Bar Penkayê, Chronique, XIV-XV, Première et seconde Fitna, règne de Mu’awiya et interprétation, v. 688 n-è

[CONQUETES DES ENFANTS DE HAGAR]

Lorsque le royaume des Perses prit fin, dans les jours de leur roi Khosro, le royaume des enfants de Hagar s’emparèrent en une fois d’à peu près le monde entier, car ils conquirent tout le royaume des Perses, surpassant tous leurs guerriers qui se piquaient des arts de la guerre.

Nous ne devons pas penser à cet avènement comme quelque chose d’ordinaire, mais comme venant d’une œuvre divine. Avant de les appeler, Dieu les avait préparé à tenir les chrétiens en honneur, et ils eurent aussi un commandement spécial de Dieu concernant notre station monastique, qu’ils devaient tenir en honneur.

Alors, quand ce peuple arriva, sur l’ordre de Dieu, et prit en quelque sorte la relève des deux royaumes, non pas avec quelque guerre ou bataille, mais d’une façon servile, comme quand un tison est sauvé du feu ; sans utiliser des armes de guerre ou des moyens humains. Dieu plaça la victoire dans leurs mains de telle manière que les écrits les concernant pourraient en être emplies, à savoir, « Un homme en chassa 1000 et deux hommes en déroutèrent 10 000 ! » Comment, sinon, des hommes nus auraient-ils pu, chevauchant sans armure ni bouclier, être en mesure de gagner, sans l’aide divine, Dieu les ayant appelé depuis les extrémités de la terre de façon à détruire, par eux, un royaume de péché, et de mettre à bas, à travers eux, l’orgueil des Perses.

Seule une courte période a suffi à ce que le monde entier soit remis aux Arabes ; ils soumirent toutes les villes fortifiées, la prise de contrôle d’une mer d’Est en Ouest – l’Egypte et l’ensemble de « Mesrin » et de la Crète à la Cappadoce, de Yahelman aux portes des Alains, Arméniens, Syriens, Perses, Romains, Égyptiens et toutes les régions intermédiaires : leur main était sur le monde entier, comme le dit le prophète. Seule la moitié de l’empire romain leur échappait.

Qui peut bien porter le carnage qu’ils effectuent sur le territoire romain, dans le Kush, en Espagne et dans d’autres régions éloignées, en capturant leurs fils et leurs filles et en les réduisant à l’esclavage et à la servitude. Contre ceux qui n’avaient pas cessé en temps de paix et de prospérité de lutter contre leur Créateur, il fut envoyé un peuple barbare qui n’avait pas pitié d’eux.

Après avoir atteint à ce jour, cependant, dans le récit, finissons ici ce livre, et rendons gloire au Père, Fils et Saint-Esprit pour toujours, Amen !

XV

[ESSOR DE L’EGLISE SOUS L’EMPIRE PAÏEN]

Alors que nos affaires prospèraient, plus par la providence divine que par une aide humaine, nous nous sommes vu victorieux, grâce à l’aide de notre invincible Roi, dans toutes les guerres soulevées contre nous par des despotes tyranniques ; et nous fûmes tous sauvés tandis que les rois païens restaient, parce que les faibles qui étaient parmi nous ne nous laissèrent jamais en paix, par crainte des persécuteurs.

Dès que quelqu’un commençait à sommeiller dans la vigilance de la Vérité, le four de la persécution l’isolait, sans requérir la punition d’un synode. Parfois, quand la violence de la persécution fléchissait quelque peu, les pères se réunissaient comme d’habitude, jugeant les quelques cas disciplinaires en cours, résolvant des problèmes non résolus, et mettant en vigueur la discipline apostolique, et quelles que soient les autres mesures disciplinaires que les circonstances de l’époque leur réclamait de prendre et de décider. Par conséquent, comme je l’ai dit plus tôt, notre foi était pleine de succès et notre mode de vie prospérait. Il y avait, en effet, de nombreux synodes avant même Nicée, mais ils ne étaient pas œcuménique, et n’avaient pas été convoqués pour établir une nouvelle croyance, mais seulement aux fins indiquées plus haut.

