Al-Wansharisi, LA PIERRE DE TOUCHE DES FATWA-S, sélection partielle, v. 1495

STATUT PERSONNEL

LA PURETÉ : AṬ-ṬAHĀRA

QUR’ĀN

Celui dont la profession est d’écrire des exemplaires du Qoran, doit-il être toujours en état de pureté ?

Selon l’avis d’Ibn Muslima, les ablutions (wudū) ne sont point exigées obligatoirement pour toucher seulement le Livre sacré. On doit donc en dispenser le copiste.

Celui dont la profession est de copier des exemplaires du Qoran, doit, avant de se mettre au travail, faire des ablutions. Seul Ibn Muslima l’en dispense.

[Abū Sa῾īd Farağ b. Lubb aš-Šatibī, I, 25) (1301-1380)

Le maître d*école qui est obligé de prendre en mains, à chaque instant, les tablettes sur lesquelles les enfants écrivent des versets du Qoran, doit-il, pour cela, faire des ablutions ?

La même question se pose pour celui qui lit fréquemment le Qoran, le livre à la main. Mais la dispense d wudū n’existe qu’au profit des élèves et du maître, et seulement quand il s’agit de tablettes.

{ Abū-l-Walīd Muḥammad b. Aḥmad b.Rušd (1126-1198/1206), I, p. 25)

Que doit-on faire de l’exemplaire du Qoran qui a été souillé ?

S’il est unique ou constitue un manuscrit de très grande valeur au point de vue des leçons, il suffit de le nettoyer autant que possible, et l’on peut ensuite s’en servir.

S’il n’a aucune de ces qualités exceptionnelles, il faut, le nettoyer entièrement et se dispenser d’y recourir.

{Abū Iṣḥāq aš-Šatibī, m.1380, I, 25 v. 1466 ???)

Que doit-on faire du Qoran, quand, l’ayant terminé, le copiste s’aperçoit qu’il y a une souris morte dans son encrier?

Si le copiste est persuadé que la souris se trouvait dans l’encrier depuis qu’il a commencé la copie, il est obligé de creuser un trou dans le sol et d’y enfouir l’exemplaire du Qoran, désormais inutilisable.

S’il n’a pas cette certitude, on présume que l’encre était restée pure jusqu’au bout.

(T. I, p. 25.)

A-t-on le droit, lorsqu’on rencontre de Teau sur son chemin, de l’abandonner, alors qu’on est certain qu’on en manquera à Theure de la prière?

La règle est qu’il faut profiter de cette rencontre pour faire, par anticipation, les ablutions, à moins qu’on n’aime mieux s’approvisionner d’eau sur l’heure.

{Aboû Saîd ibn Loubb. T. 1, p. 61.)

Doit-on, lorsqu’on se rend à un endroit où l’eau fait défaut, s’approvisionner d’eau, même avant l’heure de la prière ?

Oui, à moins que le transport de l’eau ne soit particulièrement pénible.

{. T. I, p. 61.)

Le ġasl dispense-t-il des ablutions, quand il est pris le vendredi?

Oui, car le Prophète a dit : « 11 est bon de faire wudū (ablulions), mais il vaut encore mieux pratiquer le ġasl.

{Ibn Rouschd. T. I, p. 32.)

Ksl-il permis de se servir, pour les ablutions, d’une eau transportée illégitimement sur une monture en dépôt?

Non; mais les ablutions déjà faites dans ces conditions ne seront pas recommencées.

{Saūnūn,I, 13, Qairouan (776-824), Mudawwana. Abū Sa῾īd b. ῾Abd as-Salām at-Tanūḵī, disciple de ῾Abd ar-Raḥmān b. al-Qāsinī, disciple de Mālik)

Un récipient qui a renfermé de Thuile peut être ensuite
employé pour y mettre Teau des ablutions, pourvu qu’il
ne surnage pas une trop grande quantité d’huile.

{Abū ῾Imrān, v. 1044, I, 13.)

Il est permis de faire les ablutions avec l’eau dont un chien a bu. II n’en serait pas de même si c’était un cochon.

(Abū-1-Hasan ῾Alī b. ῾Alī b. ῾Abd Allah b. Ibrāhīm b. Muḥammad b. ῾Abd Allah al-Laḵmī, m. 1085, I, 97.)

Le peintre ou l’ouvrier, dont les membres sont souillés de peinture ou de résine, peut se servir de la même eau pour se nettoyer et faire ensuite ses ablutions.

{Aboû Saîd ibn Loubb. T. I, p. \fx.)

Celui dont le métier est de fendre le pin doit-il, s’il n’a qu’une petite quantité d’eau, l’employer pour nettoyer ses membres de la résine qui les recouvre, ou pour faire les ablutions ?

II doit d’abord se nettoyer de la résine, et, s’il ne lui reste plus d’eau pour l’wudū recourir au Tayammūm

Abū Saîd ibn Loubb. T. I, p. (Vl.)

Que décider si un homme ne peut prendre de Teau pour ses ablutions, à cause d’une vipère, par exemple, qui l’empêche d’approcher ?

Cela ne le dispensera pas des ablutions il ne peut recourir au Tayammūm, que s’il y a péril en la demeure.

{Ibn Wrafa, T. I, p. 60.)

L’homme qui, étant dans un état d’impureté, ne peut trouver de l’eau qu’à l’intérieur de la mosquée, peut-il y entrer pour y prendre cette eau ?

Non, il peut se borner au Tayammūm car il ne peut entrer à la mosquée, étant souillé comme il l’est. D’ailleurs, il est de règle que le tayammoum est suffisant toutes les fois que l’eau fait défaut. Or, l’eau qu’il est juridiquement défendu d’aller chercher, doit être considérée comme inexistante matériellement.

[Abū ῾Abd Allah Muḥammad b. Aḥmad b. Abū Bakr b. Marzūq, 766-842 h (m.1438), Tlemcen, T. l, |). Vi.

Un individu possède une monture de voyage qui ne peut fournir de longues étapes, de sorte qu’il est obligé, parfois, de faire halte dans les lieux où l’eau fait défaut ; peut-il, en ce cas, se borner au tayammoum pour faire la prière ? A-t-il le droit devant Allah de posséder une semblable monture ? Enfin, étant l’hôte d’un individu dont la nourriture est impure, doit-il en manger quand même pour éviter l’inimitié de cet homme ?

Le tayammoum^ dans le cas précité, est permis, mais non la nourriture. Quant à la monture, il lui est permis d’en conserver la possession, sauf l’obligation, pour lui, de s’approvisionner d’eau, chaque fois qu’il prévoit une longue étape, où doit se placer une prière obligatoire (farida).

Abū Zayd ῾Abd ar-Raḥmān Al-Waġlīsī, I, 60, Bijaya, m. 786/1384
)

Que décider si un homme ne peut faire ses ablutions à l’eau froide ?

Il pourra faire chauffer l’eau, si, sans cette précaution, il devient malade. Si l’heure de la prière approche et s’il n’a plus le temps de chauffer l’eau, selon les uns, il pourra recourir au T ; selon les autres, du fait que l’usage de l’eau ne lui est pas impossil)le d’une façon
absolue, le Tīmūm doit lui être interdit.

(T. 1, p. 59.)

Sont également dispensés des ablutions et peuvent recourir au T ceux que l’eau rend malades, ou dont la maladie, déjà existante, est incompatible avec l’usage de l’eau ; enfin ceux qui sont en retard, au point de manquer la prière, s’ils se livraient à l’-wudū. Dans tous ces cas, on applique la même règle que si l’eau faisait défaut.

{Ibn Marzoûq. T. 1, p. 26.)
Est-il permis à un homme de faible constitution et qui souffre de maux de tête, de se borner à passer la main mouillée sur son turban, en guise d’ablution de la tête, autrement dit, de pratiquer le masijt sur le turban? S’il est, de plus, très sujet au coryza et ne peut se servir même d’eau chaude, de crainte d’attraper ensuite froid, peut-il remplacer W par le T? Enfin, s’il a eu commerce vec sa femme, peut-il, en raison du danger qu’il court, se dispenser de se laver,notamment la tête, et, dans ce cas,
le T est-il suffisant?

Les ablutions sont obligatoires et Ton n’en peut être dispensé que si l’on a, à la tête, des blessures telles qu’il est impossible d’en approcher la main. Sauf ce cas, il faut considérer ces craintes de dangers ou de maladies comme des suggestions de Satan.

La même décision s’applique à celui qui craint l’usage de Teau, à cause du coryza. C’est encore Satan qui cherche à le détourner de l’exercice de sa religion.

Quant à celui qui, étant dans l’état décrit ci-dessus, a eu commerce avec sa femme, il est à remarquer que, s’il peut s’adonnera la copulation, il n’est pas faible à ce point qu’il ne peut se laver la tête. En tout cas, s’il y a péril en la demeure, il peut recourir au T ; mais, en aucun cas, il ne lui est permis do pratiquer le mash de la tête et de laver le reste de son corps.

{Ibn fiouschd. ï. I, p. 23.)

Celui qui est affligé d’une incontinence d’urine ou autre chose, ne peut pas substituer le T à W, car on ne peut pas dire de lui que c’est l’eau qui le met dans cet état, auquel il ne peut échapper, quel que soit le genre de purification auquel il se livre.

(T. I, p. 26.)

Celui qui, toutes les fois qu’il fait W avec de Teau, se trouve dans la nécessité d’interrompre ensuite sa prière pour faire un besoin, peut substituer le T à W, si cela lui permet de faire sa prière sans interruption.

(Al’Lakhmi. T. I, p. 20.

La femme en menstrues peut, quand elle est en voyage et ne dispose pas d’eau, recourir au layammoum pour faire la prière. Mais son mari ne peut cohabiter avec elle dans cetétat^

[Ibn al-Qâsim, T. I, p. ‘j9..

Tne femme qui craint l’usage de Teau froide, peut-elle refuser de cohabiter avec son mari, pour n’avoir pas ensuite à se lotionner à Teau ?

I1 est certain que T, est permise toutes les fois qu’on ne peut T à Teau. Mais il n’est pas permis, à moins d’absolue nécessité, de se mettre dans un état où la purification doit se faire à l’eau, quand on sait qu’on ne peut recourir qu’au T de sorte que le mari, dont la femme est dans cet état, ne doit s’adonner à la copulation que s’il ne peut pas s’en dispenser. Car, autrement, il mettrait sa femme dans l’impossibilité de faire sa prière, et celui qui aide à désobéir désobéit lui-même.

Abū ῾Abd Allah Muḥammad b. ῾Alī b. ‘Umar at-Tamīmī al-Māzarī. (Al-lmâm, Ifrîqyya m. 636/1238, Al-Mâzari, I, 50

Celui qui s’est purifié par une T, à la suite d’une souillure majeure^ doit-il, en cas de nouvelle souillure avant la prière, recommencer le T avec r intention de purifier une souillure majeure, ou avec intention afférente à la mineure ? Controverse grave dans le rite.

Le Mufti de Tunis Sidi Aboû ‘Abddallah ibn ‘Uqāb,

(T. I, p. 56.)

Que décider si un homme, étant en train de faire sa prière après T, voit arriver quelqu’un portant de l’eau ?

Il ne doit pas interrompre sa prière.

(T. I, )
Il est de principe admis que celui qui, durant sa prière, commencée après T, trouve de Teau, ne doit pas interrompre sa prière pour faire des ablutions régulières.
D’autre part, une règle incontestée veut que celui qui, pendant la prière, laisse tomber son emplâtre, ne doit pas continuer à prier. Pourquoi cette différence ?

La différence tient à ce que la lustration pulvérale ou T est nécessaire mais suffisante, toutes les fois que Teau fait défaut, et il ne peut y avoir lieu d’interrompre la prière entreprise après ce mode de purification que la religion prescrit.

Dans le cas de l’emplâtre qui tombe, la madéfaction ou mash (passer la main mouillée sur le membre malade) n’est considérée comme une purification valable que si l’emplâtre est en place; dès lors, s’il vient à tomber, l’endroit malade est mis à nu et, n’ayant pas été purifié, met obstacle à ce que la prière soit continuée.

(T. I,p. 58.)

Peut-on considérer comme un T le fait de se frotter contre la pierre meulière ?

Oui, dit Asch-Schabî, pourvu que la pierre soit cassable.

Oui, dans tous les cas, d’après Al-Bourzoulī (Abū-l-Qāsim Aḥmad b. Muḥammad Al-Burzulī m. 1137)

(T. 1, p. 60.)

Comment un homme garrotté doit-il faire le T

Il suffit que, par la pensée et regardant le sol, il fasse le T de son visage, puis de ses mains, et ainsi de suite.

{Al’Lakhmî, d après Al-Qassâr. T. I, p. iS.)

Peut-on se contenter de la madéfaction (mash) de la chaussure extérieure, lorsqu’on en porte deux paires ?

Oui, mais il y a controverse sur le point de savoir si cela tient lieu de madéfaction de la chaussure intérieure, ou du pied lui-même.

(Aboû’l- Al^bâs Al-Ghammâdi\ T. 1, p. (>3.)

Est-il permis à celui qui accomplit les cérémonies de Iḥrām d’employer la mash, pour purifier ses sandales, dont il est détenteur illégitime (ġāsib) ?

Non.

[Aboû ‘Abdallah ibn ‘Ouqâb, T. 1, p. 62.)

PURETÉ DU CORPS

L’infidèle qui embrasse l’lslâm esl-il obligé de se laver ?
Non, d’après le Qāḍī Ismā῾īl; d’après Al-Laḵmī, il est tenu aux ablutions.

(T. I, p. 35.)

La sueur du chrétien est-elle impure ?

Non, car Allah permet aux Musulmans d’épouser les femmes sectatrices des Écritures. Or, si leur sueur était impure, il faudrait décider que le mari devrait se laver chaque fois qu’il partage la couche de sa femme. Mais Allah ne le lui a point ordonné.

(Abū ῾Abd Allah Muḥammad b. Aḥmad b. Abū Bakr b. Marzūq, 766-842 h (m.1438), Tlemcen, T. I, p. 73)

La sueur qui sort du corps à force de frottement doit être assimilée à la transpiration naturelle, et, si elle est très abondante, il est bon de se laver.

(Aboû-l-Qâsim at-Tâzaġardî. T. I, p. lA.)

Le Prophète a dit : « Celui qui se lave le vendredi et oblige sa femme à se laver, qui se lève tôt et fait la prière de bonne heure, s’approche, écoute et prête l’oreille, aura en récompense, pour chaque pas qu’il fera, la rétribution de toute une année, y compris ses jeûnes et ses devoirs religieux. »

Les mots « qui oblige sa femme à se laver » signifient : qui a commerce avec sa femme le vendredi y de telle sorte qu’il la met dans l’obligation de se laver. On conçoit qu’il est bon de cohabiter ce jour-là, car cela contribue à rendre le regard plus discret et le fidèle en se rendant à la prière du vendredi, ne commet pas ainsi le péché de porter ses regards sur les choses qui lui sont défendues ; les femmes des autres.

(T. I, p. 33)

La femme doit-elle se laver, si elle fait un rêve sans que rien soit sorti d’elle ?

La question dépend du point de savoir si Fopinion du Schaikh Taqî ad-Din est reconnue exacte. Cet auteur prétend que la femme n’a jamais de pollutions nocturnes proprement dites ; que, chez elle, l’eau rentre au lieu de sortir. Si cela est avéré, il faut décider que le lavage est obligatoire, car c’est certainement cette hypothèse que le Prophète a eue en vue en décidant que la femme doit se laver, en cas de pollutions nocturnes.

Dans le cas contraire, elle ne doit pas plus se laver que rhomme qui éprouve la nuit une jouissance sans qu’il y ait eu éjaculation.

{Ibn ‘Arafat T. 1, p. 42.)

Peut-on cohabiter avec sa femme quand on est en voyage ?

Oui, si on a avec soi de l’eau en quantité suffisante pour se lotionner ensuite dans des ablutions régulières. Sinon, il ne peut être permis aux époux de se mettre, par la copulation, dans un état d’impureté plus grand que celui dans lequel ils se trouvaient déjà.

(T. I, p.51.)

Celui dont la femme ou la concubine ne se lave pas après l’acte, peut-il cohabiter avec elle ? (Muḥammad b. Muḥammad ibn ῾Arafa al-Warġammī al-Tūnisī, 1310-1400)

Il doit d’abord, soit directement, soit indirectement, leur faire des réprimandes. Si cela n’aboutit à aucun résultat, il doit ou cesser toutes relations avec elles, ou les répudier. Enfin, s’il ne peut se résoudre à ce dernier parti, il ne devra s’adonner à la copulation avec elles qu’en cas
de nécessité absolue, car, après tout, il vaut mieux cohabiter avec sa femme qui ne se lave point et, partant, ne pratique point la prière, que de commettre l’adultère.

(T. I, p. 60.)

Que décider de la femme qui a des pollutions nocturnes ?

Elle doit se laver dans les mêmes conditions que l’homme. Cette décision remonte au Prophète lui-même, qui Ta indiquée à son épouse Oumm-Salma.

(T. I, p. 42.)

Est-il permis au musulman de se nettoyer après la défécation, quand il porte à la main gauche un anneau où se trouve gravé le Nom Sacré ?

Oui, selon Mâlik. Non, d’après Ibn Habib.

(T. I, p. 76.)

Est-il permis à un musulman de faire la prière quand il porte un vêtement de drap fabriqué par des chrétiens, avant de l’avoir lavé (Islinğā)? On sait d’ailleurs que les chrétiens mettent de la graisse de porc sur les tissus pour leur donner plus de souplesse. Cela étant, le lavage doit-il être considéré comme suffisant pour faire disparaître toute la matière grasse et rendre licite l’emploi de ce drap par un musulman?

Le grand-maître du Rite, l’Imâm Mâlik, a autorisé l’usage du drap tissé par les chrétiens. Bien mieux, il va jusqu’à permettre l’usage des vêtements déjà portés par les non-musulmans, qu’ils soient juifs ou chrétiens. Dans l’ouvrage intitulé on affirme que Mâlik considérait cet usage comme illicite, mais l’autorisait quand même, à cause de la pratique journalière, qui s’était fixée en ce sens.

C’est, d’ailleurs, un principe général que les règles du Droit doivent fléchir, lorsque leur application rigoureuse aurait des conséquences trop préjudiciables aux musulmans. Ainsi, il est avéré que les non-musulmans n’observent point toutes les règles relatives à la pureté^ quant à la préparation des aliments : en doit-on conclure que les musulmans ne peuvent goûter à leur nourriture ? Certes non; car il en résulterait pour eux une trop grande gêne.
D’ailleurs le Qoran lui-même est le point de départ de cette décision : « La nourriture de ceux qui ont reçu les Ecritures vous est permise. » V, 7

Enfin il suffit de laver le drap à grande eau, jusqu’à ce que, trempé de nouveau dans l’eau, celle-ci conserve toute sa limpidité.

[Abū l-῾Abbās Aḥmad Al-Qabbâb, v.1340 T. 1, p. 3.)

C’est un principe qu’il faut toujours, dans les question de pureté, prendre en considération l’intérêt pécuniaire qui se trouve en jeu. Ainsi, celui qui achète un vêtement neuf ou même déjà porté par un sujet tributaire dhimmî, peut se dispenser de le laver, s’il s’agit d’une belle étoffe que le lavage endommagerait.
De même, un bon plat dont un chien lappe une partie, ou qu’une poule béquète, ne doit pas être jeté : ce serait une perte d’argent injustifiée.

D’ailleurs, si l’on décidait que les choses tissées par les chrétiens étaient impures, au même titre que les choses portées par eux, on en arriverait à prohiber tout ce que leurs mains touchent, notamment leur nourriture, leur pain. Or cela est contraire au texte même du Qoran, qui déclare licite la nourriture des sectateurs des Écritures.

Quant auît choses neuves, des étofles par exemple, c’est subir un préjudice pécuniaire que de les laver ; or, l’obligation religieuse tombe {suqūt al-wāğib), dès qu’elle doit entraîner une perte d’argent. C’est ainsi que les ablutions, ne seraient plus obligatoires, si l’eau coûtait un prix exorbitant.

Enfin, il convient de remarquer que les tisserands prennent soin de garantir leur tissage même contre la poussière, à plus forte raison, quand il s’agit d’impuretés qui endommageraient l’étoffe.

{Ibn Al-Māğišūn, I, 74)

Il est permis de faire la prière avec des vêtements tissés, ou qui ont été déjà portés par des juifs ou des chrétiens, bien que Mâlik n’approuve pas beaucoup cet usage.

On doit décider dans le sens de la liberté, parce que, lorsque le Prophète fit la paix avec la tribu de Nağrân, il exigea qu’il lui fût remis deux mille robes de soie, livrables moitié au mois de Safar, moitié au mois
de Rağab. Or les habitants de Nadjràn étaient chrétiens,ce qui n’a pas empêché les musulmans de revêtir lesdites robes pour faire la prière.

Il n^est même pas nécessaire de les laver avant.

{Sirâdj ad’Dîn ‘Oumardit Asch-Schâfi’î, T. I, p. 71.)

Est-il permis de prier avec des vêtements ayant appartenu à un chrétien, qui est aujourd’hui converti à FIslâm

Oui, et on n’a même pas besoin de les laver, à moins qu’on ne soit convaincu de leur impureté {nağāsa).

{Ziâd ibn ‘Abd Ar-Rahmân. T. I, p. 73.)

Celui dont le vêtement mouillé touche une chose impure, comme un lit, ou le rideau d’une tente, et qui s’en aperçoit, doit considérer son vêtement comme impur.

{Abū-l-Farağ Qāsim b. Sa῾īd b. Muḥammad Al-῾Uqbānī at-Tlimsānī, gloses de Ibn Al-Hāğib, poétique soufie, m. 830/1426, I, 9)

Celui dont les vêtements ou les mains sont impurs, à cause d’une souillure, peut, néanmoins, quand cette souillure est permanente {moulâzima), c’est-à-dire qu’il en est atteint la plupart du temps : entrer à la mosquée; — faire la prière; — toucher les livres sacrés ou simplement édifiants ; — lire le Qoran ; — entendre réciter le Qoran ou lire des hadtths. Mais, si la souillure n’est pas permanente, ou s’il lui était possible de se laver,
ces diverses dispenses ne lui sont pas applicables.

(T. 1, p. 121.)
Peut-on porter un vêtement dont la teinture rouge est due au sang ?

Oui, si, après lavage, il n’en sort rien. Si Teau devenait rouge, il faudrait le relaver jusqu’à ce que Teau, où il est trempé, reste blanche.

{. Abū Mūsā ῾Imrān b. Mūsā Al-Mašdālī, Tlemcen, (rasage des étriers
en argent pur. 670-745)I

Peut-on employer comme linceul une étoffe lavée avec de l’eau du puits de Zemzem?

Un des maîtres d’Ibn *Arafa exige un second lavage avec une autre eau.

(T. I, p. 9.)

Il est permis de se servir des outres qui ont déjà servi aux sectateurs des Écritures, mais après lavage. Il n’en est pas de même des Mages, car ils mangent des animaux morts.

{Muḥammad. T. I, p. 89.)

Il est permis de manger du beurre ou de boire du lait chez les juifs et les chrétiens, pourvu que ces aliments soient contenus dans des récipients propres,

{Mâlik. T. I, p. 89.)

En réalité, et en considérant le fonds des choses, ce n’est pas parce que la nourriture est préparée par des juifs ou des chrétiens qu’il est licite d’en manger : c’est à cause de la présomption de pureté qui s’y rattache. De sorte que, si on avait la certitude de cette pureté, rien, n’empêcherait de manger même la nourriture des Mages.

(Ibn Marzūq. I, 88.)

Que décider si un rat tombe dans un silo?

D’après Asch-Scha’bî, il suffit d’enlever la couche de grain sur laquelle repose l’animal; tout le reste est d’un usage licite. Toutefois, si des infiltrations abondantes ont pu traverser toute la masse et l’imbiber dans ses diverses parties, la prohibition de manger cette récolte est absolue, à moins que le silo ne soit tellement vaste, qu’on ne peut raisonnablement supposer que tout le grain a été mouillé. Dans ce cas, on enlève telle couche qu’on juge convenable, d’après les circonstances.

La controverse ne subsiste qu’en ce qui concerne 1» partie de la récolte rendue ainsi impure par le contact du rat. Les uns la frappent d’une prohibition absolue ; les autres admettent qu’elle peut servir de semence. En tous cas, jamais les musulmans ne sont autorisés à en faire leur nourriture.

Toutes ces décisions s’appliquent, par analogie, au cas où l’animal mort est un cochon.

{Asch’Schabt, T. I, p. 7.)

Le blé provenant d’un silo où est tombé un rat ou un cochon peut être vendu, du moins la partie sur laquelle on ne remarque aucune trace de sang. Il faut de plus faire la déclaration de non-garantie (barâa), en spécifiant
qu’un rat est mort dans le silo ou au moment du battage.

[Sahnoûn. T. I, p. 7.)

Feut-on rôtir une tête de mouton avant de l’avoir lavée?
Oui, pourvu qu’elle soit ensuite lavée.

[Moahammad ibn Marzoûq. T. I, p. 11.)

Les légumes verts tombés dans une eau rendue impure par la chute d’un rat, sont purifiés par un nouveau lavage à Teau.

(Ibn ‘Arafa. T. I, p. 16.)

Que décider si on a pétri une très grande quantité de farine avec une eau où l’on a su, par la suite, qu’une souris est tombée ?

Lorsqu’on est à une époque de disette, il est permis d’acheter cette pâte à vil prix et de l’employer au profit des individus incarcérés dans les prisons.

{Ibn ‘Arafa. T. I, p. 16.)

Les olives dans lesquelles on a trouvé un rat mort sont impures et ne peuvent être utilisées en aucune façon. On doit même les faire disparaître pour que les chrétiens n’en usent pas.

{Ibn ‘Arafa. T. I, p. 16.)

In lézard trouvé mort dans une jarre pleine de dattes doit être présumé, jusqu’à preuve contraire, comme étant mort sur place : on ne doit donc jeter que les dattes qui le touchent.

(Al’Lakhmi. T. I, p. 15.;

Les juristes Ibn Al-Hâdjib, Ibn *Abd As-Salâm et Ibn Haroùn déclarent licite l’usage de l’huile et du miel qui auraient été extraits d’olives ou de rayons de miel contenant des vers. Leurs dires ne sont confirmés par aucun texte sur lesquels ils puissent s’appuyer, si ce n’est l’opinion d’Aboû *Oumar, qui tolère la consommation des vers renfermés dans les figues, les fèves, le blé, de même que les larves des rayons de miel.

Selon moi, il faut enlever ces vers avant de procéder à l’extraction de l’huile et du miel,

{Jbn ‘Ara fa. T. II, p. 16.)

Les vers contenus dans les fruits ne les rendent pas illicites.

{Al-Laḵmī. T. Il, p. 16.)

La soupe dans laquelle tombe une fourmi peut c^tre mangée.

{Saḥnūn. T. I, p. 13.)

Peut-on manger des oeufs durs parmi lesquels il s’en trouve de pourris ?

L’opinion à admettre est que cela est permis, car la coque de l’œuf est très dure et ne se laisse pas traverser par ce qui peut sortir des œufs pourris. Cela peut être vérifié par l’expérience : il suffit de faire bouillir avec les œufs du safran ou de Findigo ; si le blanc de Tœuf s’en trouve teinté, c’est que ces ingrédients ont traversé la coque.

(T. Il, pp. 17, 18.

Si une souris tombe dans un moulin à eau et se trouve broyée avec le grain, il n’est permis de manger cette farine que si elle est en très grande quantité.

(Aboû Sâlih. T. I, p. 11.)

Le scarabée tombé sur un comestible ne le rend pas impur. Mais il n’en est pas de même du scorpion, car Timpureté de celui-ci est plus forte.

{Ibn Loubâba. T. I, p. 11.)

Peut-on livrer à la consommation un animal dont la viande est licite, quand il a été allaité par un animal impur, une truie, par exemple ?

Oui, et sa viande serait encore licite, même au cas où il a été allaité par une femme. Elle-même peut en manger avec ses enfants.

(Abū Sāliḥ, I, 11)

Un chevreau qui, à plusieurs reprises, aurait tété une ânesse, peut-il être mangé ?

S’il y a plus de quarante jours qu’il a tété l’ânesse, il peut être livré à la consommation. Dans le cas contraire, il faut attendre le temps nécessaire pour parfaire le délai des quarante jours.

(T. II, p. 8.)

La prohibition de manger le sang s’entend du sang séparé de la viande, du sang versé (masfoùh).

(Al’Lakhmi. T. I, p. 102.)

L’abatage des animaux suivant le rite a moins pour but d*en faire sortir le sang que de les tuer dans le minimum de temps possible.

{Ibn Al-‘Arabî, Aboū-Bakr Muḥammad ibn Al-῾Arabī, (Séville (1076-1121), I, 101)

La preuve que Tabatage n’a pas pour but de séparer le sang de l’animal, mais de hâter sa mort, c’est qu’on mange le poisson sans abatage.

[Ibn al-῾Arabi. T. I, p. 102.)

Est-il permis de se servir du papier fabriqué par des chrétiens ?

La question, à mon avis, doit être résolue par analogie avec la question du tissage des chrétiens. Or, il est unanimement reconnu que les étoffes tissées par eux sont pures. Bien mieux, quand il s’agit de papiers, ils redoublent de précautions, car la moindre souillure peut y laisser des traces et en diminuer la valeur ou même la supprimer entièrement. Du reste, le papier, tel que le vendent les chrétiens, atteste par sa blancheur et sa propreté, des soins qui y ont été apportés. On doit donc conclure à sa pureté, \u l’absence de tout indice du contraire.

Et, s’il subsiste encore quelque doute, il doit disparaître devant cette considération que, dans beaucoup de pays, il n’existe point d’autre chose que le papier pour renfermer les écrits. Depuis Tripoli de Syrie jusqu’aux confins du Maghreb, nul ne s’interdit l’emploi du papier fabriqué par les chrétiens. Il était anciennement en usage à Tlimsân, et ce n’est que de nos jours qu’on a cessé de l’employer.

S’il fallait argumenter par a fortiori, nous pouvons citer la question de l’anneau. On sait qu’il est permis de se nettoyer^ après la défécation, quand on porte, à la main gauche, un anneau où se trouve gravé le nom d’Al-lah. Or la proportion des personnes qui portent des anneaux par rapport à celles qui n’en portent pas, est comparable à un poil blanc dans la robe d’un taureau noir. Et cependant, en considération de cette minorité, istinğâ avec l’anneau a été autorisé. Comment ne pas autoriser alors l’usage du papier des chrétiens, quand on considère la proportion des personnes qui sont obligées de s’en servir ?

Un grand argument en faveur de ce papier est l’usage qui en a toujours été fait parles plus grands Imâms, au vu et au su de tout le monde, sans que cela ait jamais donné lieu à aucune protestation. Au contraire, ces savants gardiens de la religion, particulièrement ceux du Maghreb, qui sont très rigides, ont montré, par leur exemple, que le caractère licite de cet usage ne fait pas de doute. Jamais, du reste, la question n’a été discutée dans un cours de droit, une controverse ou un ouvrage quelconque. Ce silence ne peut être interprété qu’en faveur du papier.

Combien n’avons-nous pas de manuscrits fort anciens et traitant de matière religieuse, qui sont écrits sur papier rūmī ! Il faudrait alors décider que les Imâms qui ont autorisé cet usage sont des mécréants ; car celui qui conmmet un péché, en soutenant qu’il fait un acte licite, est plus qu’un pécheur : c’est un mécréant

De plus, la loi décide que celui qui met le Qoran dans l’impureté est un homme sans foi. Que décider alors contre tous ceux qui écrivent les versets sacrés sur du papier roâmî, s’il était réellement impur ?

Aussi, en tenant compte de ces arguments et de la possibilité légale de faire usage de tout ce qui n’est pas notoirement impur, aucun doute ne peut-il plus subsister sur l’emploi licite du papier roâmî.

D’ailleurs, ceux des jurisconsultes qui en ont condamné l’usage ne l’ont pas fait au nom des principes juridiques mais seulement par excès de piété (), de la même manière qu’ils s’interdisent une foule de choses, dont le caractère licite ne peut être mis en question.

(Ibn Marzūq. T. I, p. 95-125, 812/1409)

« Ad-Dalîl al-WAdih al-Ma’loûm ‘alà Djawâz an-Naskh Fi Kâghidh ar-Roùm », « l’argument éclatant et notoire sur la possibilité légale d’écrire sur le papier des roùmts.

Nous savons de diverses sources que les chrétiens font le plus grand cas et conservent avec beaucoup de soin les ouvrages musulmans dont ils se sont emparés, comme cela a eu lieu pendant la prise de Cordoue par les chrétiens.

Il est permis de vendre du parchemin ayant appartenu à des chrétiens, après avoir effacé l’écriture qui le recouvre.

{Ibn Marzoûq. T. I, p. 85.)

Est-il permis de faire usage du papier où l’on peut voir, par transparence, des dessins représentant la croix ou des idoles ?

Oui, et l’on doit même le couvrir d’écriture afin de faire disparaître la vue de ces dessins. Il y a là un acte méritoire, comme lorsqu’on transforme une église en mosquée.

{Ibn Marzoûq. T. I, p. 96.)

Doit-on laver Tépée recouverte du sang des infidèles ? Il suffit de l’essuyer.

[Mâlik. T. I, p. 76.)

Est-il permis d’écorcher la peau d’un être humain, et, d’autre part, peut-on se servir d’un objet fabriqué avec de la peau humaine, tel un fourreau de sabre, ou autre objet, étant donné que, d’après une opinion très répandue, la peau d’un cadavre humain est considérée comme pure, surtout si elle a été tannée, vu que le tannage purifie même la peau du cochon ?

Cela doit être défendu, car la mutilation est un acte dommageable qui atteint l’individu même après sa mort, soit en considération de ses proches parents vivants, soit en considération de son âme. En effet, il est de tradition que les âmes souffrent de tout ce qui atteint le corps après la mort. Al-Lakhmî dit, dans sa Tabsira au chapitre du i< lavage du mort y>: « lbn Sahnūn dit qu’il est bon,au moment de laver un mort, de lui couvrir la poitrine d’un morceau d’étoffe, surtout s’il a succombé après une longue maladie et que son cadavre est d’une grande maigreur. 11 convient de dissimuler aux regards ce que le défunt, de son vivant, n’aurait point montré. »
Et, d’ailleurs, les mutilations sont défendues pour toutes espèces d’animaux. Le Prophète a, en effet, ordonné de bien aiguiser la lame dont on se sert pour égorger un animal, afin de ne lui faire subir que le minimum de souffrance. Cela étant donné, il faut décider que la mutilation, à l’égard de Thomme, est beaucoup plus grave que le simple usage de sa peau pour la confection d’objets : cela oflènse moins ses proches parents ou ses compatriotes. Car, dans ce cas, il est seulement traité comme les animaux, dont Allah a permis Tusage de leur chair et de leur peau.

Peut-être convient-il de décider dans le sens contraire, lorsque la peau humaine est employée pour la confection d’un seau ou d’une auge où s’abreuvent les animaux, car cela exclut la supériorité de l’homme sur les animaux et les autres choses de la création. Toutefois, comme Allah ordonne d’ensevelir le mort, ce qui n’est pas obligatoire s’il s’agissait d’un animal, l’usage de la peau humaine se trouve ainsi en contradiction avec le précepte divin. On sait que ῾Ourwa, ayant eu la jambe amputée, l’enterra
après l’avoir lavée et recouverte d’un suaire. 11 ne prononça point les prières des moits, car la jambe appartenait à un corps encore vivant. Tout cela est rapporté dans les « Nawâdir » {Barètes ou Curiosités) d’Ibn Habib

Il n’y a, d’ailleurs, aucune différence entre celui dont le sang est placé sous la protection de la loi et celui qui ne peut se réclamer de cette protection ; car l’ensevelissement du mécréant Kāfir est aussi obligatoire que celui du Musulman.

Et puis, avant de discuter s’il est ou non permis de faire usage de la peau humaine, il est nécessaire d’examiner la question de savoir si toutes les peaux, sans exception, sont purifiées par le tannage, même la peau de cochon, ainsi que l’affirment Ibn ‘Abd Al-Hakam et Saḥnūn. Or, Mālik désapprouve cette manière de voir, comme cela est rapporté au chapitre XW du Tamhîd.

Et, si l’on n’est même pas d’accord sur la légitimité du droit d’ouvrir le ventre d’une femme morte, pour en retirer l’enfant vivant, comment peut-il être raisonnablement question de justifier Tusage de la peau humaine.

Mâlik et Ibn Al-Qāsim ont prohibé la section du ventre des morts, même au cas où il s’agit de sauver la vie de l’enfant.

Badr ad-Dīn abū Muḥammad al-Ḥasan b. Habīb, Šāfi῾ī (1310-1377)

Il faut aussi se rappeler que le Prophète avait dit que briser les os d’un Musulman mort est aussi coupable que si l’individu était vivant. Cette décision s’applique, par analogie, au Kāfir. Et de même qu’il est défendu de le mutiler de son vivant, il est illicite de faire usage de sa peau, après sa mort.

Le Prophète n’a-t-il pas recommandé de se lever, en signe de respect, quand on voit passer le convoi funèbre d’un ḏimmī juif ou chrétien ? « N’est-ce pas une âme ? » a-t-il dit.

De ces diverses décisions, il ressort qu’aucun doute ne peut subsister sur la prohibition de manger, même en cas de nécessité, le cadavre d’un être humain. Il y a là une humiliation et une mutilation qui ne sont nullement comparables à une simple incision faite au ventre de la mère pour sortir l’enfant vivant. Cela n’empêche pas que, pour cette simple incision, il y a divergence entre les docteurs, bien qu’on recourt à ces sortes d’opérations pour une personne vivante, par exemple, pour appliquer des ventouses ou pour opérer la saignée.

Cependant, Al-Layṯ autorise de manger la chair de Vhomme aquatique » ; mais j’ignore la conformation de cet être. S’il n’est qu’une espèce de poisson, ayant dans certaines parties de son corps quelque ressemblance avec l’homme, comme le singe, par exemple, alors la question ne fait point de difficulté. Mais s’il est en tous points sem- blable à l’homme, si ce n’est qu’il habite la mer, dans ce cas il y a des doutes. Au demeurant, Allah le sait mieux que personne.

{Ibn Marzūq. T. I, p. 64.)

Peut-on mettre du vinaigre dans un récipient, une jarre, par exemple, qui a contenu du vin ?

Plusieurs jurisconsultes disent qu’il est indispensable d’y faire bouillir l’eau deux et même trois fois, puis de la laver à l’eau froide ; sinon l’impureté du vin se communique au vinaigre. Toutefois, cette opinion n’est guère partagée par tous les auteurs .

(T. I, p. 21.)

Peut-on purifier un récipient quelconque qui renfermait du vin ?

On doit distinguer, selon qu’il s’agit d’ustensiles en métal ou en poterie émaillée, d’une part, ou en poterie non émaillée d’autre part. Dans le premier cas, le lavage à l’eau les purifie entièrement et les rend propres à tous les usages ; dans le second, il n’est permis de s’en servir que pour y conserver des substances sèches, telles que la farine, le blé, etc. Cependant il faut décider que, si l’on y a fait préalablement bouillir de l’eau, ces ustensiles peuvent servir aussi à contenir des liquides. Il faut assimiler à l’eau bouillante le feu, qui a le même pouvoir de purification.

Cette opinion, qui est celle d’ibn Sirāğ, est également partagée par le maître Abū Iṣḥāq Aš-Šâtib (Xativa, Valence)

T. I, p. 21.)

Il est défendu de louer les services d’une personne pour qu’elle se charge de l’enlèvement d’un animal mort moyennant sa peau, car ce forfait est une vente. Or la vente de la peau d’un animal mort est interdite.

[Ibn Marzoûq. T. I, p. 87.)

Il est défendu de se servir de la peau d’un animal, comme natte, pour faire la prière, même si elle a été tannée

(Mālik).

Mais il est permis de s’asseoir dessus, ou de la placer sous le tamis, pour nettoyer du blé, par exemple.

[Ibn Marzūq, T. I, p. 87.)

Si un individu avale un grain d’or dans une boulette de cire, et qu’il le rejette ensuite avec les déjections, ce grain d’or est impur, d’après Ibn’Arafa, tandis qu’Abū-l-Qâsim Al-Ġuubrīnī admet qu’il peut être purifié par un simple lavage à l’eau.

• (T, I, p.8.)

L’orfèvrerie d’or et d’argent qui, après avoir été retirée du feu, est trempée dans une eau impure, devient-elle impure ?

Oui, d’après Ibn Aboù Zaid ; non, d’après Aboû ‘ Imrân, qui admet la purification au moyen d’un simple lavage à l’eau.

Ibn *Arafa, dans une espèce où il s’agissait d’un couteau, a décidé en faveur de la purification à l’eau.

