAR SAINT MAR DENHA QUI FUT APRÈS LUI MÉTROPOLITAIN DE TAGRIT ET DE L’ORIENT. — LES FIDÈLES DE TAGRIT LUI DEMANDÈRENT DE LA LEUR

ÉCRIRE EN SOUVENIR DU SAINT POUR QU’ILS IMITASSENT SES DIVINES ACTIONS.

 

  1. 1.      EXORDE

Mes frères, l’histoire de la vie de notre saint père Mar Marouta et de son excellente conduite, pour être revélée et annoncée à chacun comme il convient, aurait besoin de sa langue, de son intelligence et de sa volonté instruite en Dieu ainsi que de ses mains et de ses doigts qui jamais, pour ainsi dire, ne se fatiguèrent, ne se ralentirent et ne cessèrent de lire et d’écrire tous les jours de sa vie, et de méditer nuit et jour la loi du Seigneur dans les livres inspirés de l’Esprit qui enseignent les mystères de la sainte Église et desquels il tira de grands et divins profits.

— Moi cependant, humble et pauvre en parole et en oeuvre, plein de confiance en Dieu, qui éclaire les aveugles et instruit les ignorants, et en les prières de notre saint père et de vous qui m’avez demandé son histoire, j’ai été touché comme docteur et comme père et j’ai jugé qu’il n’était pas beau que l’excellence d’un tel père soit cachée, qu’elle soit enfoncée et ensevelie dans le silence comme un trésor caché ; j’ai été amené à vous offrir ceci selon la force et à le placer sur la table spirituelle pour la délectation de vos âmes. Nous avons appris en effet des docteurs divins qu’il est plus beau d’apporter suivant la force que de tout retrancher, et le livre divin ordonne : Exauce toi camarade selon ta force et tends une main secourable ; aussi comme j’ai compris que son histoire serait très utile aux sagaces auditeurs, je l’entreprends plein de confiance en Dieu.

 

  1. 2.      JEUNESSE DE MAROUTA

Saint Mar Marouta appartenait par sa famille au pays de Beit Nehūdrā, dans les environs de Ninive, au village de Šūrzaq. Ses parents étaient fidèles, hommes justes, bons et pieux ; ils possédaient sans réserve un bon renom pour les choses de Dieu aussi bien que pour la richesse , les biens et l’honneur de ce monde. C’étaient des notables, chefs de tout le village dont les habitants étaient de pieux chrétiens grâce à l’enseignement et à la direction des parents du saint qui les amenaient tous à imiter leurs vertus. Ils n’avaient pas d’enfants et préféraient l’amour de Dieu à celui des enfants, une affinité près de lui aux frères et aux domestiques et d’être ses héritiers aux héritiers et aux héritages. Ils aimaient cette nouvelle patrie à venir, le ciel et la Jérusalem céleste qui est la ville du Dieu vivant, plus que cette ville visible. Ils n’aimaient pas ce monde, afin d’habiter et de siéger dans celui qui doit durer toujours ; car ils apprirent de Notre-Seigneur, de Jacques son frère et de Jean l’Évangéliste : ‘N’aimez pas le monde ni rien de ce qui s’y trouve’ et : ‘Celui qui

veut être l’ami de ce monde sera l’ennemi de Dieu’.

 

Lorsque par la volonté de Dieu tout-puissant ils engendrèrent ce bienheureux et le mirent au monde, ils lui donnèrent l’éducation qui convenait à des parents vraiment amis de Dieu et des enfants. Dès sa plus petite taille après le balbutiement, ils le confièrent à Dieu qui le leur avait donné et lui livrèrent son existence. Ils savaient en effet, ces sages dans le Seigneur, qu’il n’y a pas de précaution comparable à celle-là et qu’il n’y a pas de gardien plus puissant que le Seigneur. Ils imitèrent en cela les bienheureuses

Anne et Élisabeth et les autres saints personnages qui offrirent leurs enfants au Seigneur. Il y avait, non loin de leur village de Šurzaq, un saint monastère, nommé de Mar Samuel le montagnard, élevé sur une hauteur, sur la rive du Tigre en face du monastère de saint Mar Sergis qui est près de Balad.