[PERVERSION DE L’EGLISE SOUS L’EMPIRE CHRETIEN]

Mais une fois la paix rétablie et que les rois chrétiens eurent repris les rênes du gouvernement des Romains, alors vice et scandale entrèrent en l’église, et les synodes et les sectes se multiplièrent, parce que chaque année, quelqu’un inventait un nouveau credo. La sécurité et la paix conduisirent à de nombreux maux. Les amateurs de gloire sans cesse de nouveaux problèmes excitèrent, utilisant l’or pour obtenir le consentement des rois, afin qu’ils puissent jouer avec eux sur ces sujets comme de petits enfants. Tout cela se passait parmi les Romains.

Quant à l’Eglise de Perse, comme elle était sous la domination des mazdéens, il n’avait rien d’autre à opposer. Bien que certains scandales aient surgis, , cependant, on n’a pas permis à ce scandales de croître, car dès e départ, le Seigneur les réprimait. Ainsi, alors que ces choses se passaient ainsi depuis les temps apostoliques jusqu’au règne du dernier Khosro, notre Sauveur, à qui tout est clair avant même qu’il n’arrive, vu combien nous avions perdu au cours de cette longue période de paix et vers quels maux nous étions menés du fait de l’ingérence des rois chrétiens qui voulaient nous faire dire que cette nature souffrit au-dessus pour toute souffrance_ ce que même les démons n’avaient osé avancer. Il nous révéla de nombreux signes, dont certains que nous n’avions même pas remarqué.

[DIEU PUNIT LES HOMMES POUR LEURS SCHISMES : IL LEUR ENVOIE UN ROYAUME BARBARE]

Car depuis ce malheureux schisme jusqu’à nos jours, trois fois, Il nous a montré le soleil qui il a montré à ceux qui le crucifièrent, ainsi que des tremblements, des séismes et des signes terrifiants dans le ciel, indiquant la malice des hérétiques et les événements qui devaient se produire sur la terre.

Quand Il vit qu’il n’y avait aucune modification, Il souleva un royaume barbare contre nous, un peuple qui ne voulait entendre aucune supplique, qui ne connaissait ni compromis, ni paix, et dédaignait la flatterie et la bassesse. Son plaisir était de verser le sang sans raison, et son plaisir était de mettre la main sur tout. Sa passion était raid et rapine, et sa nourriture était haine et colère ; il n’était jamais apaisé par des offrandes qui lui étaient faites.

Quand il eut prospéré et fait la volonté de Celui qui l’avait envoyé, il prit possession de tous les royaumes de la terre, soumit brutalement tous les peuples et conduisit leurs fils et leurs filles à un amer esclavage, vengea en eux l’opprobre de Dieu le Verbe, et le sang des martyrs du Christ versé sans aucune faute, notre Seigneur était satisfait et reposé, et il accepta de donner la grâce à son peuple.

[PUNITION DES FILS DE HAGAR : la FITNA]

Alors le Seigneur, pour punir les fils de Hagar pour les ravages qu’ils avaient faites, leur donna deux dirigeants depuis le début de leur royaume et les divisa en deux sections. C’est ainsi que nous pourrions comprendre le mot qui a été dit par notre Sauveur.

Mais ils étaient unis jusqu’à ce qu’ils soumissent la terre entière, mais quand ils revinrent à la tranquillité et se reposèrent de la guerre, ils s’affrontèrent les uns aux autres. Ceux de l’Ouest disaient : « on nous doit la supériorité, et le roi doit être choisi parmi nous ».

Ceux de l’Est les contredisaient et affirmaient que c’était plutôt à eux que cela était dû. En conséquence de cette affirmation, ils en vinrent aux mains. Lorsqu’ils se furent installés en affaire par ces méthodes, la victoire échut aux Occidentaux, appelé Omeyyades, et ce après un grand carnage entre eux.