(T. I, p. 8.)

Le rat tombé dans un récipient plein de savon, le rend-il impur ?

On distingue : a) le savon est très consistant : dans ce cas on enlève le rat avec la partie du savon sur laquelle il repose ; 6) le savon est liquide : on s’en servira, sauf à purifier ensuite le linge blanchi avec ce savon.

{Abū Ğa῾far, T. I, p. 7.)

AṢ-ṢALĀT

Pourquoi Satan fuit-il quand il entend l’aḏān, tandis que la prière, qui est un acte religieux plus grave, n’a pas cette vertu ?

Satan prend la fuite afin de n’être pas dans l’obligation de témoigner de cet aḏān, le jour de la résurrection, bien qu’il sache que son témoignage est superflu, vu que la chose est attestée par d’autres que lui. Mais c’est le propre de l’envieux de ne pas vouloir reconnaître une supériorité ou un droit chez tout autre que lui.

On peut répondre aussi que Satan prend la fuite, parce que Vadhân peut être comparé à la convocation qu’un roi adresse à ses intimes pour leur communiquer des choses confidentielles : les étrangers ne doivent pas y assister. Toutefois, cette raison est peu satisfaisante, car la chose confidentielle est, ici, la prière ; or Satan y assiste.

Selon d’autres, si Satan évite d’entendre Vadhân^ c’est parce qu’il est dépéché auprès des fidèles qui prient, afin que Dieu sache quels sont les plus sincères d’entre eux.

{Abū Muḥammad l-Marğānī, de Tunis, T . I, p. 1 51 .)

Abū-l-Faḍl ῾Iyād b. Mūsā b. ‘Iyād Al-Yaḵsubī As-Sabīt, Cordoue (1083-1149).

Selon un autre jurisconsulte, ce qui fait fuir Satan, c’est que, lui, il appelle les gens au mal, tandis que les muezzins les appellent au bien ; or les choses contraires se repoussent.

{Ibidem.)

Par quelle vertu Satan prend-il la fuite dès qu’il entend Vadhân, et pourquoi revient- il afin de suggérer de mauvaises pensées au fidèle, dès ^ue celui-ci entre à la mosquée pour y faire sa prière ?

D’après ῾Iyâd la raison en est que, lorsqu’il s’agit de Vadhân^ lequel se fait à haute voix, Satan s’aperçoit qu’il n’y peut rien et qu’il n’empêchera jamais les fidèles d’entendre la voix du muezzin qui les appelle à la prière. Alors, de dépit, il s’éloigne rapidement. Mais dès qu’il s’agit de la prière, il vient bouleverser l’esprit de l’adorateur, à moins que ce ne soit un de ces hommes préservés qu’Allah a dirigés sur une voie droite 2.

{Aboâ Sâlim Al ‘Ouqbâni. T. 1, p. 150.)

Les prières que Ğibrīl fît devant le Prophète pour lui en apprendre tous les détails, sont-elles les mêmes que celles que nous faisons aujourd’hui ? Si oui, il faudrait décider que tout est d^obligation divine {fard) dans la prière, que la sounna (tradition) ne peut y trouver place, car Djibrîl n’étant qu’un agent de transmission, tout ce qu’il disait au Prophète était un ordre d’Allah.

La prière n’est suffisante que par l’accomplissement de tout ce qui est d’obligation divine {fard) ; elle ne devient parfaite^ que lorsqu’on y ajoute ce qui est d’obligation traditionnelle {sounna) ou même simplement méritoire (fadīla).

Or, il n’y a point de doute sur cette question: Ğibrīl a fait la prière devant le Prophète avec tout ce qu’elle comporte, en fait d’obligation divine, traditionnelle, ou d’actes simplement méritoires. Mais il lui a fait saisir cette distinction, pour qu’il l’enseignât aux Musulmans. On ne peut donc dire que tout ce que Djibrîl a lu pendant ces prières, est, pour nous, d’obligation purement divine {fard).

{Ibn Rouschd. T. I, p. 189.)

Pour la validité de l’intention, suffit-il de l’intime conviction que Ton a dans le cœur, ou bien l’articulation par la langue est-elle nécessaire ?

L’intention n’est en réalité que la résolution du cœur tout simplement. Tandis que l’articulation par la langue est une chose toute différente de l’intention ; elle n’est point exigée dans le rite de Mâlik.

{Aboû Saîd ibn Loubb. T. 1, p. 128.)

Il est permis de prier dans son cœur^ quand on n’a pas la force d’articuler les mots. C’est ce que décide aussi la Moudawwana.

(T. I, p. 48.)

La prosternation non canonique, mais simplement pour manifester sa reconnaissance à Allah, n’exige pas qu’on se mette préalablement en état de pureté. La raison en est que cette pratique se présente généralement dans des circonstances imprévues et qu’on veut, sur-le-champ, rendre grâce à Allah. C’est ainsi qu’agissait le Prophète, chaque fois qu’il lui parvenait une nouvelle réjouissante.

{Mouhammad ibn Marzoûq. T. I, p. 128.)

Celui qui, de propos délibéré, manque une prière d’obligation canonique est-il passible de mort?

D’après l’opinion la plus répandue, on ne doit point le tuer, si l’heure fixée pour cette prière est déjà passée.

Au contraire, si on se trouve encore dans le temps canonique et que l’individu, d’ailleurs responsable au point de vue religieux, refuse de faire la prière, on attendra jusqu’au dernier moment et on le mettra à mort. Selon d’autres, il sera tué, même quand l’heure de la prière est déjà passée.

(T. I, p. 131.)

Que doit faire le fidèle qui a oublié la prière du matin (subḥ) ou qui s’est levé trop tard, de sorte qu’il ignore s’il est encore temps de faire cette prière ?

On sait qu’il y a deux manières de s’acquitter des devoirs religieux : 1® l’arid, qui consiste à faire sa prière, par exemple, aussitôt l’heure venue; 2 : le qada, lorsqu’on fait cette prière dans le temps désigné en second lieu. Si l’on est dans le doute, il vaut mieux faire tout de suite sa prière, que de s’attarder à rechercher dans laquelle de ces deux périodes de temps on se trouve : il y a ainsi le mérite de l’empressement à faire un acte pieux et la chance de s’en acquitter à titre d’arid. Tandis que, si on s’attardait à rechercher dans quel temps on se trouve, on apporte, de ce chef, peu d’empressement à faire le bien et l’on est sûr de faire une prière qada. La prière sera valide indépendamment de toute intention de prier comme adû ou comme qada,

Qâsim Al-‘Oughâni. T. I, p. 153.)

Un individu se met en route vers Monastir (Tunisie) avec l’intention de s’arrêter à Qasr ibn Al-Dja*d ; il s’arrête au contraire à Qaçr Al-Kabîr ; doit-il faire sa prière entière ?

Que le voyageur soit arrivé à Qaçr ibn Al-Dja’d ou Qasr Al-Kabir, cela ne change rien à la question, car tous les deux sont dans le territoire de Monastîr et il devra faire la prière complète.

{Abū Yaḥyā Muḥammad b. Aḥmad b. ῾Alī b. Yaḥyā b. ῾Ali b. Muḥammad b. al-Qāsim b. Hammoûd b. Maymūn b. ῾Alī b. ‘Abd Allah b. ‘Umar al-Idrīsī, Šarīf de Tlemcenm. 771/1369, I, 183.)

Les Bédouins qui voyagent avec leurs femmes et leurs enfants, pour parcourir de grandes distances, peuvent écourter la prière.

(Al’Bourzoulî. T. I, p. 126.)

Celui qui arrive au terme de son voyage, sans savoir toutefois le nombre de jours qu’il doit rester dans la ville avant de retourner chez lui, peut-il écourter la prière?

Non, car son voyage est réputé terminé, le retour constituant un nouveau voyage. Mais si c’est en cours de route qu’il s’arrête, pour faire un séjour dont il ignore quelle sera la durée, il peut continuer à faire des prières écourtées. C’est aussi l’opinion d’Al-Lakhmî.

Cette dispense partielle ne s’applique pas toutes les fois que le voyageur pense séjourner au moins 4 jours.

(I, p. 131.)

Un individu loue ses services, puis avoue qu’il ne s’est pas acquitté, par oubli, de plusieurs prières qu’il est obligé de faire avant la prière actuelle. Doit-on lui laisser le temps pour cela ?

Non ; ses affirmations ne seront point admises, comme en matières de gage, d’usurpation et d’épave

[Ibn ‘Arafa, T. I, p. 150.)

Le salarié est-il tenu d’assister aux prières qui se font à la mosquée et notamment à celle du vendredi ?

Oui, quelle que soit la durée de son engagement. D’autres auteurs ne l’astreignent à assister à la prière en commun que dans le cas où il a loué ses services pour une période d’un mois et au delà. Il en est dispensé si son travail ne doit le retenir que quelques jours.

(T. I, p. 150.^

Celui dont les pieds sont atteints de paralysie, est-il tenu de l’obligation de louer une monture et de s’adjoindre une personne pour l’aider à se rendre à la prière du vendredi ?

Non, s’il lui est impossible de se procurer ces moyens.

(T. I, p. 124.)

Est-il permis de prier sous la tente, quand sa hauteur est telle qu’elle ne permet pas au prieur de se redresser de toute sa taille ?

11 faut appliquer ici, par analogie, la décision de Mâlik au sujet de la prière en mer. Mâlik a dit : « Si l’assemblée des fidèles ne peut prier en commun sous le pont du navire, que les tètes baissées, j’aime mieux les voir faire la prière chacun isolément sur le pont. » Mais Ibn Baschîr, commentant ces paroles de Mâlik, dit que cela ne s’entend que du navire où Ton serait trop courbé. Si on ne fléchit que peu la tête, il vaut mieux prier en commun.

(T. 1, p. l/i9.)

Les Murābiṭūn qui ont adopté l’habitude de se couvrir le visage d’un liṯām sont-ils obligés de se découvrir entièrement le visage pendant la prière?

Non, car chacun doit conserver son attitude et ce qui le distingue des autres fidèles. Le Liṯām est le signe distinctif des M admis chez eux de père en fils. Non seulement cela n’est point blâmable, mais, au contraire, cela est très bon, car en observant tous cette particularité, ils apparaissent comme très nombreux aux yeux du peuple, et cela contrarie les infidèles et contribue à la puissance de l’Islām. Ce sont eux qui combattent pour les Musulmans, dans la guerre sainte.

Ils ne doivent jamais se séparer du L. Et qu’ils ne craignent pas d’être montrés du doigt et d’être désignés à l’attention de tous, ce qui peut offenser leur modestie. C’est Satan qui leur donne de semblables idées. En conséquence, la prière faite avec le L est valable.

{Ibn Rouschd. T. 1, p. 188.) Manifestement c bien le grand père d’Ibn Rušd dont il s’agit ici !!!

Celui qui, au moment de faire la prière et étant alors tout nu, ne trouve qu’un vêtement impur [manğūs] peut s’en revêtir, car couvrir sa nudité est plus urgent que la pureté, surtout si l’on admet, avec Al-Bāğī, que la pureté du vêtement n’est exigée, selon l’opinion la plus répandue, que d’après la Sunna. Mais si cet homme nu ne trouve qu’un vêtement de soie^ il priera tout nu, car se vêtir de soie pendant la prière est un péché, tandis que la nécessité de couvrir sa nudité est, dit-on, d’obligation traditionnelle {Sounna), Cependant si le fidèle trouve, en même temps, un vêtement manğūs et un autre de soie, il se vêtira de ce dernier pour prier, selon Ibn Al-Qàsim, tandis qu’Asbagh recommande, au contraire, de se vêtir, dans ce cas, du vêtement Manğūs. Il est à remarquer qu’Ibn Al-Qāsim défend le vêtement de soie quand il est seul et ordonne qu’on prie tout nu, tandis qu’il lui donne la préférence dès qu’il est en concours avec un vêtement manğūs. Les auteurs ne savent comment expliquer cette contradiction.

(T. I, p. 158.)

Il est permis de faire la prière avec des sandales aux pieds. Si elles sont fortement attachées sur le pied, on peut se borner à la madéfaction {mash)^ c’est-à-dire à passer la main mouillée dessus.

(T. I, p. 12.)

Celui qui touche à sa chaussure, pour l’arranger, pendant qu’il fait sa prière, devra recommencer celle-ci.

{/bn ‘Allai. T. 1, p. 14.)

Il est permis de retirer sa chaussure dont la semelle est souillée, et de mettre seulement les pieds dessous pour faire la prière; car, dans ce cas, elle remplit l’office d’une natte.

{Un savant tunisien, cité par Al Qarâfî\ T. 1, p. 18.)

Un homme a prié pendant toute sa vie derrière un individu dont le regard est indiscret et dont la femme se permet, du consentement de son mari, de sortir dans la rue, de lier conversation avec les étrangers, etc. Celui qui a prié derrière cet individu sera-t-il obligé de reprendre sa prière?

11 ne doit recommencer la prière que s’il se trouvait encore dans l’heure canonique. Les prières déjà passées sont définitivement valides.

[Ahmad ibn ῾Isa, Bougie. ï. 1, p. 120.)

La prière faite derrière un débauché est-elle valable?

Les opinions sont partagées. Selon les uns, il faut recommencer la prière, si Ton est encore dans l’heure canonique. Selon les autres, elle doit être répétée, quel que soit le moment où l’on découvre ce vice. Pas de répétition si ce débauché est celui auquel on doit obéissance.

[Ibrahim az-Znâsni. T. 1, p. 117.)

Šihāb ad-Dīn Aḥmad b. Idrīs Al-Oarāfī as-Sanhāğī (m. 1286

Un homme est en train de faire sa prière ; tout à coup il s’aperçoit que quelque chose d’impur est tombé sur lui. Doit-il continuer sa prière ou s’arrêter ?
Il doit interrompre sa prière sur-le-champ, fût-il en ce moment agenouillé dans la direction de la Qibla, Toute la prière est à recommencer, si le fidèle n’a aperçu la souillure de ses vêtements qu’après avoir terminé l’exercice de sa piété. Cette opinion repose aussi sur la Mudawwana.

{Ibn ‘Arafa, T. 1, p. 9.)

La prière est inefficace, lorsqu’on a touché les vêtements d’un homme dont la propreté est sujette à caution. Cependant, pour celui qui prie, si les pans de son vêtement touchent un objet impur, sans que lui-même s’assoye dessus, sa prière est valable.

{Al’Bourzouli. T. 1, p. 17.)

Doit-on recommencer la prière quand on s’aperçoit qu’on avait un pou sur le vêtement?

Non, bien que le pou constitue une impureté {nağāsa) parce que c’est une chose dont on ne peut se débarrasser.

{Aboâ ‘Azîz.T. I, p. 121.)

Peut-on se frotter les yeux pendant la prière?
Oui, si l’on a mal aux yeux. Mais il y a divergence, si c’est seulement pour ramener le regard (trouble).

{Ibn Al-Hāğ. T. I, p. 189.)

Est-il permis de se gratter pendant la prière?
Oui, si la démangeaison est telle qu’on ne puisse plus prier, car si la démangeaison est trop forte « on est présumé n’avoir prêté aucune attention à la prière, et on serait obligé de la recommencer.

[Abd Allah Al-‘Abdūsi.T. I, p. 15.

Celui qui fait un vent pendant la prière, qu’il a commencée sans oudoû ni Tīmūm ce qu’il n’a trouvé ni eau, ni sable, doit interrompre sa prière, car il s’est produit un fait nouveau qui est incompatible avec elle !

I, 45-6.

Comment priera le fidèle qui ne peut se tenir debout sans faire de vents ?

Il priera assis.

(Abū I-Qāsim ῾Abd ar-Rahmān b. ῾Abd Allah b. ῾Abd Al-Hakam (829-871). I, p. 26.)

Peut-on prier sur la terrasse d’une maison construite en maçonnerie, dont le mortier a été préparé avec une eau impure?

Oui. 11 en est de même des ablutions faites avec Teau recueillie sur cette terrasse.

{Saḥnūn, T. 1, p. 13.)

Est-il permis de faire la prière sur une terrasse vis-à-vis de latrines, et peut-on se servir, pour la prière, d’une natte trouée et placée sur des impuretés?

Oui, d’après Aboû-1-Qâsim Al-Ghoubrînî. Non, pour le second cas, d’après d’autres auteurs, car ici le contact est trop rapproché.

[Al-Bourzoulî. T. 1, p. 17.)

Peut-on faire la prière sous une tente ou un gourbi sur lesquels a uriné un animal impur ?
Oui, si la tête de celui qui prie ne touche pas la toile de la tente.

(T. I, p. 16.)

Il est permis de faire la prière sur un tapis de soie, pourvu qu’il soit recouvert d’une autre étoffe, car, de même que pour les choses impures, on ne tient pas compte de ce qui est dessous.

[Un savant tunisien. T. I, p. 17.)

Un professeur a expliqué ce passage du Qoran : « Nous le marquerons sur le museau LXVIII, 16», en donnant au mot Ḵurtūm le sens de nez, et il a ajouté : « Si le nez a été spécialement désigné, à l’exclusion d’autre chose, c’est parce qu’il est la plus noble partie du visage. » Un de ses auditeurs lui répondit alors : « S’il en était ainsi, on devrait décider que le suğūd est valable quand seul le nez a touché la terre ; or cela n’est guère admissible. » Que faut-il en conclure ?

Le Qoran a employé, à dessein, l’expression Ḵurtūm, parce qu’elle s’applique, en réalité, aux animaux, le mot nez étant réservé à l’homme. Or les infidèles sont assimilables aux animaux, ils sont même bien plus égarés. Le nez est ici particulièrement désigné, parce que, dans la langue des Arabes, il personnifie la fierté, l’opiniâtreté, l’entêtement à ne pas accepter la vérité. Or, le crime des infidèles est précisément d’être rebelles à la vérité ; c’est pour cela que le verset du Qoran dit qu’ils seront stigmatisés sur leur nez, afin qu’il y ait concordance entre le crime et le châtiment 2. — Quant au soudjoûd^ il se pratique sur le front, parce que le front est une des sept parties sur lesquelles le Prophète a ordonné qu’on se prosterne. Si le nez touche également la terre, cela ne fait aucun mal, mais s’il la touchait seul, le suğūd n’est pas valable.

{Abū-Faḍl Taqī ad-Dīn Muḥammad b. Muḥammad b. ‘Alī b. Humām b. Al-Imām Al-Ġarnātī, I, p. 153, faqîh malékite andalous (1278-1344)

Celui qui fait sa prière, étant sur une monture, doit considérer le sol et relever son turban de dessus son front.

(T. I, p. 49.)

Pourquoi le fidèle, qui a fini la prière, prononce-t-il la formule du taslīm ?

C’est parce que, tout le temps que dure la prière, on est censé être en voyage, l’âme devant aller en présence du Très-Saint. On quitte donc le monde de la réalité et l’on traverse les océans du « Qoran sublime ». Quand on termine sa prière, on revient de son voyage, et il est tout naturel qu’on salue ceux auprès desquels on retourne.

{῾Umar Al-Qalšānī, I, 152.)

La prière connue sous le nom de Salât ad-dou’â qu’on fait la veille du premier vendredi du mois de rağab, est-elle permise ?

C’est une innovation très mauvaise et fortement désapprouvée. 11 est du devoir de chacun d’éviter cette pratique et de rappeler aux vrais principes ceux qui s’y appliquent. Le représentant de l’autorité doit aussi s’employer à défendre cet usage à ses sujets, car il est leur berger. Or, le jour du jugement, il sera demandé à chaque berger compte de son troupeau.

(Nawawî, T. I, p. 247.)

Peut-on faire le rfoii*d(vœux), en interrompant sa prière, quitte à la reprendre à Tendroit où Ton s’est arrêté, dès qu’on aura adressé ses vœux à Dieu ?

Oui ; on peut dire le doua en suğūd ou en qiyām, mais jamais quand on fait le rukū῾. Quant à la manière d’interpeller Dieu, bien que des expressions comme: gloir ami de mon cœur ! soient permises, il vaut mieux se servir
des termes qoraniques, tels que: Allahoumma ; Rabbana.

[Abū Muḥammad. T. I, p. 230.)

Il est permis de lever les mains, la paume tournée vers le ciel, quand on fait des vœux. Mālik approuvait cet usage. On peut même se borner à lever un seul doigt, ce qui s’interprète comme une attestation de Tawḥīd. Telle est l’opinion d’Al-Bāğī.

Quand le Prophète faisait des vœux, il levait les mains vers le ciel, et les passait sur son visage, quand il terminait. L’opinion d’ibn ῾Abd As-Salām, qui désapprouvait cet usage, est ainsi battue en brèche. D’ailleurs, cette pratique est approuvée par Aboû Sa῾īd ibn Lubb, Abū ‘Abd Allah ibn *Allâq, Aboû-1-Qâsim ibn Sirâdj, tous Fuqāhā de Grenade ; par Ibn ‘Arafa, Al-Bourzoûli, Al-Ghubrīnī, imâms de Tunis ; par Abū Yaḥyā Asch-Scharîf et
Aboû-1-Fadl Al-῾Ouqbânî, tous deux imâms de Tlemcen. C’est aussi l’opinion des jurisconsultes de Fâs.

(T. I, p. 232.)

Est-il permis de faire le doua (vœux) après la prière ?

Ce que je pense de cette question est ce qu’en pensent tous les docteurs, à savoir que le doua est une innovation bien mauvaise. Elle est si funeste que celui qui ne la pratique pas passe pour un impie et encourt des reproches.

C’est un indice de l’arrivée de la fin du monde : le bien devient blâmable et le mal recommandé,

{Abū-l-῾Abbâs Ahmad ibn Qâsim Al-Qabbâb.
T. I, p. 233.)

On ne doit pas non plus faire de vœux après la récitation complète du Qoran {Ḵāṭima).

(Le même: ibidem.)

Ceux des jurisconsultes qui disent que le doua est une pratique louable et recommandée ne mentent pas, je le reconnais. Je ne désapprouve en aucune façon les vœux que l’individu adresse en particulier à Dieu, après la prière. Ce que je méconnais, c’est le dou^â en commun, à l’issue de toutes les prières, si bien que celui qui ne le pratique pas passe pour un homme qui ne fait pas tout ce dont il est tenu. Le dou’â est prescrit, soit, mais non tel qu’on le pratique aujourd’hui.

(Le même: ibidem.)

Peut-on dire dans sa prière, au moment du doua (vœux) : « Dieu, écarte de moi Munkīr et Nakīr ?
On peut simplement demander à Dieu de mourir martyr dans la guerre contre les infidèles. Cela suffit pour éloigner les deux anges, qui n’interrogent jamais, d’après le hadithy ceux qui sont tués comme martyrs pour la foi. Mais l’on ne peut pas demander directement leur écartement, car ils interrogent nécessairement tout croyant, sauf les Šuhādā.

(T. 1, p. 230.)

Celui qui ne connaît pas la langue arabe peut-il faire des vœux {dou’â), pendant sa prière, en langue berbère, par exemple ?

Oui, car Dieu sait mieux que personne toutes les langues.

(T. I, p. 157.)

Celui qui a pris Thabitude, à la suite d’un vœu, de faire des prières surérogatoires [navoâfil) peut-il cesser d’accomplir cette pratique quand il lui plaît?

Quiconque s’habitue à faire des prières surérogatoires, de nuit ou de jour, à lire le Qoran, à répéter le dhikr^ ou à jeûner, doit y persister, car il ne devait s’engager à faire que ce qu’il savait ne pas devoir abandonner un jour. Ce que Dieu aime le mieux, c’est la persistance dans les bonnes actions, fussent-elles peu nombreuses.

(T. I, p. 137.)

On sait qu’il est de règle qu’après le ‘asr, il n’est plus permis de faire aucune prière surérogatoire (nāfilī). Mais faut-il entendre par là qu’on ne peut plus s’adonner aux pratiques surérogatoires quand la prière du ‘asr a été faite, ou seulement quand le moment de faire cette prière est arrivé ?

La défense ne s’applique que lorsque la prière du ‘asr est accomplie. C’est l’opinion exprimé par Ibn Al-Hāğib dans son ouvrage intitulé : al-Furūq

[Un disciple d’Abū Yahyâ Asch-Scharîf. T. I, p. 179.)

Celui qui fait sa prière étant sur une monture, doit-il observer la pureté (tahâra) de la partie de la selle, du b.1t ou litière sur laquelle il est assis ?

Cela n’est exigé que s’il s’agit d’une prière surérogatoire {nāfīla), car on n’est pas tenu de la faire quand on ne réunit pas toutes les conditions requises. Au contraire, s’il s’agit d’une prière d’obligation canonique (farîda)^ la pureté de la selle ou de ce qui en tient lieu, n’est pas
exigée, car cette prière est indispensable et on doit la faire coûte que coûte. D’ailleurs, il ne peut être question, dans ce cas, de pureté, puisqu’on est dispensé des rukū῾ et des suğūd.

{Ibn ‘Arafa, T. I, p. 128.)

Lorsque le peuple sort pour procéder à islisqā’, est-il permis, comme on le fait, de parcourir les rues et les mosquées, en criant tous d’une seule voix et en faisant entendre les voix et le dhikr?

Au point de vue légal, on ne doit permettre que les prières, la Ḵuṭba, les vœux, la contrition et l’aumône. Quant à ces tournées par monts et par vaux, et ces promenades à travers les rues, en compagnie des enfants et des femmes en pleurs et jetant des cris, tout cela est blâmable, d’après Ibn Habib, en tant qu’innovation. D’ailleurs, aucun auteur, en dehors d’Ibn Habib, n’a traité cette question. Toutefois, on fait valoir que cela contribue à apitoyer les cœurs et, à ce titre, cela devient une bonne pratique. C’est ainsi que Moùsâ ibn Nousair^ sortit pour Islisqâ, en Ifrîqyya en se faisant accompagner des enfants, des femmes, des pères, des juifs et des chrétiens et même du bétail. Seulement, chacune de ces catégories cheminait isolément. Certains Ouléma de Médine ont approuvé cette façon d’agir.

(T. 1, p. 140.)

Un lecteur du Qoran avait l’habitude de se lever dans la dernière partie de la nuit, pendant le mois de ramadan, et de lire le Livre Saint. Chaque fois qu’il terminait une sourate (chapitre), il disait : « Allah est grand, très grand ! Louanges à Allah en très grand nombre. Gloire à Allah ! à l’aurore et au crépuscule. » — Le Schaikh al-Islâm, Aboû Ishâq ibn Al-*Asi, le fît comparaître et le réprimanda au snjet de cette innovation. 11 le menaça de lui donner des coups de fouet, s’il recommençait. C’est alors seulement que le Qârî renonça à ses formules.

(T. 1, p. 129.)

Pour déterminer le nombre minimum que doit réunir l’assemblée des fidèles d’un village, pour être tenus de la prière du vendredi (en commun), faut-il considérer le nombre des maisons composant le village ou le nombre des hommes ?

Par le mot maisons qui se trouve dans le hadîlh^ il faut entendre le nombre des hommes. C’est l’opinion d’Ibn Habib et d’Ibn Al-Mâdjischoûn. Màlik, au contraire, ne fixe pas de chiffre déterminé, et exige seulement qu’il s’agisse d’une ville ou d’un village très important.

[Ibn Rouschd. T. I, p. 186.)
Celui qui risque, en se rendant à la prière du vendredi^
d’être tué par quelqu’un, peut-il se dispenser d’assister à cet office ?

La question est très controversée. Elle dépend du point de savoir si Ton peut commettre un péché, quand on y est contraint par une menace de mort. L’opinion rapportée par le Schaikh Aboû Mouhammad, dans le Kitâb an-Nawâdir, est que la menace de mort ne saurait permettre à un musulman de commettre un péché.

Cependant, Sahnoùn a décidé, dans une espèce où il s’agissait d’un captif contraint par son maître à hoire du vin, que, s’il y avait menace de mort, le captif pouvait obéir à son maître.

[Mouhammad ibn Marzoûq. T. 1, p. 124.)

Ceux qui habitent dans les montagnes et les grottes en attendant que la construction de la ville soit terminée, sont-ils tenus de la prière en commun du vendredi ?

Si le nombre de ceux qui se rendent à la prière en commun est dans les environs de huit à dix, il ne doit pas être procédé à l’office. Telle est du moins l’opinion de ceux des jurisconsultes malékites qui prennent le nombre des fidèles en considération. Pour eux, le minimum est de trente, ou même de cinquante. Mais l’opinion la plus répandue est qu’il n’y a pas de chiffre fixe ; ce qu’il faut, c’est une assemblée de fidèles suffisante pour constituer une réunion imposante, comme c’est le caractère de l’Islam, le tout en tenant compte de l’importance du village. S’il y a d’autres petits villages à l’entour, ils ne seront tenus de s’adjoindre au village le plus important, que s’il constitue réellement une localité qu’on peut qualifier du nom de oumm al-qoarâ (mère des villages), c’est-à-dire quand
il a un minimum d’une trentaine de maisons non éparpillées.

Ceci dit, il ne peut être question, pour ceux qui habitent les montagnes et les cavernes, de se réunir pour la prière en commun du vendredi.

(T. 1, p. 142.)

IMAM

Depuis le commencement du sixième siècle de Thégire, les khalifes *Abbassides instituèrent au temple de la Ka’ba, à La Mecque, quatre Imâms, représentant les quatre rites, Jfalékite, Hanafite, Chaféïte et Hanbalite, et l’habitude s’est dès lors introduite de faire quatre offices, chaque Imàm dirigeant, dans l’emplacement qui lui est désigné, eux des fidèles qui sont du même rite que lui. Cela est-il permis, et peut-on considérer ces divers emplacements comme des mosquées distinctes ? Ou bien la Mosquée Sacrée (al-Masdjid al-Harâm) étant unique, ne doit-on voir dans ces quatre prières qu’une prière commune répétée quatre fois dans la même mosquée, ce qui est désapprouvé (makroûh) ? Peut-on dire que Tlmâm désigné par le khalife, en premier lieu, est le véritable Imâm, et que la prière faite
derrière les autres est makroûha, désapprouvée ?

Lorsque ces quatre Imâms ont été désignés par l’Imâm des Musulmans, le vicaire d’Allah sur la terre, la prière qu’ils font chacun dans un emplacement séparé doit être considérée comme faite dans des mosquées distinctes.

Cette prière est donc valable et exempte de toute Karâhû ^désapprobation). Cela est la conséquence des ordres de l’Imâm (le souverain). Quant aux Imâms (qui dirigent la prière), ils sont sur le pied d’égalité, et chacun peut prier derrière celui d’entre eux qu’il juge bon. Cependant, pour la prière du Soubh {du matin) et du Maghrib, il vaut mieux suivre Tlmâm qui fait ces prières aussitôt le moment canonique arrivé.

{ Imām Abū Muḥammad b. ῾Abd Al-Karīm b. ῾Abd ar-Ralmān b. ‘Atā Allah Al-Mālikī (m. 1309). I, 168.-

Autre réponse. —

Si la décision émane du Khalife, on doit s’y conformer; sinon, chaque Imâm veillera à observer l’heure préférée par son rite, et les fidèles ne peuvent prier qu’avec Tlmâm du même rite qu’eux, à moins d’empêchement légal.

[Aboù-l-*Abbâs Aḥmad b. ῾Umar al-Ansàri al-Qurṭubī, Ibidem.)

On sait que l’Imâm qui fait sa prière étant souillé (i)ar un écoulement spermatique) doit refaire seul sa prière : celle des fidèles qu’il a présidés est valable. D’autre part, s’il a oublié la fâliha (première sourate du Qoran), il est tenu, en même temps que les fidèles, de refaire l’office. Pourquoi cette différence entre les deux cas ?

La différence tient à ce que Isi pureté (tahâra) est exigée de l’Imâm, qui s’en trouve responsable à la place des fidèles ; aussi, dès qu’elle fait défaut, l’Imâm seul redira sa prière.

Au contraire, la fâtiha est exigée de tous les fidèles, indépendamment de l’Imâm ; de sorte que, si elle a été omise, Tun des piliers de la prière fait ainsi défaut, et la prière de tous est nulle.

{Qâsim AWOuqbânî. T. I, p. 157.)

Les anciens (les premiers musulmans) voyaient d’un mauvais œil tout salaire stipulé ou accepté pour des choses qui se rapportent aux « *Ibâdât » (pratiques religieuses), comme laver les morts (ghasl al-amwât)^ les enterrer {dafn)y annoncer la prière {adhân)^ faire la prière dite « larâwîh », enseigner le Qoran, la jurisprudence. Bien que nous ayons décidé, ailleurs, que ces choses peuvent faire Fobjet d’un contrat de salariat valable, leur essence exige qu’on s’en serve pour gagner Tautre monde. Celui qui accepte pour cela une rétribution est comme s’il vendait la vie future contre la vie d’ici-bas. Mâlik disait : « J’aime mieux voir quelqu’un mettre sa personne en location au marché des bestiaux que de le voir accepter un salaire pour des œuvres d’Allah très glorifié ! »

{Ibn Al ‘Arabî, T. 1, p. 230.)

L’emploi des moniteurs (musamrai) dans la prière est-il licite ?

La question est controversée. Certains jurisconsultes n’autorisent l’emploi du moniteur qu’en cas de nécessité absolue, lorsque l’assemblée des fidèles est très nombreuse. Même dans ce cas, le mousammV (moniteur) doit se tenir là où la voix de l’Imâm cesse d’être entendue des fidèles. C’est aussi la façon de voir d’Ibn *Abd As-Salâm.
Dans cette opinion, on se fonde sur l’exemple d’Aboù Bakr qui, lors de la maladie du Prophète, priait lui-même en se guidant sur le Prophète, tandis que les fidèles se guidaient sur Aboù Bakr.

. Hors le cas de nécessité, la prière du moniteur, mais la sienne seule, est invalide.

(T. I,p. 130.)

L’Imàm d’un village est partisan des pratiques dévotes de la confrérie des faqîrs. Il se réunit avec eux dans une zûouia^ la veille du lundi et du vendredi, et là ils com- mencent par lire dix sourates du Qoran, puis ils s’adonnent au dhikr auquel ils sont habitués; ensuite le louangeur (al-maddâh) prononce sa formule de louange, tandis que ses compagnons, y compris Tlmâm, l’entourent et répètent ce refrain en battant des mains et en dansant. Lorsque vient l’anniversaire de la naissance de TApôtre d’Allah, rimàm se transporte avec ces faqîrs vers un autre village situé à vingt milles de là, laissant la mosquée, dont il est le titulaire, sans khoutba (prêche) et sans Imâm. Son absence se prolonge de trois à quatre jours.
Cet Imàm doit-il être maintenu en fonction, alors qu’il sait pertinemment que ces pratiques {tarîqa) des faqîrs constituent une innovation, une hérésie, qui n’a jamais existé du temps du Prophète, ni du temps des TâbVûn ^ Or, toute innovation est un égarement et tout égarement conduit au feu. 11 est vrai que ce qui a poussé cet Imâm à faire partie de cette confrérie, c’est le désir de prononcer souvent le nom d’Allah, de iouanger Mouhammad
et de se trouver au milieu des Ikhouân- (frères).

Est-il passible de quelque condamnation ?

Cette question a déjà fait l’objet des consultations des plus grands jurisconsultes, et tous ont désapprouvé ces pratiques et leur ont reconnu le caractère d’innovations blâmables, car la tradition est en sens contraire. D’ailleurs la danse ne peut être tolérée ; c’est tourner la religion en ridicule. Telle ne doit pas être la conduite du vrai croyant. Quant à celui qui approuve ces pratiques et les accomplit lui-même, son exclusion de Vimâmat ne fait point de doute, surtout qu’il est cause que la mosquée reste sans Imâm ni muezzin. Y a-t-il un homme plus coupable que celui qui empêche que le nom d’Allah soit prononcé dans les mosauées. Mieux vaut encore prêter Toreille au discours du ‘ar//* (sorcier) que d’écouter ces faqîrs. Au moins, dans le premier cas, on sait bien qu’on fait une chose qui n’a aucun mérite et qui constitue plutôt un péché. Tandis que, dans le second cas, on s’imagine faire œuvre méritoire, alors qu’on se couvre de ridicule en faisant des choses peu sérieuses. Or, nous ne sommes pas créés pour nous occuper de plaisanteries. C’est une hérésie qui conduit au feu de l’Enfer.

Quant à l’Imâm, sa seule présence au milieu de ces gens est une cause suffisante de révocation. Ce n’est pas de cette manière qu’on témoigne de son amour pour le Prophète et les Ashâb, Il suffit des sentiments qu’on garde au cœur et des prières nombreuses (|u’on adresse en faveur du
Prophète et des Ashâb.

Celui qui attaque la réputation de rimâm, fut-il lui-même d’une autre communauté, ne peut encourir le moindre reproche, car il s’eflbrce de faire disparaître une chose blâmable (mounkar).

{Le Qâdî Aboû ‘Amr ibn Mandhoûr’, T. I, p. 138.)

On peut à la rigueur admettre le dhikr, quand chacun le prononce isolément, mais jamais quand cela se fait en commun. C’est l’opinion de Mâlik.

Pour ce qui est des danses et des sauts, celui qui en soutient le caractère licite est un ignorant. En tous cas, il doit faire contrition et ne plus retomber dans ce péché.

1. S’agit-il du célèbre lexicographe Ibn Moukarrain b. ‘Ali ibn Mançlhoùr,
l’auteur du Lisân al-*Arab? C’est le seul Ibn Mançlhoùr que nous ayons
pu trouver. Voy. Brockelmann, II, 21.

S’il y persiste, malgré la défense qui lui en est faite, et refuse d’abandonner cette pratique, // sera mis à mort.

{Aboâ’l’Hasan Al ‘Amirî, Ibidem, \

Le vieillard que Tâge a courbé au point qu’il est dans la position d’un homme qui fait la ra/f*a, peut-il être pris comme Imâm ?

Non, car son cas est analogue à celui qui ne peut faire l’office que dans la position assise.

(T. I, p. 1/|3.)

Est-il permis de prendre pour Imâm un homme qui, vu son grand âge, est tout courbé ?

Oui, et le cas s’était présenté à Tunis, du temps d’Ibn *Arafa, pour l’Imâm Aboù *Abd Allah Mouhammad ibn Marwân, dont la destitution avait été demandée.

Ibn *Arafa, consulté, rendit une félwa en faveur de rimàm Ibn Marwân.

(T. I,p. 119.)

L’Imâm qui, par suite de cécité, s’écarte de la direction de la Qibla^ peut-il présider à la prière ?

La cécité n’est pas, en principe, un obstacle à l’exercice des fonctions d’Imâm. Mais si cela a pour conséquence d’écarter l’Imâm de la direction de la Qibla^ ou de le laisser recevoir quelque souillure, sans qu’il s’en aperçoive ni qu’il puisse éviter ces accidents, il doit être destitué.

(T. I, p. 130.)

Feut-on prendre, comme Imâm, un homme dont les pieds sont paralysés et qui ne peut, par conséquent, faire le suğūd régulièrement ?

Non, à moins qu’il n’y ait personne, en dehors de lui, sachant lire le Qoran.

{Aboû Saîd ibn Loubb. T. I, p. 119.)

Un individu a eu la jambe cassée, et quand elle fut guérie, elle se trouva plus courte que Tautre ; peut-il servir d’Imâm?

Oui, s’il peut se tenir debout sur ladite jambe, car il remplit eflectivement la condition du qiyâm (action de se tenir debout pendant la prière). 11 doit donc être maintenu à son poste, à moins qu’il n’y ait, dans l’assemblée, une autre personne plus apte que lui à officier. Mais cela esl seulement préférable {moaslahabb),

(T. I, p. 148.)

L’Imâm qui est convaincu de son incapacité doit-il résigner lui-même ses fonctions ?

Non, il suffit qu’avant chaque prière il prenne l’intention bien arrêtée de revenir à résipiscence {taivba).

{Ibn Houraiih. T. 1, p. 120.)

Celui qui commet des barbarismes peut-il servir d’imam le jour du vendredi ?

Si ces fautes de langage sont commises dans la Khoutba (prône), cela ne fait point de mal. Si c’est dans la récitation du Qoran, la décision doit être la même, qu’il s’agisse de la prière du vendredi ou de toute autre prière. La meilleure opinion est que la prière présidée par cet Imâm est valable, s’il est d’ailleurs pieux et vertueux. La raison en est que celui qui récite le Qoran en commettant des barbarismes attribue aux mots qu’il prononce mal, non pas le sens qu’ils auraient ainsi prononcés, mais celui qu’ils ont réellement, quand ils sont prononcés par un bon lecteur. C’est l’opinion d’ibn Ilabîb. Quanta l’opinion qui exclut cet individu de l’Imâmat sans faire de distinction, elle ne s’appuie sur rien de solide.