 

Ils le donnèrent dès lors à ce monastère pour être élevé et instruit dans les lettres divines dès son enfance. La grâce divine le suivit comme pour les

saints prophètes Samuel, Jérémie et Jean prédicateur de vérité. Dès sa plus tendre enfance germèrent et apparurent sa mansuétude, son intelligence, la beauté de son excellente conduite et son ardeur pour les sciences.

 

Il y avait dans ce monastère 40 moines, hommes saints, excellents et exercés dans les divins labeurs, soucieux de la perfection à ce point qu’ils ne laissaient entrer aucune femme dans leur monastère, ne semaient pas et étaient sustentés par la charité des fidèles. Quand ils virent la mansuétude de l’enfant, sa douceur, son humilité et son savoir, ils l’aimèrent, il grandit devant eux et ils prophétisaient à son sujet et disaient :

« Que pourra-t-il bien advenir de lui ? » et beaucoup de choses qui se réalisèrent. Après avoir été élevé avec ces saints, et instruit dans la piété, quand il arriva à cet âge où l’on peut distinguer le bien du mal, son vif désir de la divine doctrine ainsi que le conseil et l’ordre de ses sages parents, l’amenèrent aux écoles que l’oncommençait alors à fonder parmi nos fidèles dans ces régions. Il y demeura et y étudia quelques années.

 

Les Nestoriens de l’Orient qui voulaient attirer les simples à leur erreuret enchanter l’oreille des séculiers qui est très facile à tromper par les chants et par de douces modulations — et aussi pour plaire au monde et pour le dominer, et pour manger ainsi les maisons des veuves et des femmes mariées selon la parole de l’Évangile sous prétexte qu’ils prolongent leurs prières — avaient pris soin d’établir une école dans chacun de leurs bourgs pourainsi dire. Ils les avaient organisées avec des chants, des cantiques, des répons et des hymnes qui étaient dits de la même manière en tout lieu où ils étaient. Les pieux fidèles — émus d’un zèle louable et pour obéir à l’apôtre Paul qui conseille et excite (en disant) : Il est beau que vous soyez toujours remplis (l’émulation pour le bien, et votre zèle a attiré un grand nombre’ — commencèrentà établir d’excellentes écoles d’abord dans le pays de Beyt Nehūdrā.

Ils établirent la première dans le village appelé Beit Qoqī (Qoqā), puis à BeytTarlī et à Tell almâ et à Beyt Banī et à Šūrzaq dans le village de notre bienheureuxpère ; les fidèles de ce village aimaient Dieu et les églises et vénéraient les prêtres ; on racontait d’eux de nombreuses belles actions.

 

  1. IL ENTRE AU MONASTÈRE. SES ÉTUDES ULTÉRIEURES.

Lorsque, dans ces écoles, notre père eut été formé et instruit autant qu’il était convenable et utile, il brûla du désir plus élevé et plus divin de la vie monacale. Dès lors il se choisit comme demeure, pour y accomplir sa bonne volonté et y placer son âme et sa vie, le saint et divin monastère de Nardas qui était plus célèbre, plus renommé et plus édifiant que tous les saints monastères de cette région, d’abord à cause de son ancienneté. de sa réputation et de son détachement des biens temporels, puis à cause du grand renom de l’illustre athlète, opérateur de guérisons et de miracles, saint Mar Lazare, qui y avait souffert le martyre et avait montré une force légale dans la persécution atroce que suscita alors contre les fidèles l’impie Bar Ṣawmā de Nisibe lorsqu’il s’efforça à l’aide de mauvaises pratiques et du pouvoir qu’il avait reçu du roi Pīrūz

la vingt-septième année de son règne , d’introduire dans le pays des Perses la doctrine des deux natures, c’est-à-dire de ceux qui honorent l’homme.