[PAIX DE MU’AWIYA ET LOI DE MHAMET, CHRISTIANISME TRIOMPHANT]

Un homme parmi eux, nommé Mu`awiya, prit les rênes du gouvernement des deux empires : persan et romain. La justice prospéra sous son règne, et une grande paix s’établit dans les pays qui étaient sous son gouvernement, et permit à chacun de vivre comme ils le souhaitaient.

Ils avaient reçu, comme je le disais, de l’homme qui était leur guide, une ordonnance en faveur des chrétiens et des moines. De même en raison de sa guidance, ils tenaient à la vénération du Dieu Unique, selon les coutumes de l’ancienne Loi. Tout d’abord, ils étaient si attachés à la Loi (nomos) de « Mhamet » qui était leur chef, qu’ils infligeaient la peine de mort à toute personne qui faisait mine de ne pas obéir à ses ordres. Leurs troupes allaient chaque année dans des pays et îles lointaines, perquisitionnaient et ramenaient des captifs de toutes les nations qui sont sous le ciel.

De chaque homme ils ne requéraient que le tribut, et le laissaient libre de tenir sa croyance, et il y avait même parmi eux des chrétiens : certains appartenaient aux hérétiques (jacobites) et d’autres à nous (nestoriens). Tandis que Mu`awiya y régnait, il y avait une paix dans le monde dont on n’avait jusque là jamais entendu parler,  de nos pères et des pères de nos pères. C’était comme si notre Seigneur avait dit :

« Je vais vous tester de cette façon, comme il est écrit : « Par la grâce et la justice l’iniquité peut être pardonnée »

Les hérétiques maudits qui ont reçu cette assistance pour le temps présent, au lieu d’évangéliser et baptiser les païens, comme l’exige la loi ecclésiastique, ont entrepris une évangélisation contraire, pervertissant leur sacrilège dans presque toutes les églises de Rome, et faisant revivre et rebâtir ce qui avait déjà été aboli. En conséquence, la plupart des Occidentaux ont toujours utilisé “Immortel, qui a été crucifié pour nous” Toutes les églises sont ainsi devenues comme un désert.

[NOUVELLE PERVERSION LIEE A LA PAIX]

Dans la même manière que nous avons relaté plus tôt les actions du brave quand nous méritions la louange, nous devrions exposer notre faiblesse sans dissimulation : parce que l’Ecriture dit : ” Maudit soit celui qui appelle le mal bien et le bien mal”

Cette période de calme fut pour nous la cause de tant de faiblesse, qu’il nous est arrivé ce qui est arrivé aux Israélites, dont il est dit :

«Israël s’est accru, gros et paresseux, il est devenu gras et riche, il a abandonné le Dieu qui l’a fait, et méprisé le fort qui l’a sauvé.”

Les occidentaux, il est vrai, se raccrochaient fermement à leur sacrilège, mais nous qui croyons que nous adhérions à la vraie foi, nous étions si loin des œuvres de chrétiens, que si l’un des anciens avait resurgi et nous avait vu, il aurait été étourdi et aurait dit : « Ce n’est pas la foi dans laquelle je suis mort »

[CLERGE]

Donc, je suis obligé de tout révéler, de sorte que nous savons que tout ce qui nous est arrivé, nous est arrivé à juste titre, et que nous avons été punis en mesure de nos actes et de nos mérites. Les évêques ont oublié l’ordre : « Prêcher la parole, se lever avec zèle, en saison et hors saison, continuer à essayer, en toute patience et doctrine ». Au lieu de tout cela, ils ont fait le contraire : ils édictèrent des ordres en criant fort comme des archontes, et envoyèrent la terreur de leurs voix à leurs sujets, comme des animaux sans raison. Ils puisent leur force et de puissance non pas du Christ, mais de tribunaux civils, se sont impliqués dans les affaires publiques et les querelles non canoniques. Ils essayèrent beaucoup de se montrer ministres du Christ par orgueil plus que par humilité. Ils ont beaucoup de gens qui courent devant et derrière eux. Ils reçoivent des ovations à cheval et à mulet, comme des Hyparques. L’un se moque des autres, et la confusion perpétuelle règne parmi eux. Ils jugent durement et punissent sévèrement. Ils enseignent non pas pour édifier, mais à la gloire des paroles retorses et des discours affectés, et ils respirent toujours la gravité. Même dans leurs lettres ils parlent comme des hommes fiers. Regardez ceux qui sont mis à notre tête.