Enfin Ibn Al-Qassàr distingue selon que les barbarismes changent entièrement le sens du discours, comme c(»lui qui prononcerait anamlou ‘alaihim ç^f^ c<^\ (sur lesquels fai répandu mes bienfaits) au lieu de anamla *alaihim c***il (sur lesquels tu as répandu tes bienfaits)*, ou bien n’entraînent pas semblable confusion, comme celui qui prononcerait la formule : « louange à Allah » en disant : al-hamdi Ullâhou », au lieu de al-hamdou lillâhi. Dans le premier cas seulement, l’individu dont la prononciation a ce défaut ne peut pas être Imâm.

(T. 1, p. 228.)

Celui qui, ayant une bonne diction, fait la prière derrière un Imâm qui ne sait pas lire^ doit-il recommencer sa prière ?

La question est discutée. Par les mots qui ne sait pas lire^ le jurisconsulte x\l-Qâbisî’^ entend celui qui commet des barbarismes. En conséquence, il astreint le fidèle qui a prié derrière lui à recommencer, quand lui-même a une meilleure diction.

Ibn Rouschd prend ces mots comme désignant ï illettré {oummî). Aussi, à ses yeux, les simples barbarismes ne suffisent-ils pas pour légitimer la répétition de la prière.

(T. I, p. 136.)

Un sodomite peut-il être nommé Imâm pour faire les offices ?

S’il est avéré qu’il joue le rôle de sujet passif, son exclusion de l’imamat ne fait pas de doute. Mais s’il en est seulement soupçonné^ il n’y a plus d’exclusion obligatoire, mais seulement désapprobation [Karâhâ)

{Mouhammad ibn Marzūq, T. I, p. ll^j.)

La même désapprobation doit atteindre, d’après Ibn Al-Hāğib, ceux qui ont été mentionnés avec le bardache.

{Ibidem,)

Celui qui se permet de voir des femmes qui lui sont étrangères {ağnabiyāt), telles que sa belle-sœur , ou les filles de premier lit de la femme que son père épouse en secondes noces, peut-il devenir
Imām ?

Il est illicite de s’isoler avec une femme étrangère. Celui qui y persiste est récusable quant au témoignage et aux fonctions d’Imâm. Quant à Tlmâm en fonctions qui donne audience à une ağnabîya dans son propre domicile et en présence de son épouse ou de sa fille, pour lui donner quelque renseignement, il peut lui répondre, mais il doit tout de même éviter de porter sur elle ses regards et de prêter l’oreille à ce qu’elle dit en dehors de ce qu’il est indispensable d’entendre. 11 n’y a rien là de blâmable. Cependant il convient d’observer une certaine distance entre le corps de la femme et celui de l’homme.

(T. I, p. 137.)

L’Imâm qui permet au juif d’entrer chez lui et laisse sa femme se montrer à lui le visage découvert est un Imām sans virilité et dénué de jalousie. Il doit revenir à résipiscence et cesser cette pratique blâmable.

(I, 137.)

Celui dont la femme sort dans la rue le visage et les membres découverts, comme cela se fait chez les Bédouins, ne peut être reçu comme témoin, ni être institué Imâm. On ne doit même pas lui donner laZa/rd/,ou aumône légale, car il reste sous le courroux d’Allah, tant qu’il persiste dans sa conduite.

{Abū ῾Alī Nāsir ad-Dīn al-Mašdālī, I, 117)

Cette énumération de déchéances ne s’applique, d’après Abū ῾Abd Allah Az-Zwāwī, que s’il était au pouvoir du mari d’empêcher sa femme de sortir.

(Ibidem.)

Peut-on prendre comme Imâm celui qui ne soustrait pas sa femme à tous les regards et qui demeure dans la même pièce avec ses enfants, garçons et filles, près d’atteindre leur puberté {mourāhiq) ?

Non, s’il est en mesure d’écarter de sa femme toute espèce de regard. Quant au fait de l’habitation commune, il n’est pas un motif de récusation (ğarḥa), tant qu’il n’y a pas autre chose en plus. Au demeurant, Dieu le sait mieux que personne.

{Mouhammad ibn Marzoûq, I, 117.)

Le Khaṭīb d’un village qui a pris part, avec les habitants, à la mise à mort d’un brigand, peut-il être Imâm ?

Oui, car son acte, loin d’être blâmable, est, au contraire, méritoire. Tuer un homme dangereux dans le pays d’Islām a, en effet, plus de mérite que si Ton tuait un infidèle dans le pays des rūmī-s : ici le danger est plus éloigné et menace moins les Musulmans.

῾Isā Al-Ġubrīnī, I, 118.)

Ne peut être Imâm celui qui tue avec préméditation un Musulman, même si, dans la suite, il revient à résipiscence. Il est également incapable de déposer comme témoin.

{Abū ‘Abd Allah, de Saraqusta, I, 119.)

Celui qui a commis un homicide peut-il être nommé Imâm ?
Jamais, car son repentir {Tawba) n’a aucun effet.

{Abū ῾Uṯmān, T. I, p. 135 Bougie (1246-1315).)

Ne peut être Imâm celui qui pratique la géomancie, la divination, la magie, Tastrologie, le sort et autres métiers du même genre.

{Abū l-Qāsim ibn Sirāğ. T. I, p. 119.)

Un fidèle est affecté d’une faiblesse congénitale qui lui fait lâcher des vents à tout moment, sans qu’il puisse se retenir. C’est devenu chez lui comme une incontinence d’urine ou une diarrhée chronique. Cet individu est
Imâm d’une mosquée et il est impossible de le remplacer, faute de personnes sachant exercer ses fonctions.
Lui-même, au contraire, demande à démissionner, mais la communauté refuse. Voici les questions posées à son sujet : Peut-il, comme celui qui serait atteint de incontinence d’urine, faire un seul oudoâ pour plusieurs prières? Convient-il qu’il conserve ses fonctions d’Imâm ?

Cet état morbide enlève-t-il quelque autorité à son témoignage [chahâda) ou à sa tazkyya s’il remplit, d’autre part, les qualités d’un ^adl (témoin honorable) ?

Peut-il assister à des séances d’enseignement sans offenser ceux qui restent auprès de lui ?

La prière de celui qui prie derrière lui, connaissant ou non sa maladie, est-elle valable ?

Si cet homme est réellement dans l’impossibilité de se retenir, on peut le considérer comme celui qui est atteint d’incontinence d’urine, et cela n’enlève rien à l’état de pureté (tahâra) exigé pour la prière. Mais il est bon que Voudoû précède chaque prière. Cela est moins grave que l’incontinence d’urine et la diarrhée, qui sont humides et par là rendent impurs (mandjoûs) les vêtements du fidèle. Le vent, au contraire, ne crée pas l’état d’impureté (narf- jâsd). En conséquence, l’individu en question peut être Imâm. En tous cas, le vent n’a rien de honteux : c’est comme le rot ou la toux, lesquels ne vicient pas le témoignage de celui qui en est atteint. Celui-ci peut également, sans inconvénient, s’asseoir auprès des autres personnes pourvu qu’il ne lui répugne pas de laisser paraître aux
autres son infirmité.

{Aboû Yahyâ Asch’Scharîf. T. I, p. 181.)

Que doit faire le fidèle qui aperçoit une impureté sur le vêtement de l’Imâm ?

Il doit, si possible, se borner à présenter à rimâm la partie souillée de son vêtement ; s’il ne le peut pas, il lui adressera la parole. Mais il ne doit rien dire s’il s’agit du vêtement de toute autre personne que l’Imâm.

{Ibn Lubāba. T. 1, p. U.)

Pendant tout le mois de ramadan une communauté a eu pour Imâm, dans tous les offices, un individu qui portait avec lui un Qoran. Le mois de ramadan expiré, cet individu leur dit : « J’ai présidé à toutes vos prières et je suis chrétien. » Puis cet homme disparaît. Que faire ?

Les prières d’obligation canonique seront recommencées, que l’on se trouve encore ou non dans le temps fixé à cet effet. Quant aux prières surérogatoires, on ne les répétera pas. En tout cas, si Ton parvient à mettre la main sur le chrétien, on lui demandera s’il veut revenir à résipiscence. S’il refuse, on le mettra à mort.

{Aboû Saîd ibn Loubb. T. 1, p. 135.)

La prière présidée par un Imâm qui remplit les fonctions de notaire dans les affaires concernant le Makhzen est-elle valide ?

La meilleure opinion est celle qui admet la validité d’une pareille prière, pourvu, toutefois, que cet Imâm ne soit pas sujet à caution en ce qui concerne les conditions de purifications et autres se rattachant à la prière. Mais, si son relâchement en matière de religion est tel qu’il ne reculerait pas de faire la prière sans purifications ou même sans intention, il doit être considéré comme un homme qui se joue de la religion, et son exclusion de Tlmâmat ne saurait faire de doute. Bien mieux, celui qui prierait derrière lui, serait dans l’obligation de recommencer sa prière.

On prétend cependant que, dès que l’Imâm met le pied à l’intérieur de la mosquée, tous ses péchés sont détachés de lui, et cela afin que la prière de ceux qu’il préside ne se trouve pas invalidée. Mais son rôle d’Imâm terminé, tous ses péchés se rattachent de nouveau à sa personne.

(T. I, p. 142.)

L’Imàm d’un village, quand il est à gages, doit-il contribuer aux impôts levés par le Makhzen ?

Oui, car il en est tenu au même titre q’ue les autres habitants du village.

{Ibrahim ibn Ahmad ibn Fatūh, T. I, p. 135.)

Les habitants d’un village ayant engagé les services d’un Imâm, ont réparti entre eux, d’une manière équitable, la charge de ses honoraires. Trois individus, habitants de ce village, refusent de payer leur contribution : peut-on les y contraindre?

Oui, car l’existence d’un Imâm dans une ville est indispensable, et ils sont tenus, comme les autres, de cette obligation. Quant à l’Imâm, tout ce qu’il prendra de ces individus sera bien gagné, à moins qu’il ne se connaisse lui-même quelque motif de récusation.

{Ibrahim ibn Ahmad ibn Fatoûh. T. I, p. 135.)

Ne peut être tenu de contribuer au payement des hono-
raires de rimâm que celui qui s’y est engagé personnel-
lement et de son gré.

{As-Saraqustī)

Un individu, dont la famille habite un village, est obligé de séjourner lui-même dans un autre village, à cause de son travail. Avec quelle communauté doit-il contribuer au payement des honoraires de Tlmâm ?

Avec celle envers laquelle il a contracté l’engagement de payer.

{A boû ‘Abdallah AS’Saraqouspî, T. I, p. 135.)

Un Imàm quitte sa charge au milieu de Tannée. Parmi les biens habous dont il avait la jouissance, il laisse des terrains ensemencés, d’autres ayant une récolte sur pied, d’autres labourés et fumés et enfin d’autres donnés en fermage. Quels sont ses droits ?

Quant aux terrains ensemencés ou ayant une récolte sur pied, les fruits en appartiendront à l’Imâm sorti de charge, qui supportera, d’autre part, les frais nécessaires jusqu’au moment de la maturité.

Pour les terrains simplement labourés et fumés, le Nadir (inspecteur) des Habous, ou celui qui en tient lieu, aura le choix ou de laisser lesdits terrains à l’Imâm sortant moyennant un loyer y afférent, ou de le désintéresser en lui remboursant la valeur de ses labours, fumages et
autres frais de culture.

Quant aux terrains affermés, les contrats sont maintenus et l’Imâm touchera sur les loyers ou fermages une somme proportionelle au nombre de mois qu’il est resté en charge *. Le surplus appartiendra à son successeur dans
les fonctions d’Imâm.

(T. I, p. 130.)

L’Imâm qui cesse ses fonctions au milieu de l’année, pour cause de destitution ou de mort, devra le loyer des terrains Habous qu’il a ensemencés, pour la période qui courra depuis sa sortie de charge jusqu’à la moisson. Mais la plus value qu’il laissera au terrain viendra en déduction du fermage quMl doit payer.

(T. I, p. 131.J

Si un Imâm quitte ses fonctions au milieu de Tannée alors que les olivettes, dont il avait une quote-part à titre de salaire, n’ont pas produit de récolte, comment sera-t-ïl réglé?

Le salaire de l’Imâm est soumis aux mêmes conditions de validité que le prix des choses déterminées {cerla res)^ à savoir : la déterminai ion j V absence de dot et d’aléa. Dès lors, le salaire ne peut consister en fruits non encore créés, ou même déjà pendants, mais ne devant pas arriver à maturité. L’engagement que l’Imâm contracterait dans ces conditions est annulable, et, s’il est déjà en fonctions, au moment de la découverte du vice de son engagement, il aura droit à une rétribution proportionnelle à son travail, calculée d’après le taux habituel que reçoivent les Imâms, ses semblables.

Que si rimâm a reçu déjà une avance, il en devra la restitution soit en nature^ si c’est des choses fongibles, soit en valeur^ si c’est des choses à estimation ^

(T. 1, p. 136.)

Un Imâm titulaire conserve ses fonctions pendant deux années, dans la même mosquée. Sa rétribution consistait en une quote-part de la récolte d’olivettes habous. La première année ayant été mauvaise, il n’eut rien, et Tannée suivante, la récolte ayant été très bonne, comme c*est le cas des oliviers qui n’ont rien produit la précédente campagne, rimâm quitte ses fonctions au mois d’octobre (avant la récolte): a-t-il droit à quelque chose ?

Oui ; sur la récolte de Tannée en cours, il aura une part proportionnelle au nombre de mois de travail qu’il a fournis cette année-là seulement.

(T. I, p. 140.)

Un Imâm titulaire rétribué se fait remplacer, pendant un certain temps, par un autre Imâm ; à qui doit revenir le salaire correspondant à cette période ?

Si rimâm titulaire s’est fait remplacer pour cause d’empéchement légitime, il aura droit à son traitement complet. Quant au remplaçant (nd/6), si c’est avec l’autorisation du Mâdir (espèce de syndic) de la prière qu’il s’est chargé de l’intérim, il aura également droit aune rétribution.

{Nawawî. T. 1, p. 229.)

Celui qui remplit les fonctions d’Imâm ne peut toucher ses émoluments que s’il satisfait à ses engagements, qui jouent le rôle de condition. Le remplacement n’est admis qu’en cas de maladie, prison ou autres cas analogues. En tous cas, s’il se fait remplacer sans l’autorisation du Nadir, il perd tous droits à ses honoraires. De plus, il ne peut rien prétendre sur ce qui est accordé au remplaçant, lequel joue, dans ce cas, le rôle d’Imâm. Toute convention contraire insérée dans l’engagement de l’Imâm le rend nul et non avenu. Si le remplaçant fait les prières sans en avoir été chargé régulièrement, il ne peut rien réclamer. Il n’y a pas de mal, cependant, à ce que l’Imâm lui donne ce qu’il veut ; mais cela est bien rare. La plupart des jurisconsultes se sont trompés sur cette question, tout en croyant avoir trouvé la bonne solution.

ÇIzzad^Din ibn ‘Abd As-SalâmK Ibidem,)

Celui qui fait une fondation pieuse, dont les revenus doivent servir de rétribution à un Imâm, ou muezzin, ou professeur (moudarris) ou prédicateur (/rAa/f 6), est censé stipuler qu’ils auront ces revenus à charge de s’acquitter de leurs fonctions. Si Tun deux, Tlmâm par exemple, se fait remplacer sans motif légitime, ni lui ni son remplaçant n’auront droit à la rétribution : lui, pour n’avoir pas satisfait aux conditions de son engagement; le remplaçant, pour n’avoir pas été régulièrement chargé des fonctions d’Imâm par le Nadir; l’Imâm titulaire, qui est lui-même un salarié, n’a pas qualité pour nommer un autre aux fonctions d’Imâm.

Au contraire, si le remplacement a eu lieu pour cause d’empêchement légitime, l’Imâm aura droit à son traitement entier, sauf à en abandonner telle partie qu’il voudra à Bon remplaçant.

[IbnAl’Hâdj. Ibidem.)

Si rimâm d’une mosquée, nommé par le Qâdî, cède sa place, par déférence, à son maître, peut-il, quand celui-ci ne peut plus faire l’office, reprendre son poste ? Les habitants du quartier jouissent-ils d’un droit de nomination ?

Seul l’individu désigné par le Qâdî deviendra Imâm,
car le droit de déléguer des Imânis n’appartient qu’à lui.

(QâsimAl’^Ouqbânî. T. I, p. 120.)

Que faire si l’Imâm meurt subitement au moment même où il vient de se prosterner, la face contre terre, dans le Mihrâb^?

Un autre officiant doit continuer la prière, en se plaçant à droite ou à gauche du Mihrâb.

{Saḥnūn. T. I, p. 120.)

Si rimâm meurt dans le Mîhrâb et qu’il n y ait pas moyen de l’y dissimuler afin de continuer la prière, les fidèles du premier rang doivent le passera ceux du second rang, sans cesser de regarder la Qibla, et ainsi de suite
jusqu’à ce qu’il arrive hors de la mosquée. Mais personne ne doit, pour cela, détourner son visage de la Qihla.

(Mouhammad ibn ^Oumar ibn Loubâba, ï. I, p. 120.)

L’iniàm ne peut se faire remplacer que si un événement imprévu (saignement de nez, sa monture qui prend la fuite, etc.) le met dans l’impossibilité matérielle de continuer l’office déjà commencé. 11 ne suffit pas qu’il ressente les symptômes seulement, pour se permettre d’interrompre aussitôt la prière.

{ Ahmad ibn Mouhammad ibn *Abd Ar-Hahmân Ibn Zâghoù Al-Moughrâwi Al-Tlimsàni Al-Imâm, I, p. 121, 782-845/1441
.)

Le vendredi, l’Imâm monte sur le minbar et, comme il n’y a que cinq ou six personnes, il prononce tout de même sa khoutba. Aussitôt, les fidèles qui étaient réunis sur la place ^, attendant l’heure de la prière, pénètrent dans la mosquée ; la khoutba prononcée devant cet auditoire restreint est-elle valable ?

Les gens dont il est question dans votre lettre n’ont pas le sens commun ; c’est de l’ignorance aussi, car ils auraient dû avertir les fidèles d’entrer à l’intérieur pour entendre la Khoufba. En tous cas, la prière du vendredi est valable, pourvu que ceux qui ne sont pas entrés aient été à proximité de la porte.

(T. I, p. 140.)

Si un Imâm titulaire arrive souvent en retard pour présider à la prière, peut-il y être procédé sans lui ou avec lui sans adhân

Les Imâms des mosquées publiques doivent, d’une façon rigoureuse, veiller à faire faire la prière dès que rheure canonique où il est permis de la faire est arrivée. Seule, la prière du « dhohr » fait exception. En effet, on ne doit y procéder que lorsque le soleil couchant réduit Tombre des objets au quart de leur longueur. D’ailleurs la prière faite dès que son temps est arrivé est plus agréable à Dieu. On ne comprendrait même pas comment un bon croyant, soucieux de mériter une large rétribution de Dieu, oublierait la prière pour autre chose.

En tous cas, si, une fois par hasard, Tlmâm, par suite d’oubli ou d’occupation, arrivait en retard à la mosquée, il pourrait ne pas faire Vadhân et se borner à la prière, car, après tout, Vadhân est d’obligation traditionnelle {sounna)^ tandis que la prière est d’obligation divine [farîda).
Encore cela ne lui est-il permis que si, en faisant Vadhân, il risque de laisser passer le temps de la prière.

Enfin, si rimâm persiste à arriver toujours en retard, l’assemblée des fidèles peut déléguer un autre pour faire l’office, car il vaut mieux prier dès l’arrivée de l’heure canonique, même seul, que d’attendre jusqu’au dernier moment pour faire la prière en commun.

(T. 1, p. 137.)

Est-il permis à l’Imâm, qui est très lent dans ses mouvements, d’allonger les syllabes en prononçant le takbîr ou le tahmîd, quand il doit se transporter d’un coin à Tautre ?

Non, car c’est dépasser la mesure prescrite, sans compter qu’il peut ainsi détourner les mots de leur sens véritable, comme s’il faisait une longue de la syllabe 6a, dans les mois Allah A kbar,

{Ibrahim Alh’ThagharÎK vers 776T. 1, p. I24.)

L’Imâm ayant fini l’office, un indigent se lève pour implorer la générosité de l’assistance ; Tlmâm doit-il attendre pour prononcer les vœux et souhaits {dou’â) que l’indigent ait reçu son aumône ?

Pleine liberté doit être laissée à l’Imâm, car le dou’â ne fait point partie de la prière et n’est d’obligation ni canonique, ni traditionnelle. On peut donc le dire avant ou après la prière ou même ne pas le dire du tout.

(T. I, p. 128.)

Un Imâm ayant fait l’office le jour de la fête des sacrifices (‘îd al-adhâ), est chargé par les habitants d’un autre village de présider à leur prière le même jour ; cette seconde prière est-elle valable ?

Non. La prière seule sera recommencée, mais non la fête, car les pratiques d’obligation traditionnelle seulement (sounna) ne sont point sujettes à répétition en dehors de l’heure canonique.

(T. I, p. 136.)

Si, à trois milles de la ville, se trouve un village pourvu d’un Imâm, peut-on prendre ce dernier pour présider à la prière du vendredi qui se fait dans la ville ?

Oui, s’il a été choisi à cause de son mérite personnel, la khoutba restant réservée à un homme de la ville qui y excelle. Cette décision est approuvée par Ibn ‘Imràn et Abou-1-Fadl Râschid.

[Aboû Ibrahim Al- A^radj \le boileux] T. I, p. i2o.)

Un Imâm peut-il faire la prière dite Schfa ou celle du Ouitry dans son domicile ?

Cela est permis, mais il est bon qu’il fasse de temps en temps quelques prières sure ro ga toi res en public, afin que le vulgaire ne se méprenne pas sur la valeur de ces prières et ne s’imagine pas c|ue si Tlmâm ne les fait pas à la mosquée, c’est parce (|u’il en fait peu de cas ou que Ton peut s’en passer.

(T. I, p. iiO.)

Il existe au Maroc une ville où se trouvait un Imâm qui avait coutume de tourner le visage pour regarder derrière lui chaque fois qu’il devait se prosterner. Il se détournait aussi à droite et à gauche, dès qu’il entendait un de ses voisins prononcer le takbîr. Son fils, ayant été interrogé sur cette pratique blâmable de son père, répondit que si celui-ci agissait ainsi, c*est qu’il en avait de très bonnes raisons, et il cita l’exemple d’Aboù Bakr qui, faisant la prière durant la maladie du Prophète, se détourna quand ce dernier entra et aperçut le geste que le Prophète lui fit de la main pour l’inviter à continuer la prière. S’il était défendu à l’Imâm de se détourner pendant la prière, l’assemblée que présidait Aboù Bakr aurait recommencé l’office. Faut-il admettre cette argumentation ?

L’action de se détourner pendant la prière est fortement désapprouvée. Al-Boukhârî rapporte, sur le témoignage de *Aïscha, que le Prophète avait dit : « Quand on se détourne pendant la prière, c’est qu’on est victime d’un larcin de la part de Satan, qui vole ainsi une portion de la prière du Croyant. »

Selon un autre Hadîlh^ celui qui se détourne pendant la prière peut craindre qu’Allah ne transforme son visage en face d*âne ou autre animal. Du reste, il convient de concentrer toute son attention et son intention au moment où Ton s’entretient avec son Seigneur.

D’après Ibn Mas’oùd *, Allah ne cesse pas d’être attentif au fidèle en prière, tant que celui-ci ne s’est pas détourné ou n’a pas reçu quelque souillure.

Ceci dit, l’Imâm dont il est question ci-dessus doit d’abord être mis en demeure d’avoir à éviter de se détourner pendant la prière. S’il y persiste, il sera destitué. Il ne peut s’appuyer sur l’exemple d’Aboû Bakr, car celui-ci ne s’était détourné que dans un cas de nécessité et pour le Prophète.

{Al’^Abdoûsi.l. I, p. 1/|3.)

L’Imâm titulaire qui prie par hasard isolément, peut-il se borner, comme dans la prière en commun, à prononcer ces mots : Allah écoute celui qui le loue; ou bien doit-il faire sa prière comme un fidèle isolé ?

Aboii-1-Qâsim Al-Ghoubrînî lui permet de prononcer la formule sus-indiquée. Il se base, pour cela, sur la Moudawwana qui dit dans un passage : « L’Imâm qui a fait sa prière isolément dans la mosquée, ne la recommencera pas avec l’assemblée, car à lui seul il constitue une assemblée. »

(T. I, p. 148.)
MOSQUEES :

Peut-il exister, dans une même cité, plusieurs mosquées où se fait la prière du vendredi ?
Trois opinions sont en présence :
1 : il ne doit y avoir qu’un seul Jāmi῾ pour la prière du vendredi (Mālik et Šāfi῾i)
2 : il peut y avoir autant e mosquées faisant la prière du vendredi que l’exigent les besoins d’une grande population (Ibn ῾Abd al-Ḥakam)
3 : Si la cité est traversée une seule ou plusieurs fois par un fleuve, on peut, pour éviter aux fidèles la peine de se transporter d’une rive à l’autre, établir plusieurs offices du vendredi dans des mosquées différentes.
Al-Laḵmī est partisan de la deuxième opinion, car si l’assemblée est trop nombreuse, les fidèles qui se trouvent trop loin de l’Imām, ne prient pas dans de bonnes conditions.

(Muḥammad b. Muḥammad b. Abū Ġālib, m. 1254, I, 196)

Peut-on célébrer la prière du vendredi dans le Masjid al-Kabīr, dite Jāmi῾ al-Qarwiyīn, ào Fās ? Cela est-il conforme à l’opinion la plus répandue dans le Maḏhāb de Mālik ? On sait par les historiens qu’à l’origine, cette cité s’étendait sur les deux rives du fleuve qui la traverse, chaque quartier se suffisant à lui-même et ayant sa grande mosquée cathédrale. Mais la guerre civile, à cette époque, éclatait sans cesse entre les eux quartiers de la cité, et les deux grandes mosquées fonctionnaient simultanément.
Quelque temps après, un Amīr s’empara de la cité, dont il rasa les murailles, et en fit une seule cité. Il jeta un pont sur le fleuve, afin d’établir les communication s entre les deux rives et permettre aux habitants de chacune d’elles d’aider les autres. Mais les emplacements originaires existent encore, et l’un des quartiers s’appelle Fās al-Qarwiyīn et l’autre Fās al-Andalūs. La plus ancienne des deux mosquées, selon les historiens, est celles des Andalous.

Peut-on, s’appuyant sur ce témoignage historique, adopter les mêmes décisions que les jurisconsultes de cette époque et suivre le principe posé par Ibn Rouschd ? qui s’exprime ainsi : « Lorsqu’il existe entre les deux vil- lages des motifs de crainte ou une guerre civile, ce qui est rapproché devient (est considéré comme) éloigné, la réunion devient séparation et la question est réglée d’après les circonstances. La cause étant intimement liée à son effet, quand elle existe, la règle s’applique; quand elle disparaît, la règle disparait aussi. »

La vieille mosquée (celle des Andalous), avec la place qui la précède et ses parvis, est trop étroite pour contenir une infime partie des fidèles, a fortiori toute l’assemblée de ceux-ci. On ne peut même pas l’agrandir en y annexant les maisons, boutiques, midâ (locaux attenant à la mosquée et où se font les ablutions), saqâyâ (petits bâtiments renfermant des abreuvoirs et des fontaines) qui lui sont contiguës, car la plupart de ces locaux sont ou biens haboas, ou appartiennent à des pauvres, des orphelins et autres personnes semblables. On pourrait objecter qu’il appartient au schar’ (justice religieuse) de décider du sort de ces propriétés, quand on en a besoin pour observer un devoir religieux, qui ne peut être accompli qu’en un endroit spécialement déterminé. Mais ce pouvoir d’appréciation du schar”^ est ici exclu car, en présence de deux préjudices on choisit le moindre. Or, le moindre préjudice, dans Tespèce présente, est de faire la prière du vendredi dans deux mosquées distinctes, sans avoir besoin de recou- rir à des transformations ou à des désaffectations. Cette solution devrait triompher, surtout quand on adopte l’opinion des savants qui, comme Âl-Lakhmî, disent : « Lorsque les fidèles sont en trop grand nombre et que ceux qui prient dans les parvis se trouvent trop éloignés de rimâm, il vaut mieux célébrer alors la prière du vendredi dans deux endroits différents. » Mâlikdit aussi que si la mosquée n’est pas assez vaste pour contenir tous les fidèles, on priera dans deux mosquées. Yahyâ ibn *Oumar et Ibn *Abd Al-Hakam admettent la même faculté dans les grandes villes.

Peut-on s’appuyer sur l’autorité de ces jurisconsultes et faire la prière du vendredi même dans trois ou quatre mosquées, lorsque deux sont insuffisantes ?

Doit-on considérer, comme une excuse suffisante, l’impossibilité de trouver, dans le Bait-al-Mâl (trésor public), les sommes nécessaires pour indemniser les propriétaires expropriés et pour aménager les locaux annexés en vue de leur nouvelle destination ? Quant à recourir à d’autres que le Bail-al-Mâl, il faudrait d’abord établir, par un titre autheptique, la faiblesse de ses ressources, appuyer ce titre par un serment décisoire {Yamîn al-qadâ) et imposer tous ceux qui habitent la ville ou dans un périmètre de trois milles de rayon, sans en excepter aucun à cause de la protection dont il jouit ou à cause de sa puissance (de son rang).

Or, nul n’ignore combien il est difficile de satisfaire à toutes ces conditions, et l’expérience a déjà démontré qu’il est impossible de conduire les choses dans cette voie droite, comme le veut Allah.

Cet état de choses est-il une excuse suffisante, légitimant la célébration de la prière du vendredi dans les deux mosquées de cette grande capitale (Fâs)? Si cela ne peut être admis, comment excuser ces doctes Imâms, dont les mérites dépassent tout ce que pourraient décrire la langue et le qalam, quand ils ont admis la prière simultanée dans ces deux mosquées [Djâtm al-Qarvoiyyîn et DjàmV al-Andalous) pendant une période dépassant cinq ou six cents ans ? Salut.

Réponse. — Ce qui ressort des textes de la doctrine, c’est que la multiplicité des offices du vendredi dans une même ville est interdite, du moins toutes les fois qu’il y a assez de place (dans une même mosquée), que l’on a le choix et qu’il n’y a ni cas de force majeure ni excuses légitimes de tolérer cette multiplicité.

Parmi les docteurs malékites qui ont traité de cette question, on peut citer : Al-Lakhmî, Al-Mâzarî, Ibn Al-Djallâb, *Abd Al-Wahhâb, Ibn Baschîr et beaucoup d’autres.

*Abd Al-Wahhâb argumente ainsi : Le Prophète et les khalifes, après lui, ont toujours célébré l’office du vendredi dans une seule mosquée. S’il était possible d’y procéder dans plusieurs mosquées simultanément, ils l’auraient fait au moins une fois afin que l’on sût que cela est permis.

Sanad ibn Unâna dit: Trois opinions sont en présence :

1° Il est défendu de célébrer plusieurs offices dans une même ville, par imitation de ce que faisaient les Anciens ;
2° Cela est permis, lorsqu’il y a nécessité comme dans les grandes villes, telles que le Caire, Baghdâd. Cette opinion est professée par Ahmad ibn Hanbal, Mouhammad ibn Al-Hasan, Yahyâ ibn *Oumar, Mouhammad ibn *Abd AlHakam, Al-Lakhmî ;
3° (]ela n’est permis que dans les villes traversées et coupées en deux moitiés distinctes par un fleuve sur lequel aucun pont n’a été jeté, si bien qu’il en résulte comme deux villes séparées. Telles sont Wâsit, Baghdâd.

C’est Topinion à laquelle se rallient Al-Abharî, Ibn Al-Qassâr et Aboii Yoùsouf.

Dans l’ouvrage intitulé al-Wadjîz (le Concis), d’Al-Ghazâlî, il est dit que deux prières du vendredi ne peuvent se succéder dans la même ville. Si le fait se produit^ est seule valable la prière dont le Takbîr a été récité en premier lieu. Selon d’autres, c’est celle dont le Salâm (salut), ou la Khoutba (prône a été dit le premier. Cependant, si, étant donné cet ordre, le Sultan a prié dans la seconde, c’est celle-ci qui sera déclarée valable.

Que si on objecte Texiguïté des dimensions de la mosquée, qui ne peut contenir tous les fidèles, ce qui permet, dans l’opinion la plus répandue, de célébrer l’office du vendredi dans différentes mosquées, il faut répondre : la règle, dans ce cas, est qu’il est nécessaire d’agrandir la mosquée en y annexant les propriétés contiguës, jusqu’à la rendre assez vaste pour contenir tous les fidèles. Les propriétaires, quels qu*ils soient, seront contraints de vendre leurs immeubles moyennant leur valeur estimative, de même que
l’on contraint le propriétaire de Teau à en vendre à ceux qui ontsoif ou craignent pour leur récolte, comme aussi on doit céder, de gré ou de force, son cheval ou sa jeune servante* au Sultan. Cependant, d’après Ibn *Attâb, le Souverain (l’Imâm) ne peut, sous aucun prétexte, contraindre un propriétaire à vendre sa maison pour l’annexer à la mosquée cathédrale, ni l’en expulser contre son gré.

Mais la première opinion est la meilleure et il appartient à la justice de décider en faveur de la collectivité contre les particuliers’^^ comme c’est le cas ici. (^est le même principe qui légitime le jet des navires.

Ibn Al-Hâdj rapporte une décision semblable, rendue par Ubai ibn Ka*b, du temps de *Oumar ibn Al-Khattâb.

Celui-ci ayant voulu agrandir la mosquée du Prophète (à Médine), en lui annexant la maison contiguë, qui appartenait à Al-*Abbâs (oncle du Prophète), ce dernier refusa. Ubai décida en faveur de ‘Oumar, et Al-*Abbâs livra sa maison sans rien accepter en échange.

Ces décisions s’appliquent également à l’expropriation pour élargir une route menant à la mosquée cathédrale. Si la maison expropriée était habous^ dit ‘Abd AlMâlik, le propriétaire fera remploi du prix qui lui est payé après estimation, en acquéfant un immeuble, qui prendra la place du premier comme bien habous.

D’après Moutarrif, lorsqu’une voie publique importante est côtoyée par un cours d’eau qui la dégrade jusqu’à y interrompre la circulation, le Sultan peut contraindre les propriétaires des terrains riverains de les céder, afin d’élargir la voie dans toute la mesure nécessaire. Néanmoins, tant que le Sullan n’en a rien décidé, le public n’a pas le droit de traverser lesdits terrains sans l’autorisation (les propriétaires.

La controverse subsiste sur le point de savoir si l’on peut exproprier pour l’agrandissement de mosquées non cathédrales, et si le remploi du prix est obligatoire lorsque la maison expropriée était habous.

D’après Ibn Sahl, Ibn Al-Mâdjischoûn a dit : « Un cimetière, devenu trop étroit pour servir encore à l’inhumation, peut être affecté à l’agrandissement d’une mosquée y attenante, lorsqu’elle devient insuffisante pour contenir tous les fidèles. »

Ce qu’Ibn Rouschd disait quant à la multiplicité des offices dans la même ville, ne peut plus s’appliquer à la ville de Fâs, vu que le motif de cette décision — la guerre civile — a disparu. On ne peut donc célébrer la prière du vendredi dans la mosquée appelée Djâm-i*al Qarwiyyîn, car, du témoignage des historiens, elle n’est pas la plus ancienne des deux. La même question fut envoyée, par le demandeur, «i notre ami, le jurisconsulte Aboù *Abd Allah Mouhammad ibn Yoùsouf As-Sanoùsi, à Tlemcen. Il répondit en ces termes :

« Depuis que les deux quartiers sont réunis de façon à ne former qu’une seule et même ville, il ne peut plus y être célébré plus d’un office le vendredi, du moins dans Topinion de ceux qui prohibent la multiplicité sans restriction. La réunion de tous les fidèles dans cette grande cérémonie a pour but la solidarité dans la prière et la bonne entente entre tous les Musulmans. Or, dans l’espèce présente, cette entente est d’autant plus désirable que la séparation existe déjà matériellement, à cause des habitations (réparties sur les deux rives du fleuve). Si l’on y ajoutait la séparation dans les cérémonies religieuses, comme l’office du vendredi, cela conduirait à la guerre civie et à la corruption des cœurs. Cependant, la nécessité, en cas d’exiguïté de la Mosquée, vient aider à adopter, dans la pratique, l’opinion qui admet la multiplicité (des offices), soit d’une façon absolue, soit seulement pour les villes, qui, comme Fâs, s’étendent sur les deux rives d’un fleuve. En tous cas, de tous les auteurs que nous avons consultés, ceux qui admettent la multiplicité, ils le font sans restriction quant au nombre des offices célébrés dans la même ville, lesquels peuvent être plus de deux. »
Après un long laps de temps, ce même questionneur se mit en devoir de me réfuter, en faisant accroire que la consultation que j’avais alors rendue émanait d’un contemporai mort depuis peu de temps; il poussa l’audace jusqu’à appeler sur Tauteur la miséricorde d’Allah, comme s’il s’agissait d’un mort! Puis il m’envoya ma consultation ci-dessus exposée avec celle qui la suit (celle de Sanoûsî), me priant de les examiner et de lui dire quelle était la plus conforme à la vérité. Il croyait que, vu la longueur du temps passé, j’avais oublié ce qui était alors ma réponse, et qu’il me mettrait en contradiction avec moi-même, au cas où je me rangerais de son côté. Je lui ai répondu en ces termes * : « Je n’ai pas adopté sans examen ni critique, comme il me le reproche, l’affirmation des historiens d’après lesquels la mosquée des Andalous est la plus ancienne des deux, pour lui reconnaître un droit de priorité sur la mosquée des Qarwiyyîn quant à la célébration de la prière du vendredi. J’ai fait des recherches et j’ai trouvé dans un historien qui s’est occupé spécialement de la ville de Fâs que, lorsque l’Imâm Idrîs fonda la ville de Fàs, il commença par la rive dite Fâs des Andalous, le jeudi premier Rabî*de l’année 192 de l’Hégire. Quand il en eut terminé le mur d’enceinte, il y construisit une mosquée cathédrale où devait avoir lieu la khoutba : c’est le Djâmi-al-Aschyâkh (mosquée des schaikhs). Quant à l’autre rive, dite Fâs des Qarwiyyîn, il n’y commença les travaux que le premier Rabî’ de Tannée suivante 1^193).
Ici aussi, quand il eut terminé le mur d’enceinte, il éleva une mosquée cathédrale où se faisait la khoutba (prône) : c’est le DjâmV asch-Schourfâ. Mais on ne commença à creuser les fondements des deux Mosquées, celle des Andalous et celle des Qarwiyyîn, où se fait aujourd’hui la prière du vendredi, qu’en Tannée 245. Puis, lorsqu’eut lieu Tavènement des Zénétes dans le Maghreb, en Tannée 307, la khoutba (prône) cessa d’avoir lieu dans le Djâmi* ascliSchourfâ, devenu trop étroit pour contenir tous les fidèles,
et fut transportée au Djâmi^al-Qarvviyyîn, qui était beaucoup plus vaste.

Selon d’autres, la khoutba ne fut transportée dans le Djâmî’ al-Qarwiyyîn qu’en Tannée 321, qui est aussi la date à laquelle la khoutba fut transférée du Djâmi*-al-Aschyâkli au Djâmî’-al-Andalous. Tout cela eut lieu par les soins de TEmir Hàmid ibn Hamdân Al-Hamdânî, gouverneur de
‘Oubaid Allah ï.

De tout ce qui précède, il résulte clairement que le Djâmi’-al-Aschyâkh est le plus ancien ot que, du jour où la khoutba fut transférée de cette mosquée dans le Djûmi’ al-Andalous, celui-ci doit avoir la priorité sur le Djâmi*-al- Qarwiyyîn, lequel a succédé, en ce qui concerne la prière du vendredi, au Djâmi* asch-Schourfâ. C’est une application du principe que le remplaçant est soumis aux mêmes règles que le remplacé.

Si, avant ce transfert des offices, on priait dans les deux mosquées, c’est que les deux villes étaient distinctes. Cela ne peut plus être admis, depuis qu’elles ne forment plus qu’une seule et mémo ville.

Notre contradicteur s’appuie sur ce que des khattbs (prédicateurs) de grand mérite ont prêché, le vendredi, à la mosquée de Qanviyyîn. Mais cela ne prouve pas le droit de priorité en faveur de cette mosquée, car ils se sont ralliés à une des opinions en cours, laquelle, d’ailleurs, n’est pas la plus répandue.

11 dit aussi que le Djâmi* al-Qarwiyyîn étant plus vaste, la prière qu’on y fait a plus de mérites, vu le grand nombre des fidèles qui y prient ensemble. — A ce compte là, ce n’est plus alors une question de principes juridiques ni de priorité, mais une question de dimensions ! Ainsi, la prière du vendredi se ferait dans n’importe quelle mosquée, pourvu qu’elle fut la plus vaste, ce qui est inadmissible.
Et puis, les grandes dimensions du contenant ne préjugent pas de l’abondance du contenu : dans une très vaste mosquée, il peut n’y avoir que quelques fidèles, tandis qu’il y aura grande foule dans une mosquée plus étroite.