En troisième lieu, à cause de la conduite sublime

et divine des saints moines de ce monastère qui étaient en nombre de 70 hommes et s’efforçaient de se devancer et de se surpasser l’un l’autre en perfection.

 

Leurs chefs et leurs directeurs les plus remarquables étaient le bienheureux Mar Gūsī, alors supérieur, et l’excellent Mar Meskenā, hommes saints et thaumaturges durant leur vie et après leur mort. Je vais raconter pour vous être agréable un ou deux de ces (prodiges) que j’ai appris lorsque j’étais dans le pays de Beyt Nehūdrā, afin d’essayer de vous montrer les lions par leurs griffes.

 

Quand les habitants du village de Beit Maloud, sur le territoire duquel est situé le monastère de Nardôs, virent au-dessus de ce monastère un enclos — on y a depuis peu construit un monastère — splendide et beau qui convenait pour y (planter) une vigne, ils le désirèrent et commencèrent injustement à y planter une vigne. Au bout de peu de temps elle poussa, grandit et porta de beaux fruits. Quand le bienheureux Mar Meskenā vit qu’ils avaient fait cela avec audace à l’encontre de toute piété et que cette chose causait un grand

préjudice au monastère et aux bienheureux qui y étaient, il monta vers la vigne appuyé sur son bâton ou plutôt sur la puissance divine qui avait sa confiance et qu’il révérait. Il inclina la tête au bas en priant, puis il monta et alla au-dessus (de la vigne), il étendit la main et la maudit avec le signe vénéré de la croix, et aussitôt elle sécha jusqu’aux racines comme ce

figuier que maudit Notre-Seigneur. Certains, voyant que la vigne avait séché aussitôt et avait péri, comprirent clairement que cela avait eu lieu par la force divine grâce aux prières du saint. L’archimandrite Gousi guérit et mit sur pied beaucoup de malades et ces bienheureux accomplissaient beaucoup de

prodiges, comme nous le racontèrent ceux qui les virent et les fréquentèrent.

 

Quand notre père fut venu à ce monastère près de ces saints et se fut enrôlé parmi eux, il se conduisit de manière si digne de louanges et brilla au point qu’il ne fut pas seulement aimé et vénéré de ceux du dedans, mais aussi de ceux du dehors. Quand l’archimandrite et les purs moines virent qu’avec une excellente conduite il possédait encore à un degré élevé la science dessaints Livres, d’un choix et d’une décision unanimes, ils le nommèrent maitreet docteur et interprète des Livres, exemple des perfections et modèle desbienheureux, car il était attaché et adjoint à sa Sainteté Mar Zaki, évêque du

pays, qui demeurait dans ce monastère et il l’aidait grandement ; il arrivaitmême qu’il le mettait à sa place quand il y avait par hasard quelque nécessité pour cela. Il était pour les vieillards comme une couronne, pour lesjeunes gens un bel exemple, et pour les enfants un sage pédagogue et ungardien qui n’était jamais en défaut.

 

Après avoir ainsi vécu longtemps dans le saint monastère de Nardas, il désira à nouveau les degrés et les progrès excellents et brûla du désir de la science et des révélations des choses admirables qui sont dans les livres des saints docteurs, à l’exemple de saint David et du bienheureux Paul dont l’un disait au Dieu de l’univers : Mon âme s’est attachée à toi et ta main m’a aidé, et : Découvre mes yeux, pour que je voie les prodiges de ta loi ; l’autre écrivait à Timothée son disciple et l’exhortait en disant : Applique-toi à la lecture des Livres et médite-les afin que tout le monde sache que tu progresses ; et il montra tant de zèle et de sollicitude pour la méditation et la lecture de ces divines (sciences) qu’il ne s’occupait pas seulement de faire apporter la bibliothèque laissée par lui à Troas près de Carpos mais encore des livres et des rouleaux (des parchemins). — Comme notre père voulait imiter ces saints par la lecture et par l’amour de la science divine et en toutes les perfections, il quitta, dans l’amour et la paix, le monastère de Nardas, alla au pays des Romains et arriva au saint monastère de Mar Zakī, àcôté de Callinice, et y demeura 10 ans (20 ans chez BH) à lire les livres des docteurs orthodoxes et surtout de Grégoire le théologien le grand, interprété et éclairci par Théodore, docteur et Rabban dans le monastère de Mar Zakī, car les moines de ce monastère s’appliquaient constamment avec amour à lire Grégoire. Notre père s’y occupa convenablement, lut et prospéra, comme en témoignent sa science, sa sagesse et son aptitude aussi grande que possible pour l’interprétation des mystères.