Mais, que dire de ceux qui viennent derrière eux, la phalange des prêtres et des diacres, qui ne servent pas le Christ, mais leur ventre, qui ne sont pas préoccupés par la fracture de Joseph ; serviteurs de César et pas du Christ, les amateurs de sordides intérêts et non des intérêts de la foi. On construit des sanctuaires, et il n’y a personne pour ouvrir les portes. On érige des autels, et ils sont couverts de toiles d’araignées. Ô ! Quel crime ! Quelle pénitence !

[ELITE LAIQUE]

Parlons des dirigeants et supérieurs, dont le crime a dépassé toutes limites. Parce que vous devez leur dire ce qu’ils veulent entendre, ou bien être prêts à leur faire la guerre, ceux qui n’ont pas pitié des membres du Christ : ceux dont la nourriture est la chair humaine ; ceux qui ont besoin non seulement de ce qu’ils requièrent, mais qui ne sont pas même satisfaits de superflu ; ceux dont les pâturages sont les pauvres. Ils sucent le sang humain comme les sangsues de Salomon, et ne reçoivent pas à leur faim.

Ils n’ont jamais l’intention de faire la volonté de Dieu, de sorte que dans leurs haines internes, ils provoquent la perte du monde. Ils ramassent, jettent et donnent à la teigne. Comme une tombe, rien ne peut satisfaire leur cupidité. Ils ne peuvent pas vivre dans la justice, et ne comprennent pas qu’ils sont des hommes et que ce sont des hommes qu’ils gouvernent. Ils ne se souviennent pas qu’ils sont mortels, et ne s’inquiètent jamais de qui ils collectent et thésaurisent.

Et, ce qui est le pire de tout, ils blasphèment le Très-Haut, croyant qu’il est complice de leur méchanceté. Ils s’engraissent sur les travaux des autres, comme un veau sur l’herbe. Ils ne comprennent pas que le nécessiteux existe. Leur pensée, jour et nuit, est de savoir qui attraper dans leur filet : nos hommes riches. Quant aux juges, ils se laissent corrompre avec des cadeaux. Voici leurs tromperie et leur hypocrisie, leur colère, méchanceté et rudesse.

[PEUPLE]

Parlons de la population, il est ouvert à tout le monde de vivre comme un mouton, à sa manière. La loi n’est pas pour lui, alors il transgresse la loi. Je dirais ici ces paroles mémorables : tous ont péché et se sont fait haineux, il n’y a personne, pas un seul, qui ne fasse le Bien. Leurs gorges sont comme des tombes béantes et leurs bouches sont pleines de malédictions et poison, et le reste du chapitre (de la Bible) nous est applicable. Nous avons oublié Celui qui nous a créés et nous n’avons jamais parlé de Celui qui nous a sauvés. Nous n’avons jamais pensé à ce qu’il nous demande. Celui qui a excellé dans ces exactions était le bienvenu parmi nous. Nous envions ceux qui amassent de l’argent, car tous, autant qu’il le peut, assume le joug du mal, et si quelqu’un brisait ce joug, ce serait parce qu’il n’avait pas le temps ou la force. Quelle méchanceté n’a pas porté notre siècle ! Il n’y avait plus aucune différence entre païen et chrétien, le croyant n’était pas distinct du Juif, et ne différait pas de l’imposteur.

Disons un peu plus sur les crimes que nous commettons ! Nous avons tous brisé le joug et rompu les liens. Je déteste fortement dire cela, je le dis et nonobstant je ne mentirai point. Parce que s’il y a quelqu’un qui nie de sa bouche la vérité de ce que je dis, il avoue certainement dans son cœur que les mots que je dis est vrai.

En Egypte, la mère de sorcières, la sorcellerie ne s’est jamais autant répandue que durant notre siècle. A Babel, les astrologues et les devins ne furent jamais aussi nombreux qu’ils le sont désormais, au sein du peuple chrétien. Les païens ne quittaient pas la mort sans sépulture, comme les soi-disant chrétiens d’aujourd’hui.