Il prétend encore que la prière faite dans le Djâmi*-al-Qarwiyyîn en vaut soixante-quinze. — Nous répondons que toutes les mosquées, par cela même qu’elles sont des mosquées, se valent. Il n’y a d’exception qu’en faveur de celles pour lesquelles il existe un texte spécial, comme 1® la mosquée de Qabâ où deux rakas valent une ‘Oumra (visite des lieux saints) ; 2® la Mosquée de Jérusalem (al- Masjid al-Aqçâ), où chaque prière équivaut à mille faites ailleurs ; 3® la Mosquée de Médine, où la prière en vaut
mille ou plus; 4® la sainte Mosquée (la Ka*ba), où chaque prière équivaut à mille ou, selon d’autres, à cent mille prières. En dehors de ces quatre mosquées, toutes les autres sont sur un pied d’égalité.

(Suit une discussion juridique sans intérêt.)

« Je n’ai pas voulu signaler à chaque pas les impropriétés de langage de mon contradicteur, les mots qu’il employait sans utilité, ni toutes ses fautes d’orthographe, comme lorsqu’il écrit j^^, muraille, avec un sâd jj–»,ou Ji>-V, considérer, observer, avec un dâd f^^^i^V), connaissant son ignorance de toutes ces matières. Salut. »

[Ahmad ibn Yahyâ Al-Wanscharîsî I, p. 197)

Un gouverneur ÇÂmil) fait construire une mosquée en employant les habitants contre leur gré, en réquisitionnant, sans motif légitime, leurs bêtes de somme, le tout sans salaire. La prière faite dans cette mosquée est-elle valable ?
On sait d’ailleurs qu’Ibn Al-Qâsîm s’était abstenu de prier dans une mosquée construite au moyen de deniers illicites {harâm).

Le fait que le gouverneur s’est montré un spoliateur ne peut avoir aucun effet sur la validité de la prière faite dans ladite mosquée ; car ces actes d’iniquité ne peuvent engager que sa seule responsabilité. Or, tous les auteurs sont unanimes à reconnaître comme valide la prière faite dans une maison occupée par violence {maghsoâba). C’est aussi l’opinion de Mâlik.

Quant à l’exemple cité au sujet d’Ibn Al-Qâsim, son abstention de prier dans une mosquée élevée au moyen de deniers illicites, s’explique plutôt par un excès de piété {wara) et par l’existence d’autres mosquées où il lui était possible de prier.

{Qâsim Al-‘Ouqbâni. T. 1, p. 126.)

Parmi les habitants d’un village, il en est qui refusent de contribuer aux frais de construction d’une mosquée et au traitement du maître d’école (mouaddib), pour enseigner le Qoran aux enfants. Peut-on les contraindre à cette contribution ?

Oui, sans aucun doute.

Il n’en serait pas de même si on voulait les contraindre à supporter une partie du traitement de l’Imâm, au cas où personne, dans le village, ne sait faire les offices. Cependant des auteurs y voient une obligation dans toutes les hypothèses ci-dessus. En tous cas, la désapprobation atteint l’Imâm salarié, car il doit se charger d’office du soin de présider la prière quand il est seul à pouvoir la faire parmi tous les villageois.

ÇIsaAl-Ghoubrini. T. I, p. .123.)

Peut-on bâtir une mosquée ou un minaret sur des tombes ?

Cela n’est autorisé, par Mâlik, que s’il s’agit d’un vieux cimetière, où l’on ne craint pas de mettre à découvert les ossements des morts. En tous cas, si l’on est sûr de ne pas arriver jusqu’aux ossements par les travaux d’excavation, en bâtissant, par exemple, sur les tombes, cela est permis. Cette raison est la seule qui subsiste aujourd’hui; mais, autrefois, il y avait un autre motif. On défendait la construction des mosquées dans le cimetière, de crainte qu’on n’adorât les tombeaux.

Cependant le jurisconsulte Ibn Al-Hâdj soutient que l’endroit où se trouve enterré un musulman est considéré comme tyagr/* (fondation pieuse) à son profit, et ne peut servir de lieu de sépulture à un autre ou à l’édification d’une construction, que s’il ne reste plus trace de ce musulman ; car on ne doit jamais mettre le mort à découvert.

(Si l’on adopte l’opinion d’Ibn Al-Hâdj, on doit considérer comme évidemment erronée Idifétwa qui a été rendue à Tlemcen en l’année 876 * de l’Hégire et qui déclarait permis le creusement d’un cimetière pour y élever une forteresse ou une citadelle, alors qu’on ne se trouvait pas dans un cas de nécessité absolue. — Al-Wanscharîsî.)

[Ibn Loubb, T. I, p. 268.)

Les habitants d’une citadelle (hisn) où se trouve une vieille mosquée, peuvent-ils contraindre ceux qui habitent en dehors de la citadelle à venir faire avec eux la prière du vendredi afin de contribuer au salaire dû à l’Imâm ?

Ceux qui demeurent en dehors de la citadelle, ayant une mosquée de construction récente, ne sont tenus de prier avec les autres que le jour du vendredi seulement. Quant au salaire de rimâm, il est uniquement à la charge de ceux qui s’y sont engagés et ont accepté de plein gré de le payer. S’ils ne s’entendent pas pour payer un Imâm et qu’ils n’aient personne pour présider à la prière gratuitement, il ne leur est plus permis de résider dans un lieu où ils ne peuvent observer la prière en commun du vendredi. Qu’ils aillent habiter dans un endroit tel qu’ils seront dispensés d’assister à la prière du vendredi ^

{Ibn Bouschd. T. I, p. 185.)

Si une fraction de la population d’une ville veut, pour cause de désaccord avec le reste, avoir une mosquée distincte, elle en a le droit, bien que cette opinion ait été combattue par les auteurs les plus récents.

{Aboû-l’Fadl Râschid. T. I, p. 126.)

Les habitants d’un quartier où se trouve une mosquée, pôuvent-ils l’abandonner et aller faire leur prière dans une autre mosquée ?

Non, car il faut veiller à ce que chaque mosquée ait un Imâm et une communauté (Djamâ*a). Dès que cette condition est remplie, il est loisible aux voisins de ne pas y faire la prière, mais, dans ce cas, ils n’ont pas le choix et ne peuvent se rendre qu’à la mosquée cathédrale. Enfin si rimàm de cette dernière mosquée ne présente pas, à leurs yeux, toutes les garanties voulues, ils recouvrent alors la liberté d’aller faire leur prière où bon leur semble.

(T. I, p. 128.)

Si la mosquée cathédrale est trop éloignée de la ville, l’obligation d’y faire la prière du vendredi subsiste-t-elle ? Voici ce que Ton rapporte au sujet des deux juriscon- sultes tunisiens, Ibn *Abd As-Salâm et Aboû-Al-Hasan Al- Mouschas^ar. Ces deux docteurs avaient Thabitude, lorsqu’ils passaient par un village dont la mosquée était éloignée des maisons de plus de 300 coudées (rf/r/rd*), de ne pas y faire halte et de suivre leur chemin jusqu’à un autre village. Ils ne reprochaient même pas aux habitants du premier hameau pourquoi ils ne célèbrent pas l’office du vendredi dans cette mosquée.

(T. I, p. 136.)

Il existe un village ayant une mosquée un peu délabrée, au milieu de vingt-quatre autres villages, dont tous les habitants faisaient la prière du vendredi dans la mosquée en question. Quand vint la guerre, les habitants se transportèrent au nord de cette agglomération, pour se réfugier dans une citadelle. Là, ils firent la prière du vendredi dans une autre mosquée comprise dans l’enceinte de la citadelle. Mais, quand la paix fut rétablie, les habitants du village où se trouve la vieille mosquée réclamèrent la célébration de la prière du vendredi pour leur mosquée. Ceux de la citadelle refusèrent, alléguant qu’ils sont au nombre de trente familles, tandis que les autres n’en forment que douze. Où se fera la prière ?

La prière du vendredi sera célébrée dans la mosquée de la citadelle, qui ne pourra être dessaisie ni au profit de la vieille mosquée, ni au profit d’aucune autre.

{Ibn Rouschd. T. I, p. 186.)

Est-il permis de faire la prière du vendredi dans une mosquée en ruine (mahdoûm) ^ ?
La prière du vendredi dans une mosquée en ruine n*est pas valable, s’il existe dans la ville une autre mosquée où se fait cette prière. On prétend qu’il n’est permis d’abandonner la mosquée en ruine, que si l’office du vendredi a été transporté dans l’autre d’une manière définitive. Il y a divergence, lorsque la ville n’a pas d’autre mosquée que celle qui est en ruine : les uns veulent qu’on peut y prier, si on n’a pas le temps d’en réparer la toiture ; les autres, s’appuyant sur ce que le mot Bait (maison) ne se com- prend pas sans toiture, refusent aux habitants le droit de prier dans cette mosquée en ruine. C’est l’opinion de Mâlik.

{Ibn Bouschd. T. I, p. 185.)

Voici un procédé pratique pour déterminer la direction exacte de la Qibla (Orient). Le matin du 24 Kânoûn I (Ğumbūr/Décembre), au moment du lever du soleil, se placer la face tournée vers cet astre à une coudée environ. C’est la direction de la Ka*ba.

{Le Qâdi Aboâ Bakr ibn Al-‘Arabî. T. I, p. 107.)

L’hauteur veut dire que, pendant l’hiver y le soleil se levant plus au midi, il faut se placer devant lui et obliquer ensuite vers Test, de manière que le visage de l’observateur et le disque du soleil soient, en perspective^ espacés d’une coudée

[Dhirâ’).

Peut-on se servir des instruments des géomètres et des astronomes pour déterminer la direction de la Qibla ?

Non, car les principes de la loi religieuse de Mouhammad n’en comportent point Temploi. Et, d’ailleurs, ceux qui prient dans une grande mosquée peuvent s’appuyer sur l’autorité des ancêtres qui Font construite, car ceux-ci ont du observer les conditions de validité requises.

{Aboû’l-Qâsim ibn Sirâdj. T. I, p. Hl.)

Pour déterminer la direction de la Qibla^ faut-il tenir compte de V azimut ^ ou suffit-il seulement qu’on ne sorte pas du quart de cercle sud-est ?

La question est vivement disputée entre les auteurs, mais l’opinion la plus sûre est qu’il faut considérer la direction de la Ka’ba d’une façon générale (adj-djiha) et non Vazimut. Autrement la difficulté serait telle que nul ne pourrait faire sa prière valablement. D’ailleurs, le Prophète a dit et *Oumar ibn Al-Khattâb a rapporté, que tout ce qui est compris entre le Maghrib et le Mašriq est Qibla.

{Aboâ’l’Qâsim ibn Sirâdj. T. I, p. 109.)

Lorsque l’Imâm d’une grande mosquée, dont le Mihrâb 2 est orienté, comme tous les bons mihrâb Sy à 45* à l’est, se place obliquement par rapport à la direction de la niche^ les fidèles sont-ils obligés de l’imiter et leur prière est-elle valable ?

L’Imâm d’une grande mosquée n’a pas à obliquer lorsqu’il entre dans le mihrâb ; car, généralement, ces mosquées ont été bâties avec le concours d’hommes versés dans le calcul et sont parfaitement orientées. D’ailleurs, du moment que le mihrâb est construit à 45’* sud-est, on est sûr d’être dans la direction de la Kaba, Et puis, de deux choses l*une: ou bienriiiiâm est convaincu de la bonne direction du mihrâb et il doit s’y conformer, ou bien il a des doutes et il doit alors faire constater la chose et procéder avec d’autres à l’orientation du mihrâb. Quant aux fidèles, ils ne peuvent s’aligner les uns sur les autres que s’il n’y a pas de divergence.

{Aboâ’l-Qâsim ibn Sirâdj. T. 1, p. 105.)

Il est permis de changer l’emplacement du mihrâb si la communauté y trouve son avantage.

(T. I, p. 134.)

La cour intérieure de la Madrasa fait-elle partie de la mosquée ?

Non, d’après Ibn *Allâl. Oui, d’après Al-Qassâr.

(T. I, p. 15.)

Le DjâmV al-Djanâiz ne fait pas partie de la mosquée.

(Ibn ‘Allât. T. I, p. 15.)

Est-il permis de traverser simplement la mosquée, au cas où elle a plusieurs issues ?

Cet usage est licite. La mosquée peut être considérée comme un passage toutes les fois que cela est nécessaire. Le Schaikh Al-Bawdarî, le maître d’Ibn ‘Abd As-Salâm, était professeur à la Madrasa at-Tawfîq. Or la mosquée du même nom le séparait de la Madrasa. Mais le professeur ne se gênait pas pour traverser le Djâmi\ chaque fois qu’il devait se rendre à son cours. Comme on lui en faisait la remarque, il répondit que Topinion de Mâlik, exprimée dans la Moudawwana^ autorise à considérer, en ce cas, la mosquée comme un passage ordinaire.

{Ibn ‘Arafa. T. I, p. 21.)

Est-il permis de circuler dans l’intérieur de la mosquée avec la chaussure que Ton porte ordinairement dans la rue ? Dans l’affirmative, doit-on considérer cet usage comme ne portant aucune atteinte à la dignité de la mosquée ?

Il n’y a aucune raison pour déclarer illicite, ni même simplement répréhensible, la circulation dans la mosquée avec la chaussure habituelle, pourvu, toutefois, qu’elle ne renferme aucune souillure. D’ailleurs, cela n’implique, en aucune façon, un manque de respect à l’égard de ce saint lieu. Cependant, il est bon de s’en abstenir, parce que tout le monde n’observe pas le môme soin à éviter de salir la mosquée. De même, certaines personnes sont plus sujettes que d’autres à passer dans des rues dont la propreté est douteuse, et c’est pour cela que cet usage doit disparaître, surtout dans les mosquées cathédrales, où Taffluence des fidèles est considérable.

Ajoutez à cela que l’entrée d’une personne chaussée dans un pareil lieu peut entraîner, parfois, des désagréments ou même des faits extrêmement graves. C’est ainsi qu’à Tunis, sous le règne dWboù ‘Asîda Mouhammad le Hafsîde, un Arabe de haut rang ayant pénétré, la chaussure aux pieds, dans hi grande mosquée de Tunis, il fut assailli par le public. Il répondit qu’il s’était présenté ainsi devant les plus grands souverains. Cette réponse exaspéra le peuple, qui se jeta sur l’étranger et le mit à mort. Son corps fut ensuite traîné par toute la ville. Cet événement se passa en Tannée 705 de THégire, à l’issue de la prière, un vendredi.

{Abū Zur῾a Aḥmad ibn Abū-l-Faḍl Zayn ad-Dīn ῾Abd-ar-Raḥīm Al-῾Irāqī Al-Kurdī m.805 K T. 1, p. 48.)

Peut-on uriner, à l’intérieur de la mosquée, dans un récipient préparé ad hoc ?

Non, dans tous les cas, selon Asch-Scha*bî. *lzz ad-Dîn admet seulement la possibilité de s’y faire couper les cheveux ou la barbe et de s’y faire saigner.

Mais Ibn Rouschd (Averroès) soutient qu’il est permis à ions ceux qui sont obligés dépasser la nuit dans la mosquée, soit comme gardiens, soit comme malade ou vieillard qui ne peut sortir la nuit, à cause de l’obscurité ou de la pluie, d’introduire dans la mosquée un récipient pour y uriner la nuit.

(T. I, p. 21.)

Que faire si un fidèle s’endort dans la mosquée et se trouve avoir des pollutions nocturnes ?

Il doit recourir au T pour sortir.

[Kitâb an-Naœâdir. T. 1, p. 45.)

Que décider si un fidèle s’endort dans la mosquée et se couvre avec les nattes qui y sont étendues, ou bien casse le vase à eau constitué en habous.

Il n’y a, à ma connaissance, aucun texte sur la question. En tous cas, à moins de cas de force majeure, les choses détériorées par un usage contraire à leur affectation ou à l’acte de habous, doivent être remplacées.

[AUQabbâb. T. I, p. 15.)

Il est permis de lire des règlements de comptes ou des poésies variées à l’intérieur de la mosquée, sauf cependant les morceaux littéraires du genre des Maqâmâls^ à cause des mensonges et du libertinage que l’on y rencontre.

L’Imâm de la grande mosquée de Tunis, Ibn *Abd Al Barr, n’autorisait ces lectures que dans le parvis de la mosquée.

(T. I, p. 20.)

Est-il permis de chanter des poésies « ghazal * » du haut des minarets, après le lahlîl- ?

L’habitude de chanter ces poésies est une innovation qui est la conséquence d’une autre innovation. En principe, seule devait exister l’annonce {adhân) de la prière faite par le muezzin (Mouadhdhin). Plus tard, on y ajouta le dhikr ou mention du nom d’Allah. On ne s’arrêta pas là et on ajouta le chant et la mélodie. Or tout cela constitue des innovations blâmables {Ibtidâ’)^.

Qu’Allah nous en délivre !

(T. I, p. 134.)

Les mendiants ont-ils le droit de demander l’aumône à l’intérieur de la mosquée ?

La question est controversée. Ceux qui leur dénient ce droit se fondent sur ce que les mosquées sont les Souqs (marchés) de la vie future, et que cela peut avoir pour conséquence de troubler ceux qui prient. Aussi n*a-t-on admis tout d’abord que la possibilité de demander (quêter) jDo^/r les pauvres. Mais on est arrivé à tolérer que ceux-ci le fissent eux-mêmes.

(T. I, p. 12&.)

Celui qui, à la mosquée, déplace une paire de chaussures ne lui appartenant pas, en devient responsable.

(T. I, p. 20.)

11 est permis de prier dans une mosquée bâtie avec du mortier préparé avec une eau impure. Seulement il faut que les murs soient de nouveau crépis d’un plâtre pur. L’opinion contraire, généralement rejetée, veut que la mosquée soit démolie entièrement.

[Ibn Rouschd [Averroès]. T. I, p. 13.)

Le plâtre provenant des cendres d’ordures de toutes sortes est-il impur ? Partant, les infiltrations qui peuvent se produire dans une mosquée et provenant d’une terrasse recouverte de ce plâtre, sont-elles impures ?

Seules les premières infiltrations doivent être considérées comme impures.

{Ibn ‘Arafa. T. I, p. 16.)

II est admissible, à la rigueur, que l’on fasse entrer des choses impures à la mosquée, pourvu qu’elles soient dissimulées sous une enveloppe. Il en est ainsi, par exemple, de souliers qu’on tiendrait cachés sous une couverture

([uelconque (Al-Lakhmî).

Mais il n’en résulte pas qu’on peut les placer devant soi pendant qu’on fait la prière.

{ Ahmad b.’Abd Allah Az-Zawàwî al-Djazâiri, t 1517, I, p. 190)

Le galeux, qui ne peut s’empêcher de se gratter et de faire ainsi tomber les croûtes de sa gale, peut-il entrer dans la mosquée ?

Aucun texte ne prévoit le cas. Mais il est bon que l’individu ainsi atteint se borne à prier avec la communauté, mais en restante la porte de la mosquée.

{AhmadAl’Qabbâb, T. I, p. U.)

11 est défendu d’introduire des bestiaux dans le parvis de la mosquée, à cause du fumier qu’ils pourraient y laisser.

{Ibn Loubâba. T. I, p. 20.)

La femme qui a atteint un âge tel que les hommes n’ont plus besoin delle^ peut faire la prière avec eux à la mosquée ; cela est même plus méritoire.

Quant à celles qui sont plus jeunes, il vaut mieux qu’elles fassent leur prière à la maison.

(T. I, p. 143.)

FUNÉRAILLES : JtM AL-DJANÂtZ

L AME APRÈS LA MORT

Sur ce passage du Qoran : « Toute âme goûtera la mort- », Ibn Loubâba a répondu : « Cela ne peut faire de doute. L’Ange de la Mort est un préposé, et il est chargé de se saisir de l’âme de toute créature de Dieu, même de
la fourmi la plus petite ou de la lente.

(T. I, p. 265.!

Quel est l’ange chargé de prendre livraison des âmes des créatures autres que les humains, notamment des anges, des génies, des quadrupèdes, des oiseaux et des animaux sauvages ? Est-ce le même ‘Azrâïl ?

Je ne connais rien d’exprès à ce sujet. Mais ce qui ressort clairement de la situation, c’est que celui qui est chargé de toute cette besogne estTAnge de la Mort, bien connu, accompagné de ses aides (j\^^ awân). Personne autre, que je sache, n’est chargé de la mort. C’est à celui qui prétend qu’il y a un autre ange chargé de prendre livraison des âmes des anges, des génies et des animaux, d’en faire la preuve. Ceux qui s’en tiennent à l’idée d’un seul ange accompagné de ses aides, sont en conformité avec le sens apparent des hadiihs relatifs à ce sujet.

Et puis, se mêler de ces questions, c’est s’occuper de ce qui ne nous regarde pas et que nous n’avons guère besoin de connaître.

[Aboâ Zour’a Al-‘Irâc/i. T. I, p. 265.)

Par les noms Mounkir et Nakîr, entend-on deux anges seulement ou deux groupes nombreux ?

Mounkir et Nakîr sont deux individus effrayants, épouvantables, — que sur eux deux soient les bénédictions d’Allah et son salut ! — Ils font asseoir le mort dans sa tombe convenablement, puis l’interrogent sur la doctrine de l’Unité (d’Allah) et sur la qualité d’Envoyé qui appartient au Prophète. C’est Allah qui leur a donné ce pouvoir, de même qu’il Ta donné à Malak-al-Mawt ; mais on prétend que ce dernier a des aides.

(Aboù *Abtl Allah- Mouhammad ibn ‘Abd Al-Moù’min Al-Djawdjarî,
m. 1484 I, p. 27â.)

Où vont les âmes des Croyants après la mort, en attendant le jour du Jugement dernier ?

D’après Ibn Ilabîb, dès que le Croyant mort est placé dans sa tombe, son âme s’en va dans le *////o^?n’- (partie très élevée du ciel) où se trouvent réunies toutes les âmes des Croyants, sous forme d’oiseaux blancs, en attendant le jour de la Résurrection, et cela matin et soir. De là, les âmes passent à Djinnal al^Mawâ (Jardin du Refuge) et voltigent autour de lampes de lumière (divine) suspendues au Trône Divin. Quant aux âmes des infidèles et des pécheurs, après avoir été éprouvées et torturées dans la tombe, elles sont conduites à Sidjdjîn^ qui est un immense rocher noir placé sur le bord de Ğahannam (Enfer, Géhenne). Là, sont réunies les âmes de tous les damnés, des pécheurs et des infidèles dans la panse d’oiseaux noirs qui sont présentés au feu de l’Enfer matin et soir, jusqu’au jour du Jugement dernier. Ceux des Musulmans qui subissent ainsi le même sort que les infidèles sont ceux qui n’ont pas su répondre comme il le fallait à l’interrogatoire des deux Anges (Mounkir et Nakir).

{Ibn Marğān. T. I, p. 265.)

Les âmes des serviteurs d’Allah se divisent en différentes catégories. Celles des bienheureux {Souadâ) restent dans la partie du Paradis appelée ‘Illioân. Celles des martyrs {schouhadâ) se promènent librement dans tout le Paradis et se retirent auprès de lampes de lumière divine suspendues au Trône de Dieu. Enfin, les âmes de ceux contre qui Allah veut exécuter sa menace restent dans le Sidjdjîn en compagnie des âmes des infidèles. Cependant, cette assimilation des pécheurs aux infidèles est sujette à caution.

{Aboâ’l” Abbâs Ahmad ibn ‘Isa Al-Badjâoutn I, 266.)

PRIÈRES

La lecture du Qoran que Ton fait avec rintention d’en faire parvenir la rétribution divine au défunt est-elle valable? Le mort reconnait-il ceux qui viennent le visiter?

La rétribution pour la récitation du Qoran appartient exclusivement au lecteur, elle ne peut parvenir à d’autres que lui, car Allah a dit : « Si vous faites de bonnes ceuvres, c’est vous-mêmes qui en profitez’. » Quant à ceux qui prétendent avoir vu en songe le défunt et en tirent des arguments en faveur de cette question, il faut répondre que les songes ne sont pas un moyen de preuve admis parla loi religieuse. D’ailleurs, souvent, les songes ne sont que des suggestions de Satan. Et puis, il ne nous appartient pas de disposer des récompenses d’Allah de la même manière que nous disposons de nos biens.

Pour ce qui estdu mort, il est très probable qu’il reconnaît ceux qui viennent le visiter, car nous avons reçu l’obligation de saluer (verbalement, en disant : Salut sur vous) les morts. Or, on n’adresse pas la parole à celui qui n’entend pas. Quand le Prophète arriva devant la fosse de Badr^, il dit, en s’adressant aux Musulmans qui l’entouraient : « Ne croyez pas que vous entendez mieux que ceux qui sont dans cette fosse. » Certains docteurs affirment que les âmes des morts se tiennent auprès des tombes, tandis que les corps y sont soumis à la souffrance. C’est pour cela qu’il est prescrit par la loi religieuse de se tenir auprès de la tête du mort et d’implorer, en sa faveur, le pardon d’Allah.

ÇIzz ad’Dîn Ibn :Abd As-Salâm. T. I, p. 264.)

Est-il désirable de se charger de dire les prières et d’accompagner le convoi funèbre d’un individu connu pour avoir été un libertin et un homme méchant?

Il vaut mieux laisser ce soin à d’autres, à moins qu’il n’y ait personne pour dire les prières. Il n’est recommandé d’assister qu’aux enterrements des hommes pieux.

{Ibn Loubâba. T. I, p. 267.)

Lorsqu’un enfant naturel meurt, dans quels termes appelle-t-on la miséricorde de Dieu sur ses parents, au cours de la prière des morts ?

On ne formule de vœux qu’en faveur de sa mère, et dans les termes suivants : « Dieu ! fais que cet enfant soit pour sa mère une réserve, un supplément et une récompense! » La conduite de la mère n’as pas perdu, par rapport à son tlls, les droits de la maternité. La mère et son enfant héritent l’un de Tautre, et il y a même des auteurs qui attribuent à la mère la totalité de la succession de son enfant, à l’exclusion des parents agnats de celui-ci. C’est qu’après tout elle est sa mère. C’est donc à son profit que doit être prononcé le doua.

Néanmoins, Ibn *Arafa pense que le doua devrait être prononcé en faveur des père et mère, car tout ce qui concerne la vie future est établi d’après la réalité, tandis que dans ce monde-ci, c’est d’après la situation apparente

{Aboû ‘Imrân. T. I, p. 273.)

Est-il permis, lorsqu’un homme meurt en odeur de sainteté, de pousser des cris de joie et d’allégresse^^ au moment de la levée du corps ?

Non; c’est une innovation blâmable, qui n’était guère en usage chez nos ancêtres.

{Un savant tunisien. T. I, p. 272.)

CÉRÉMONIES ET PRATIQUES

Il existe un pays où on a l’habitude, lorsqu’un individu meurt, de faire monter quelqu’un au haut du minaret de la grande mosquée, vers le quart de la journée ; là, après lecture de certains passages du Qoran, cet individu annonce à haute voix, dans toutes les directions, qu’un tel est mort, que son enterrement aura lieu à telle heure et plusieurs autres renseignements.
Cet usage est-il permis?

Non; cela est rigoureusement défendu par le hadîth, et on doit tout faire pour empêcher que cela ait lieu. On ne doit annoncer du haut des minarets que les heures des prières canoniques.

{Aboû Saîd ibn Loubb. T. I, p. 259.)

Voici ce que le jurisconsulte dénommé ci-dessous a répondu à l’occasion de ce passage d’Ibn Al-Hâdjib : « Voyez comme il est permis à chacun d’eux de toucher le visage et les mains de CautrCy alors que cela leur était défendu quand ils étaient vivants^ etc. »*.

Toute partie du corps que des personnes étrangères Tune à l’autre ne doivent point voir, pendant l’état de vie, est soumise à la même prohibition après la mort, sauf cependant les parties du corps sur lesquelles s’exerce le Tīmūm. Ce dernier genre de purification a été admis pour les morts qu’on ne peut laver, et afin de ne pas les laisser dans l’impureté. Quand c’est un homme qui accomplit le tayammoum sur le corps d’une femme, on a admis qu’il doit se borner à lui purifier les mains jusqu’à la hauteur du poignet : c’est le minimum du tayammoum. On a dii s’y arrêter, parce que la nécessité de cacher à l’homme la nudité de la femme est plus rigoureuse que la nécessité de cacher à la femme la nudité de l’homme. C’est ainsi que la femme qui accomplit le tayammoum sur le corps d’un homme, peut le purifier jusqu’aux coudes. La raison en est que ces attouchements (mass) sont plus à craindre de la part de l’homme vivant sur sa femme morte, \u qu’il peut accomplir entièrement sur elle l’acte de la copulation, ce qu’elle-memene pourrait pas faire. C’est donc par suite de nécessité {daroûra) que l’on permet ce tayammoum. Aussi ne doit-on établir aucune corrélation entre le regard et le toucher^ et dire que toute partie du corps d’un autre qu’il est permis de voir^ peut être également touchée. Ainsi, en cas de maladie, il est permis (au médecin) de toucher le corps de la femme par-dessus le vêtement (sans le voir).

{Aboû ‘Abdallah ibn Marzoâq. T. I, pp, 251 et 313.)

Est-il permis de recouvrir le mort, placé sur le brancard, d’une étoffe de soie?

La question ne soulève de doutes que lorsque cette étoffe de soie est employée effectivement pour recouvrir le cadavre, qui, sans cela, resterait nu. Les opinions sont partagées. Selon les uns, cela est permis aussi bien pour les hommes que pour les femmes, car la prohibition de porter des étoffes de soie ne s’impose qu’à l’homme vivant; dès qu’il meurt, il n’est plus tenu de cette obligation. Quant aux femmes, l’usage de la soie leur étant permis même de leur vivant, à plus forte raison doit-on le leur permettre après leur mort.

Selon d’autres, cela est défendu à l’égard de tous; car la prohibition s’adresse aux hommes dans tous les cas, et quant aux femmes, l’emploi de la soie ue leur était permis qu’à titre de parure. Or tel n’est pas le cas actuel; il ne peut être question de parer une morte; autrement, il faudrait autoriser aussi le port des bijoux.

Enfin, une troisième opinion applique les mêmes décisions que s’il s’agissait de personnes vivantes : la soie est permise aux femmes et défendue aux hommes.

Toutes ces opinions ne peuvent trouver application que s’il s’agit de recouvrir effectivement le mort. Or, aujour d’huî, Tusage des étoflesde soie n’a pour but que Tostentation et Torgueil. Et ce n’est pas ici le cas de faire montre de ses richesses et de rivaliser en éclat, toutes choses défendues par la loi religieuse. Il s’agit, au contraire, de s’humilier devant la miséricorde d’Allah et de témoigner de l’obéissance à ses volontés. Si l’emploi de la soie dans ce but est défendu aux vivants, à plus forte rai son l’est-il après la mort. Malheureusement, aujourd’hui les hommes ont adoi)té cette funeste innovation, au point que ceux d’entre eux qui ne i)ossèdenl pas ces étoiles de soie les empruntent, ou, s’ils ne trouvent pas de préleur, les prennent en location. La plupart du temps, cela est superflu et ne sert nullement à recouvrir le mort. C’est une calamité qui a fondu sur nous. Nous appartenons à Allah et c’est à lui que nous retournerons!

{Aboâ IJafs ‘Oiimar Al-DjaznaL T. I, p. 280.1

L’usage de suivre le convoi funèbre en récitant, à haute voix et avec ensemble, le tahlîl, le/aA-6/r, la taslia *, etc., est-il d’institution religieuse?

La tradition ‘^sounna- est qu’il faut suivre le convoi funèbre en silence, dans le recueillement et la réflexion. Ibn Al-Moubârak raconte que lorsque le Prophète accompagnait un mort, il restait très silencieux et s’entretenait au fond de lui-même du sort du mort. De même, on rapporte que lorsque Moutarrif rencontrait un ami panni les personnes suivant le convoi, il le saluait seulement et ne s’occupait plus de lui, tant il était absorbé parle devoir qu’il accomplissait. Si telle est la tradition de ces grands hommes, imiter leur exemple devient un devoir et agir autrement, une hérésie. Certes la mention du nom d’Allah {Dhikr) et Tappel des prières sur son Prophète sont choses louables, en principe; mais c’est à la loi religieuse de préciser les cas où Ton doit s’y adonner, car il est des circonstances où la prière même, — chose bonne en soi — rentre dans la catégorie des choses blâmables {makroûh). Allah décide selon son bon plaisir !

{Aboû Saîd ibn Loubb. T. I, p. 257.)

Llusage de faire le Sâbi’ (sept jours de prières et d’actes de piété après la mort d’un individu) a-t-il une origine légale ?

Oui; et il existe une tradition rapportée par Tâous et ainsi racontée par Ibn liattàl, dans son commentaire sur Al-Boukhûrî : « Les Ashâb (compagnons du Prophète^ aimaient ne pas quitter le mort pendant sept jours, car, durant ce délai, il est soumis, dans sa tombe, à des interrogatoires et à des redditions de comptes. L’origine de cet usage est donc très respectable. Quant au délai des ept jours, il commence à courir depuis le moment de rinhumation, car c’est à partir de ce moment que le mort est mis à l’épreuve. »

()n a vu même dresser des tentes sur la tombe de certains grands Imàms de l’IslAm, comme Ibn Abbàs, afin d’observer cette assiduité des sept jours dont parle Tâous.

C’est donc un usage qu’il faut suivre et ne pas s’arrêter aux objections d’Ibn Aboû Zamnîn, qui le considère comme une mauvaise innovation.

{Aboil Said ibn Loiibb, T. I, p. 256.)

Le repas que Ton donne aux lecteurs du Qoran et autres à Tissue du Sâbi’ (septénaire qui suit rinhumation) est-il une pratique blâmable, lorsqu’on n’a eu en vue, en ce faisant, que d’attirer les prières des convives sur le défunt et dans un but de charité ?

Ce repas n’est défendu que lorsqu’il est donné comme une pratique rituelle, ainsi que le pensent beaucoup d’ignorants, qui le considèrent comme une obligation de la Sounna (tradition), qui ne l’a nullement prescrit. Au contraire, si c’est dans une intention charitable et en vue d’attirer les prières sur le mort, cet usage est très louable. Les actes s’interprètent d’après l’intention : c’est un grand principe sur lequel on s’appuie pour juger des actes et des paroles

{Aboâ Sa’id ibn Loubb. T. I, p. 259.)

L’usage d’entretenir un luminaire pendant sept jours dans la chambre où le défunt a rendu le dernier soupir, est-il de tradition?

Non; c’est une innovation blâmable, qu’il convient d’abandonner et de défendre aux autres.

{AS’Saraqoustî {de Saragosse), T. I, p. 264.)

DERNIÈRES VOLONTÉS

La recommandation faite par le défunt, avant sa mort, pour que son Iğāza soit enterré avec lui, doit-elle être exécutée?

Non. Bien que le mort ne soit pas lui-même impur, la décomposition du corps entraîne l’efTacement des versets qoraniques et des noms d’Allah inscrits dans le diplôme.

Mais il est bon (pour observer la volonté du défunt) de laisser ce diplôme dans la tombe, pendant une heure. Cependant, le jurisconsulte Asch-Schâmî, contemporain d’Ibn ‘Abd As-Salâm et homme très pieux, recommanda d’enterrer avec lui son diplôme ; il considérait probablement que le voisinage du mort ne rend pas impur.

(T. I, p. 261.) Aboù Abd Allah Moul,iammad AsSabti, Risâla as-Sabtiyya fi-z-Zayrğa, m 1289

Lorsque le jurisconsulte Aboù *Abd Allah ibn Haroûn mourut en même temps que sa femme, le Sultan Aboû-1-Hasan fit demander une consultation juridique au schaikh Aboù *Abd Allah As-Sabtî*, pour savoir lequel des deux
époux serait enterré le premier. Ce jurisconsulte répondit qu’aucun ordre n’est prescrit pour cela.

(T. I, p. 261.)

L’épouse qui meurt, laissant son mari vivant, doit-elle être enterrée dans le cimetière de celui-ci ou dans le cimetière de ses propres parents agnats?

La décision appartient aux parents agnats ^ de la femme, même si elle laisse des enfants issus de son mariage avec son mari encore vivant.

{Ibn ‘Arafa. T. I, p. 261.)

Une femme laisse, par testament, les recommandations suivantes : 1® une dette à sa charge sera payée au créancier qu’elle a désigné sans qu’il ait à prêter serment^’ ; 2** une tente sera dressée sur sa tombe pour qu’on y lise le Qoran ; 3** une rétribution fixée par elle sera payée aux lecteurs du Qoran. Ce testament est-il valable ?

La femme a le droit de reconnaître sa dette au profit du créancier, qui sera ainsi payé sans prêter serment. C*est Topinion d’Ibn Al-Qâsim. D’autres jurisconsultes exigent le serment, car le droit n’appartient pas à la femme.

Pour ce qui est de la tente, les jurisconsultes sont divisés et ce désaccord doit profiter au testament, qui sera exécuté selon sa teneur.

Enfin la rétribution fixée par elle au profit des lecteurs du Qoran est valable : c’est un louage de services.

[Ibn Wttâb. T. I, p. 268.)
CIMETIÈRES

Est-il permis de visiter les tombes pour s’adonner à la réflexion par l’exemple*?

Cela ne me plaît pas. Vous me répondez que c’est pour réfléchir en voyant ceux qui sont déjà morts : je dis qu’on voit tout simplement de la terre.

{Mdlik. T. I, p. 265.)

Est-il permis d’entrer dans un cimetière avec la chaussure aux pieds?

Oui, car du temps du Prophète on faisait la prière des morts sur le bord de la fosse, et les assistants n’enlevaient pas pour cela leurs chaussures.

(T. I, p. 20.)

Est-il permis d’enlever de la terre qui recouvre les tombes des martyrs, des oulémas et des saints, pour attirer sur soi la bénédiction d’Allah ?

Oui, cela est permis. On sait qu’on avait l’habitude, à Médine, de prendre ainsi de la terre sur la tombe de Sidi Hamza ibn *Abd Al-Mouttalib (oncle de Mahomet). Si cela était défendu par la loi religieuse, les jurisconsultes médinois n’auraient pas manqué de protester à cet égard.

{Ahmad ibn Bakkoûl.)

S’il est à craindre que, dans la terre ainsi enlevée, il y ait des débris d’ossements du mort, cette terre est impure (nadjas). D’ailleurs, si Ton veut attirer sur soi la bénédiction d’Allah, ce n’est pas en prenant de la terre qui recouvre ces saints, mais en prenant leur conduite pour modèle qu’on y arrivera.

{Aboû ‘Ali Al-Qarwi. T. I, p. 269.)

Peut-on creuser de nouvelles tombes dans un vieux cimetière déjà rempli depuis quatre-vingts ans? Y a-t-il un délai fixé à cet égard ?

On ne doit jamais modifier en quoi que ce soit l’état d’un cimetière. L’opinion d’Ibn ‘At, qui permet de labourer un vieux cimetière, n a pas un fondement solide. (Ce dernier jurisconsulte admet cette utilisation des cimetières dix ans après qu’on a cessé d’y enterrer les morts.)

Cependant, pour les cimetières où il n’y a plus trace de tombes, il est permis de les livrer à la culture moyennant fermage, lequel sera affecté à l’achat de linceuls pour les pauvres et aux travaux d’excavation de leurs tombes.

(Aboû ‘Abd Allah Mouhammadibn Marzoûq.T, I, p. 269.)

Si le torrent passe sur un vieux cimetière, au point d’en effacer toute trace de tombe, il sera permis de livrer ce terrain à la culture en donnant au fermage la destination ci-dessus indiquée.

{‘Abd Allah Al-Mawwâz. Ibidem.)

Peut-on façonner de la poterie avec de Targile prise dans un cimetière ?

Cela n’est pas permis, pas plus que l’usage de la poterie ainsi façonnée. En cas de vente portant sur des objets de cette nature, il y aura lieu à résolution et à restitution du prix, si l’acheteur est connu ; sinon, le prix sera distribué en aumône.

[Un jurisconsulte d’Ifriqyya. T. I, p. 272.)

Est-il permis de dresser une tente sur une tombe *?

Selon Ibn Habib, cela est permis surtout pour la tombe des femmes. Ibn Al-Hanafyya ^ avait dressé une tente sur la tombe d’Ibn ‘AbbAs^, pendant trois jours. De même Âïscha en dressa une sur la tombe de son frère *Abd Ar-Rahmân (fils dWboù Bakr), mais Ibn *Oumar lui ordonna de l’enlever, en lui disant: « Ses œuvres lui feront de l’ombre. »

Ibn ad-Daqîq (1228-1308) raconte aussi que lorsque Sahnoûn mourut, on dressa des tentes sur sa tombe et on les y maintint jusqu’à ce que l’hiver eût assailli ceux qui y étaient. Personne ne critiqua cependant cette manière d’agir.

