Mas’ûdî, Avertissement, Rome et les Rûms : distinction, 950 n-è

Le maître de Rome dépendait de celui de Constantinople, reconnaissait son autorité et la représentait. Il ne portait pas de diadème et ne se donnait pas le titre d’empereur. Ces usages, établis longtemps avant l’Islam, furent observés jusqu’en l’an 330 de l’hégire environ. A ce moment, celui qui détenait l’autorité à Rome, s’étant senti puissant et soutenu par une armée nombreuse, prit le diadème, les vêtements de pourpre, les sandales rouges et les autres insignes par lesquels se distinguait l’empereur de Rome, en méme temps que le titre d’empereur. Quand la nouvelle en parvint à Constantin, fils de Léon, qui règne aujourd’hui sur les Grecs, il envoya contre lui des troupes qui revinrent après avoir été défaites et mises en fuite. 11 dut alors écrire à l’empereur de Rome et se contenter d’en obtenir la paix. Avant cette lutte ils s’étaient unis par une alliance. L’empereur de Rome avait donné sa fille en mariage à Romain, fils de Constantin, et la lui avait envoyée avec les présents les plus magnifiques
et les plus considérables qui aient été jamais faits à une fille de roi-. Elle mourut auprès de son époux.

Toutes les autres branches des Francs, les Jalâliqâ (Galiciens), les Jàska (Argonais), les Washkana (Basques), les Armanijâ (?), la plupart des tribus slaves, les Bulgares, ainsi que d’autres peuples, suivent la religion chrétienne et reconnaissent l’autorité de celui qui gouverne à Rome. Rome est la capitale de l’empire des Francs, tant dans l’antiquité que de nos jours. Aristote le dit dans une lettre à Alexandre où il exhorte ce prince à aller combattre Dara, fils de Dara, roi de Perse. Il lui dit: » Tu as appris à connaître, ô prince, les signes de la victoire aussitôt que tu es entré chez les Francs ; ceux de leurs chefs qui étaient aux limites de leur pays ont, à ton approche, livré les frontières, et ils se sont réfugiés dans leur capitale, Rome. »

Les territoires habités par les Romains et par les Grecs étaient voisins, comme les Nabatéens, habitants de l’Irak, l’étaient des Perses, habitants du Fars, de l’Ahwàz et de plusieurs parties du Djébàl, telles que les Mâhât. C’est ce que nous avons rappelé dans ce livre, au chapitre où nous avons parlé des sept nations, depuis le temps qui a précédé la dispersion des races et la formation des peuples jusqu’à l’époque où les Romains, ayant conquis la Grèce, ont étendu à tout leur empire le nom de Rûm, de même que firent les Perses lorsqu’ils eurent détruit l’empire des Nabatéens, si ce n’est que dans ce dernier cas, les deux peuples conservèrent leurs généalogies et gardèrent distinctes leurs branches.

Dans l’histoire des Grecs insérée dans notre livre « des diverses sortes de connaissances et de ce qui est arrivé dans les siècles passés », nous avons déjà remarqué que les neuf provinces grecques qui confinent aujourd’hui au territoire musulman, avec le pays qui s’étend à quelques journées au-delà du détroit, constituaient l’empire des anciens Grecs, tandis que toutes les terres et les mers qui s’étendent à partir de cette limite jusqu’au-delà de Rome et du pays des Francs, soit une longueur d’environ 500 parasanges dont le terme est l’Océan extérieur et le pays d’Espagne, formaient l’empire romain.