Nous avons même pensé que nous pourrions chercher un refuge en dehors de Dieu ! Comment puis-je le dire sans larmes ! Comment appeler « chrétiens » ces gens ? Qui, connaissant le Christ les appellerait « humains ». Qui pourrait les considérer comme le peuple de Dieu ?

Ils hurlaient comme des chiens aux pauvres qui frappent à leur porte, et regardaient les étrangers qui voyageaient au nom du Christ comme des ennemis de Dieu, et cette classe de moines que les démons eux-mêmes craignent et que les anges honorent furent avilis et méprisés à leurs yeux, ils les considéraient comme le linge sale d’une femme en période.

C’est le mal de Sodome, la sœur outrecuidante, qui se nourrissait du pain et restait au repos, ne tendait jamais une main secourable aux pauvres et aux nécessiteux. L’époque nous montre les choses qui se produisent suite à ces crimes. O vous qui m’entendez, ces choses existent-elles, oui ou non ?

Oui, elles existent, et moi ai aussi qui suis de votre nombre, et peut-être pire que vous, je sais qu’elles existent.

Je n’ai pas encore divulgué d’autres impuretés plus sombres que celles-ci : la persécution des prêtres, la calomnie contre les Saints, le commerce avec les infidèles, l’union avec le pervers, les relations avec les hérétiques, l’amitié avec les Juifs.

Quoi ! Ces choses sont réelles? Nous sommes obligés de dire la vérité.

Vous pouvez encore voir des profanations supérieures à celles-ci : le mépris des lieux saints, la moquerie des sacrements divins, la profanation moqueuse de la sainte journée du dimanche, la négligence des réunions qui sont les jours de fête de Notre-Seigneur, la transgression de la Loi, et des canons apostoliques, la cessation des émoluments et de la dîme canonique.

Est-ce que ces choses existent, mes chers amis, ou ne existent-elles pas ? Oui, ils existent.

Je ne ai pas encore divulgué d’autres impuretés supérieures à celles-ci : les ablutions impures et inutiles ; les innovations constituées de la consultation du sort dans l’eau, la fréquentation des portes des devins, le trop grand attachement à la cendre et aux ligatures des bras, une liberté profanatrice de cacher des choses dans les logements des démons, une trop grande facilité pour permettre de se laisser convaincre par les illusions diaboliques des rêves ; les querelles, les disputes, l’assassinat, l’adultère, la rapine, le vol.

Quoi, mes frères ! Ces choses existent-elles oui ou non ? Je sais qu’ils existent, et je suis fatigué de dire cela aux autres.

[CONCLUSION DE LA PERIODE DE PAIX]

Tous ces maux sont le produit de la période de paix. Cela ne signifie nullement que, dans ces jours là, nous étions obligés de faire tout cela, mais que notre méchanceté n’a pas apprécié l’honneur qui lui était faite. Cette période, si nous avions voulu, aurait pu être un moment de grandes bénédictions. La paix régnait partout, la terre nous a amplement livré ses fruits. Une bonne santé prévalait, l’amitié était partout, le commerce redoublait, les enfants ivres de joie, la richesse était généralisée, les richesses étaient immenses, les rois étaient en paix, il y avait de bonnes relations entre les seigneurs, les routes étaient ouvertes, les forces de l’ennemi étaient brisées, les trompettes de la guerre étaient endormis.

Pour quelle raison cela n’existe-t-il plus ? C’est l’effet de la main du Christ, tout-puissant et plein de grâce. Qu’avons-nous fait, nous, en contrepartie de tous ces avantages, si ce n’est l’iniquité que nous avons relaté ci-dessus. Nous avons rendu le mal pour le bien, la haine pour l’amour, et nous sommes devenus ingrats à notre Bienfaiteur.