[Aboû ‘Imrân. T. I, p. 273.)

Le propriétaire d’un enclos attenant à un cimetière dont les tombes sont toutes démolies, déplace les limites et s’empare d’une partie du cimetière sur laquelle il fait des plantations. Que décider ?

Les arbres seront arrachés et le terrain restitué, dans l’état où il se trouvait, à la communauté des Musulmans.
De plus, pour le fait de la jouissance déjà passée,l’usurpateur devra un loyer estimatif de la portion du terrain occupée par lui. Quant à l’argent ainsi touché, il sera distribué en aumône.

{Aboû-l’ffasan Al-Qâbist. T. I, p. 276.)

ZAKAT : AZ-ZAKÂT

DROIT DES PAUVRES A LA ZAKAT

Qui a droit à la Zakât ?

Celui qui ne possède pas en or et argent, ou en choses mobilières, un nisâb (minimum imposable). Il y aura encore droit s’il possède plus de cinq ivasqs de céréales, mais représentant une valeur inférieure au nisâb 2. Au contraire, il ne pourrait rien prétendre, s’il avait eu en sa possession la moitié d’un nisâb en or et argent, et l’autre moitié du nisâb en objets mobiliers.

S’il possède une riche biliothèque de livres de droit, Ibn ‘Arafa fait la distinction suivante : ou bien il a des aptitudes à la science juridique, auquel cas il gardera ses livres et touchera la Zakâl ; ou bien il n’en a pas, et il n’aura droit à rien, à moins toutefois que ses livres ne soient en rapport avec ses connaissances : dans ce cas, il n’en sera pas tenu compte.

D’ailleurs toutes ces décisions ne se conçoivent qu’en admettant préalablement la possibilité (légale) de vendre les livres (pour procurer des aliments à leur propriétaire). Mais si cette vente est légalement défendue, elle équivaut à l’inexistence de ces livres.

(T. I, p. 303.)

Celui qui a de quoi vivre pendant une année au moins ne peut avoir droit à la Zakâty car il mettrait les vrais indigents à l’étroit. C’est un transgresseur qui doit être exclu des fonctions d’Imâm, et dont le témoignage ne doit pas être admis.

ÇAbd Ar-Bahmân Al-Waghlisî. T. I, p. 313.)

Est-il permis de faire parvenir le montant de la Zakât à ceux des Musulmans qui sont en captivité chez l’ennemi ?

Oui ; c’est un bon emploi, d’après Ibn *Oubaid.

{Aboû $âlih. T. I, p. 317.)

Celui qui possède un petit héritage, qu’il ne peut vendre sans tomber dans une situation précaire, a-t-il le droit de toucher la Zakât ?

Oui.

{Aboâ Abd ‘Allah Az-Zawâwî. T. I, p. 312.)

Peut-on donner valablement la Zakât à de pauvres orphelins qui sont confiés aux soins d’un serviteur irréligieux et n’observant pas la prière?

Oui, car ce dont le serviteur profite constitue son salaire.
D’ailleurs, la Zakàl adressée aux orphelins étant arrivée aux destinataires, ceux-ci peuvent en faire ce qu’ils veulent.

{Un jurisconsulte cTIfrtqyya. T. I, p. 308.)

Peut-on donner la Zakât à un orphelin pauvre mais insensé, et à celui qui n’est pas jaloux en ce qui concerne sa femme, en sorte qu’il ne voit pas d’un mauvais œil d’autres hommes assis auprès d’elle ?

Pour ce qui est de l’insensé, on peut lui donner la Zakât malgré l’état de son esprit, mais on la confiera à un des notaires du lieu.

Quant à celui qui ne désapprouve pas la conduite de sa femme, on peut également lui donner la Za/rd/, mais on lui préférera les hommes de piété, à moins qu’il ne soit en danger (de mourir de faim).

(T. I, p. 316.)

Un individu vivant aux frais de sa tante maternelle et de son aïeule et employant tout son temps à la lecture du Qoran, peut-il prendre la Zakât?

Non, si les personnes sus-nommées pourvoient à son entretien.

(T. I, p. 314.)

Peut-on réserver la Zakât au profit d’un individu en voyage à la recherche de la science et très pauvre ?

Oui. Mais il est défendu de vendre le produit de la Zakât pour le faire profiter du prix, à moins qu’il ne donne mandat à cet eff’et.

ÇAbd Allah Asch’Scharif. T. I, p. 315.)

Ceux qui, arrivant d’un pays étranger, se prétendent pauvres et demandent la Zakât^ sans qu’on puisse contrô1er leurs dires ni trouver personne pour se renseigner à leur sujet, doivent être crus sur parole.

(T. I, p. 314.)

Celui qui, sur la demande d’un pauvre, lui promet la Zakâl pour le moment où elle doit être payée, est-il tenu à quelque chose si, le pauvre n’étant pas venu à l’époque indiquée, il dispose de la Zakât au profit d’un tiers ?

Il ne sera tenu de rien, car le droit du pauvre ne s’affirme que par la perception. Or, ici, le propriétaire lui a fait une simple promesse, mais ne Ta pas mis en possession.
(T. 1, p. 307.)

Quel est le maximum de Zakât qu’on peut donner à un auvre ?

Si le même individu doit une grande somme à titre de Zakât j il devra en faire la distribution avec discernement, et favoriser particulièrement ceux qui sont chastes, chargés d’une nombreuse famille et qui évitent la mendicité. La majorité des adeptes de Mâlik décide qu’on ne doit pas don-
ner à un seul individu la valeur d’un nisâb^ c’est-à-dire 200 dirhems ou 20 dinars *. Certain jurisconsulte préfère qu’on s’arrête à 40 dirhems, avec la faculté d’aller jusqu’à 100 si l’individu est chargé de famille.

Mais ces dernières décisions ne sont que des préférences personnelles (de l’auteur), car si l’on dépassait les 100 dirhems au profit d’un seul individu, la Zakât ainsi payée n’en est pas moins efficace, lors même qu’il y aurait dans la ville des personnes plus pauvres.

Dans l’ouvrage intitulé al-Tab^ira^ Ibn Mahriz dit, d’après Ibn Al-Qassâr, que celui qui a de quoi vivre, même de la vie la plus pauvre, n’a pas le droit de demander [la Zakâf). S’il n’a rien, la mendicité lui est permise, et il est admis qu’on peut même lui donner, d’un seul coup, de quoi lui permettre de vivre jusqu’à la fin de ses jours.

(T. 1, p. 305.)

Peut-on donner le montant de la Zakâl à ses propres parents, par préférence aux autres pauvres ?

On peut le faire, mais en considération de leur pauvreté et pour leur éviter la mendicité, jamais en considération de leur proche parenté.

(T. I, p. 304.)

Peut-on donner le produit de la Zakât à celui qui n’est plus sain d’esprit, ou à celui qui ne fait pas sa prière ?

On peut donner la Zakâl au premier, ou à son tuteur, si l’insanité de son esprit le dispense de la prière. Mais on ne la donnera jamais à celui qui ne prie que rarement.

{Aboû’l’Qâsim As-Soayoûrî v 1397 T. 1, p. 296.)

Celui qui, en dehors des pauvres de sa ville, connaît dans le village voisin des pauvres encore plus besogneux, peut-il leur donner le produit de la Zakâl ?

Il doit commencer par les pauvres de sa ville et, s’il lui reste quelque chose, le distribuer aux autres.

(T. 1, p. 297.)

Peut-on distribuer la Zakât en dehors de la ville où l’on se trouve, si les pauvres de cette ville n’observent pas les prescriptions religieuses ?

Les présents y ont plus de droit que tous les autres. Cependant, si le débiteur de la Zak4t Ta distribuée en dehors de sa ville, il ne devra plus rien. lien est de même s’il paie entre les mains du mandataire des pauvres présents.

(T. I, p. 298.)

Que décider lorsqu’un Sultan injuste, oppresseur, exige de ses sujets lr ‘ušr qu’il s’approprie pour ses besoins personnels et met en dépôt chez quelqu’un ?

Si le dépositaire a été contraint d’accepter le dépôt sans qu’il ait pu trouver moyen d’échapper à cette obligation, il n’en devra pas la restitution. D’ailleurs il n’est pas bon d’habiter un pays où les choses se passent de cette façon.

(T. I, p. 310.)

Peut-on donner la Zakâl à ceux qui suivent leurs passions (ly^VI Jjbl ahlal-ahwây?

S’ils se trouvent dans le besoin, il leur sera donné de la Zakâl ^ car, après tout, ce sont des Musulmans qui peuvent hériter et dont on peut hériter. Ibn Al-Qâsim dit dans la Moudawwana : « J’ai vu Mâlik se taire, quand on lui de- mandait si la prière doit être recommencée, quand elle a été faite derrière ahl al-bida’ (innovateurs). Quant à moi, mon avis est qu’on doit recommencer cette prière quand on est encore dans le temps canonique. »

{Ibn ‘Allât. T. II, p. 264.)

QUANTITÉ IMPOSABLE

Celui qui possède plus de vingt dinars^ scharqyya (orientaux), doit-il en prélever la zakât comme s’il s’agissait de monnaie d’or pur, comme la mourâbityya (maravedi), ou après estimation, comme pour les ‘oaroâd (objets mobiliers autres que l’or et l’argent) ou, enfin, en tenant compte de la quantité de métal fin qui s’y trouve contenue ?

La zakâl n’est exigée que pour la valeur d’un nisâb (minimum imposable) d’or pur de tout alliage de cuivre ou autre métal. Elle est d’un quart de dîme (1/40) payable en or ou en dirhems. En effet, pour l’or et l’argent, on considère non pas la valeur estimative, mais la quantité.

[Ibn Rouschd. T. I, p. 312.)

Deux individus possèdent en commun, et par moitié, 45 moutons et chèvres ; doivent-ils la zakâl ? Peuvent-ils donner de l’argent au ^Amel (gouverneur) pour se préserver de son iniquité et éviter ses vexations ?

Nul n’est tenu de la zakâl, s’il ne possède, en fait de troupeau, l’équivalent d’un nisâb (minimum imposable). On ne doit pas joindre ce qui est la propriété de l’un à la propriété de l’autre, pour atteindre ce chiffre, car on est affranchi de la zakâl quand on ne possède pas soi-même la valeur d’un nisâb.

En ce qui concerne l’argent donné au gouverneur, un jurisconsulte dit que cela est défendu, car c’est l’aider à être plus injuste ; en effet, si la population se coalisait en faveur de la justice, il abandonnerait sa manière d’agir.

(T. I, p. 320.)

AUMÔNE LÉGALE 125

Un individu constitue une olivette en kabous au profit d’une mosquée, pour les revenus être employés à Tachât de nattes et à Téclairage de la mosquée. S’il reste chaque année une partie des revenus non employée, doit-on payer la zakâl sur tout le produit de l’olivette ou seulement sur la partie non employée ?

La zakâl n’est due en aucun cas, d’après Mouhammad ibn *Abd Al-Hakam.

Si la partie de la récolte restée libre atteint cinq wasqs et qu’on en extraie l’huile, la dîme Çoaschr) sera due. De même, si cette huile est vendue, la zakâl sera due sur le prix de vente, s’il reste en caisse pendant plus d’un an.

{Mouhammad ibn Ibrahim v. 1305^. T. 1, p. 317.)

Si le Sultan fait payer à un individu la zakâl sur une quantité non imposable, parce qu’elle n’atteint pas la valeur d’un nisâb, ou s’il exige de lui plus que la zakâl obligatoire, cet individu peut-il se dispenser, pour cette raison, de payer la zakâl de ce qu’il a conservé entre les mains (sans que le Sultan l’ait imposé) ?

Ce qu’il a été obligé de payer au Sultan ne le libère que pour la valeur correspondante seulement ; quant au reste, il en devra la zakâl,

(T. 1, p. 309.)

Doit-on donner la zakâl sur la fausse monnaie qu’on possède, et dans quelle proportion ?

On doit considérer la quantité de métal fin contenue dans ces pièces, et si elle atteint le nisâb, on prélèvera la zakâl à raison de 5 dirhems par
200 dirhems monnayés. A partir de 20 dinars el au-dessous^ la zakâl n’est pas due.

(T. I, p. 297.)

BASE D’ÉVALUATION

Pour déterminer la part des pauvres [zakât)^ que certains regardent comme des co-associés du propriétaire, celui-ci a-t-il le droit de se faire raison des frais d’entretien ^ de la récolte ?

La meilleure opinion veut que ces frais restent exclusibement à la charge du propriétaire, comme la semence, rirrigation, la façon. C’est l’opinion la plus communément admise.

(T. I, p. 298.)

Celui qui vend sa récolte d’olives, doit-il payer la zakâl en prenant pour base le prix qu’il a touché, ou la quantité d’huile fournie par la récolte, d’après la déclaration de l’acheteur, ce dernier étant d’ailleurs sujet à caution ?

S’il s’en tient à la déclaration de l’acheteur, cela peut lui “suffire, mais s’il ajoute encore quelque chose, cela vaut mieux.

{Aboâ-l’Qâsim As-Soagoâri. T. I, p. 296.)

Sur quelle base fait-on l’approximation d’une récolte sur pied ?

On évalue ce que donnera la récolte sèche et, quant aux olives, on attendra le dernier moment de la maturité : si la récolte s’élève à 5 wasqs (charges de chameaux, chacune de 60 sa’ environ), la zakâl sera due.

{Aboâ’l-Qâsim As-Souyoûrî. T. I, p. 296.)

Pour les dattes destinées à être consommées fraîches, c’est dans cet état qu’on appréciera la quantité imposable.

{Ibn Mahriz, Ibidem.)

Doit-on évaluer la récolte * de celui qui est digne de confiance ?

Non. Les opinions sont partagées quand il s’agit de quelqu’un qui ne mérite pas cette confiance, et le plus sûr est que l’évaluation {taḵrīs) est permise, quand on trouve quelqu’un sachant y procéder.

(T. I, p. 312.)

Si le Sultan ou des bandes d’Arabes (nomades) imposent aux propriétaires une contribution en argent, en séquestrant leurs récoltes de céréales ou olives, ces propriétaires sont-ils dispensés de payer la zakât

Il sera seulement déduit du montant total de la zakâl tout ce qu’ils ont été obligés de payer, bien que cela n’ait pas été pris sur la matière imposable elle-même.

{Abū-l’Qāsim As-Suyūrī. I, 295)

Peut-on prélever sur la zakât le prix de son transport, lorsqu’il n’y a pas de pauvres là où s’est faite la moisson ou la récolte ?

Il vaut mieux payer de ses propres deniers le prix du transport de la zakât pour la mettre à la disposition des indigents. Mais si on ne peut pas le faire ou qu’on est avare, on peut prélever ces frais sur le mpntant de la
zakât.

{Ibn Loubâba. T. I, p. 317.)

TAUX

Quelle est la capacité du sa \ considéré comme unité de mesure de la zakât ? Doit-on considérer le poids (de ce que peut contenir le ^â”) ou la capacité? Enfin vaut-il mieux donner des grains ou de la farine ?

Le sa ‘ dans notre pays de Grenade et dans ses environs, s’entend d’un moudd rempli exactement, ou même un peu moins. Par approximation, c’est la quantité que l’on peut prendre quatre fois avec les deux mains réunies : c’est le sâ^ légal, mais à la condition qu’il s’agisse d’un homme ayant des mains moyennes.

Celui qui veut donner de la farine, doit en donner le poids représenté par la quantité de blé qu’il devrait s’il payait en grains. Pour cette pesée, il se servira du même blé dont provient la farine.

{Aboû ‘Abd Allah Al-Haffâr. T. 1, p. 318.)

Si un champ normalement irrigable se trouve suffisamment arrosé par les pluies, doit-il la zakât d’un dixième Çouschr) ou d’un vingtième ?

Seule la zakât d’un dixième est due, mais si les pluies n’ont pas été très abondantes et qu’il ait fallu subsidiairement irriguer, toute la récolte sans distinction ne devra que le vingtième.

(T. I, p. 299.)

Le propriétaire d’un enclos arrosable par dalw (seau en cuir), voyant sa récolte atteindre un nisâb (minimum imposable), en préleva le dixième à titre de zakâl^ ignorant qu’il ne devait prélever que le vingtième ^ Peut-il tenir compte de ce qu’il a payé en excédent, en le déduisant de la zakâl d’un dixième, due par lui sur une autre récolte ?

Il devra pour la deuxième récolte tout le dixième, sans en pouvoir rien retenir. On prétend cependant que s’il retrouve ce qu’il a payé en trop entre les mains des bénéficiaires, il aura le droit de le revendiquer, par analogie avec le cas où l’on revendique la zakât payée par erreur à ceux qui n’y ont pas droit, tels que des esclaves ou des personnes riches.

Aboà Mouhammad ‘Abd Al-Hamîd As-Sâïgh. T. I, p. 298.)

Un propriétaire de plusieurs vergers, les uns irrigables au moyen de roue hydraulique {sânïa)^ les autres plus facilement irrigables, paie aux cultivateurs des premiers le cinquième de la récolte ‘^, et à ceux des seconds le dixième seulement ; sur qui pèse la charge de la zakâl ?

Cette base de rétribution esl illicite. Quant à la dîme, elle est à la charge du propriétaire du fonds.

{Aboâ-l’Qâsim As-Souyoûrî, T. I, p. 296.)

La dîme {zakât) ^ peut-elle être payée, à la fois, en or et en argent, en blé et orge ?

Cela a été défendu par Schâli î, dont Topinion a été adoptée par *Abd AI-Hamîd As-Sâïgh : ce sont des genres diflérents. La prohibition de l’or et de l’argent payés ensemble est également admise par Schâfi*î et Ibn Loubâba, comme la réunion des chèvres et dos brebis. Dans tous ces cas, l’opinion de Mâlik est en sens contraire, parce qu’il ne fait pas de distinction entre ces différents genres. C’est ce qui a fait dire à un dhâhirile de Tunis que le chat est meilleur jurisconsulte que Mâlik : qudind on lui jette deux bouchées de pain. Tune de blé, l’autre d’orge, il dédaigne celte dernière et mange la bouchée de pain de blé.

{Aboû-l’Qâsim As-Souyoûrî. T. I, p. 294.)

La zakât que s’approprie le Wālī est-elle valable ?

Oui, si le gouverneur est autorisé par le roi d’Ifrîqyya à en exiger le paiement ; sinon, le débiteur de la zakât devra la payer une seconde fois.

(I, 304)

Celui qui, ayant déterminé la quantité que représente le dixième Çouschr) de sa récolte, à titre de zakât, laisse cette quantité dans la meule, à cause de l’absence provisoire d’indigents, en est-ii responsable ?

11 n’a le droit de laisser ainsi la zakât que dans une meule en sécurité ; dans ce cas, il ne répond pas de la perte. Si la meule n’était pas en lieu sûr, il sera garant de la perte de la zakât,

(T. I, p. 314.)

Peut-on employer le montant de la zakât à l’achat de vêtements ou d’aliments pour les distribuer ensuite aux pauvres ?
Non, d’après Ibn Al-Qâsim. Oui, d’après Aschhab.

Ces deux grands jurisconsultes sont, d’autre part, d’accord que la zakâl ne peut être employée à la construction d’une mosquée.

^ (T. 1, p. 304.)

Celui qui, à raison d’un troupeau qu’il possède, doit, à titre de zakâl, une brebis, peut-il l’égorger et en distribuer ensuite la viande aux pauvres ?

Non; car c’est lui qui l’a égorgée. 11 en serait ainsi également s’il avait commis quelqu’un pour égorger la brebis et en distribuer la viande, car la main de son commis est comme la sienne propre.

(T. 1, p. 304.)

Celui qui a une créance contre un pauvre ne peut pas la lui opposer en compensation de la zakâl qu’il lui doit.

(T. 1, p. 312.)

Celui qui, par nécessité, consomme en partie sa récolte encore verte, peut-il en prélever, en ce moment-là, la zakâl?

11 doit tout d’abord réserver une partie de ce qu’il a moissonné avant maturité et en déterminer la quantité encore verte ; puis, une fois sèche, il la mesurera de nouveau afin de connaître la différence en moins produite
par la dessiccation.

C’est en tenant compte de cette proportion qu’il saura la quantité de ce qu’il a consommé avant la dessiccation, et en payera alors la zakâl, sur la récolte maintenant desséchée.

(T. 1, p. 312.)

Doit-on recevoir la zakâl payée par les usurpateurs sur le troupeau qu’ils ont usurpé, quand on n’a pas le pouvoir de les obliger à le restituer aux véritables propriétaires ?

La zakât sera acceptée et distribuée aux nécessiteux seuls, si Ton ne peut imposer la restitution aux propriétaires et lorsque ceux-ci sont inconnus.

{Aboâ’l-Qâsim As-Souyoûri. T. 1, p. 295.)

Lorsque des bandes d’Arabes imposent des contributions en nature {céréales, olives) aux propriétaires, ceux-ci peuvent-ils, en payant la dîme {zakât), déduire ce qui serait afférent à la contribution qu’ils ont été obligés de payer ?

Oui.

{Abū’l-Qāsim As-Suyūrī. I, 295)

REFUS DE PAIEMENT

On ne doit pas accepter de la nourriture de celui qui ne paie pas la zakât. Il est même bon de ne pas s’allier à lui. Mais, s’il meurt, il n’y a pas de mal à dire sur lui les. prières (des morts).

(T. 1, p. 317.)

Est-il permis de manger la nourriture de celui qui ne prélève pas la zakât ?
Le jurisconsulte dénommé ci-dessous a répondu, une première fois, par l’affirmative. Ailleurs, il a répondu comme suit : « Il est permis d’entrer en relations d’affaires avec celui qui ne prélève pas la zakât, mais il est défendu de manger de sa nourriture, quand on n’en paie pas la contre-valeur. On soutient cependant que, si le consommateur est un indigent ou un voyageur qui n’a pas de provisions avec lui, cette nourriture devient licite, car elle est mangée par ceux qui reçoivent ordinairement la zakât. »
{Aboâ Mouhammad ibn Aboû Zaid ^ T. I, p. 303.)

1. Fameux jurisconsulte malékite, né en 928, mort en 996 ou plus tard
(998 ou 1000 ou 1006) à Fâs. V. Brockelmann, I, 177.

JEÛNE ET RETRAITE SPIRITUELLE AS-SIYÂM WAL TTIKÂF

OBLIGATION. DISPENSE.

Le jeune n’étant obligatoire qu’à partir de la puberté, doit-on considérer, pour cela, le nombre des années (l’âge) indépendamment des menstrues, des pollutions nocturnes et de la pilosité des parties ?

Mon opinion est que, tant qu’il n’y a ni pollutions nocturnes ni menstrues, la puberté n’est pas atteinte, à moins que le sujet ne soit arrivé à un âge que nul n’atteint sans être pubère.

{As-Souyoûri. T. I, p. 336.)

Dans quels cas peut-on se dispenser de jeûner ?
Les cas d’excuse sont ceux où le jeûne ne peut être supporté qu’avec beaucoup de peine et d’efforts.

(Al-Lakhmî, T. 1, p. 335.)

Si le jeûne doit augmenter la faiblesse ou faire mal à quelqu’un, celui-ci peut manger dans le mois de Ramadan. On admettra Taffirmation du médecin digne de confiance, à ce sujet. Même latitude est laissée à celui qui est
atteint d’une maladie chronique (zamin).

Bref, tout jeune qui peut rendre malade peut être écarté.

(Ibn Aboû Zaid. T. I, p. 335.)

Celui à qui deux médecins affirment que le jeune le rendrait malade, ou préjudicierait à sa vue, ne doit pas jeûner, car on ne doit pas aller jusqu’à se rendre malade. Mais cette décision est cependant contestée.

(T. 1, p. 337..

COMMENCEMENT ET FIN

Il est permis de commencer le jeûne et de le rompre d’après la déclaration de celui qui est notoirement digne de confiance. Mais si le déclarant ne possède pas cette qualité, celui qui rompt le jeûne sur son affirmation ^que la nouvelle lune a été vue) ne doit pas la kifâra (expiation).

Si, dans un village, il n’y a ni qâdi ni autre personne s’occupant de l’observation du nouveau croissant de lune, on peut se lier à la déclaration même d’un seul témoin, pourvu qu’il soit irréprochable, affirmant que la nouvelle lune a été vue dans un autre village, dans les conditions déterminées par la loi.

[Ibn SirâdJ.T. I, p. 3!29.)

La preuve par commune renommée que la nouvelle lune a été vue, est soumise à certaines conditions, dont les suivantes :

1*^ Il faut que ceux qui informent soient au courant de la question pour laquelle ils fournissent des renseignements;

2** Qu’ils se soient trouvés dans la nécessité de savoir ce qu’ils savent, c’est-à-dire qu’ils informent au sujet d’une chose qu’ils n’ont pas pu se dispenser de savoir ;

3″* Qu’ils soient plus de quatre. S’ils sont quatre ou moins, il n’y a pas de certitude.

Si l’une de ces conditions fait défaut, il n’y a pas de certitude.

ÇAbd Al’Hamîd As-§âïgh. T. I, p. 331.)

Dans cette espèce de témoignage, on ne doit pas exiger la qualité de témoin irréprochable. Il est valable, même si les témoins sont chrétiens ou récusables.

{Al-Qafsî’ et ‘Abd Al-Djalil Ar-Rib*i, Ibidem,)

Ceux qui, tout en n’étant pas des témoins irréprochables, affirment avoir vu la nouvelle lune, seront crus, quand il y a lieu de ne pas les suspecter, pourvu qu’ils ne constituent pas un nombre inférieur à cinq.

{Al’Lakhmi. T. I, p. 329.)

Quelles sont les règles relatives aux feux qu’on allume dans un village pour informer un autre village que la nouvelle lune a été vue ?

Cela n’est possible que si les habitants du village qu’on veut informer ont confiance dans les habitants du village qui informe ; sinon, cela ne peut être admis.

{Aboâ’l’Qâsim ibn Sirâdj, T. I, p. 328.)

1. Qâ^î de Qafsa (Gafsa, Tunisie), vivait vers 1281. V.Brockelmaxn, 1, 416.

Les habitants d’une région, ayant appris que les habitants d’une autre région ont vu la nouvelle lune du mois de schawwâl^ rompirent le jeûne. Cependant, certains d’entre eux restèrent hésitants et continuèrent à jeûner. Que décider ?

La fête de la rupture du jeûne Çîd al-Fifr) n’a pas eu lieu, cette année-là, le jeudi (comme est censé le prétendre le questionneur). Aussi, ceux qui ont rompu le jeûne ce jour-là devront-ils le recommencer, mais sans kifâra (expiation), car ils sont coupables seulement d’une erreur d’interprétation et non d’un péché. Quant à celui qui aura vu la nouvelle lune de ses propres yeux et rompu, en conséquence, le jeûne ce jour-là, il n’a commis aucun péché dans ses rapports avec Allah. Mais il aurait tout de même mieux fait de continuer à jeûner (comme les autres), ainsi que le dit Mâlik dans le Mouatta.

D’ailleurs, on ne doit se fonder, en ce qui concerne la vision de la nouvelle lune, que sur la déclaration de deux témoins irréprochables, au moins, ou un groupe de personnes ordinairement dignes de foi. Quant à celui qui annonce que la nouvelle lune a été vue (par d’autres), il faut que ce soit une personne en qui on ait confiance.

Enfin ceux qui, hésitant, ont prolongé leur jeûne, ont fait un jeûne valable.

{Aboû’l’Qâsim ibn Sirâdj. T. I, p. 327.)

CAUSES D’INEFFICACITÉ

Les femmes qui, en filant le lin, prennent les fils, pour les réunir, avec la bouche, peuvent-elles exercer ce métier durant le jeûne de Ramadan ?
Si c’est du lin misri (d’Egypte), cela est permis ; cela serait défendu si c’était du lin dimni (de Dimna), car il a un certain goût qui se répand dans la bouche. Aussi cela ne peut être permis que s’il s’agit de femmes pauvres.

(T. I, p. 336.)

Si, en filant, elle (la femme) sent une saveur saline au fond de son palais, son jeûne devient inefficace.

{Ibn Qaddâh, Ibidem,)

La question est controversée au sujet de la poussière fine qui s’échappe dé la farine, du gypse, du tannin, du charbon, du lin, etc.

{Ibn Schâs. Ibidem.)

La mouche qui pénètre dans la bouche du fidèle, rompt-elle son jeûne ? Et le bouquet odoriférant ?

Je ne connais aucun auteur qui mette la kifâra à la charge de celui qui laisse entrer une mouche dans sa bouche. L’opinion la plus répandue rejette également le qadâ.

Quant au bouquet, il ne rompt pas le jeûne et aucun auteur ne le dit, à ma connaissance. Cependant, il est désapprouvé {makroâh) par certains docteurs.

{Qâsim Al’Ouqbânî. T. I, p. 340.)

Le henné qu’on se met sur la tête rompt-il le jeûne ?

Non, même si on en sent le goût dans son palais. Il vaut mieux, d’ailleurs, ne pas en user durant le jeûne de Ramadan, à moins que l’on ne soit sûr qu’il n’arrivera pas.

{AboûSaîd ibn Loubb. T. I, p. 340.)

La femme qui crache du sang fait cependant un jeune valable, si le sang est rejeté par elle sans revenir à son gosier.

{Ibn Aboû Zaid. T. 1, p. 337.)

Quant à celui dont les dents saignent, il ne refera son jeûne que si le sang revient à son gosier et qu’il Tavale.

{Le même. T, I, p. 337.)

Celui qui, pendant le jour et étant à jeun, s’aperçoit que des fibres de viande ou des miettes de pain se sont logées entre ses dents, n’a qu’à éviter de les avaler : son jeûne sera valable.

{/bn Aboâ Zaid. T. I, p. 337.)

Celui qui se frotte les dents et les gencives avec le siivâk (écorce verte de noix ou écorce sèche de noyer), pendant la nuit et qui en trouve le lendemain des débris dans sa bouche, est-il tenu de recommencer son jeûne {qada) et de payer la kifâra (expiation) ?

Les débris du siivâk restés dans la bouche rompent le jeûne et mettent dans l’obligation de le recommencer [qadâ). Mais la kifâra n’est pas due.

ÇAbd Ar-Bahmân Al-Waghlîsî. T. I, p. 339.)

Il n’est pas permis, en temps de jeûne, de se servir comme siwâk des écorces de noix, de nuit ou de jour. Celui qui en use sera tenu du qadâ.

{Ibn ‘Attâb, Ibidem.)

Celui qui, sciemment, et de jour, se frotte les gencives avec du siwâk pendant le mois de Ramadan, sera tenu à la fois du qadâ et de la kifâra.

La raison en est que le siwâk se dissout dans la salive, et quand on l’avale, on rompt sciemment son jeune. Dans l’opinion inverse, on assimile les débris du siwâk aux débris d’aliments restés en suspens dans la salive. Dans cette opinion, la logique devrait faire dispenser même du qadâ mais on y est cependant tenu, parce qu’il s’agit d’un acte volontaire (action de se frotter les gencives avec le siwâk).

{Ibn Loubâba et Ibn Al-Fakhkhâr. Ibidem,)

S’il n’a usé du siwâk que la nuit, mais sciemment, et s’il en a trouvé des débris dans sa bouche, le lendemain, les avis sont partagés : selon les uns, il est passible du qadâ et de la kifâra ; selon les autres, du qadâ seulement*.

{Ibn Aboû Mouhammad §alih. Ibidem,)

JEUNES SUPPLÉMENTAIRES ET COMPLÉMENTAIRES

Est-il permis de jeûner un jour en supplément, ainsi que cela s’est fait en Sicile ?

Je n’ai pas en ce moment d’opinion arrêtée sur la question, et ce qui est dit au sujet de la Sicile n’est point établi.

En tous cas, ajouter un jour au mois, c’est sortir du doute. Mais quant à laisser à chaque partie de la population la liberté d’agir d’après ce qu’elle aura observé, cela ne peut être.

{As-Souyoârî. T. I, p. 335.)

Celui qui, ayant commencé un jeune volontaire, est invité à un banquet, doit-il accepter et rompre son jeûne, sauf à l’accomplir plus tard, et doit-il, pour éviter un parjure à son hôte, manger quand il l’en a adjuré par un serment?
11 doit observer son jeûne, même au risque de porter son hôte au parjure. D’après ‘Isa ibn Miskîn, ayant invité un de ses amis qui était à jeun volontairement, il lui dit: « La récompense que tu mériteras en faisant plaisir à ton frère le Musulman, en mangeant avec lui, est plus considé-
rable que celle que te vaudra ton jeûne. » Même dans ce cas, ajoute *Iyâd, il devra s’acquitter de son jeûne ^ Cette dernière décision, d’après Ibn *Arafa, est contraire au rite de Mâlik; elle est admise peut-être par le rite de Schâ- fi*î ; mais celui qui avait l’option au début, la conserve in- définiment (c’est-à-dire qu’ayant pu ne pas jeûner du tout, puisqu’il s’agit par hypothèse d’un jeûne volontaire, il n’est pas tenu de s’en acquitter tardivement {qadâ) lorsqu’il l’a rompu avant l’heure).

(As’Souyoâri. T. 1, p. 335.)

Celui qui, étant à jeun, boit parce qu’il est tourmenté par une violente soif, peut-il ensuite manger et cohabiter avec sa femme?

La question est controversée. D’après la meilleure opinîon, il devra s’acquitter ensuite de son jeûne qadâ (complétaire) et payer la kifāra (expiation). A moins que cela ne soit interprété comme un acte licite.

[Ibn Bouschd.T. l, p. 336.)

Celui qui, ayant arraché une molaire, est tourmenté par la douleur, peut-il, durant le jeûne de Rhamadân, boucher l’alvéole avec du mastic, qui seul fait cesser la douleur, laquelle revient dès que le mastic est enlevé?

Cela est permis, mais il devra tout de même s’acquitter plus tard de cette journée

{Ibn Rouschd. T. I, p. 336.)

Un individu se couche la nuit avec l’intention déjeuner le lendemain; il se réveille avant l’aube et trouve qu’il n’a pas d’appétit pour manger le souhūr : y est-il obligé ?

Le but du souhoûr est de donner des forces pour supporter le jeûne. Cela rentre dans la catégorie des choses qu’on prend pour s’aider à pratiquer les actes de l’adoration, lorsqu’elle impose des fatigues, qui rebuteraient le fidèle et la lui feraient abandonner. Mais le Seigneur, au contraire, ne s’ennuie pas de donner et d’assister, tant que le Croyant ne s’ennuie pas de lui obéir.

(T. 1, p. 337.)

(Le souhoâr n’est pas prescrit pour lui-même; on peut donc s’en passer, quand on peut, impunément.)

Pourquoi le jeûne accompli le jour de ῾Arafa équivaut-il à un jeûne de deux ans et celui de ‘Aschūrā à un jeûne d’une année ?

Parce que le jeûne de *Arafa a été institué par Muḥammad et celui de ‘Âschoûrâ par Mūsā.

{Ibn ‘Arafa. T. I, p. 339.)

RETRAITE SPIRITUELLE

Celui qui est en retraite spirituelle peut-il sortir lorsqu’il apprend la mort de son père ou de sa mère ?

Non. Au contraire, si son père est malade, il doit sortir. La différence tient à ce que, lorsqu’il visite son père ou sa mère malades, cela les soulage, tandis que s’ils étaient déjà morts, il n’a plus que le devoir de veiller à leur sépulture. Or, s’il y a déjà quelqu’un chargé de ce soin, le fils n’est plus tenu à rien.

{El’Qâbisi. T. I, p. 340.)

La retraite spirituelle peut-elle être accomplie à Tintérieur de la Ka῾ba ?

Oui, car la Ka*ba est elle-même une mosquée. En effet Dieu a dit : « Tourne ton visage du côté du masğid al-ḥaram » Il n’y a pas de mal en ce que, pour entrer à la Ka’ba, il faut gravir des degrés, puisque les mosquées en ont souvent et que la retraite spirituelle y est autorisé.

{Ibn Al’IJûdj). T. I, p. 341.

La retraite spirituelle [Itikāf) peut-elle être accomplie dans une mosquée située dans une maison ?

Il est admis, sans dissidence, que I῾tikāf ne peut se faire que dans une mosquée dont l’accès est permis à tout le monde, sans interdiction pour qui que ce soit.

Quant à celui qui construit une mosquée pour son usage personnel, celui de ses parents et de ses voisins, il ne pourra y accomplir Vitikàf^ et on ne peut s’y réfugier une nuit de pluie.

(T. 1, p. 3Vl.)

PÈLERINAGE

Un homme désire se mettre en route pour accomplir le pèlerinage de La Mecque, mais la voie de terre est, à cette époque^ pleine de dangers. 11 a pensé prendre la mer, mais on lui a fait remarquer qu’il courrait beaucoup de risques et craindrait les Rūm. Est-il obligé de voyager par mer? Est-il coupable, vu les temps qui courent, de s’abstenir du pèlerinage, s’il meurt avant de l’avoir accompli, alors qu’il en avait les moyens et que seuls l’en empêchaient, le danger évident des routes terrestres et le risque des routes maritimes ?

Aujourd’hui, la route, depuis Alexandrie jusqu’à Makka, est dans un état tel que l’obligation du pèlerinage ne peut être maintenue. Celui qui s’abstient pour ces motifs ne commet aucun péché.

{Al’Lakhmî, m. 1075, I, p. 343.)

Que faire si la route maritime pour le pèlerinage présente du danger, lequel existe également sur la voie de terre ?

Il vaut mieux attendre qu’il soit possible de voyager sans risquer sa vie.

{A^-fâïgh. T. I, p, 343.)

L’opinion qui ressort le plus clairement de la doctrine de Mâlik est que le pèlerinage peut être remis. Ainsi, celui qui craint, s’il ne se mariait pas, de commettre la fornication, doit se hâter de se marier *, car c’est pour lui une obligation.

A propos du pèlerinage, il faut rappeler l’habitude que nous avons de voyager par mer sur des navires appartenant à des chrétiens, qui les prêtent aux Musulmans, pour le voyage d’Ifrîqyya à Alexandrie et jusqu’aux pays du Maghreb. Or, il leur arrive, parfois, de trahir. L’Imâm Ibn ‘Arafa dit que la question est analogue à celle du commerce avec le pays ennemi. Les anciens jurisconsultes racontent que cet usage comporte une forte désapprobation {karāha), et qu’il y a controverse sur le point de savoir si cela constitue ou non un motif de récusation. Aujourd’hui il n’y a plus de dissidence dans le cas suivant. Lorsque l’Émir de Tunis est assez fort pour que les chrétiens aient lieu de le redouter, s’ils se montraient traîtres et gâtaient les bonnes relations, dans ce cas, il n’y a pas grand péril à voyager avec des chrétiens); sinon c’est tout danger.

Dans un autre passage, l’auteur ci-dessous nommé dit : a La meilleure opinion est que cela constitue un danger, mais j’ai vu des docteurs, comme Al-Qabbâb (v.1340) de la ville de Fâs, Ibn Idrîs (m.1369 ??), de Bougie, voyager avec les chrétiens, par suite de la grande difficulté du voyage par la voie de terre. ils prenaient ce parti par cette considération que, de deux dangers, le moindre exclut le plus grand.

{Ibn Mahriz. Ibidem,)

Un individu quitte son pays, se rendant en pèlerinage par un temps où les routes sont pleines de dangers et étant presque sur qu’il ne s’en tirerait pas sain et sauf.
Doit-il être considéré comme celui qui court lui-même à sa ruine, ou sera-t-il, au contraire, récompensé pour s’être assigné, comme but, l’accomplissement d’un devoir religieux ou d’une œuvre surérogatoire devant l’approcher d’Allah très exalté, ou bien enfin ne serait-il ni récompensé ni considéré comme pécheur?

Lorsque le danger est tel que vous le décrivez, le pèle-
rinage cesse d’être une obligation. Celui qui s’en charge
tout de même n’est pas exempt de péché.

{Al’Lakhmî. T. I, p. 343.)

L’individu que sa mère n’autorise pas ou qu’elle n’autorise qu’à contre-cœur, peut-il faire le pèlerinage?

Il doit se hâter d’accomplir ce qui est pour lui un devoir religieux, mais s’efibrcer d’obtenir l’agrément de sa mère. Si elle refuse, qu’il parte quand même, si Allah le veut. Cependant, Màlik ne voit pas qu’il y ait grand mal à remettre le pèlerinage à l’année suivante, quand les père et mère refusent de laisser partir leur enfant.

{Ibn Aboû Zaid, m.996, qayrwan T. I, p. 3i4.)

Un individu meurt en laissant par testament la recommandation que ses héritiers enverraient un homme accomplir le pèlerinage en son nom. Les héritiers convinrent avec le pèlerin de le défrayer de tout le nécessaire et lui remirent pour cela le tiers de la succession.

