Nuwairi, 683-9 : Révolte de Quçayla et mort de ‘Uqba, v. 1320 n-è

Quand il fut parvenu dans le cœur du pays, les Romains envoyèrent un agent auprès de Quçayla Ibn Bahram al-Awarbî, lequel se trouvait avec l’armée de ’Uqba.

Quçayla était un des hommes principaux parmi les Berbers. Devenu musulman pendant le gouvernement d’Abou’l-Mohadjir, il fut si sincère dans sa conversion, que celui-ci en parla à ‘Uqba qui venait d’arriver, et l’instruisit de la grande influence et autorité que Quçayla exerçait sur les Berbers. ‘Uqba ne fit aucune attention à cette recommandation ; aucontraire, il ne témoigna pour Quçayla que de l’indifférence et du mépris. Parmi les traits insultants qu’il se permit envers lui, on raconte le suivant : il venait de recevoir des moutons, et, voulant en faire égorger un, il ordonna à Quçayla de l’écorcher.

« Puisse Dieu diriger le Commandeur au bien ! lui dit le chef Berber, j’ai ici mes gens et mes esclaves qui pourront m’éviter cette peine. »

Mais ‘Uqba répondit par des paroles offensantes, et lui ordonna de se lever.

Quçayla se retira en colère, et, ayant égorgé le mouton, il essuya sa main encore sanglante sur sa barbe. Les Arabes qui passaient lui disaient :

« Que fais-tu, Berber ? et il répondait :

-Cela est bon pour les poils. »

Mais un vieillard d’entre les Arabes passa et leur dit :

« Ce n’est pas pour cela ; c’est une menace que ce Berber vous fait ! »

Alors Abu al-Muhajir s’adressa à ‘Uqba et lui dit :

« Qu’as-tu fait ? voilà un homme qui exerce une grande influence sur son peuple, un homme qui était encore polythéiste il y a peu de temps, et tu prends à tâche de faire naître la rancune dans son cœur ! Je te conseille de lui faire lier les mains derrière le dos, car je crains que tu ne sois victime de sa perfidie. »

‘Uqba ne fit aucune attention à ces paroles, et Quçayla, se voyant en correspondance avec les Romains, profita d’un instant favorable et prit la fuite. Bientôt il se trouva entouré de ses cousins, de ses gens et de plusieurs Grecs qui se rallièrent à lui.

Abu al-Muhajir recommanda alors à ‘Uqba de l’attaquer sans lui donner le temps d’organiser ses forces ; car, pendant toutes ses expéditions, ‘Uqba menait Abu al-Muhajir avec lui et le tenait dans les fers.

‘Uqba marcha alors contre Quçayla, lequel se retirait devant lui. Les Berbers disaient à leur chef :

« Pourquoi te retirer ? ne sommes-nous pas 5 000 :

-A chaque jour, leur répondit Quçayla, notre nombre grossira et le sien diminuera. D’ailleurs, ses hommes l’abandonnent, et je ne veux aller l’attaquer qu’à son retour vers la province d’Afrique.

 

[…]

Et moi aussi, répondit Abu al-Muhajir, je veux gagner ce que tu gagneras.

‘Uqba fit alors une prière de deux rékas, et brisa ensuite le fourreau de son épée : Abu al-Muhajir en fit de même, ainsi que les musulmans qui étaient avec eux. Les cavaliers mirent pied à terre par l’ordre de ‘Uqba, et combattirent avec intrépidité jusqu’à ce qu’ils furent tués ; pas un n’échappa.

Zuhayr b Qais prit alors la résolution d’attaquer les Berbers ; mais ses troupes refusèrent de lui obéir. Il quitta en conséquence la ville de Qayrwan et se rendit à Barka, où il s’arrêta et où la plupart des musulmans vinrent le rejoindre.

Quant à Quçayla, il se trouva à la tête d’une immense multitude, et se dirigea vers Qayrwan, où quelques musulmans qui n’avaient pu emporter leurs biens et leurs familles restaient encore. Ils offrirent de rendre la ville pourvu qu’on leur fît grâce, et Quçayla, y ayant consenti, fit son entrée dans Qayrwan, et se rendit maître de la province d’Afrique.