[PREMIRS SIGNES : SEISME, SIGNES, SAUTERELLES

Par conséquent, lorsque nous fûmes mêlés à tous les maux et toutes les impuretés que nous avons mentionnés, et Dieu regardait et était attristé, et commença à montrer Sa miséricorde comme d’habitude, pour amener progressivement nos esprits à la repentance. Il y eut un séisme dans la ville (Edesse, 679), mais la dureté de nos cœurs les voyait et se taisait. Il faisait des signes apparaissant dans le ciel, et notre nature méchante les vit et ne prit jamais le soupçon. Il envoya des sauterelles et les criquets qui ravagèrent les champs et les vignes (679), et aucun de nous ne demanda la cause de tout cela.

L’empire commença à chanceler, et notre cœur ne s’était aucunement déplacé. Il exploita notre bien par les impôts, et notre pensée n’en fut touchée en aucune façon. Le royaume qui nous administrait fut divisé en deux sections, chacune d’entre elles attaqua l’autre, et la dureté de notre cœur n’a pas changé. Il envoya des troupes, détruisit des villes et désertifia les routes.

Quant à nous, nous sommes restés parqués dans notre iniquité, comme des moutons dans les pâturages, (la punition) commençait à nous rejoindre progressivement, de sorte que nos cœurs pouvaient s’éveiller, si possible. Il apporta la peste aux bovins, de sorte que nous aurions pu nous réveiller, mais nous avons pensé que c’était un simple incident. La nouvelle des prises de captifs et des épidémies nous arriva nous de nos voisins, et nous dîmes que c’était un coup de chance.

Donc, moi aussi, prenant la part du Christ, je dirai avec le prophète Isaïe : « Ciel, terre, êtres raisonnables et êtres dépourvus de raison, juge entre Moi et Mon peuple. Que pouvais-je faire pour Mon peuple que Je n’ai pas fait ? Car J’attends à ce qu’ils fassent le bien, et ils firent le mal. Attendez un peu et voyez ce que je ferai pour mon peuple. »

[SECONDE FITNA]

Lorsque Mu`awiya finit ses jours et quitta le monde, Yazid son fils, régna à sa place. Il ne suivit pas les traces de son père, mais il aimait les jeux d’enfants et les passe-temps de veillée. La force des hommes diminua sous son faible gouvernement ; parce que le diable a mis la touche finale à la peine des hommes, que de labeur inutile ; mais Dieu lui a fallu peu de temps après.

Quand il a donc quitté le monde, il y avait l’un d’eux nommé (Ibn) Zubayr, qui fit entendre sa voix au loin. Ils disent de lui qu’il était venu en zèle pour la maison de Dieu. Il menaça l’occident, comme les transgresseurs de la loi. Alors, il alla au sud, dans le lieu où était leur lieu de culte, et s’y installe.

Une guerre contre lui se prépara, et il fut défait. Ils mirent même le feu à leur propre lieu de culte, et beaucoup de sang fut versé. Depuis lors, le royaume des Arabes ne s’en est jamais remis. Alors, quand il mourut, ils élirent son fils comme émir. Les Occidentaux avaient un général nommé `Abd al-Rahman ibn Ziyad et les Orientaux en avaient un autre appelé al-Mukhtar (commandeur alide, vaincu en 687 par Ibn Zubayr).

Nisibe, à cette époque, appartenait à l’Ouest, et était gouuvernée par un émir nommé Ibn`Uthman. Un autre émir des Occidentaux appelé Ibn Nitron, attaqua. Les Occidentaux dirent que « Nisibe nous appartient de plein droit parce qu’elle faisait partie du royaume des Romains » et les Orientaux prétendait qu’il appartenait aux Perses et qu’il leur revenait de droit. En raison de ce conflit, il y eut beaucoup de peine en Mésopotamie. Les Occidentaux triomphèrent et les Orientaux furent expulsés. L’année d’après, Ibn Nitron rassemblé une grande armée et réunit des cavaliers pour lui, (aussi nombreux) comme le sable. Il se fit très arrogant et marcha à la bataille contre les Aqûlites (Kûfites). Il prit avec lui Jean, qui était à l’époque évêque de Nisibe.