Que décider si la somme remise se perd ou ne suffît point?

Les héritiers devront la remplacer ou la parfaire, car il leur était loisible de conclure un contrat de louage ferme (à forfait) et ne pas convenir qu’ils s’engagaient à fournir tout le nécessaire.

[Al-Qâbisi\ T. I, p. 350.)

Un individu vend sa récolte de blé, d’huile et de dattes contre une somme de dirhems frappés à Thôtel des Monnaies créé par le Sultan et placé par lui sous la direction d’un homme injuste. Toute la monnaie en circulation dans la ville provient de l’administration que dirige cet homme injuste. Peut-on faire le pèlerinage en se servant des dirhems en question ?

Cet emploi des dirhems est très grave. On ne doit en faire aucun usage, pour la dépense, ni pour le pèlerinage, tant qu’il est possible de se procurer de la monnaie de l’ancienne frappe. Si l’on n’y arrive pas, on ne prendra de cette monnaie que le strict nécessaire pour subsister, sans en faire emploi pour le pèlerinage ou autre chose. C’est comme s’il s’agissait de manger la chair d’un animal mort (sans avoir été égorgé selon les rites)

{Ibn Mahriz. T. I, p. 345.)

Celui qui s’éloigne de ‘Arafâ avant le coucher du soleil a-t-il fait un pèlerinage efficace?

Des auteurs en admettent la validité, et il y a dans le rite des raisons sur lesquelles cette décision peut s’appuyer. Cette opinion est, à mes yeux, la plus solide.

{Al’Lakhmî. T. I, p. 347.)

L’opinion ci-dessus est celle de Yahyâ ibn *Oumar, qui l’avait exposée à l’occasion d’une troupe de pèlerins qui avaient quitté ^Arafâ avant d’avoir achevé leur station. Ils s’étaient éloignés par suite d’une révolte qui venait d’éclater. Yahyâ ibn *Oumar décida que cela suffisait pour la validité de leur pèlerinage.

C’est aussi l’opinion de Sahnoûn, exposée dans le livre intitulé an-Nawâdir (les Raretés). Al-Lakhmî l’a également déduite des propos de Moutarrif et

Abdu’l-Malik b. ‘Abdu’l-‘Aziz b. Al-Māğišūn, Madina, m. 829

{Ibidem.)

ÉGORGEMENT RITUEL ADH-DHBAÏH

EGORGEMENT RITUEL

Dans les prescriptions légales où l’acte extérieur suffit pour atteindre le but, telle que la restitution d’une dette, d’un objet acquis par violence ou d’un dépôt, l’intention n’est pas obligatoire.

Mais il n’en est pas de même des dispositions cultuelles établies pour rendre hommage à la puissance divine, leur raison d’être est l’intention pieuse de la personne même qui les accomplit. L’égorgement rituel, institué pour re- mercier Allah de nous avoir autorisé à nous nourrir de la chair desanimaux, étant dans ce cas, les juristessont unanimes à reconnaître l’obligation stricte de l’intention dans l’accomplissement des procédés rituels de regorgement.

{Aboù ‘Abd Allah Mouhammad Ibn Ahmad ibn (Jâsim ibn Saîd Al-‘Ouqbânî. T. II,. 9- 11.)

Etant donné le passage duQoran où il est dit : « La nourriture de ceux qui ont reçu les Écritures est licite pour vous^.. » et le commentaire qu’en a fait Ibn Al-*Arabi, qui déclare qu*il est permis de manger avec un chrétien
ou d’accepter de lui, à titre de nourriture, une poule que celui-ci aurait fait cuire, après lui avoir tordu le cou, y at-il un auteur de Técole malékite qui se soit prononcé en ce sens, et est-il permis de donner cette décision par fétwa, ou de s’y conformer seulement pour son usage personnel? D’autre part, Ibn Al-*Arabi, ayant admis comme licite pour le musulman tout ce que la religion de ceux qui ont reçu les Écritures, leur permet de manger, sauf ce qui a élé^ contre eux, l’objet d’un démenti de la part d’Allah, quelle est la portée de cette restriction ?

En ce qui concerne la première partie de la question posée, c’est-à-dire la poule dont le cou aurait été tordu par un chrétien, l’opinion unanime des juristes malékites est qu’il est permis au musulman d’en manger, sans se préoccuper de la façon dont elle a été tuée, car il n’est pas exigé que l’abatage de leurs animaux soit conforme au nôtre. Si, malgré cette autorisation formelle, quelques tolbas et quelques schaikhs considèrent encore ce point de droit comme douteux et non résolu, cela tient à la répugnance que leur inspire cette faculté de tuer accordée aux chrétiens. Nous pouvons faire servir à notre alimentation toutes les bétes tuées par eux, selon les prescriptions de leur religion, excepté le porc — bien qu’ils s’en nourrissent et qu’ils l’abattent, selon leurs procédés, comme leurs autres bétes de boucherie — et l’animal mort de mort naturelle, qui nous sont formellement interdits. Il n’y a pas de doute à cet égard.

Parmi les choses défendues qui ont été, de la part d’Allah, l’objet d’un démenti contre les sectateurs des Écritures il y a aussi Tusure, que les Juifs considèrent, eux, comme une chose licite, qu’ils mangent comme un aliment ^ tandis qu’elle nous est expressément défendue, à nous, en vertu de la parole de Dieu : « Ils ont exercé l’usure qui leur avait été défendue…’^ »

(T. II, pp. 4, 5.)

Les opinions des savants malékites et des juristes des autres écoles sont partagées en ce qui concerne l’efficacité de regorgement des animaux étouffés dont une des parties vitales aurait été atteinte.

D’après la Moudawwana la brebis dont la panse a été déchirée et les intestins perforés par un lion, ne peut pas être égorgée et livrée à la consommation des musulmans, parce qu’elle ne rentre dans aucun des cas permis parla Loi. Ibn Al-Qâsim déclare qu’elle est licite; plusieurs juristes Andalous, tels que Ibn Loubàba et Ibn Khâlid, rendaient des félwas en ce sens.

{Aboû Said Faradj Ibn Loubb. T. II, p. 6.)

L’opinion générale des juristes malékites est que la bête dont la panse a été perforée d’un coup de corne est atteinte mortellement. Mais il y a divergence entre eux, lorsqu’il s’agit de se prononcer sur la possibilité de l’égorger pour en rendre la chair licite; la plupart se déclarent partisans de l’abstention, considérant la bête comme irrévocablement morte, sauf Ibn Al-Qâsim.

{Aboû Sa’îd ibn Loubb. T. II, p. 7.)
Selon l’opinion la plus accréditée, la bête à cornes, vache ou brebis, qui, par suite d^une chute d^une colline, serait en danger de mort, quoiqu’aucune de ses parties vitales n’ait été atteinte, peut être livrée à la consommation si, sous le couteau, elle a donné signe de vie, comme si elle remue les pattes ou les yeux ou la queue, ou respire encore.

ÇAbd Ar-Bahmân Al-W aghlîsî . T. II, p. 8.)

Un individu, en train d’égorger un taureau, s’aperçoit que le couteau est émoussé; il le retourne alors et coupe les veines jugulaires de bas en haut.

C’est un temps de disette, et, en pareilles circonstances, les Imâms, sauf Mâlik, déclarent licite même la bête égorgée par la nuque. A plus forte raison en doit-il être de même dans le cas ci-dessus. Cette décision des trois Imâms (Âboû Hanifa, Schafi*f et Ahmad b. Hanbal) est rapportée par le petit-fils d’Ibn Rouschd.

[Sirftdj ad-Dfn Aboù *A]i Mou^ammad b. Khalil AUToûnisî As-Sakoûn
AS’Sakoûnî’. T. II, p. 9.)

Un taureau, en danger de mort par suite d’une maladie qui lui ferait rendre ses intestins en morceaux, peut être égorgé et livré à la consommation, si cet accident provient de maladie.

{Aboû ‘Abdallah Ibn Marzoûq. T. II, p. 12.)

En égorgeant une brebis qui se débattait violemment sous le couteau, un Musulman a attendu un moment, sans enlever cependant le couteau, avant d’achever l’opération ; regorgement effectué dans ces conditions est-il licite ?

En principe, il faut procéder à regorgement sans hési tation. Cependant on peut livrer à la consommation l’animal dont les veines jugulaires ont été coupées, parce que, d’ordinaire, il ne peut pas vivre en cet état; je veux dire que sa vie ne saurait se prolonger.

ÇAbd Al’Hamîd As-Sâïgh. T. II, p. 16.)

Est reconnu comme licite regorgement effectué par celui qui, croyant Tavoir finiets’étant aperçu de son erreur, Ta réparée immédiatement en achevant l’opération. Cependant, si l’interruption a duré un certain laps de temps, la bete ne pourra i)as servir à l’alimentation des Musulmans.

Si la section de la gorge et des veines jugulaires n’a été que partielle, c’est-à-dire si la partie non coupée dépassait en étendue la partie coupée, la chair de l’animal ne peut pas être livrée à la consommation; il n’y a pas de divergence d’opinions à ce sujet.

(Ibn Mahriz. T. Il, p. 16.)

Le mouton qui aurait eu la peau déchirée par un lion peut être mangé si la moelle épinière n’a pas été rompue et si l’animal a donné signe de vie au moment de regorgement. Mais il faut que le fait soit bien établi et, avant de mettre en vente la chair de l’animal, celui qui l’a égorgé doit commencer par avertir l’acheteur ou le consommateur (le cette particularité et de la divergence des auteurs à cet égard.

11 en est de même du chameau et de la gazelle qui se trouveraient dans le même cas,

(T. II, pp. 16, 17.)

Un individu possède une brebis malade, mais ayant encore la force de manger, de dormir et même, quelquefois, de marcher. Un boucher l’ayant vue, dit à son propriétaire qu’elle était sur le point de mourir. Il s’empressa alors de Tégorger, mais elle ne fit aucun mouvement et son sang ne coula qu’en petite quantité et mélangé d’eau. L’égorgeur prétend que la brebis a bougé sous le couteau.

Peut-elle être livrée à la consommation?

Iln’y a à se préoccuper que de savoir si, au moment de regorgement, lorsque le couteau était placé sur sa gorge, la brebis était ou non vivante. Si elle Tétait, tout le reste est indifférent.

(T.II, p. 19.)

11 est licite de manger et de vendre la chair d’un taureau nourri surabondamment d’orge et dont les intestins ont été trouvés perforés, au dépouillement.

{Ibn Sahnoûn. T. 11, p. 19.)

Une lance plantée par terre s’étant brisée violemment dans la gorge d’un chameau qui la heurta en marchand, l’animal, dont le sang coulait en abondance, fut tué selon les’ procédés rituels et sa chair mise en vente. Les vendeurs sont-ils tenus, dans ce. cas, de rembourser aux acheteui;s le montant du prix perçu et le restant de la chair peut-il être mangé ?

Si la blessure accidentelle faite par la lance était de nature à occasionner la mort par le seul fait de sa gravité, la chair du chameau ne peut pas servir à l’alimentation et le prix de la partie vendue doit être restitué aux acheteurs.

(T. 11, pp. 19, 20.)

Ayant égorgé pour leurs coreligionnaires des moutons reconnus par eux comme atteints de ce qu’ils appellent fahūra des bouchers juifs ont vendu ces moutons aux Musulmans, sans indiquer la cause qui les leur faisait rejeter. Etant donné cet état de choses, ne faut-il pas empêcher. rigoureusement lesdits bouchers, sous menace de sanction pénale, de vendre leur viande sur le marché sans en indiquer la qualité?

Les bouchers juifs qui, trouvant dans la viande abattue par eux quelque chose de nature à la rendre impropre à la consommation de leurs coreligionnaires, la vendent ensuite aux Musulmans sans leur indiquer les causes qui la font rejeter par les Juifs, seront astreints à cesser la vente de leur viande sur les marchés ou même dans un endroit quelconque accessible aux acheteurs de la localité.

(T. II, p. t>0.)

La chair des chameaux ou des bœufs qui auraient été égorgés, après avoir eu les jarrets coupés, au cours d’une procession nuptiale ou autre fête, peut servir à Talimentation.

{Ibn Aboâ Zaid. T. II, p. 20.)

Celui qui aurait égorgé un bouc, après l’avoir écorché partiellement, sous le menton, à Tendroit indiqué pour la section, est passible d’une correction douloureuse^ s’il a été précédemment Tobjet d’un avertissement de ne plus récidiver.

Quant à regorgement effectué dans ces conditions, il est valable si ladite écorchure n’était pas de nature à amener la mort de l’animal, au cas où Ton aurait sursis à l’égorgement ; mais si Técorchure devait causer la mort, regorgement est nul et la chair de Fanimal ne peut être mangée.

(T. II, p. 20.)

Peut-on compter les abeilles au nombre des insectes qui peuvent être tués comme les sauterelles et, dans l’affirmative, la dissolution des parcelles d’abeilles dans le miel serait-elle tolérée?

Les abeilles doivent être comptées au nombre des insectes ; on pourrait les manger en les tuant de la même manière que les sauterelles. Le miel qui en contiendrait quelques parcelles peut donc être livré à la consommation, parce qu’il est généralement impossible de les en retirer.

{Aboû ‘Abd Allah Az-Zwâwî. T. Il, p. 8.)

Malgré l’accord unanime des jurisconsultes sur Tefficacacité de regorgement des animaux de boucherie abattus par ceux qui ont recules Écritures, pour leur usage personnel et conformément aux procédés de leurs religions, les juristes de l’école malékite déclarent que la chair du gibier chassé par eux n’est pas licite pour les Musulmans. Cependant la chasse, étant un des deux moyens employés pour tuer les animaux avant de les livrer à la consommation, les conditions légales peuvent être aussi bien remplies dans le premier que dans le second cas, notamment en ce qui concerne l’intention, qui peut exister dans l’un comme dans l’autre cas.

Cette critique a déjà été soutenue par plusieurs schaikhs, dont les plus marquants sont : Al-Lakhmi, Âl- Bâdjt, Ibn Yoûnis, Ibn Rouschd et Ibn Al-‘Arabî, qui, adoptant l’opinion d’ibn Wahb et d’Aschhab, ont déclaré licite le gibier al)attu par les sectateurs des Écritures .

Pour réfuter cette opinion, je suis obligé d’entrer dans des considérations relatives : 1® au sens général ; 2® au sens implicite de certains passages du Qoran ; 3* à la restriction du premier sens par le second ; 4″* à l’impossibilité d’appliquer le principe de l’analogie aux choses qui ne sont que tolérées.

Le verset du Qoran où il est dit : « La nourriture de ceux qui ont reçu les Écritures est licite pour vous » , pris dans le sens général, comprend les animaux égorgés et les produits de la chasse.

Celui où il est dit : « La proie des animaux de chasse que vous aurez dressés à la manière des chiens, d’après la science que vous aurez reçue d’Allah, vous est permise^…» indique clairement que ces paroles sacrées s’adressant spécialement aux Musulmans, il en résulte que le gibier abattu par les non-Musulmans ne peut être mangé.

D’autre part, le verset où il est dit : « O vous qui croyez ! Dieu cherchera à vous éprouver, quand il vous oflrira quelque gibier que peuvent vous procurer vos bras et vos lances •^.. » indique également que ledit verset s’applique comme le précédent aux Musulmans.

En tenant compte des textes de ces trois versets, qui se complètent réciproquement, nous voyons déjà qu’il y a une grande diflérence, pour le Musulman, entre Tanimal égorgé et le gibier abattu par le non-Musulman. Nous constatons que la tolérance est admise dans le verset concernant regorgement et qu’elle est implicitement rejetée des deux versets relatifs à la chasse.

Étant donnée la parole sacrée défendant aux Croyants, dans d’autres passages du Qoran, de faire usage d’un animal égorgé sur lequel le nom de Dieu n’aurait pas été prononcé^ un doute aurait pu persister à ce sujet dans leur esprit, si la Sounna n’avait pas confirmé la tolérance dont il s’agit. La tradition nous apprend, en effet, que le Prophète, que Dieu le bénisse et le salue ! mangea le morceau de la brebis empoisonnée que lui offrit la Juive sans lui demander si ladite brebis avait été égorge par un Juif ou par un Musulman, d’autant plus que la Juive ne lui offrait le plus souvent que de la viande fournie par ses coreligionnaires.

Ceci prouve, d’une façon évidente, la tolérance manifeste accordée aux Musulmans en ce qui concerne la viande de boucherie fournie par ceux qui ont reçu les Écritures. Mais, par cela seul que c’est une tolérance, l’on ne peut pas en déduire, par la voie de l’analogie juridique, que l’usage du gibier abattu par les Juifs ou par les Chrétiens soit également permis ; et cela en vertu du quatrième principe de droit, rappelé plus haut, que l’analogie ne peut pas avoir pour point de comparaison une chose tolérée.

Si l’on m’oppose cet autre principe de droit d’après lequel la véritable raison d’être de la tolérance est l’existence même d’une excuse chez la personne qui fait Tacte toléré, et qu’on ne voit pas bien, dans le présent cas, qu’elle serait l’excuse motivant la tolérance dont bénéficient les Musulmans, je répondrai : L’excuse existe par le fait même que les Croyants sont dans la nécessité d’avoir des rapports fréquents avec leurs sujets, chrétiens ou juifs, notamment pour la perception du tribut, djizga, etc.

D’autre part, comme la nourriture de ces tributaires se compose habituellement de la viande de boucherie et rarement des produits de chasse, la loi défend aux Musulmans de manger de ceux-ci, tout en les autorisant à faire usage de la viande de boucherie.

2. Ibid., V, 6.

3. Ibid., V, 95.

{Aboû ‘Abd Allah Ibn ‘Uqāb. T. II, pp. H, 12.)

SACRIFICES

Les oblations de la fête des sacrifices (7rf al-adfjiâ) doivent être offertes par les Croyants après Toblation de rimâm qui a présidé à la prière publique. Selon Mâlik et les juristes de son école, cette condition est d’obligation stricte.

Si, pour une raison de force majeure, Tlmâm était obligé de ne pas sacrifier, les croyants sont tenus d’attendre le coucher du soleil pour offrir leurs oblations sacrificatoires.

Dans l’opinion d’Aboû Mous*ab, si l’Imâm ne sacrifie pas sur la place dite Mousalla^ aussitôt la prière terminée, ainsi que la tradition lui en fait une obligation, les fidèles ne doivent pas l’attendre indéfiniment, mais seulement le temps suffisant pour qu’il eût sacrifié, s’il s’était conformé à la Sounna (tradition).

Selon Aboû Hanîfa, les sacrifices des fidèles ne sont pas subordonnés aux sacrifices de l’Imâm, mais seulement à sa prière : dès que celle-ci est faite, ils peuvent offrir leurs oblations ^

{Ibn Bouschd. T. II, p. 22.)

En ce qui concerne regorgement des oblations sacrificatoires [adâ^t)^ doit-on considérer le moment * où sont égorgées les victimes de Tlmâm chargé de faire la prière publique ou bien celles du souverain (qu’on appelle aussi rimâm de Tobéissance) ?

C’est de Tlmâm chargé de la prière qu’il s’agit, car les sacrifices obligatoires se rattachent à la prière.

{Ibn Rouschd.l, II, p. 22.)

Les Croyants doivent ofl’rir leurs oblations sacrificatoires après l’oblation de Tlmâm qui a présidé à la prière publique de leur localité et non après celle du grand Imâm, le khalife ‘^.

{IhnLoubb. T. Il, pp. 23, 24.)

La brebis destinée à être sacrifiée et achetée à un prix déterminé, payable en espèces, peut être payée en denrées comestibles si l’acheteur n’a pas d’argent disponible.

ÇAbd Ar-fiabmân Al-Wâghlîsî. T. 11, p. 24.)

11 est permis au sacrificateur d’offrir à titre gracieux à ses hôtes, au salarié à son service, au maçon, au terrassier, au moissonneur, au tailleur, etc., la chair des victimes offertes par lui en oblation, à moins que ces personnes ne soient juives.

{Aboû’l’Hasan Ibn Al-Hadîdî. T. II, p. 25.)

Il est permis de donner, à titre gracieux, une pari de ranimai offert en oblation sacrificatoire : au salarié, au maître de ses enfants, à la servante de l’épouse, au porteur d’eau, etc., mais à la condition expresse que les susdites personnes auraient continué à rendre a donateur les mêmes services habituels, lors même que celui-ci ne leur aurait rien donné.

(T. II, p. 210

Il est licite de manger, sur invitation, de la chair d’une brebis offerte en sacrifice ( <a-ap ^aqîqa) * le septième jour de la naissance d’un nouveau-né, à son intention.

Ibn Mâlik a blâmé, chez les parents, l’ostentation dont ils font preuve à cette occasion : mais son blâme ne s’adresse pas à ceux qui sont invités à manger la ‘aqiqa.

Cette décision ne s’applique pas, d’ailleurs, aux repas donnés avant ou après le septième jour depuis la naissance, car cela ne constitue pas la *aqiqa proprement dite, ni ne peut en tenir lieu.

ÇA II ibn Mahsoûd. T. II, p. 32.)

Selon Topinion la plus accréditée, celui qui achète, avec l’intention de la sacrifier ultérieurement, une brebis qui tombe mortellement malade, la veille même du jour des sacrifices, ne peut plus l’offrir en oblation sacrificatoire 2. Il a le droit, cependant, de la faire égorger et d’en
vendre la chair.

(Qâsim Al-‘Ouqbânî. T. II, p. 25.)

La brebis à queue courte de naissance et dont la valeur’ n’est pas dépréciée de ce fait, peut-elle être offerte comme’ oblation sacrificatoire ?

Il est permis de l’offrir conime victime oblatoire, « lors même, ajoute Ibn Qaddâh, qu’elle aurait subi une dépréciation de moins du tiers du prix ordinaire».

(As’Souyoûrî. T. 11, p. 21.) .

11 est bon que celui qui se propose d’offrir une oblation sacrificatoire s’abstienne de se raser la tète et de se couper les ongles, à partir du premier jour du mois de dhoù-l-hidjdja.

{Ibn Al’Qa^§âr. T. II, p. 24.)

Un tanneur ayant chez lui environ soixante peaux s’aperçoit qu’il y a mêlé, sans pouvoir la reconnaître, une peau provenant d’une victime offerte en oblation sacrificatoire. Que doit-il faire pour ne pas transgresser les prescriptions légales ?

11 doit vendre les peaux en question, séparément, l’une après l’autre, et chaque fois il y a de très fortes présomptions qu’il ne met pas en vente la peau de la victime sacrifiée. La vente des soixante peaux finie, il retirera du montant de l’argent perçu le prix d’une peau, qu’il supposera être celle de la victime sacrifiée, pour l’employer en aumône. Ce faisant, il se conformera à l’opinion exprimée par Ibn Al-Qâsim.

Il peut aussi, selon Sahnoùn, remplacer la peau en question en achetant, avec son prix de vente, un ustensile quelconque de ménage dont il se servira chez lui.

(T. II, pp. 25, 26.)

Selon Popinion la plus accréditée et d’après Al-Lakhmi^ il est permis au pauvre de vendre la part de la victime offerte en oblation, qui lui a été donnée comme aumône.

CImrdn Al-Afaschdâlî. T. II, p. 25.)

La vente d’un vêtement tissé avec la laine de brebis offertes en oblations sacrificatoires n’est pas licite, même pour Tacquittement d’une dette, l’entretien d’une épouse et autres cas semblables.

(T. II, p. 24.)

ANIMAUX

Les commerçants de Monastir ont-ils le droit d’aller trouver les pécheurs dans l’île voisine, ou même de les rencontrer auprès du pont (qui conduit à la ville) et de leur acheter le produit de leur pêche, qu’ils transportent ensuite, pour le vendre dans d’autres localités ?

Il n’est pas permis d’intercepter ainsi ce qui arrivait pour être vendu dans la localité. Celui qui le fait sera dessaisi et la marchandise vendue sur le marché public. Si elle atteint un prix inférieur ou égal au prix payé par l’acheteur originaire, les habitants de la localité la garderont moyennant ce prix. Si elle le dépasse, ils ne devront que le prix payé par cet acheteur.

En tous cas, ceux qui pratiquent la pêche dans la mer de Monastir, doivent d’abord apporter le produit de leur pêche dans cette ville, et c’est quand la population en acheté selon ses besoins aux prix courants, qu’ils auront le droit d’aller vendre le restant où il leur plaira. Tant qu’ils ne sont pas arrivés au marché, nul n’a le droit de leur acheter quoi que ce soit.

{Aboû-l’Hasan Al-Qâbisî. T. II, p. 2.)

Si une partie de la pièce de gibier: patte, cuisse, aile museau, etc., a été arrachée et séparée du reste du corps de l’animal, elle ne peut être mangée, contrairement à la partie restante, la plus considérable.

(T. II, p. 4.)

L’animal sauvage qui aurait été égorgé après avoir été étourdi de coups, peut-il être mangé ?

Oui, si l’on constate qu’il est en vie au moment de regorgement.

(T. II, p. 8.)

On ne doit pas plumer les oiseaux vivants à cause de la souffrance qu’on leur ferait endurer.

(T. 11, p. 3.)

Les oiseaux capturés, après avoir été nourris avec du blé bouilli dans une liqueur susceptible d’engendrer rivresse, peuvent-ils être saignés en cet état, ou faut-il attendre qu’ils ne soient plus sous l’influence de l’ivresse ?

Cela est permis.

(T. II, pp. 8, 9.)

En cas de nécessité absolue, — lorsqu’on est affamé au point que la mort soit à craindre, — il est permis de manger de la chair défendue, même du sanglier, si l’on n’a pas autre chose à sa disposition. Cependant, en l’abattant à la chasse, il faut le faire avec l’intention afférente à l’égorgement rituel.

(T. II, pp. 12 à 16.)

Est-il licite d’employer le chien à la garde des troupeaux, dans la campagne, pendant la nuit, et y a-t-il des juristes qui en autorisent l’emploi, à la campagne, d’une l^içon absolue?

; Il est permis de se servir du chien pour la garde des troupeaux, aussi bien la nuit que le jour, et je ne sache pas qu’on puisse l’utiliser autrement que pour la garde des troupeaux et des récoltes sur pied et pour la chasse.

CAbd Ar-Rahman Al-Waghlîsî. T. Il, pp. 3, 4.)

Le chat qui cause des dégâts et mange les poussins peut être tué, à moins qu’on n’en connaisse le propriétaire, qui sera tenu de réparer ses méfaits ou de s’en porter garant, de même, il est permis de détruire les fourmis.

(T. II, pp. 20,21.)

Les rats, trouvés morts, ne doivent pas être donnés aux chats.

(T. Il, p. 3.)

LES SERMENTS ET DES VOEUX j>uij ùk VI AL-AYMAN WAN-NOUDHOÛR

EXPIATION

Une femme dit à sa servante esclave : « Puissé-je être tenue d’un jeûne d’un an, comme je suis tenue par l’encolure de mon vêtement, si je ne t’expulsais pas. Si mon mari te fait rentrer, je ne resterai pas dans cette maison. »
La maîtresse peut-elle, sans se parjurer, se délier de son serment, par exemple en vendant l’esclave à son mari, en sorte que si l’esclave revient à la maison, c’est indépendamment de la volonté de sa maîtresse ?

Les mots : sortir^ faire sortir, expulser, s’entendent de l’action de se transporter d’un lieu dans un autre et, dans la langue des juristes, ils n’emportent aucune idée de perpétuité. Ainsi, d’après Ibn Al-Qâsim, celui qui jure de ne pas revenir à un endroit déterminé, ne se parjurera pas en y retournant quinze jours plus tard. Ibn Kinâna et Ibn Al-Mawwâz disent qu’il n’y a pas de parjure, quand on retourne à l’endroit en question, quel que soil le temps écoulé, peu ou beaucoup. Ibn Rouschd dit que le niiiiimuin
à observer est une journée et une nuit.

Ces principes étant posés, revenons à la question ci-dessus.

Si la maîtresse, en jurant, a eu Tintention de ne plus jamais habiter avec sa servante, son serment emporte alors une idée de perpétuité et elle n’en serait point quitte en vendant Tesclave à son mari. En effet, son serment se ratlache à la personne de lesclave, indépendamment de la question de propriété.

Mais, si elle a proféré le serment avec la simple intention de gronder son esclave pour la corriger, il suffit que celle-ci quitte la maison, pour y retourner après expiration du délai indiqué ci-dessus. Au cas où le mari ferait rentrer l’esclave avant ce délai, la maîtresse devra quitter la maison sur-le-champ et ne pas y retourner avant le délai nécessaire.

Au cas où le serment de la maîtresse aurait été violé, de quelque manière que ce soit, les textes de la doctrine malékite exigeraient qu’elle observât le jeûne d’une année ; mais on rapporte d’après Ibn Al-Qâsim et IbnWahb, que la kifâra (expiation) suffit. Cette dernière opinion est aussi la plus répandue parmi les Schâfi’ites. Le motif est, d’après Ibn ‘Abd Al-Barr, l’absence d’intention dans les serments prononcés dans un moment de colère ou dans le plus fort de la dispute. Ce qu’on vise surtout, c’est de s’astreindre d’une manière plus rigoureuse à ce qui a donné lieu à la prononciation du serment

Ibn Habib raconte qu’un jour, un Arabe vint questionner Mâlik sur l’espèce suivante. Ayant vu sa chamelle prendre la fuite, il lui cria : « Reviens, sinon tu seras offerte comme victime à La Mecque. » Mâlik dit à TArabe : « Tu as sans doute voulu la gourmander par ces paroles. — Parfaitement. — Eh bien, tu ne dois rien », lui dit Mâlik.

C’est, dit Ibn Rouschd, la solution la plus conforme à ces paroles du Prophète : « Les actes selon les intentions. »

{Aboû Saîd Faradj ibn Loubb. T. II, pp. 73-75.)

Lorsque, dans une même ville, une partie de la population se nourrit de froment, l’autre d’orge, etc., chacun ne devra la kifâra que du genre de comestible dont il se nourrit habituellement.

ÇAbd Al-Mounim. T. II, p. 54.)

Ceux dont la nourriture habituelle se compose de dattes, peuvent-ils donner la kifâra (expiation) en dattes ?

Oui, mais il faut que les dattes soient dans un état de dessiccation suffisant pour rendre possible leur conservation, sinon la quantité de dattes fraîches qu’on donne se trouve être inférieure, une fois sèche, à la quantité prescrite. Je pense qu’il suffit de donner, dans ce cas, la quantité moyenne pour rassasier un homme.

(T. II, p. 54.)

Celui qui défend sous serment à sa femme de lui adresser la parole pendant un certain temps et qui, trouvant le délai trop long, l’interpelle lui-même, devra la kifâra

(T. II, p. 46.)

Un individu qui jure par Allah, puis, une seconde fois, par le Qoran ne devra qu’une seule kifâra (expiation).

{Ibn Aboû Zaid. ï. II, p. 45.:

Celui qui fait un serment en langue étrangère, s’il vient à se parjurer, il est bon pour lui qu’il paie la kifâra, mais cela n’est pas obligatoire.

Cette opinion, exposée dans le livre intitulé : An-Noukal, d’après *Abd Al-Haqq, n’est pas admise par tous les auteurs, dont beaucoup y font des distinctions.

{Aboâ ‘Abd Allah Mouhammad ibn Marzoûq. T. II, p. h\.)

1. Celte question a soulevé de très vives controverses — sans intérêt pour nous — dans la doctrine malékite. Le célèbre jurisconsulte de Grenade, Aboù-1-Faradj Sa*îd ibn Loubb, composa môme un opuscule sur la question, inséré dans le Mi^yâr d’AI-Wanscharîsî. II l’a intitulé : « Le chemin distingué pour se conduire dans la question d’ibn Al-Mawwàz. » Il parait que Topinion de ce dernier n’a pas été bien comprise par les jurisconsultes venus après lui. AI-Lakhmi\ notamment, le croit dans Terreur. C’est pour leur répondre qu’lbn Loubb a de nouveau approfondi la question.

Celui qui s’était parjuré à l’occasion de trois serments où il avait prononcé le nom d’Allah, ne peut pas, à titre d’expiation [kifâra)^ affranchir un esclave, donner un vêtement et nourrir un pauvre, en attribuant, dans son intention, la vertu expiatoire de chacun de ces actes aux trois parjures à la fois*.

{Ibn Al’Mawwâz. T. II, pp. 33 à AU

OBJETS DES SERMENTS

Celui qui jure de jeûner ce mois-ci un jour, ne doit jeûner quun jour^ car ce dernier mot est un permutatif du mot mois. C’est la même construction que dans ces phrases : « Je te donne mon esclave son pécule » (pour dire : je te donne le pécule de mon esclave), ou « Je te donne ma maison son habitation » (pour dire : je te donne le droit d’habitation dans ma maison). Cette opinion est rapportée dans le livre du fils de Sahnoùn, d’après Aboû Ishâq At-Toûnisî.

Si le serment était prononcé de la manière suivante : Je jeûnerai ce jour-ci an mois, il faudrait, d’après At-Toûnisî et d’autres, que l’individu jeûnât trente fois le jour en question. Cette opinion est douteuse, et la solution probable me paraît qu’il doit jeûner tous les jours ayant le
même nom que celui auquel il a fait allusion dans son serment et qui se trouvent compris dans un même mois, quel qu’il soit. C’est comme s’il disait : « Je jeûnerai le jeudi pendant un mois » : il suffit qu’il jeûne tous les jeudis ; compris dans un, mois quelconque.

(T. 11, pp. 64 et 65.)

Peut-on jurer valablement de jeûner, donner une aumône ou aller en pèlerinage, si un tel le veut ?

Les textes de la doctrine schâfi*ite refusent le caractère obligatoire à ce serment. Au contraire, ce qui ressor.t de la Moudawwana, c’est que semblable serment lie celui qui le fait. En tous cas, celui-ci n’est tenu à rien tant que la personne qu’il a désignée n’a pas manifesté son opinion en voulant l’acte en question.

(W 11, p. 60.)

Une femme très pauvre jure qu’elle donnerait en aumône son izâr, si sa fille le mettait. Sa fille ayant désobéi, la mère se lamente et pleure d’être obligée de donner son izdr. Que décider ?

Elle devra estimer Vizâr, puis le conserver et en payer la valeur en aumône, peu à peu, toutes les fois qu’elle a quelque chose en trop.

(T. II, p. (>0.)

Une femme promet, sous serment, de donner une somme déterminée^ à titre d’aumône ; mais elle est, en même temps, tenue d’une dette, qui, une fois précomptée sur l’actif de la femme, réduit celui-ci à une somme, dont le tiers est inférieur à l’aumône promise sous serment ^ Dans le cas, on doit déterminer le tiers après balance des comptes, et si la libéralité le dépasse, le mari peut s’y opposer.

(T. Il, p. 45.)

Celui qui prête serment de donner une somme à titre d’aumône, doit d’abord payer ses dettes et la dot de sa femme, puis disposer du tiers du restant,

(T. Il, p,/i5.i

Un individu jure de donner tout ce qu’il possède à la mosquée si, dans un délai de trois ans, il vendait son verger, Qu’arrive-t-il, s’il le vend dans ce délai?

La vente sera exécutée, et le vendeur intimé de verser le prix qu’il a touché, à la mosquée. S’il refuse, on ne doit pas le contraindre ^ mais la vente sera annulée.

(T. Il, p. 55.)

Tn individu jura qu’il répudierait sa femme s il rompail le jeûne par chaud ou froid, Sera-t-il nécessairement parjure puisqu’il ne peut rompre le jeune que par le chaud ou le froid ?

Il se parjurera nécessairement, car il ne |)eut se dispenser de l’un et de l’autre.

(Aboâ Nasr ibn As-Sabbâgh, Baġdād, 1009-84,I, 3/4O.)

11 ne commettra point de parjure, parce qu’il peut rompre le jeûne avec une chose qui n’est ni chaude ni froide : c’est la tombée de la nuit. En effet le Prophète a dit : « Quand la nuit vient de ce côté-ci, le jour s’en va de
ce côté-là. » La journée étant fini, le jeûneur a rompu son
jeûne. Or la nuit n’est ni chaude ni froide.

[Aboâ Ishâq Asch-Schirâzt. Ibidem,)

La féiwa d’Ibn As-Sabbâgh est plus conforme au rite malékite où l’on considère surtout l’intention; or ici, celui qui a juré avait en vue les aliments (ni chauds ni froids).

La félwa d’Aboû Ishâq, au contraire, est la pure doctrine de Schâfi*!, qui prend en considération les expressions employées (la lettre).

{Ibidem,}

Un individu défend, sous serment, à sa femme de visiter la maison de son père à elle, sauf en cas de deuil ou de fête (de famille). Qaid si elle y va à Toccasion de la naissance d’un petit frère ?

La naissance d’un fils à son père est une fête de famille, sa mort un deuil. Au contraire, la mort d’un esclave précieux appartenant à son père n’est pas un deuil. Telle est, du moins, l’opinion de Saḥnoùn.

(T. II, p. 56.)

Un individu jure de ne pas parler a sa femme pendant un certain temps. Si, ayant frappé à la porte, elle vient lui ouvrir, son serment n’est pas parjuré.

[As’Souyoâri. T. II, p. /|(>.)

Un époux, après avoir vêtu sa femme de costume et bijoux, se dispute avec elle et les lui enlève, puis les lui rend, et ainsi de suite plusieurs fois. La femme jure, sous peine de jeûner un an, de ne plus les porter. Le mari, de son côté, jure de la répudier, si elle ne les porte pas.
Quel serment sera annulé ?
Le mari n’a pas le droit de contraindre sa femme à revêtir ce costume ni à porter lesdits bijoux ; s’il le fait, il ne peut lui défendre de jeûner un an.

(T. II, p. 46.)

Un époux, fâché de ce que sa femme lui a répondu grossièrement, jure de lui faire une chose qui la mette en colère et lui cause de la peine. Il sait que, s’il partait en voyage, son absence causerait beaucoup de peine à sa
femme. Doit-il le faire ?

Oui, et il sera ainsi tenu quitte de son serment.

(T. Il, p. 47.)

Quelle est la valeur du serment suivant, prononcé par un mari contre sa femme: « Si je cohabite avec toi, tu seras trois fois répudiée î »

Ce mari devra observer son serment, s’il tient à garder sa femme. Telle est Topinion la plus répandue.

{Ibn Yūanis, m. 1225, I, 45)

[Jn mari défend, sous serment, à sa femme, en la menaçant de répudiation, d’entrer dans la maison de sa voisine. Elle y pénètre par la terrasse.

Le mari n’est pas en état de parjure, s’il se rappelle bien la teneur de son serment.

{As-Sougoûri, T. II, p. 47.)

Celui qui jure d’acheter la maison de Zaid (c’est-à-dire un tel) n’est plus lié par son serment, si on lui demande un prix exorbitant de ladite maison.

(T. II, p. 57.)

Est-il permis à un individu, propriétaire d’un bien-fonds suffisant à la subsistance de la famille, d’y laisser chaque année sa femme et ses enfants et de partir en voyage dans le but d’acquérir du superflu ?

Si c’est à la suite d’un vœu qu’il entreprend ces voyages, cela est permis; sinon, mieux vaut qu’il reste auprès de sa famille, travaillant à pourvoir à sa subsistance.

(T. II, p. 45.)

Un individu jure de ne pas vendre sa marchandise à un tel. Quelqu’un Tacheté de lui, puis lui avoue qu’il Ta trompé, car il n’a acheté que pour le compte de la personne à laquelle Tautre avait juré de ne pas vendre. Commet-il ainsi un parjure ?

Oui, à moins que l’acheteur n’ait expressément stipulé qu’il achetait pour le compte du tiers en question : dans ce cas, la vente est annulée et le serment reste valable.

[Ibn Aboû Zaid. T. II, p. A9.)

Un individu, qui a juré de vendre sa marchandise, peut-il la faire acheter par son voisin, dans le but de la reprendre ensuite, ayant ainsi satisfait à son serment?

Cela ne peut être permis, car c’est une simple simulation. Mais il peut attendre, et il n’est pas tenu de vendre sa marchandise à vil prix, car son serment visait implicitement une vente au prix courant. Au contraire, il devra se débarrasser de sa marchandise à n’importe quel prix, si son intention, en jurant, était de vendre, quel que soit le prix.

{At’Toânisî. T. II, p. 51.)

Celui qui, ayant déchiré le vêtement d’un autre, jure de le lui payer, devra en payer la valeur au jour du déchirement. Toutefois, si, cette valeur étant connue, les deux parties tombent d’accord pour une indemnité moindre, ils sont libres de le faire, à moins que le coupable n’ait, en jurant, eu l’intention de payer toute la valeur estimative.

(II, p. 58.}

Un individu s*étant disputé avec son voisin sur une question de limites de leurs fonds, jure de donner le sien en habouSy s’il n’arrachait pas les indices des limites, dans un temps déterminé. Ce temps s’écoule, et Fauteur du serment a oublié s’il avait juré de constituer son fonds habous ou de le donner en aumône : que doit-il faire ?