 

Il se rendit de là aux cellules qui sont autour d’Édesse la ville bénie et quej’ai vues moi aussi. Il y demeura peu de temps, y mena une conduite pure ets’attacha à un moine qui était scribe. Il apprit de lui l’art de l’écriture et écrivit en perfection comme en témoignent les écrits qu’il laissa après lui. Il se rendit de là au saint monastère de Beyt Reqūnt près du célèbre savant Rabban Thomas l’aveugle.

Les hommes excellents, à la grave conduite et dignes d’une sainte mémoire, Simon Goubdard, et l’abbas Mar Àfacï s’étaient aussi attachés à lui à cause du même amour de la science.

Quand nous entendons raconter cela, mes frères, comment ne nous jugerions-nous pas dignes d’une punition et d’une condamnation sans remise. Ces saints ont persisté longtemps clans divers pays, au milieu des vexations et des souffrances, pour acquérir la science des saints Livres et des docteurs orthodoxes et nous, nous ne nous préoccupons pas, même dans. nos villes et dans nos maisons, de nous instruire nous-mêmes ainsi que nos enfants et de leur enseigner les divines doctrines. Nous ne prenons pas soin non plus d’écouter la lecture des Livres qui est faite fidèlement dans les églises, les dimanches et aux saintes fêtes.

 

  1. ON LE DEMANDE POUR ÉVÉQUE. SON SÉJOUR AU MONASTÈRE DE MAR MATTAY ET A LA COUR.

Aussi, pendant qu’il était encore en Occident, lebruit se répandit qu’il avait acquis un grand trésor de science et de perfection ; tous les fidèles du Beyt Nehūdrā écrivirent donc à son sujet leur consentement avec une seule volonté et une adhésion parfaite, pour qu’il fût leurévêque; puis ils lui envoyèrent des  messagers avec les lettres, Quand il les reçut, il imita d’abord le bienheureux illoyse et ensuite Jérémie, il refusa lanomination épiscopale et répondit aux évêques et aux fidèles qui lui avaientécrit : Parce que je balbutie, envoie celui que tu dois envoyer’, car je ne le puis aucunement, je suis trop petit par la science comme par la taille pour conduire l’Église qui est la demeure du Dieu vivant. Il craignait, non à cause de sa jeunesse comme Jérémie, mais à cause de l’honneur de la charge, car il avait été initié et instruit par Grégoire le théologien : « Notre prééminence à la loi divine et qui conduit à Dieu, autant elle est élevée et honorable, autant elle est dangereuse. Un homme intelligent devra d’abord être en tout temps et en toutes choses comme l’argent et l’or choisi, sans avoir de falsification ou d’alliage nulle part ».