Quelque temps auparavant George (m. 681), patriarche de l’église du Christ, avait été transporté à la vie de gloire et le siège patriarcal était occupé par Mar Hnanisho` l’exégète, Ibn Ziyad promit à Jean que « si vous venez avec moi, je ferais déposer Mar Hnanisho` et vous établirais à sa place dans le patriarcat. »

Alors il crut longtemps que la victoire serait à lui, parce qu’il avait de nombreux généraux.

Mais al-Mukhtar était en colère contre les `Aqûliens parce qu’ils étaient impropres à la guerre, et il donna l’ordre que tous leurs esclaves soient libérés et enrôlés dans l’armée à leur place. Lorsque cette ordonnance fut publiée, de nombreux esclaves, anciens prisonniers de guerre, se réunirent avec lui. Il leur donna comme général un homme nommé Abraham (ibn al-Ashtar) et l’envoya à la bataille avec Ibn Ziyad, avec 13 000 hommes qui étaient tous à pied, sans armes, équipement, chevaux, ou tentes ; mais chacun ayant dans sa main une épée, une lance ou une massue ; et ils partirent.

Quand ils se furent réunis sur une rivière nommée Khazir (bataille du Zab, 686), ils se battirent en une terrible bataille. Tous les guerriers des Occidentaux furent tués, et leur orgueil fut transformée en une grande honte ; ils furent conquis non pas par des guerriers, mais par des faiblards.

L’homme espérant le patriarcat eut de la difficulté à seulement sauver son manteau. Les Occidentaux furent taillés en pièces, perdirent leur général, tandis que leurs ennemis saisirent leurs magasins militaires, leur richesse, leur équipement, leurs bras et de leur argent et ils prirent la fuite dans la confusion jusqu’à ce qu’ils eussent traversé le fleuve Euphrate.

Ces esclaves étaient appelés Shurt, un nom qui indique leur ardeur pour la justice. Ils arrivèrent puis pénètrèrent dans Nisibe, qu’ils capturèrent. Ils s’emparèrent de toute la Mésopotamie, et dans chaque affrontement avec l’ennemi la victoire leur revenait. Quand ils furent entrés à Nisibe, Abraham laissa son frère comme général, alors qu’il descendait à `Aqûla. Mais parce que le Nisibites voulaient un général de leur propre ville, et parce que Abraham, comme son frère, était issu des Tayaye (arabes), ils se levèrent contre ce dernier et le tuèrent avec ses officiers et mirent en place pour les gouverner un homme de leur pays, nommé Abu Karib.

Les `Aqulites repentis de ce qu’ils avaient fait, parce qu’ils avaient vu que leurs esclaves s’étaient révoltés contre eux. Donc, ils se levèrent contre al-Mukhtar et lui firent la guerre. Après les avoir battu à plusieurs reprises, à la fin il fut battu et tué par eux, lui et une grande armée qu’il avait formé avec des prisonniers de guerre.

Beaucoup d’autres prisonniers assemblés et réunis pour ceux qui étaient à Nisibe. Et chaque jour, ils se sont réunis les hommes de tous les côtés et les inscrits avec eux. Ils prirent de nombreuses forteresses et semaient la peur chez les Arabes, et où ils allaient, ils étaient victorieux.

[CATASTROPHE DE L’ANNEE 67 DES ARABES]

Depuis ce temps, Dieu commença à se mettre en colère contre la terre. Il s’agita et se leva comme un géant ; Il fit étinceler son épée et terrifia le monde ; Il révéla son bras et l’univers trembla ; il appela à la destruction sur tous ses ennemis et commença à se venger de tous ceux qui le détestait. C’est comme si on disait : « J’ai gardé le silence pour l’éternité, dois-je continuer à me taire ? » puis : « Maintenant, je me lèverai, dit le Seigneur, maintenant je vais me lever, maintenant je serai exalté ; tu concevras des épines ».

Pour voir que, dans toutes les circonstances qui ont eu lieu, nous étions restés dans notre méchanceté, et ne pas devenir pénitent; parce que les prêtres ne nous disent pas: “Où est le Seigneur ton Dieu», et les gardiens de la loi ne l’ont pas reconnu ; parce que les pasteurs l’ont trahi, alors que chacun de nous se retire et dit au Seigneur “Pars d’ici !” le Seigneur est justement en colère contre nous.