Si le doute est égal des deux côtés, il constituera le bien
en habous et en paiera la valeur en aumône.

(T. II, p. 5i.)

Un individu jure, par la répudiation (talâq) de payer sa dette à telle époque. Qui doit-il répudier quand il a plusieurs femmes?

S’il soutient n’avoir eu l’intention de répudier que telle de ses femmes, il sera cru sous serment.

S’il avait juré de répudier « ce qu’Allah lui a permis », et si son interlocuteur connaissait le nombre de ses femmes, il devra les répudier toutes : l’intention s’applique ici à l’ensemble. Au contraire, si celui qui a exigé le serment ignorait ce nombre, et si celui qui l’a prêté affirme, sous serment, n’avoir eu l’intention ni de comprendre toutes ses femmes, ni l’une d’elles nominativement, il n’en répudiera qu’une seule et à son choix.

S’il jure de répudier Zainab, et si, n’ayant parmi ses femmes aucune portant ce nom, il prétend avoir voulu ainsi désigner Tune quelconque d’entre elles, il sera cru sous serment.

{Ibn Al’Māğišūn. ï. II, p. 70.)

Un individu insiste, par serment, auprès de son hôte pour le faire manger. Que doit faire ce dernier ?

11 le déliera de son serment en mangeant trois bouchées. Cependant, on soutient que ce nombre de trois bouchées n’est suffisant que si le serment est intervenu à la fin du repas.

(T. II, p. 57.)

Celui qui jure de ne pas passer la fête avec sa famille devra se transporter dans une autre localité, même rapprochée. Il ne pourra revenir, s’il s’agit de la fête de la Rupture du Jeûne Çid al-fifr), que le deuxième jour, et si c’est la fête des Sacrifices (*/rfa/-arfAd), qu après le troisième jour.

(T. M, p. 58.)

Celui qui, ayant essuyé un refus en demandant la main de sa nièce (fille de son frère), jure de ne plus se réunir avec son frère dans une circonstance quelconque de deuil ou de joie, peut cependant assister aux funérailles de son frère, car son intention, en jurant, était de causer de la peine à son frère, en ne se rencontrant jamais avec lui. Or, celui-ci étant mort, il ne peut plus être question de lui causer de la peine. Néanmoins, cette interprétation de volonté disparaît devant la certitude d’une intention inverse.

{Ibn Al-Barû, T. Il, p. 56.)

Un individu est contraint par des voleurs de jurer que l’argent qu’il a entre les mains est bien à lui. 11 obéit ; mais Targent dont il était porteur provenait d’un prêt à lui consenti. A-t-il menti ?

« Si avec l’argent prêté il avait mis des bénéfices personnels, l’argent est considéré comme lui appartenant en entier. Sinon, c’est l’argent d’autrui. Enfin, d’après l’opinion la plus répandue, cela ne constitue pas une contrainte proprement dite.

(T. Il, p. 56.J

Un individu s’étant disputé avec son père, jure par Allah de ne plus entrer au Hammam (bains), tant qu’il restera dans cette ville-ci. Peut-il y entrer la nuit?

Si Ton s’en tenait à la valeur des expressions, cela comprend aussi bien le jour que la nuit. Mais, Tintention, qu’on doit d’ailleurs rechercher, — visait plutôt le fait d’y entrer pendant le jour. 11 en serait particulièrement ainsi, si le serment a été proféré pour une chose qui
devait se passer le jour.

(T. II, p. 52.)

Un individu tenu de prêter le serment de crédibilité^ JJ\ ^ Jfr ^2^^^,préte, par ignorance, le serment décisoire, cJ\; doit-il jurer de nouveau ?

A cette question, qui m’a été posée par le sultan Aboû ‘Inân*, j’ai répondu qu’il y avait lieu de prêter un second serment. Il parait que des jurisconsultes, qui étaient alors présents chez le sultan, opinèrent en sens contraire, disant que l’individu en question a donné plus que ce qu’il devait et que le serment décisoire comprend implicitement le serment de crédibilité. Je repousse cette opinion, car le serment prêté, quand on a des doutes, est un faux serment avec préméditation {yamin ghamoûs).

{Aboâ’Abd Allah Al-Mouqri. T. II, p. 45.)

AL-JIHÂD

Obligation de quitter les territoires envahis par Tennemi.

Un musulman habitant de Marbella’^, connu par sa vertu et son sentiment religieux, n’a pu prendre part à l’émigration avec ses coreligionnaires, ayant été obligé de rester dans le pays pour retrouver la trace de son frère, qui a disparu avant la guerre contre les infidèles.
Aujourd’hui, il n’a plus aucun espoir de le retrouver, mais un autre motif l’empêche d’émigrer. En effet, cet homme, qui connaît la langue des chrétiens, est, auprès de ceux-ci, l’avocat des musulmans tributaires, dont il a sauvé plus d’un du danger, en plaidant pour lui devant les juges chrétiens. Nul ne peut le remplacer et les pauvres musulmans de ce pays subiraient un grand préjudice, s’il venait à leur manquer. Lui est-il permis de rester avec ces musulmans tributaires, vu l’intérét qu’ils y ont et malgré la possibilité où il se trouve d’émigrer quand il veut ? Doit-on tolérer qu’il fasse sa prière avec ses habits (de tous les jours), rarement exempts d’impureté, puisqu’il est constamment en rapport avec les chrétiens, séjourne ou même passe la nuit dans leurs maisons, dans l’intérêt des musulmans ?

Quiconque croit à Allah et au Jour du Jugement dernier doit se hâter de fuir le voisinage des infidèles, ennemis de TAmi d’Allah, Mouhammad le Miséricordieux. Aucune des excuses données par cet homme, qui fait office d’interprète pour les musulmans tributaires, n’est admissible.

Il faut que l’Islam reste fier et non humilié, que la prière soit faite publiquement et soit exempte d’humiliation et de ridicule.

D’autre part, la Zakāt qui est un des piliers de la religion ne peut être pratiquée dans ce pays, car on n’en est tenu que vis-à-vis du souverain musulman. Le jeûne de Ramadan, qui est la zakāt (aumône légale) des corps, ne peut être rigoureusement observé que lorsqu’on voit la nouvelle lune au commencement et à la fin du jeûne. Or, dans la plupart des cas, ce fait est établi par la déposition des témoins devant l’Imâm (souverain) ou ses délégués. Il ne peut être question de ce témoignage dans un pays où il n’y a pas d’Imâm. Il y aura donc doute sur le commencement et la fin du mois.

La prescription du Djihâd (guerre sainte) n’y peut être non plus observée. Dans ce pays, on risque de subir des insultes, d’être opprimé dans sa personne et dans ses biens, autant de choses incompatibles avec la sounna et la virilité.

On peut craindre aussi que ces chrétiens ne violent leur pacte et n’attaquent les musulmans établis sur leur territoire.

Du temps de ‘Umar b. ῾Abd Al-῾Azīz, les musulmans étant encore très puissants et très nombreux dans l’Andalousie, ce khalife défendait déjà qu’on y demeurât.

S’ils ne violent pas la foi jurée, il y a lieu de craindre les méfaits de leurs voleurs et des hommes stupides, la séduction des femmes et des filles des musulmans par ces chiens et ces cochons d’ennemis. Enfin, on peut craindre aussi que, à la longue, les mœurs des chrétiens, leur manière de s’habiller, leur langue, n’arrivent à s’implanter parmi les musulmans. Et si la langue arabe disparait, les pratiques rituelles la suivent.

De tout cela, il résulte que le séjour dans ce pays constitue un grave péché. Cela est si bien établi, que cette question est devenue un principe auquel on rapporte les autres questions pour leur donner une solution identique.

[Aḥmad b. Yaḥyā ibn Muḥammad b. ῾Alī Al-Wanšarīsī. II, 106 -10.)

« Le plus beau des commerces ou Eclaircissement des règles relatives à celui dont la patrie a été occupée par les chrétiens et qui n’émigre pas, et de ce dont il est passible en fait de châtiments et de reproches. •»

Des ‘ Andalous ont abandonné leurs maisons, jardins, vignobles, terrains et tous autres biens, et ont même dépensé des sommes considérables, afin d’échapper à la domination des infidèles et de se réfugier auprès d’Allah avec leurs femmes et leurs enfants. Maintenant qu’ils sont sur le territoire de Tlslâm, ils se plaignent d’être à Tétroit, de ne pas trouver dans le Maghreb les mêmes facilités de vivre que dans le pays des infidèles. Ils se plaignent de l’insécurité du pays et ne cachent pas leur manière de voir, en tenant de mauvais propos qui indiquent la faiblesse de leur foi et ral)sence de sincérité dans leurs convictions religieuses. Ils n’ont pas émigré pour Allah et son Apôtre, comme ils l’ont prétendu, mais pour les biens de ce monde qu’ils désiraient acquérir aussitôt arrivés sur le territoire de l’Islam, et au gré de leurs désirs. N’ayant pas rencontré la satisfaction de leurs souhaits, ils se prirent à médire des pays musulmans, à maudire ceux qui ont été cause de leur émigration. Ils font l’éloge du pays des infidèles et de ses habitants, et se repentent de l’avoir quitté. On a entendu tel d’entre eux dire, faisant allusion à ce pays de Maghreb, — qu’Allah le protège ! « Ce n’est pas vers ce pays qu’il convient d’émigrer: c’est de lui, au contraire, qu’il faut fuir. » Un autre disait : « Si le seigneur de Castille venait jusqu’ici, nous irions lui demander de nous ramener dans son pays. » Certains même usent de stratagème pour revenir dans le pays de l’infidélité et se mettre sous la protection des mécréants. — De quel péché se rendent-ils ainsi coupables ? Quelle est la situation de ceux qui reviennent auprès des infidèles après s’être établis dans le pays de rislâm ? Doit-on infliger une correction à ceux contre lesquels ces faits sont attestés par témoins Pou faut-il d’abord commencer par les prêcher et les avertir ? Ou bien, faut-il laisser à Allah le soin de récompenser ou de châtier ceux d’entre eux qui le méritent ? L’émigration vers le pays de l’Islâm est-elle subordonnée à la certitude d’y trouver tout au gré de ses désirs, ou, au contraire, est-on obligé d’y accourir, en s’attendant au doux comme à Vamer, et rien que pour être en pays d’Islam et pour échapper à la domination des infidèles ?

L’émigration du pays des infidèles vers le pays de Tlslâm est un devoir religieux prescrit jusqu’au jour de la Résurrection. Mâlik a dit que Ton ne doit pas séjourner dans un pays où Ton pratique autre chose que Téquité.
Si aucun pays n’est irréprochable à ce point de vue, ou choisira celui où l’injustice est la moindre. Seuls sont excusés de ne pas émigrer, ceux qui sont dans l’impossibilité absolue de le faire, par exemple pour cause de maladie.
Encore faut-il qu’ils aient toujours l’intention bien arrêtée d’émigrer dés qu’ils le pourront. Le Qoran, en plus d’un passage, prescrit cette obligation d’émigrer et défend de prendre comme amis ou protecteurs les juifs ou les chrétiens.

Le prince des jurisconsultes, le qâdî Aboù-1-Walîd ibn Ruschd s’exprime ainsi : « L’obligation religieuse d’émigrer des pays d’infidélité subsiste jusqu’au jour de la Résurrection. Les docteurs sont même unanimes à déclarer que celui qui embrasse l’Islamisme, étant dans le paj’S des infidèles, devra immédiatement le quitter, pour se soustraire aux lois des mécréants et se placer sous les lois musulmanes. Il en résulte qu’il ne peut être permis à aucun musulman d’entrer dans les pays ennemis, pour
raison de commerce ou autre. Màlik désapprouvait le séjour du musulman dans un pays où il pouvait entendre insulter les ancêtres ; à plus forte raison, s’il s’agissait d’un pays où l’on renie Dieu et où l’on adore les idoles. »

Si les premiers jurisconsultes n’ont pas prévu cette question, c’est que le voisinage de ces infidèles n’existait pas de la même manière qu’aujourd’hui, dans les premiers temps de l’Islam. Ces provinces voisines appartenant aux chrétiens n’ont commencé a paraître qu’à partir du cinquième siècle de l’hégire, lorsque les chrétiens maudits — qu’Allah les anéantisse ! — se sont emparés de la Sicile et d’autres villes de l’Andalousie. C’est à partir de ce moment que les jurisconsultes commencèrent à s’occuper de la question. Jusque-là, on n’avait prévu que le cas de celui qui embrasse l’Islam, étant dans un pays d’infidélité, et on lui a fait un devoir de le quitter. Une controverse subsistait cependant sur le point suivant : le
converti à l’Islam qui reste dans le pays ennemi, est-il assimilé à un musulman ou à un ennemi, quand il est tué ou que ses biens et ses femmes sont emportés comme butin par les musulmans ? Cette question dépend du point de savoir si c’est la qualité de musulman ou le séjour en pays d’Isiâm qui constitue la sauvegarde de la personne ^t des biens. Selon Mâlik et Aboù Hanîfa, l’immunité n’existe que dans le pays de l’Islam ; tout ce qui est pris sur le territoire des infidèles est de bonne prise, car ces derniers n’ont pas le droit de propriété ; leurs femmes, leurs enfants et leurs biens sont licites pour tout musulman qui s’en empare.

Selon Ibn Al-‘Arabî, l’immunité pour la personne du musulman est dans sa qualité de musulman; l’immunité pour ses biens, dans le lieu de séjour. Selon Schâfi’î, l’Islam seul protège, à la fois, la personne et les biens.

Quant à ceux qui, ayant émigré du pays des infidèles, se sont réfugiés sur le territoire du Maġrib et se plaignent de l’exiguïté de leurs ressources et de la difficulté de vivre dans ce pays, c’est uniquement une faiblesse de leur foi. Car ce pays est un des plus abondants de la terre d’Allah, et particulièrement la capitale Fâs, avec tousses environs. En admettant même que ce pays soit tel que le décrivent ses détracteurs, cela prouve la bassesse de leur âme, qui leur fait accorder plus d’importance à une question infime de ce bas-monde qu’à une question religieuse intéressant la vie future.

Cela ‘étant posé, il ne peut être permis à aucun de ceux dont il est question, de retourner vers le pays des infidèles et, s’il y est, il doit faire tout son possible et employer les ruses les plus fines pour le quitter. Car, rester dans un pays où Ton ne peut exercer publiquement les pratiques rituelles, c’est s’écarter de l’orthodoxie. Quant aux propos désobligeants qu’ils ont tenu à l’égard du pays de l’islâm et au désir qu’ils ont manifesté de retourner parmi les infidèles, ils doivent subir, de ce chef, un châtiment sévère, qui leur sera infligé par le détenteur de
l’autorité. Ce sera des coups, de la prison, afin qu’ils ne transgressent pas les limites d’Allah. Aimer habiter avec les chrétiens, ne pas chercher à émigrer, être satisfait de leur payer la capitation, rejeter la puissance islamique, l’obéissance au souverain musulman, trouver bon que le roi chrétien triomphe des musulmans, sont autant de péchés considérables qui confinent à l’infidélité.

L’exclusion de ces hommes de tous emplois religieux, leur récusation comme témoins, né font pas de doute pour quiconque possède la moindre notion des principes de l’interprétation juridique.

D’après Ibn ‘Arafa, la condition de validité de la sentence du Qâdî est qu’il ait été régulièrement investi, parmi ceux dont l’investiture régulière est possible à tous égards. Par là, Ibn *Arafa exclut les Qâdîs pris parmi ahl ad-dadjn ( ,jf–>Jl J^l ou musulmans restés dans le pays avec l’autorisation du chrétien vainqueur et à charge de payer le tribut) ^ comme les qâdîs de Valence ou de Tortose.

Dans cet ordre d’idées, Aboù *Abd Allah Al-Mâzarî fut consulté sur la question suivante : « Les jugements rendus par le qâdî de Sicile, sur déposition de témoins irréprochables, sont-ils exécutoires dans un autre pays d’Islam, en cas de nécessité? On ignore si le séjour de ce qâdî
dans le voisinage des infidèles est forcé ou spontané. »

Al-Mâzarî répondit que deux choses peuvent rendre suspecte la décision de ce qâdî : 1** son séjour dans le voisinage des infidèles ; “2° son investiture, à lui donnée par un souverain chrétien. Quant à la première cause de récusation, il y a un principe qu’on doit suivre : c’est qu’en
l’absence de preuves du contraire, on doit toujours présumer la bonne intention chez le qâdî et tenir pour certain que ce n’est pas de son plein gré qu’il séjourne dans le pays des infidèles. Quant au motif tiré de son investiture de la part des infidèles, cela ne vise en rien ses jugements ni leur force exécutoire, tout comme s’il eut été nommé par un sultan musulman. La raison en est la nécessité et non pas, comme l’a prétendu certain docteur malékite, parce que cette décision s’impose rationnellement.

Les opinions sont d’ailleurs partagées sur la validité de l’investiture donnée par un sultan injuste. Cette question a été débattue entre les jurisconsultes Aboû *Abd Allah ibn-Farroûkh, qui fait un devoir au qâdî, nommé dans ces conditions, de décliner le pouvoir, et Ibn Ghânim, qâdî d’ifrîqyya, qui l’autorise à accepter les fonctions dont le sultan injuste l’a investi. Mâlik, consulté à ce sujet, donna raison à Ibn Farroîikh.

Il ressort de tout cela que les individus en question, ceux qui sont restés dans le pays des infidèles ou ceux qui, après l’avoir quitté, y sont retournés et sont morts persistant dans leur péché, seront, dans la vie future, frappés d’un terrible châtiment, si ce n’est qu’ils n’y resteront pas éternellement, car même ceux qui ont commis les péchés capitaux bénéficieront de l’intercession de notre seigneur Mouhammad. Seuls, ceux qui donnent des associés à Allah subiront un châtiment éternel.

Quant aux mauvais propos qu’ils ont tenus, cela prouve que ce sont des insensés et cela constitue un péché de Favis de tous.

Néanmoins, leur péché est moindre que celui commis par ceux qui, étant dans le pays des infidèles, ne cherchent pas à émigrer.

{Aḥmad b. Yaḥyâ b. Muḥammad b. ῾Alī Al-Wanšarīsī, 90-106.)

DÉPART POUR LA GUERRE SAINTE

Un musulman possède un lambeau du voile (koaswa) de la Ka’ba et désire en faire un drapeau : cela lui est-il permis?

L’emploi d’un drapeau dans la guerre sainte (djifiâd) est un noble but. En conséquence, il n’y a aucun mal à se servir, pour cet usage, d’un morceau du voile de la Kaba,

(II, p. 90.)

Un homme voyant ses concitoyens se préparer à faire la guerre aux infidèles et à les assiéger, veut prendre part à l’expédition, en amenant sa femme avec lui, pour la satisfaction de ses besoins et pour qu’elle porte un exemplaire du Qoran, dont il veut être toujours accompagné, afin d’y chercher la solution des questions qui peuvent lui paraître douteuses. Cela est-il permis?

Si l’armée qu’il veut accompagner avec sa femme est telle qu’il est presque certain qu’elle sera victorieuse, le mari peut emmener sa femme. C’est ainsi que, du temps du Prophète, les femmes des musulmans les accompagnaient dans leurs expéditions maritimes ou terrestres. Mais si
c’est une armée peu nombreuse, où l’on n’est pas en sûreté contre le péril, le mari ne doit point se faire accompagner de sa femme,de crainte qu’elle ne tombe entre les mains de l’ennemi, et on n’ignore pas ce qui en résultera. Quant au Coran, on ne doit jamais le transporter avec soi, de peur qu’on ne le perde ; les infidèles l’humilieraient alors en le touchant de leurs mains. On a déjà défendu de le transporter avec soi, lorsqu’on se rend en voyage dans le pays des infidèles.
Beaucoup de nos docteurs décident que, si un musulman vend, par ignorance, du exemplaire du Muṣḥaf à un infidèle, la vente sera annulée, afin qque le livre sacré ne soit touché par un infidèle. Selon d’autres, la vente ne serait pas rescindée, mais l’acheteur serait contraint de revendre ce Coran, par analogie avec le cas où l’infidèle achète un esclave musulman. Ne voyez-vous pas que lorsqu’un esclave appartenant à un juif ou à un chrétien embrasse l’Islam, il sera forcément vendu, même contre le gré de son maître, qui ne doit plus conserver en sa possession un sectateur de l’Islam ? Ce raisonnement s’applique a fortiori à l’exemplaire du Coran.

FEMMES et ENFANTS

Peut-on tuer, en cas de guerre, les enfants des infidèles et leurs femmes faits prisonniers, quand les uns et les autres ont précédemment pris part au combat avec les adultes ? Doit-on les assimiler aux adultes mâles ? Quelle règle leur appliquer s’ils n’ont combattu qu’avec des pierres ? Si ces femmes et ces enfants donnent l’attaque étant à pied, doit-on se borner à les repousser, ou les tuer si cela est possible ? Que décider à l’agard de leurs vieillards, hors d’état de combattre et à l’égard de leurs moines, qui s’isolent dans l’église pour adorer leurs dieux ?

La défense de tuer les enfants et les femmes est formulée par le Coran de manière absolue, qui n’est point particulière à telle ou telle circonstance. Mais nos docteurs y ont fait des distinctions, par la finesse de leur esprit. Ainsi, d’après eux, ceux des enfants ou des femmes, qui nous attaquent ou nous repoussent avec des armes, des bâtons ou des pierres, qu’ils soient à pied ou montés, seront combattus ou repoussés par nousz. Si cela amène leur mort, nous n’avons rien à nous repprocher, car si nous agissions pas ainsi, ils nous tueraient, alors qu’il était en notre pouvoir de les en empêcher : or, c’est un péché d’être soi même la cause de sa mort.

Quant à ceux d’entre eux qui sont faits prisonniers au moment du combat ou après, ils ne seront pas mis à mort, s’ils n’ont pas atteint la puberté, ou même s’il y a doute à ce sujet. L’opinion contraire, dans ce dernier cas, est professée par Ibn al-Qāsim.

En ce qui concerne les femmes prenant part au combat, les armes à la main, elles peuvent être tuées. Une fois faites prisonnières, les opinions sont partagées. Les uns veulent que seule la nécessité du combat permet de les tuer ;une fois prisonnières, cette néce »ssité disparait. Selon d’autres, seules seront mises à mort, après le combat, les femmes qui ont tué quelqu’un. C’est ainsi aussi que les femmes qui tuent qqun à coup de pierres, lancées du haut de la muraille ou d’un autre point, pourront être tuées. Il n’en est pas de même de celles qui se bornent à montrer la garde autour de leurs maris ou à les aider en criant ou en appelant au secours.
En ce qui concerne les vieillards et le sinfirmes, qui ne peuevnt ni attaquer, ni fuir, ni transporter des armes ou de spierres, ni servir à donner des conseils, Saḥnūn permet de les tuer. Ibn al-Māğišūn le défend, ainsi qu’Ibn Wahb et Ibn Ḥabīb. La même décision est rapportée d’après Mālik.

Enfin, le moine qui s’isole des combattants pour s’adonner à ladoration, sans prendre part à un conseil quelconque ne doit pas être tué. L’opinion contraire est professée par ceux qui entendent d’une manière absolue laz prescription de tuer les infidèles. Le moine qui prend la fuite avec l’armée des infidèles et qui affirme n’avoir fuit que par crainte des musulmans sera épargné. Si l’on craint qu’en le relaxant il ne donne à l’ennemi des indications sur la situation des musulmans, on peut le garder en prison.

(Abū-l-῾abbās al-marīd, II, 85-7)

Des ennemis ayant commencé à s’emparer des biens des habitants d’un village, dont ils ont blessé quelqu’uns furent repoussés par des hommes accourus au secours des habitants. Est-il permis de les poursuivre, jusqu’à leur enlever tout espoir de tenter un reotur offensif ? Ou convient-il au contraire, de ne pas les harceler dans leur fuite, alors qu’on sait qu’en les laissant partir sans les combattre, ils se diront qu’ils ont affaire à des hommes sans courage et ne manqueront pas de revenir sur le champs ou après avoir atteint leurs demeures ?
Celui qui tie un de ces fuyards commet-il un acte de guerre légitime ou un meurtre injustifié ?
Il est permis de poursuivre les assaillants quand on n’est pas sûr qu’ils ne reviendront pas. Quant à ceux d’entre eux que de sblessures empêchent de fuir, si on les appréhende, on ne doit pas les achever. Il en est de même de ceux qui ont été faits prisonniers ou qui ont pris la fuite.

(῾abd ar-raḥmān al-Waġlīsī, II, 88-9)

CAPTIFS :

Un individu fait donation d’un esclave à lui appartenant en vue de racheter DEUX captifs musulmans. Le parent de l’un de ces captifs et le mandataire des parents de l’autre prennent l’esclave et s’en vont pour opérer le rachat. Arrivés à l’endroit voulu, il sne trouvent qu’un seul captif, qu’ils rachètent moyennant la totalité de l’esclave. Le parent de l’autre captif réclame la moitié de l’esclave donné à eux deux. Y a-t-il droit ? Supportera-t-il dans la même proportion ce qu’a coûté l’entretient de l’esclave ? Dans l’affirmative, l’estimation se fera-t-elle d’après la valeur de l’esclave au jour de la donation, ou au jour de son départ avec les racheteurs ou de sa livraison en rachat ? Doit-on décider, au contraire, que l’esclave sera restitué en entier, ou au moins pour la moitié au donateur, à raison de l’inexistence de l’autre captif ?

La moitié de la valeur estimative de l’esclave, au jour de sa livraison enr achat, est à la charge de celui qui a délivré son captif moyennant la totalité de cet esclave. Cette somme restera ainsi en séquestre tant qu’il y a espoir de retrouvert l’autre captif et de le racheter moyennant cetrte somme. Elle reviendra au donateur, dès que tout espoir aura cessé à cet égard, car le but était moins de faire une donation au captif, que de la délivrer moyennant cet esclave. Il est bon, cependant, que le donateur emploie cet argent au rachat d’un autre captif. Mais si le donateur déckare avoir fait une libéralité au captif, cette somme reviendra aux héritiers de ce dernier qui devront au captif délivré leur part dans els dépenses faites pour l’esclave.

Ibn Rušd, II, 170

Une musulmane, retenue captive chez l’ennemi, obtient son rachat moyennant une somme qu’elle paierait. Un Mu’āḏḏin fait pour elle une quête et en dépose le montant chez un homme de confiance, jusqu’à ce qu’elle ait trouvé le reste. Puis cette femme fut promenée en divers endroits d’où elle revint avec une somme suffisante pour payer toute la rançon. A-t-elle droit à la restitution qu’elle demande de la somme déposée chez l’Amīn, maintenant qu’elle a de quoi payer toute sa rançon et étant donné, d’autre part que l’acte constatant le dépôt provisoire ne fait pas mention du nom de la bénéficiaire ?

La somme en question sera payée à al femme parce qu’elle y avait déjà droit avant d’avoir trouvé le nécessaire. Elle en était( devenue propriétaire, dès le moment où elle lui a été donnée en aumône. Ce qui est, au contraire, sujet à examen, ce sont les sommes qu’elle a touchées à partir du moment ou sa rançon était parfaite. Ces sommes doievtnrevenir à ceux qui les ont payées, à moins qu’ils ne préfèrent les abandonner à la femme ou les affecter à un autre rachat de captif, s’ils leur ont donné cette destination dans le précédent acte.

Dans la Mudawwana, il est dit que si un captif touche de plusieurs personnes d el’argent pour se racheter et que, après avoir payé sa rançon, il lui reste un solde libre, il devra le restituer à ces personnes au prorata de leurs contributions, à condition, toutefois, qu’elles l’aient aidé uniquement en vue de son rachat. Elles peuvent azussi l’autoriser à disposer de ce solde. Cette décision est fondée sur ce que le captif n’est pas devenu propriétaire desdites sommes.
Si l’ex-captif ne trouve pas les personnes qui l’ont aidé ou ne les connait pas, il devra, selon Ašhab, employer ce solde au rachat d’autre captifs ou esclaves et selon Saḥnūn, le garder indéfiniment par devers lui, comme en cas d’épave. (objet trouvé).

Le principe est donc que le captif garde les sommes, dans tous les cas, si elle slui ont été donné à titre d’aumône, ou les restituer en totalité ou pour le surplus, si les a reçues uniquement en vue de sonr achat, qu’il n’a pu oibtenir ou s’il lui esty resté un excédent libre.

(Abū Sa῾īd Farağ b. Lubb, II, 168-9)

Un musulman habitant à Malaġa posédait un esclave cvhrétient sur le poiunt d’atteindre la puberté (Murāhiq). Un jour, un chrétien chargé du rachat des captifs (Fakkāk) vint du pays ennemi et racheta ledit esclave à son maître, moyennant un somme déterminée. Aussitôt après l’esclave chrétien embrassa l’Islam. Le racheteur demande qu(on el mette en possession de l’affranchit ou qu’on lui rende son argent. Or, on ne peut lui livrer son compatriote parce qu’il ets devenu musulman et d’autre part, le vendeuyr refuse de payer le prix.
Les Fuqāhā de Malaġa accompagnèrent la question de certaine sobservations et l’adressèrent aux Fuqāhā de Grenade, dont l’un répondit en ces termes :
La réponse comprendra deux sections, dans la première, nous examinerons la question au point de vue juridique, quant aux textes te à la solution rationnelle. Dans al seconde, nous examinerons les observations envoyées de Malaġa.

I : Les captis se divisent en 4 classes : 1) les mâles majeurs et non faibles (ġayr ḍa῾fāɴ), 2) les mâles mineurs, 3) les mâles faibles, 4) les femmes.
Les mâles majeurs et on faibles peuvent être délivrés :
-par l’Imam, d’après l’opinon de Mālik et Šāfi῾ī, l’opinion contraire est représentée par Abū Ḥanīfa, les deux opinions trouvent des points d’appui dans le Corant et la Sunna
-par le propriétaire non-Imam, mais seulement au moyen d’un échange contre un captif musulman, jamais contre une somme d’argent. Cette opinion est représentée par Ibn Ḥabīb, Saḥnūn, Muṭarrif, Ibn al-Māğišūn et Ibn al-Mawwāz. Seul Ašhab permet au propriétaire, autre que le souverain, de consentir au rachat de son esclave infidèle pubère et non faible, moyennant une somme d’argent.
Quant aux mineurs, faible et femmes, d’après le Livre intitulé An-Nawādir, ils peuvent être abandonnés contre de l’argent, mais seulement tant que l’armée musulmane ets en pays ennemi ou vient à peine de le quitter. Passé ce délai, et quelle que soit la durée du séjour de ces captifs sur le territoire musulman, ils ne peuvent plus être rachetés, mais eulement échangés contre des captifs musulmans. Cette opinion est représentée par Al-Awzā῾ī, Muṭarrif, Ibn al-Māğišūn et Aṣbaġ. Dans un autre passage du même ouvrage, il est dit : il n’y a pas de mal à ce que les femme ste les filles mineures soient rachetées moyennant une somme d’argent. Mais cette décision ne s’applique pas aux mâles mineurs, d’après Ibn Habīb, les F. précités n’autorisent le rachat des mineurs, moyennant rançon, que s’ils accompagnent leurs parents. Sinon on ne doit pas les livrer, car il vaut mieux les laisser grandir dans la religion musulmane, fussent-ils Ahl al-Kitāb. Cependant, en cas de nécessité, on peut les échanger contre des captifs musulmans. Mālik aurait dit _au témoignage de Muṭarrif et al-Māğišūn_ que tout captif qui a fait la prière ou a accepté la religion musulmane ne pourra plus être racheté ni échangé contre un captif musulman, car il est devenu lui-même musulman.
Ces principes posés, revenons à la question posée. Si le magistrat chargé de trancher la question pendant à Malaġa est un de ceux qui peuvent recourir à l’Iğtihād, il toruvera dans ce que nous avons rapporté ci-dessus les éléments critiques nécessaires pour lui permettre d’adopter l’une ou l’autre des deux opinions en présence. Mais si c’est un magistrat de ceux qui suivent simplement l’opinion de Mālik, il se ralliera à l’opinion qui défend le rachat des captifs chrétiens. Dans ces conditions, le rachat du captif de Malaġa sera annulé, le prix sera restitué au Fakkāk et l’esclave restera en la possession de son maître.
[…]Pour quatre raisons :
-Cette opinon est représentée par un grand nombre de docteurs, dont nous avons donné les noms ci-dessus ; tandis que l’opinion qui admet la validité du rachat ne s’appuie que sur l’autorité d’Ašhab, or il vaut mieux suivre la majorité qu’une voix isolée. (Ijmā῾)
-Il est possible que la décision d’Ašhab ne vise que le cas ou le rachat est consenti par l’Imam (faux !!!) ou le cas où il s’agit d’esclaves faibles ou malades. Cette opinion qui n’a déjà qu’un seul représentant, devient ainsi plus faible encore.
-On sait qu’il est défendu de vendre aux infidèle sl’esclave majeur infidèle, quand ils doivent l’emmener hors du territoire musulman. La raison en est qu’il y a lieu de craindre qu’il ne mette ses coreligionnaires au courant des points faibles des musulmans. Or cette raison existe également dans le cas de rachat du captif. Cette opération doit donc être défendue au même titre que la vente.
-Cette quatrième raison est spéciale à l’espèce présente. En effet, si le Fakkāk revenait dans le pays des chrétiens sans rapporter avec lui ni captif ni argent, cela serait considéré comme une ciolatiuon du pacte sur la foi duquel il était venu vers le pays des musulmans, et il y aurait lieu de craindre qu’il n’en résultât un préjudice pour les captifs musulmans qui se trouvent entre les mains des chrétiens. Ceux-ci pourraient notamment refuser de consentir à leur rachat.

Tout ce que je viens de dire vise l’hypothèse ou la captif chrétien n’a embrassé l’Islam qu’après la conclusion du contrat de rachat. Mais s’il était déjà musulman de cœur, avant cette conclusion, qui l’ait laissé ou non paraitre, il y aurait alors de fortes raisons de prononcer l’annulation du rachat. Au demeurant, Dieu sait mieux !

Si l’on objectait que la captif dont il s’agit ici est Murāhiq et qu’il ets soumis probablement à des règles spéciales, nous répondrons que le sindividus de cet âge ont toujours été assimilés aux pubères adultes. Ainsi, quand on craint que els captifs chrétiens deviennent des auxxiliaires contre les musulmans, on doit les mettre à mort, et l’on ne fait pas de différence entre les adultes et ceux qui sont près de leur puberté. Le qâdî Aboù-1-Walid Al-Bâdjî est même partisan de la mise à mort du captif infidèle, dont la pilosité des parties est apparente, bien qu’il n’ait pas encore de pollutions nocturnes. On se fonde dans cette opinion sur l’exemple du Prophète, qui, après la défaite des Banoù Qouraida, se fit présenter les prisonniers et ordonna la mise à mort de tous ceux qui avaient des poils; ceux qui n’en avaient pas furent relâchés.

II :

Parmi les observations faites par les F. de Malaġa, nous relevons, pour les réfuter, les suivantes :

-Le rachat des prisonniers chrétiens est manifestement permis, dans tous les cas. En disant plutôt le contraire, on serait plus près de la vérité, car la plupart des F. malékites défendent ce rachat.

-D’après l’opinion la plus répandue, on a le choix de décider, comme on veut, du sort des captifs chrétiens. Chez les Malékites, ce choix n’appartient qu’à l’Imâm. En dehors du rite malékite, Abu Ḥanifa ne reconnaît même pas au souverain le droit de consentir au rachat des captifs chrétiens.

-Le rachat des captifs chrétiens a été admis, dans l’usage, par des savants, des hommes de piété et des qāḍī-s. Cela ne constitue pas un argument valable en matière de religion. L’usage universel des habitants de Kūfa ou de Madīna, malgré le nombre des Aṣhḥāb qui y ont résidé, n’a pas été jugé comme un argument suffisant, sauf par Mālik et son école. Comment penser attribuer cette force à l’usage de ceux qui n’ont ni les mérites de ces hommes, ni celui d’habiter des villes comme Kūfa et Médine, ni de vivre à une époque comme la leur ?

– Si nous refusons de consentir au rachat des prisonniers chrétiens, cela peut être un motif pour qu’ils nous refusent également le rachat des prisonniers musulmans. Cela n’est nullement une conséquence nécessaire, car les chrétiens ne demandent pas mieux que d’accorder le rachat des captifs musulmans qu’ils retiennent, vu leur avidité de l’argent.

– Ces F. de Malaġa n’ont cité que l’opinion d’Ašhab, qui seul admet le rachat des captifs chrétiens. Ils ont omis de citer tous les auteurs qui le défendent et qui sont bien plus nombreux, dans le même ouvrage An-Nawâdir.

– On cite l’opinion d’Al-Bāğī, d’après lequel la majorité des F. admet la possibilité de rendre la liberté au captif chrétien ou de l’échanger contre un captif musulman. Dans ce passage, Al-Bāġī ne parle que de l’Imâm et lui reconnaît le droit de choisir entre les 5 solutions suivantes :
1 mettre à mort le captif chrétien ;
2 l’échanger contre un captif musulman ;
3 lui rendre la liberté
4 le réduire en esclavage
5 lui accorder la protection due à un ḏimmī moyennant paiement de la ğiziya.

Cela ne s’applique donc qu’au Imām et non aux particuliers.

-On a également cité l’opinion d’Ibn Abū Zamnīn, exposée dans le Muqarrib d’après laquelle on aurait le droit de vendre les captifs aux chrétiens. La vérité est qu’Abū Zamnīn ne parle, dans l’intitulé de son chapitre, que de la vente des captifs non-musulmans aux sujets ḏimmī. Il n’y est pas question de la vente consentie au chrétien ennemi. C’est aussi l’opinion de Mālik, rapportée par Ibn Yūnis,

-On a prétendu que Topinion la plus répandue dans le rite malékite est que les captifs mineurs et impubères peuvent être valablement rachetés, et qu’ils conservent la religion de leurs pères, que ces derniers soient ou non avec eux. Cette question est très controversée, si bien qu’Abū-1-Walīd Ibn Rušd cite, à ce sujet, dans le Bayân et le Taḥṣīl 6 opinions différentes.

-Pour valider le rachat du jeune captif chrétien, on a soutenu que la défense s’applique tant que le rachat n’est pas conclu, et cela par égard pour l’Islam. Mais si l’opération était déjà consommée, elle demeure valable. On sait que le nombre des questions où l’empêchement est simplement initial est restreint par rapport à celles où la défense s’applique avant et après la conclusion de l’acte, ce qui est le cas ordinaire. 11 convient donc mieux de suivre, par analogie, ce qui constitue la majorité des cas.

-Dans ces observations, on s’est également occupé d’examiner la conversion du captif racheté à l’lslâm, la question de savoir s’il fallait le livrer au racheteur, celle de la restitution du prix, toutes choses qu’on ne doit examiner que si l’on admet préalablement la validité du rachat, car, si nous nous plaçons dans l’hypothèse où ce rachat est défendu, nous n’avons plus besoin de nous occuper de toutes ces questions.

Nous prions les jurisconsultes éminents qui donnent des fatwa-s ou rendent la justice, d’examiner avec équité, et en prenant comme but la recherche de la vérité, l’exposé ci-dessus, de dire ce que Dieu leur montrera en fait de conformité de vue ou de divergence à cet égard. Salut.

(T. 11, pp. 124 à 131.)

Que décider, si des captifs musulmans s’évadent d’un navire de guerre chrétien amarré dans un port musulman ?

Au point de vue juridique, la décision la plus rationnelle est qu’aucune rançon n’est due pour ces captifs évadés et qu’on ne doit pas non plus les livrer à l’ennemi.

En effet, l’usage, aujourd’hui, fait considérer les navires comme une partie du territoire de ces chrétiens, comme un de leurs asiles. Les captifs ne leur seront point livrés, car ils ne leur laissent pas pleine liberté sur leurs navires et ne les considèrent pas comme leurs autres biens, pour lesquels ils jouissent de l-Amān (sauvegarde). La plupart des partisans de Mālik, sauf Ibn Al-Qāsim, sont d’avis que, si un navire chrétien, ayant à bord des Musulmans captifs, vient amarrer dans un port musulman, on ne doit pas le laisser repartir avec ces prisonniers ; il sera contraint de les délaisser moyennant leur valeur estimative.
A plus forte raison, ce navire ne doit-il pas emporter des Musulmans qui ont pris la fuite eux-mêmes.

{Ibn Sirāj. T. II, p. 90.)