 

Il faut que celui auquel est confiée une telle charge soit aussi grand en vertu qu’en honneur ; il ne doit pas penser qu’il est important d’avoir une situation élevée, éminente et honorée de beaucoup, mais bien que c’est un grand désavantage si nous nous écartons de la dignité de (notre) ordre et que nous ne fassions pas ce qui lui est dû. Il lui faut montrer grande noblesse et progresser toujours dans le bien afin, par sa grande vertu, d’attirer beaucoup de monde à une (vertu) suffisante , de les amener à Dieu par la persuasion et de les subjuguer par une conduite vénérable et non par la violence. Il saura encore que la folie du chef attire la colère sur tout le peuple, que tenter d’instruire les autres avant d’être suffisamment instruit, (ou) apprendre l’art du potier sur les vases, c’est-à-dire (se borner) à exciter la piété dans les âmes des autres, est chose insensée et téméraire.

Ensuite quand il eut complètement refusé, au bout d’un certain temps ils lui écrivirent à nouveau pour la même cause. Comme il portait un faixtrès précieux de science spirituelle, et qu’il avait recueilli et. amassé dansson âme une conduitedigne de grande louange et beaucoup de fruits ; il consentit à venir, non pas seulement parce qu’on l’appelait, mais aussi par uncertain amour naturel et habituel de ses proches et du pays où il avait grandi,ou plutôt, et ce sera plus près de la vérité, pour favoriser et enrichir les âmes de ses compatriotes et de tout l’Orient à l’aide de la divine

doctrine qu’il avait reçue.

Il obéissait ainsi à l’ordre de Pierre , le chef des apôtres :

Que chacun s’emploie au service des autres selon le don et. la grâce qu’il a reçus de Dieu comme de bons dispensateurs des diverses grâces de Dieu. Que celui qui parle le fasse selon la parole de Dieu, que celui qui exerce quelque ministère le fasse selon la force que Dieu lui a donnée, afin qu’en tout ce que vous faites Dieu soit loué par Jésus-Christ.

 

Il partit donc et vint d’abord à notre saint et patriarcal monastère deMar Mattay ; il dirigea les (moines), les éclaira et les instruisit dans la science de la théologie et dans l’intelligence des docteurs sur l’incarnation de Dieu le Verbe, et la doctrine des saints mystères. Il leur donna aussi et leur fixa des règles et des lois ecclésiastiques en faveur de la régularité et du bon ordre spirituel, non seulement dans les grandes choses, mais aussi dans celles qu’on répute petites : comme de se bien tenir à l’oraison, de réciter le Miserere avec un chant suave et une volonté saine avec ce répons : Détourne ta face de mes péchés ; que les diacres agitent (les éventails) avec science et belle manière et se tiennent à l’autel avec les prêtres dans un ordre beau et grave au moment où le divin sacrifice s’accomplit et au temps de l’office. Il leur établit et

leur fixa le reste des autres canons excellents à cause de la fermeté de son Ame et de sa confiance en Dieu qui le garderait inébranlablement partout où il irait, et pour le profit de la foule des fidèles.

 

Il partit et alla au monastère de Šīrīn (fondé par la reine en 598) pour corriger ceux qui étaient cette époque à la cour du roi. Son départ causa beaucoup de peine aux bienheureux du monastère de Mar Mattay et surtout à mon Humilité, car j’étais l’un de ceux qui s’occupaient à tirer profit de lui.

A son arrivée, comme un bon messager qui porte la vie et qui est envoyé par Dieu, il associa tous ceux qui étaient là à l’exemple des saints apôtres, par l’esprit et par les beaux discours des Pères et par le précepte de vie. Il se ceignit aussi et se fortifia, de manière apostolique, du zèle louable du prophète Élie et il supprimades promiscuités illégales qui avaient lieu alors à la cour du roi au tempsde Kosrō.

Le défunt Gabriel, médecin, qui était vraiment un homme deDieu, selon la signification de son nom, fut appelé d’avance Gabriel à bon droit : il était un fort soutien et une illustration pour l’Église de Dieu en ce payset le protecteur de la foi orthodoxe comme le victorieux et pacifique empereur Constantin. Il se distingua en Orient par son zèle pour la foi et il tenait latète des fidèles à la cour royale. Dans l’église de ce chef des médecins Gabriel et dans le monastère de Šīrīn qui était à la cour royale, peut-être parnégligence sinon avec le consentement ou l’ordre de nos évêques d’alors, ondonnait la communion aux fidèles et aux Nestoriens laïcs sans distinction.