Il a commencé à nous faire la guerre, non à l’aide des rois despotiques qui nous oblige à adorer les idoles, ni par des Ariens, ni par celui de Eunomiens, mais par lui-même. Par la force de sa puissance les peuples furent agités et les royaumes tremblèrent. Il éleva la voix et la terre fut ébranlée. Il mit les peuples contre les peuples, et les royaumes contre les royaumes. Selon sa parole, il créa les famines, séismes et fléaux. Il a remis la génération pécheresse dans d’écrasantes tribulations sans précédent. Ce qu’ils ont semé, ils l’on récolté. Il souffla (cette génération) à l’écart et elle a disparu, et il nous a mis entre les mains des pillards. Qui peut calculer les nombreuses tribulations qui entourent le monde ; en particulier les tribulations inégalées de la peste et de la famine ?

Les hommes étaient emprisonnés de peur de pillards, car on ne pouvait même pas s’éloigner des endroits où il y avait la sécurité.

[PESTE]

Dans la 67ème année de l’empire des Arabes, suivant les indications frappantes et les terreurs dont nous avons parlé plus tôt, et suivant les batailles et les guerres à travers lequel (le Seigneur) nous a appelés à la repentance – mais nous l’ignorions – dans la même année 67 cette cruelle épidémie a commencé, qui n’a pas été égalée et ne le sera jamais, je l’espère.

Selon l’habitude du sacrilège qui s’était développé chez les hommes, ils n’enterraient même pas ceux que la mort avait moissonné, mais, comme les païens, ils les abandonnaient et fuyaient. Dès lors, frères et parents sont devenus comme chiens et animaux à ceux qui mourraient, et corbeaux et vautours se chargeaient de les inhumer. Les corps des morts gisaient dans les rues et les marchés comme le fumier sur la terre, contaminant ainsi les sources et les rivières. Les chiens commencèrent à manger alors qu’ils étaient encore en vie ; chacun voyait son destin de ses propres yeux. Le frère n’avait aucune pitié du frère, ni le père du  fils. La compassion de la mère de ses enfants était détruite ; elle contemplait leurs convulsions provoquées par les douleurs de la mort et ne s’apparochait pas, même les yeux fermés.

C’était un spectacle empli de chagrin, un sacrilège terrifiant. Ceux qui étaient encore en vie se dispersèrent dans les montagnes, comme des brebis sans berger. Ils voulaient ainsi éviter la peste, mais elle les suivait comme une moissonneuse. Chiens et bêtes sauvages s’entassaient comme des gerbes. Ils étaient constamment harcelés par des pillards, dont ils ne pouvaient pas s’échapper, car ils erraient partout, les suivants comme des glaneurs. Ils les transportaient hors des lieux cachés, les privaient de tout et les laissaient nud. Mais ils pensaient qu’il était possible d’échapper à Dieu sans repentance et sans revenir à lui avec un cœur plein de pénitence.

[…]

Les prêtres et les gardiens de la loi ont péri, et les églises sont devenues désertes. Les vases sacrés ont été souillés. Des villages ont été brûlés, et les villes dévastées et la peur commande à chaque pas. C’était la première génération, c’est-à-dire le début de la douleur. Il continuait à nous châtier 7 fois plus pour nos péchés. Toutes les paroles des prophètes et des apôtres, et toutes les malédictions contenues dans la Loi étaient en action contre nous. Nous avons été pillés et dispersés sur toute la terre, nous étions dans la détresse, comme un roseau agité par les vents. Nous avons été dans l’angoisse et l’agitation, comme Caïn était sur la terre. Qu’est-ce ! Une autre calamité nous a frappés pour que nous retirions tout moyen de fuir et de s’en échapper. La famine, je veux dire, et la peste.

[FAMINE]

Après avoir évité la peste, nous avons été poursuivis par la famine, et tout ce qui restait fut enlevé par des pillards.

[…]