 

Je ne sais pas comment ils oublièrent la parole du divin Apôtre qui a dit : Il n’y aura aucun rapport entre le fidèle et l’infidèle, ainsi que les canons définis et portés par les apôtres et par les saints pères dans toute génération, qui nous ordonnent de fuir tout commerce avec les hérétiques, car ce (commerce) ne nuit pas seulement au corps mais noircit encore les profondeurs de l’âme, il écarte de Dieu et enlève la confiance devant le tribunal du Christ Dieu. Les Pères ont encore dit : « Quiconque s’attache à celui qui déchire l’Église, ne possédera pas le royaume de Dieu ».

Quand notre père vit qu’ils avaient transgressé la loi par négligence et inattention et foulé aux pieds les canons des saints Pères, il guérit cette infirmitépar un soin et un zèle utile, par de sages conseils et par des préceptes curatifs tirés des saints Livres. Ils résolurent de ne plus avoir commerce avecles hérétiques et de ne plus les associer à nos mystères. Il leur montrale chemin de l’innocence ; il leur imposa des canons et de saintes lois, desoffices prolongés, des jeûnes louables, des moeurs innocentes, la lectureconstante des saints Livres et la méditation des choses divines. En peu detemps il instruisit et il éclaira non seulement tous les fidèles qui étaient à la cour et les moines de cet endroit, mais encore leur chef et leur guide, MarSamuel, métropolitain illustre qui était regardé et réputé comme un hommecélèbre et de profonde sagesse par le grand roi Kosrau et par tous les courtisans près desquels il était venu sur un ordre royal.

Sont-ce de petites choses celles qui dénotent les grandes réformes de notre père? Ne forment-elles pas une couronne de louanges et de gloire pour sa tête sacrée et ne le montrent-elles pas combattant pour la vérité ?

Après qu’il fut demeuré un certain temps près d’eux, il y eut dans le royaumedes défections de peuple à peuple et des rébellions qui furent amenées parles péchés, le luxe et l’amour de l’argent ; l’administration et les institutionsdu royaume des Perses sombrèrent parce qu’ils avaient commis le mal.

L’empereur Héraclius et les Romains montèrent et dévastèrent le pays des Perses.

 

Notre saint père ne fut pas ému par leur méchanceté, mais il resta avec courage et dignité à la tête des fidèles, il montra force et patience, toujours exempt

de crainte et courageux comme un bon soldat, distribuant avec rectitude la parole de vérité. Quand il passa de pays en pays, il demeura immuable dans

ses actes et dans ses paroles et ne changea de conduite en rien.

Il partitdonc de là et alla demeurer dans les cellules de Beyt Rabban Šabōr, de pieusemémoire, au lieu nommé ‘Aqūlā. Il y demeura et s’adonnaaux belles actions,au travail, à la fatigue de la parole et aux droits enseignements. Il avait aveclui comme compagnon de route, de lutte et de sainteté le défunt Abbas MarĀḥā. Dieu les avait choisis et élus pour son service dès le sein de leur mère, comme Paul et Barnabé pour la prédication de l’Évangile ; il dit dans sa prédication : Une ville bâtie sur la montagne ne peut pas être cachée et on n’allume pas une lampe pour la placer sous un boisseau mais sur un candélabre afin qu’elle éclaire toute la maison.

Il le choisit dans ses miséricordes pour l’épiscopat ; il le distingua et l’appela par le moyen du patriarche défunt et trois fois bienheureux Mar Athanase, par l’ordre et le choix du patriarche et parla sollicitude de celui qui fut en vérité un bon héritier et un fidèle imitateurde son maitre : de Mar Jean qui fut patriarche après Athanase.

 

Il accepta et monta en Occident avec tous les évêques de cette région.