BUTIN

Les habitants d’une ville en guerre avec l’ennemi conviennent, sur l’avis unanime des hommes et des vieillards d’envoyer des éclaireurs dans les directions d’où peut venir l’ennemi. Ils envoient environ 50 cavaliers, divisés en 4 groupes, chacun d’eux ayant la surveillance de tout le secteur qui lui est confié. Il est convenu, d’autre part, que ces éclaireurs auront une chose déterminée à mesurer avec un étalon également déterminé, exigible à telle époque et payable par chaque homme marié de la ville. La surveillance doit durer jusqu’à telle époque. Comment se fera la répartition de cette dépense ? Si ceux des éclaireurs préposés à la surveillance de tel secteur enlèvent ou mettent en fuite une reconnaissance ennemie se dirigeant vers le pays de l’Islâm, les surveillants des autres secteurs ont-ils droit avec eux à une part du butin fait sur l’ennemi ? Quel est l’effet de la convention par eux faite avant de se mettre en campagne et en vertu de laquelle ils ont déclaré mettre en commun
tout butin pris à l’ennemi ? Doivent-ils, en ce cas, prélever le cinquième {Khoums *) ?

Chacun de ceux qui ont profité de cette surveillance sera tenu en proportion de ce profit, sans se préoccuper de savoir s’il est ou non marié.

Ceux qui ont la surveillance d’un défilé auront un droit exclusif au butin fait par eux, après prélèvement du cinquième (Khoums). Enfin ils ne peuvent être considérés comme associés, quant aux choses acquises de cette manière.

(T. Il, pp. 89 et 90..

Pendant la guerre, le Souverain dit à quelqu’un : « Si tu tues un ennemi, tu auras sa dépouille. » Or, dans l’ouvrage intitulé Kitāâb-al-Ġihād, il est dit que si cet individu tue 2 ennemis, l’un après l’autre, il n’aura que la dépouille du premier. Au contraire si le Souverain disait : « Quiconque d’entre vous tuera un ennemi aura sa dépouille », chacun aura droit aux dépouilles de tous ceux qu’il tuera. Pourquoi cette différence ? surtout si l’on tient compte de l’opinion d’après laquelle remploi du substantif indéterminé dans la condition a un sens général.

Cela ne tient pas à l’emploi de mots indéterminés dans l énoncé de la condition, mais bien à ce principe que, lorsqu’un mot à sens partitif répond à un autre à sens général, il devient lui-même général, vu qu’il répond à chaque unité du général. Ainsi, dans la phrase : « Quiconque
d’entre vous tuera un ennemi, etc. », le mot quiconque est général et s’applique à tous ceux qui tuent, et le mot un ennemi a aussi un sens général qui s’applique à tous ceux qui sont tués.

Au contraire, dans la phrase : « Si tu tues un ennemi, tu auras sa dépouille », le mot ennemi répond à un mot {tu) qui n’a aucun sens général, mais qui est, au contraire, individualisé : il garde donc son sens originaire. Aussi, dans ce dernier cas, seule la dépouille du premier tué
doit revenir à celui qui tue ; tandis que dans le cas précédent, toute dépouille appartient à quiconque tue.

On comprendra plus clairement tout cela par cet exemple tiré de la matière des serments. Celui qui dit à sa femme : « Je jure de te répudier si tu entres dans telle maison, ou si tu manges tel pain », ne se parjure pas autant de fois que sa femme entre dans cette maison ou mange de ce pain. Son serment n’est violé qu’une fois, à moins qu’il n’ait dit : « Toutes les fois que », ou « à chaque fois que ». Il en est de même de la phrase : « Si tu tues un ennemi, etc. »

(T. II, pp. 75-76.)

Les Roumis ayant vaincu les habitants de Ġalīra, est-il permis aux musulmans de leur acheter le butin qu’ils ont fait?

Si vous entendez que les biens des habitants de Ġalīra doivent être inviolables, en vertu du principe que le Musulman ne doit pas acheter aux chrétiens les biens qu’ils ont enlevés à un autre Musulman, cela ne fait pas de doute. De même, on ne doit pas comprendre dans le partage du butin, les biens que l’on sait avoir appartenu à des Musulmans, car il y a doute sur le point de savoir si lesdits Musulmans s’en sont dessaisis de leur plein gré. Il y a cependant des textes qui permettent l’achat ou le partage de tels biens.

Mais je crois que vous entendez l’inviolabilité de ces biens comme reposant sur ce que Le Commandeur des M a conclu une trêve avec les Roumis et vous voulez appliquer l’effet de cette convention aux habitants de Ġalīra vu qu’ils se trouvent sous la puissance des infidèles. La question est sujette à examen, car, avant la conclusion de la trêve, le sanq les cous et les biens des Roumis nous étaient permis, tandis que le sang des habitants de Ġalīra nous était défendu. Il y avait doute quant à leurs biens, car, d’un côté, ils appartiennent à des Musulmans, de l’autre, ils sont situés dans un pays ennemi. Ni Mālik, ni aucun de ses adeptes, n’a traité cette question. Seul, Ibn Al-Hāġ en fait mention et lui applique la même solution qu’à la question suivante : L’infidèle qui embrasse l’lslâm et quitte le pays ennemi, sera inviolable quant à sou sang et à son cou, mais non
quant à ses biens situés en pays ennemi.

Cette assimilation d’Ibn Al-Hāğ est sujette à critique, car on ne doit pas mettre sur la même ligne le Musulman de naissance et le Musulman par conversion. Le premier est entièrement inviolable, quant à sa vie et à ses biens. Cette inviolabilité le suit même dans le pays ennemi, et ne cesse que s’il y a un motif pour cela. Son droit de propriété subsiste sur les biens laissés par lui en pays ennemi.

Ašhab n’a-t-il pas décidé que l’acquéreur de biens en pays ennemi, qui ne peut les transporter avec lui, en demeure néanmoins propriétaire et peut les revendiquer, si un autre vient à les sortir du pays ennemi? De même,
celui qui perd une vache conserve sur elle son droit de propriété. De même, le gibier abattu par un chasseur et ramassé par un autre appartient au premier, qui peut le revendiquer même après vingt ans. Cette opinion, qui
est celle d’Ibn ῾Abd Al-Hakam, repose sur l’origine du droit de propriété.

Ainsi donc, tant qu’il n’y a aucun motif de décider en sens contraire, les biens des habitants de Ġalīra, inviolables à l’origine, demeurent tels, sans qu’il soit besoin de faire intervenir la trêve conclue avec les Rūmī dont ils dépendent.

Reste à examiner la situation des habitants de Ġalīra.

Ces musulmans étaient sous la domination des Rūmī-s qui ont violé la foi jurée avant les délais fixés pour l’expiration du traité. Le butin qu’ils font sur les Musulmans, dans ce cas, est assimilable à celui qu’ils auraient fait après Texpiration normale de traités. Rien ne s’oppose à
ce qu’on le leur achète. Mālik avait donné une solution identique dans la question suivante: Des ennemis viennent camper sur le territoire musulman, après avoir obtenu l’Amān ; ils y volent des esclaves et retournent chez eux. Ils reviennent une seconde fois sur le territoire musulman, avec un autre amân et y vendent les esclaves volés précédemment, Mâlik a décidé que cette vente était valable et qu’ils avaient droit au prix. A plus forte raison doit-on appliquer cette solution aux biens enlevés par les Rūmī dans leur guerre contre les Musulmans de Galera.

{Abū ‘Abd Allah As-Saraqustī.T, II, pp. 110 à 112).

CONVENTIONS AVEC L’ENNEMI

Le Ḵalifa conclut avec les chrétiens un traité de paix qui leur donne le droit d’occuper, jusqu’à une époque déterminée, du Sāḥil du pays. Les Musulmans, au contraire, trouvent que faire la guerre sainte à ces chrétiens constitue une œuvre pie des plus méritoires.

Aussi se mirent-ils à faire des incursions sur le territoire des chrétiens, à les tuer et à les mettre à l’étroit. Cette façon d’agir est-elle un acte d’obéissance ou de désobéissance ? Il est d’ailleurs entendu que le Ḵalifa n’approuve pas du tout la conduite de ses sujets et leur inflige même, pour cela, des condamnations.

Louange à Dieu, qui a fortifié la religion de Muḥammad par le Ğihād, et qui a promis à ceux qui s’y appliquent ou à quelque chose s’y rapportant, qu’ils arriveront au but désiré le plus magnifique ; qui a promis au martyr une vie entourée de belles faveurs au milieu même de l’isthme et des digues de la mort
Il n’est pas de mort qui ne désire revenir sur cette terre, si ce n’est le martyr, à cause de la supériorité qu’il voit accordée au martyre par le Possesseur généreux du Trône céleste. Il recherche alors cette mort pour avoir une plus grande part (de faveurs). A lui mort sont les marques de considération que nul œil l’a vues, nulle oreille n’a entendues, nul esprit humain n’a imaginées. Et quelle belle chose aux mérites innombrables que le martyre ! puisque, comme œuvre surérogatoire, il dépasse, d’après les grands jurisconsultes, le mérite des autres actes de bien accomplis en surérogation.

Que Dieu répande ses bénédictions sur notre Seigneur Muḥammad, qui a été envoyé à toutes les créatures, qui a été qualifié du plus beau caractère, qui, par sa langue, son épée et son argument, a triomphé des partisans du mensonge et de la rébellion.

Que les bénédictions de Dieu soient également répandues sur la famille et les compagnons de Muḥammad, qui l’ont aidé à faire triompher la vérité et l’ont assisté. Par la bénédiction de Mouhammad, ils ont attiré les faveurs sur son peuple, leur ont prodigué les conseils sincènvs et écarté d’eux la corruption.

Que Dieu répande sur lui et sur eux une bénédiction et un salut, grâce auxquels nous obtiendrons, en fait de bénédictions et de biens, ce qui sort de l’ordinaire !

Sache, honorable frère, que ta question est subordonnée au point de savoir s’il y a lieu de se réjouir ou de se repentir des clauses de ce traité, ce que nous exposerons dans des prolégomènes. Or, la paix conclue par l’Imām des Musulmans avec les ennemis de là Religion peut être de deux sortes :
-elle est conclue dans un pays où le Ġihād est une prescription collective (farḍ Kifāya)
-elle intervient dans un pays où le Ġihād est une prescription stricte (Farḍ ῾ayn)

Dans le premier cas, là où les Musulmans sont plus forts que les ennemis infidèles, il est permis, dans la doctrine malékite, à l’Imâm des Musulmans de conclure telle paix qu’il jugera profitable pour eux. Ibn ῾Abd Al-Barr ( Abū ῾umar Yūsuf b. ῾Abd Al-Barr, né à Cordoue 978, Qāḍī de Lisbonne et de Santarem, auteur de Kitâb ad-Durar {les Perles), de Kitāb al-isti῾āb (des compagnon), m. à Jativa 1071)rapporte, d’après Saḥnūn, que cette paix ne doit pas être conclue pour une longue période; et Ibn Šās dit qu’Abū ῾lmrān préfère le maximum de quatre mois, à moins de motif nécessitant d’aller plus loin.

Dans le second cas, toutes les fois que le Ġihād est d’obligation stricte, il n’est plus permis de conclure de traité de paix. Et si l’ennemi les attaque ou est tout près d’eux, les Musulmans ont le devoir strict individuel de le repousser sur-le-champ.
Al-Laḵmī rapporte, d’après Ad-Dāwudī,que l’obligation de faire la guerre sainte pèse sur ceux qui sont à proximité de l’ennemi, mais non sur ceux qui en sont éloignés. Cette obligation pèse, au contraire, sur tout le monde, d’après Saḥnūn, si l’ennemi est tel qu’il faut le concours de tous. De même si les infidèles emmènent en captivité les femmes et les enfants ou pillent les biens, l’obligation de les délivrer pèse aussi sur quiconque est en mesure de le faire, à moins qu’on ne craigne pour soi-même ou les siens, parce qu’on voit de loin une escadre ou qu’on apprend sa prochaine arrivée.

Dans tous ces cas, la paix est interdite, parce qu’elle aurait pour effet d’empêcher l’observation d’un devoir religieux strict, par lequel on cherche à arriver à la délivrance.

Dans l’ouvrage intitulé Al ῾Ulbīya, Mâlik aurait dit : « De même qu’on a le devoir de combattre jusqu’à délivrer les Musulmans faits prisonniers, de même doit-on employer ses biens à les racheter. »

Ibn Rušd dit que les auteurs sont unanimes pour déclarer que le Ġihād sainte, quand elle constitue une obligation stricte, est un acte plus méritoire que le pèlerinage.

Ces principes posés, il en résulte que, dans l’espèce présente, le Ġihād est d’obligation stricte, ce qui rend impossible tout traité de paix, surtout s’il est conclu pour une longue période. Car, dans un pareil traité, tout l’avantage tourne au profit de l’ennemi, — que Dieu l’anéantisse !— et tous les inconvénients retombent sur les Musulmans.

On peut croire qu’il peut en résulter quelque avantage, mais c’est surtout au profit de l’ennemi que cela se produit. En effet, pendant la durée de la paix, il fortifiera ses positions, multipliera son armement et ses provisions de guerre, si bien qu’il deviendra difficile aux Musulmans de s’en délivrer, et le but qui était facile à atteindre cessera de Têtre. Aussi, le traité de paix conclu par notre Maître, par cela même qu’il porte préjudice aux Musulmans, doit-il être rompu; car, au point de vue légal, il n’est pas valable et ne peut avoir aucune force obligatoire aux yeux de quiconque vérifie avec science les préceptes de la loi religieuse.

Que si l’on objectait — suivant en cela l’exception formulée par le Qāḍī ῾Abd Al-Wahhāb (m.1366)— que les Musulmans ne concluent généralement la paix que pour une excuse légitime, et qu’il s’agit ici d’une décision émanant du pouvoir discrétionnaire de l’Imâm et ne pouvant en aucune façon être infirmée, nous répondons que la paix dont il est ici question est intervenue à la suite de l’immense calamité que fut la surprise du Maġrib par l’ennemi, que Dieu l’anéantisse ! Cependant les Musulmans étaient forts en nombre ; ce n’est donc pas parce qu’ils étaient faibles sous ce rapport, qu’ils n’ont rien fait. D’ailleurs, tant s’en faut que leur petit nombre constitue pour eux une faiblesse. La raison de cette inertie peut donc être :
-ou bien la crainte que les infidèles n’aillent exterminer les autres Musulmans, — raison vaine, car elle est, au contraire, un devoir strict
-ou bien un manque de courage de la part des combattants, ce qui n’est pas, non plus, une excuse.

En effet, le combat s’impose, quand les Musulmans sont en nombre et qu’ils sont en mesure de recevoir du renfort, et lors même que l’ennemi montrerait de l’endurance et serait en grand nombre.

Cette paix ne rentre donc pas dans l’exception admise par le Qāḍī ῾Abd Al-Wahhāb. Quant à la décision rendue en vertu du pouvoir discrétionnaire, elle peut être infirmée, s’il appert qu’elle est entachée d’erreur comme cela est rapporté d’après Saḥnūn. La conclusion de la paix en question pour une longue période est une erreur qui la rend susceptible d’annulation. De plus, elle implique la cessation de la guerre sainte dans un cas où elle est prescrite strictement, ce qui est prohibé et rend telle ladite paix. Or, ce qui est prohibé n’a pas de force obligatoire. La guerre sainte n’a donc pas cessé d’être un devoir strict, dans le pays en question et depuis le désastre jusqu’à ce jour.

D’après Ibn Al-Qâsim, si des Musulmans jugent à propos de profiter d’une occasion favorable de fondre sur un ennemi qui est à proximité, et craignent, en mettant l’Imām au courant, qu’il ne leur refuse son autorisation, ils pourront attaquer tous seuls, « mais j’aimerais mieux, ajoute Ibn Al-Qāsîm, qu’ils demandassent à l’Imām son autorisation ».

Selon Ibn Habīb, les docteurs ont dit que si l’Imâm interdit la guerre, parce qu’il y voit un avantage, il est défendu de lui désobéir, à moins que l’ennemi ne tombe à l’improviste sur les Musulmans.

Enfin Ibn Rušd dit : L’obéissance à l’Imām, même injuste, est obligatoire, tant qu’il n’ordonne pas de faire une chose défendue. Or, parmi ces choses défendues, se place la prohibition du Ġihād quand il est prescrit, ainsi que cela a été expliqué plus haut. Au demeurant, Dieu sait mieux !

(F. de Tilamsan. II,165-7.)

Les habitants d’une citadelle qui, craignant d’être vaincus par l’ennemi, traitent avec lui et lui donnent leurs enfants en otage, pour une rançon de 200 dinars, supporteront cette somme chacun au prorata de l’utilité qu’il a retiré de cette convention.

[Abū Ṣālih, II, p. 89.)

1. Badr ad-Din Aboû Mouhammad Al-Hasan ibn Habîb, célèbre jurisconsulte schâfé*ile, né à Damas en 1310 ; mort à Alep en août 1377. Auteur d’une histoire des sultans Mamelouks de l’Égypte.

Un Musulman ayant été fait prisonnier sur le territoire des ennemis, obtient sa liberté moyennant une rançon de cent dinars. Il donne son fils en otage et retourne dans le pays de l’Islām pour liquider ses biens et traiter pour le rachat de son fils. Que décider s’il meurt sur ces entrefaites ?

Les 100 dinars seront prélevés sur le capital laissé par le père défunt, quel que soit Tâge de Tenfant. C’est une dette qui grevait le défunt au profit de Tenfant mis en otage.

{Abū Ṣalīh, II, 89)

Des Arabes pillards, au nombre de 200 fantassins et de 500 cavaliers, fondent sur un village et donnent l’attaque à ceux qui y sont restés, car la majorité des habitants a pris la fuite emportant les biens et les bagages les moins lourds. Le combat dura une journée. Vers le soir, le chef de ce village chercha à se rendre compte du nombre des combattants restés dans le village et n’en trouva que bien peu. La nouvelle s’étant répandue que les Arabes se disposaient à attaquer de nouveau le lendemain matin avec des forces doubles de celles de la veille, l’épouvante se saisit des habitants et, le soir même, 30 hommes environ prirent la fuite en quittant le village. Le chef en question, craignant la destruction du village, fit la paix avec un des chefs arabes moyennant 100 dinars en or, qu’il lui paya. A-t-il le droit de réclamer à ceux, présents ou absents, dont les biens ont été ainsi épargnés grâce à ses soins, leur part contributive ? Il est d’ailleurs constant que le chef, en traitant, avait bien précisé qu’il payait cette contribution pour sauver les silos remplis de grains et les biens des habitants, présents ou absents.

Le droit de réclamer la part de chacun dans cette contribution appartient au chef, par analogie avec le cas où l’un des hommes de la caravane traite au nom de tous les autres pour les sauver des brigands, et autres cas semblables.
Cette décision est aussi celle que donne la Mudawwana ; cependant, on admet que celui qui prouve qu’il eût pu se tirer sain et sauf en ne payant rien, ou en payant moins que la part qu’on met à sa charge, aura droit à une exemption totale ou partielle.

[Qāsim Al-῾Uqbānī,II, 88)

Si un ennemi infidèle vient occuper le territoire des Musulmans, en disant : Si vous ne nous donnez pas les biens d’un tel, nous vous exterminons », Ibn Ḥazm affirme qu’il n’est pas permis aux Musulmans de satisfaire à la demande des infidèles, dut-on craindre l’extermination des Musulmans. Cette opinion est éloignée des vrais principes, et la solution normale est que les Musulmans doivent donner ce que réclament les infidèles, sauf à indemniser celui qui a été dépossédé, en lui payant la valeur estimative (Qīma) de ses biens, ou en lui donnant des choses pareilles, en tenant compte de sa part contributive.

Ibn Ishâq a rapporté que le Prophète, sans Al-Miqdàd qui l’en dissuada, avait pensé, une fois, faire la paix avec Uyayna b. Hisn, moyennant le tiers des palmiers de Médine, et il est peu probable que tous les Médinois fussent de ceux qui faisaient cas de ses ordres, et qu’il ne se soit trouvé,
parmi eux, aucun orphelin : ceci pour répondre à ceux qui objecteraient que le Prophète n’a pris cette décision qu’avec l’agrément dé tous les propriétaires des palmeraies.

Les deux opinions exposées ci-dessus représentent les extrêmes : la vérité est entre les deux. Il dépend des circonstances de savoir si l’on doit acccorder satisfaction à la demande formulée ou refuser et s’exposer aux conséquences de la menace. Ainsi, dans l’ouvrage du fils de Sahnūn, Muḥammad a dit : La contrainte ne va pas jusqu’à permettre de nier Dieu ou d’injurier un Musulman, comme la nécessité rend licite la consommation d’un animal mort. Cependant, ce principe a reçu une entorse par l’admission de l’acte illicite lorsqu’on est menacé de mort, d’amputation d’un membre, ou de coups pouvant entraîner la mort. Un auteur dissident dit que cela n’est permis que lorsqu’on est en présence de l’auteur de la contrainte. Mais si l’on est envoyé pour apporter, par exemple, l’argent demandé, cela n’est plus permis, lors même que l’on craindrait d’être appréhendé et soumis au traitement dont on a été menacé, à moins que l’on ne soit accompagné d’un envoyé de l’auteur de la contrainte. Dans ce cas, ou craindrait d’être ramené par l’envoyé et l’on est considéré comme présent.

(Abū Muḥammad ῾Alī b. Qazni, f. dâhirite, Cordoue 994, m. Niebla, 1064. Auteur de Kutūb al-Milal wa n-Nihal (Histoire des sectes philosophiques et religieuses)

D’après Muhammad, la présence de l’envoyé est indifférente ; si l’on espère pouvoir se sauver, on ne doit pas commettre l’acte répréhensible. Au contraire, on le peut, lorsqu’on n’est pas sûr d’échapper au traitement dont on a été menacé, qu’on soit ou non accompagné d’un envoyé.

Dans le livre qui traite de la contrainte(al-Ikrāh), Muḥammad, Saḥnūn et d’autres disent : Le Musulman qui est contraint, sous menace de mort, amputation d’un membre, coups pouvant amener la perte d’un de ses membres seulement, prison ou chaînes, de renier Dieu ou d’injurier un Musulman, ne peut commettre l’un de ces actes que s’il craint d’être mis à mort, et seulement dans ce cas. Il garde naturellement la faculté de montrer du courage et d’attendre qu’on le mette à mort sans faire ce qu’on lui a demandé ; dans ce cas, il sera récompensé et cela vaut mieux pour lui. De même, seule, la crainte d’être tué peut permettre de manger la viande d’un animal mort, celle du porc,ou de boire du vin. C’est l’opinion de Saḥnūn. Mais la contrainte ne va pas jusqu’à lui permettre de tuer un Musulman, de lui couper une main, ou de forniquer. Elle suffit, au contraire, pour lui permettre de couper sa propre main. De tout cela, il résulte que, si Saḥnūn indique clairement qu’il vaut mieux se laisser tuer que d’injurier un Musulman, on doit décider de même, à fortiori,, lorsqu’il s’agit, non plus d’injurier, mais de confisquer les biens d’un Musulman.

Si la crainte d’être mis à mort ne constitue pas une contrainte suffisante pour qu’on ait le droit de remettre aux infidèles les biens d’un Musulman, elle l’est encore moins pour qu’on puisse le remettre lui-même.

Dans certains cas, cependant, Saḥnūn dit : « Si nous assiégeons les infidèles et s’ils nous somment de lever le siège, en nous menaçant de tuer leurs prisonniers musulmans, si nous ne le faisions pas, le siège peut être levé, mais à deux conditions ; il faut :
1 que les prisonniers musulmans eux-mêmes le demandent,
2 que l’on n’ait aucun espoir de pouvoir s’emparer de la place. Au contraire, le siège sera continué, au risque de voir massacrer les prisonniers musulmans, si l’on est sur le point de s’emparer de la ville. »

Quant aux sommes versées par les Musulmans aux infidèles afin d’obtenir d’eux une trêve (muhādana), les opinions sont partagées. Selon Al-Awzā’ī, cela n’est permis que si les Musulmans sont déjà occupés à combattre un autre ennemi ou sont en guerre civile. Cela a été fait autrefois, à l’époque de Siffīn, par Mu῾āwīa, et une autre fois par ῾Abd Al-Malik b. Marwān, occupé à combattre ῾Abd Allah b. Az-Zubayr.

Šāfi’ī n’autorise ce paiement que si les ennemis sont trop nombreux, car c’est alors un cas de force majeure ; sinon, l’Islām est trop au-dessus d’une pareille convention, et quant aux Musulmans qui trouvent la mort dans les combats, ils mourront martyrs de la foi.

En tous cas, dans les cas où ces conventions sont permises, il ne peut s’agir que de l’argent de Bayt al-Māl, car seul le Souverain a le droit de conclure ces trêves. Quant aux biens d’un particulier, il n’en peut être dessaisi que de son gré. La décision d’Ibn Hazm est donc exacte.

(II, 79-85.)

Le pacte ou la paix conclue entre les infidèles et un Imâm musulman est-elle obligatoire pour les autres Musulmans, qui n’ont point participé à ce pacte ou à cette paix, par application de ce ḥādīṯ que les plus rapprochés des Musulmans accordent la protection au nom des autres ?

Ce ḥādīṯ s’appliquerait si tous les Musulmans obéissaient au même Imām et étaient en possession d’une parfaite unité. Dans ce cas, la protection accordée aux infidèles par leurs voisins musulmans obligerait tous les autres Musulmans, qui devraient alors s’abstenir de les combattre ou de les tuer. Mais quand il y a plusieurs rois, plusieurs nations, divergence de vues, cela ne s’applique plus. Ainsi les Andalous ne seraient point liés par les conventions des Syriens ou des Égyptiens.
(II,87-8)

AHL AḎ-ḎIMMA :

RAPPORT DES MUSULMANS AVEC LES TRIBUTAIRES

Le Qāḍī est-il tenu d’ordonner aux tributaires d’avoir des signes distinctifs dans leur habillement, comme de teindre le bout de leur turban ? Si le Qāḍī néglige son devoir, un autre Musulman peut-il se charger de ce soin ?

La nécessité pour les Juifs d’avoir des signes distinctifs et de teindre le bout de leur turban est une mesure en vigueur depuis longtemps dans les grandes villes de l’Islàm. On a prétendu que cela n’est pas exigé, lorsque
les Juifs habitent une petite localité ou un village où ils sont isolés, car il est plus difficile, en ce cas, de les confondre. Mais je pense que la nécessité des signes distinctifs s’impose dans tous les cas, car les Juifs habitant avec les Musulmans ont nécessairement des relations avec eux.

(Abū ῾Abd Allah al-Māzarī. II, 206-7)

Ibn ῾Arafa permet au tributaire d’acheter ou de louer l’étage supérieur d’une maison, au rez-de-chaussée de laquelle habite un Musulman. Il s’appuie sur ce que le Prophète demeurait au rez-de-chaussée d’une maison où le compagnon Abū Ayyūb AI-Ansārī (son mazusolée est réverré par les Rûm, selon le passage, à Constantinople) habitait l’étage supérieur. Mais on a fait remarquer à Ibn ῾Arafa, que c’est le Prophète lui-même qui en a ainsi ordonné, afin de rendre l’accès jusqu’à lui plus facile à ses compagnons,
et aussi qu’Abū Ayyūb était un des meilleurs compagnons du Prophète. Le cas est autre ici. On sait, en effet, que lorsque la cavalerie des ennemis se montra sur les hauteurs du mont Uḥūd*, le Prophète s’écria : « Mon Dieu ! les voilà déjà qui sont plus élevés que nous; or, il ne faut pas qu’ils nous dominent. » Puis le Prophète donna l’attaque à l’ennemi et le combattit jusqu’à le faire descendre de la montagne.

Ibn ῾Arafa ne trouva rien à répondre à ces objections.

(II, 207)

Les chrétiens ne peuvent augmenter la hauteur de leurs églises, ni en changer la construction, si l’église étant bâtie en ṭūb, ils veulent la réédifier avec des pierres. Si l’extérieur n’est pas achevé, ils seront empêchés de compléter ce qui y manque, dans tous les cas.

Cette même question a été traitée par Abū-l-Hasan Al-Qābisī, à l’occasion des Juifs de Qairouan qui avaient obtenu du Sultan Tautorisation d’achever leur synagogue.
Quand le Šayḵ eut parlé, les Juifs furent empêchés d’exécuter leur projet.

On n’empêchera ni les uns ni les autres de finir ce qui est construit, d’élever la porte, si le niveau du sol s’exhausse, ou de faire, à l’intérieur, les travaux confortatifs nécessaires.

[Abū Hafṣ Al-῾Aṭṭār, II, 207)

Un F. de Tanger reçut de la part d’Al-Qurāšī Qāsim an-Naḏḏām et autres jurisconsultes de Fâs, la question suivante :

Il existe un Juif, le médecin Ibn Qanbāl qui se coiffe dn turban ῾amāma, porte aux doigts des bagues, monte en selle sur de pétulants coursiers, et s’assied dans sa boutique sans avoir de ceinture Zunnār, ni aucune marque disiindive dans le costume ġiyār. C’est dans cette tenue qu’il se promène à travers les Āswāq, ne portant rien qui permette de reconnaître en lui un Juif. Au contraire, il s’habille à la manière la plus élégante des notables musulmans.

Expliquez-nous ce qui est obligatoire, en tant qu’ils sont assujettis aux règles de la ḏimma ? Avaient-ils cette liberté du temps des Aṣḥāb, des Tābi῾ūn et des rois musulmans ? Ou bien leur était-il interdit de s’habiller de cette manière et prescrit de porter un signe permettant de les distinguer des Musulmans ?

Le Prophète a dit : « Ne les saluez pas les premiers ; acculez-les à la partie la plus étroite du chemin. » Selon les uns, cela doit s’entendre, au propre, du chemin sur lequel on passe ; selon d’autres, cela signifie : vers la partie du chemin la plus étroit quant aux décisions judiciaires à rendre contre eux. Mais la première interprétation est la plus exacte, car le Musulman et le tributaire doivent être égaux devant la justice, rendue en toute équité ; c’est un caractère de la noblesse et de la supériorité de l’Islām.

Le Prophète a dit aussi : « Humiliez-les, mais ne leur faites point d’injustice ; méprisez-les et ne les honorez pas. Appelez-les par leurs noms, sans leur donner de Kuniya.

Ainsi, dans le traité conclu par les chrétiens avec ‘umar b. Al-Khaṭṭāb, ils s’engagèrent dans les termes suivants :
« Nous témoignerons du respect aux Musulmans, leur abandonnerons Tendroit où nous serions assis, s’ils désirent eux-mêmes s’y installer. Nous ne les imiterons en rien, quant à leur manière de s’habiller, de porter le bonnet appelé qalansuwa, la ῾amāma, les sandales. Nous ne séparerons pas nos cheveux comme eux, ni ne prendrons leurs Kuniya. Nous ne monterons point en selle, ni ne nous ceindrons de l’épée, de même que nous nous interdisons de graver sur nos bagues des inscriptions en langue arabe, de vendre vin, de faire sonner nos cloches, si ce n’est doucement, de montrer nos croix, nos cochons sur aucuns chemins et marchés fréquentés par les Musulmans. Nous nous engageons à porter des ceintures (zunār) au milieu du corps, etc. Si nous contrevenions en quoi que ce soit à nos engagements, il vous sera permis de nous traiter coninie des révoltés et de considérer ce traité comme annulé. »

Aussi, les tributaires ne peuvent-ils se coiffer que de turbans tout petits, d’un bas prix, de qualité inférieure, d’une cotonnade ordinaire. Ces turbans ne peuvent être en soie, car ce serait alors rivaliser d’élégance avec les Musulmans.

Le Commandeur des Croyants, Al-Qā’im bi-‘Āmr-Illah (m. 1075), posa, à cet égard, une limite, maintenue par son fils, l’Imām Abū-l-῾Abbās Aḥmad Al-Muustaḏhir b-Illah (m. 1118), à savoir : les turbans des notables d’entre les tributaires, habitant Baġdād, ne peuvent dépasser le prix de 3 dinars par turban, comme d’ailleurs tout vêtement extérieur. En outre, ils ne doivent pas donner de grandes dimensions à la spirale de leur turban, ni laisser pendre de celui-ci des brides entre leurs épaules ou se rattachant sous le menton. Car tout cela constitue la manière distinctive de s’habiller des Arabes et de l’apôtre d’Allah; c’est la dignité de l’Islàm. Il convient donc de défendre cette tenue aux infidèles, qui ne doivent pas non plus monter en selle, ni se vêtir de beaux costumes, car c’est vouloir
l’emporter en élégance sur les Musulmans. Or, les turbanssont les diadèmes des Arabes et rornement de l’Islâm. Le turban est un pilier fondamental de la religion islamique, car le Prophète a dit : « Coiffez-vous du turban,
vous augmenterez en clémence. » La prière faite, la tête coiffée du turban, est plus méritoire que la prière dite sans turban.

Pareillement, ils peuvent porter des bagues dont l’anneau est très fin, grêle, et le chaton en verre. Mais ils ne peuvent graver sur ces bagues des inscriptions en langue arabe.

Ils ne doivent pas, non plus, porter des choses de couleur jaune, car cette couleur était celle que portaient les Aṣḥhāb, les Ḵulāfā et les Shurafā. C’est de vêtements jaunes que ῾Abd ar-Raḥmān b. ῾Awf s’était paré quand il se maria le jour de son arrivée à Madīna. Les ridā-s ou manteaux, que les Ansâr avaient coutume de porter, étaient de couleur jaune. C’est encore la couleur que portent leurs descendants, que j’ai vus fi La Mecque et à Médine.

Il leur est absolument interdit de monter à cheval, car c’est la monture du Prophète et de ses compagnons. C’est à cheval qu’ils ont fait la guerre sainte et combattu leur ennemi. Les chevaux constituent l’éclat de Tlslâm; à leurs toupets sont attachés, jusqu’au jour du Jugement dernier, le bonheur, la rétribution et le butin. Celui qui possède chez lui un cheval de race, Satan ne l’approchera pas La rétribution (divine) méritée par les Musulmans, en retour de la peine qu’ils se donnent pour abreuver, faire uriner les chevaux et entendre leur hennissement, les tributaires ne doivent pas être mis à même d’en profiter. Ils peuvent monter seulement sur des mulets ou des ânes bâtés, et ayant les jambes pendantes d’un même côté de la monture. Le détenteur de l’autorité, parmi les Musulmans, devra exiger que ces tributaires prennent un habillement modeste, de couleur autre que le jaune et permettant de les distinguer des Musulmans. Il leur mettra au cou des colliers en dinars de cuivre, de plomb ou de fer blanc, qu’ils doivent garder sur eux, même en entrant à l’étuve (hammam). S’il leur est pennis de mettre des bonnets appelés qalansoua, il faut que ce soit des qalansouas de petite forme, de qualité ordinaire, portant au milieu ou sur les côtés des pièces de drap rouge di fièrent de la couleur du bonnet lui-même. Ils doivent porter, en outre, des ceintures au milieu du corps. Leurs femmes auront un soulier noir et l’autre blanc ou rouge. Tout cela, je Tai vu de mes propres yeux au siège du Khalifat, à Baġdād.

Un de mes maîtres de Baghdâd m’a raconté, en l’année 488 de rhégire, qu’il y avait à Baġdād, parmi les Juifs opulents, 3 frères, que Dieu les éloigne l’un de l’autre, — appelés Banū-1-Ġazr, qui devaient, pour eux et leurs enfants majeurs, une ġiziya annuelle de 40 dinars. Ils sollicitèrent de payer chaque année 500 dinars en plus de ce qu’ils devaient régulièrement, pour n’avoir pas d’autre marque distinctive que le zounnâr (ceinture), et être autorisés à monter discrètement en selle, pour se rendre visite entre eux, ou à ceux des notables musulmans qu’ils avaient coutume de visiter. Ainsi, ils voulaient être dispensés de la clochette (ğars) qu’ils devaient porter suspendue à leur cou, des pièces de couleur cousues après leurs vêtements.

Ils offraient d’envoyer chaque année les 500 dinars en question, en même temps que le montant de leur capitation, au chargé de la perception de la djizya. Ils attendirent tout un mois puis essuyèrent un refus. On leur répondit : « Le Bail al-Mâl, — que Dieu le rende abondant ! — est trop riche pour avoir besoin de votre argent mal venu (suḥt : trafic). Il n’acceptera de vous que ce que vous devez légalement. Vous ne pourrez en aucune façon monter en selle ni à cheval, ni éviter aucune des marques distinctives obligatoires pour les sujets tributaires, vos frères les Juifs et les Chrétiens. Nous ne vous permettrons pas de vous en dispenser, grâce à l’abondance de vos richesses : Dieu a mis les Musulmans à même de s’en passer. Louange à Dieu ! Nous vous avons ordonné d’aller vous-mêmes en personnes, portant dans la main votre capitation, jusqu’à l’endroit où se trouve notre délégué, chargé de la recevoir de vous. Vous attendrez, debout devant lui, le montant de votre capitation en main, pendant un long moment ; vous paierez ensuite sans rien exiger, et en acceptant l’humiliation. Vous devez être habillés, en cette circonstance, comme le plus vil de vos esclaves, et être reconnaissables par la plus ignominieuse des marques distinctives(Afḥaš ġiyār).

Le Juif aura une pièce, mesurant environ un empan, cousue après sa tunique, son Burnūs ou sa ğabba depuis le collet jusqu’à l’extrémité de chaque épaule. Une autre pièce de la même grandeur sur le devant de la poitrine. Ces deux lambeaux d’étoffe doivent être teints au safran.
Pour les Chrétiens, c’est la même chose, si ce n’est que les pièces distinctives qu’ils portent sur leurs vêtements, doivent être de couleur cendrée foncée, obtenue avec de la noix de galle (῾afṣ) et du sulfate de fer (zāğ)

Les uns et les autres doivent laisser pendre environ une coudée de l’extrémité du turban rabattue à l’extérieur.
Cette pendeloque sera jaune pour le Juif, cendrée pour le Chrétien. Les uns et les autres doivent avoir, en outre, une espèce de plaque ressemblant à un dinār en cuivre ou en fer, suspendue sur le devant de la poitrine ; une ceinture de la largeur d’un doigt, en soie ou en coton…

Telles sont les marques distinctives des sujets tributaires habitant Dār as-Salām, siège du Khalifat, où la tradition est en vigueur. J’ai habité cette ville et je m’y suis rendu témoin de tout cela, je l’ai vu de mes propres yeux et en ai acquis la certitude, à diverses reprises et pendant de longues années.

Avant cette époque, le signe distinctif des tributaires, à Baghdâd, était simplement la ceinture zunnār, comme cela se passe en Syrie et en Egypte. De plus, ils avaient le droit de monter en selle sur de beaux chevaux, de porter de somptueux vêtements, de se coiffer de turban à glands, lien fut ainsi jusqu’au jour où, un peu avant l’année 480 de rhégire, le Šayḵ très pieux, le célèbre par son ascétisme et sa foi, Abū Bakr Aḥmad b. ῾Alī b. Badrān Al-Ḥulwānī, ami d’ Abū Iṣḥāq Aš-Šīrāzī(directeur Šāfi῾ī de la Madrasa An-Niḏāmīya n. Firūz-Abād 1003, m. 1083 auteur du K At-Tanbīh (Leyde 1853, Keizyer), composa son ouvrage sur les règles applicables aux sujets tributaires. Il avait composé cet ouvrage par zèle pour l’lslām et à raison du haut rang où il a vu arriver les tributaires, qui étaient entrés au service des Sultans. L’ouvrage fut présenté au Commandeur des Croyants, qui ordonna de remettre un cadeau considérable à l’auteur. Mais celui-ci refusa en disant : « Le cadeau que je te demande pour moi et pour les Musulmans est que tu juges les tributaires d’après les principes de ce livre. »

Ibn Badrân est un de mes maîtres, et c’est de lui que j’ai appris « al-fuṣūl al-ğāmi῾a fīmā yağibu ῾alā Āhl aḏ-ḏimma min aḥkām al-milla : « Les
sections qui comprennent toutes les règles de la religion obligatoires pour les sujets tributaires. » Personne n’avait fait connaître l’existence de ce livre en dehors de Baġdād. Parmi les Maghrébins et les Andalous, quatre seulement ont appris ce livre de la bouche de l’auteur.
Trois habitent Baghdâd avec leurs familles, et moi, le quatrième, je sortis ce livre de Baghdâd, en ḏū-1-Qa῾da 494. Ceux des Maghrébins qui ont quitté Baġdād avant moi et qui prétendent avoir appris ce livre, mentent. Parmi ceux qui quittèrent Baġdād avant moi, quelqu’un le copia sur mon exemplaire,
quand j’étais en Andalousie. Il prétendit ensuite qu’il Pavait recueilli de la bouche de l’auteur !

De même, l’ouvrage intitulé « al-ğama῾ bayn aṣ-Çaḥîḥayn » qui a pour auteur Al-Ḥumaydī (Andalous, m.1095), nul Maghrébin autre que moi ne l’a entendu de la bouche du maître, ni ne l’a sorti de Baghdâd. Seul Abū ῾Alī b. Sakara en avait entendu une partie sur cinquante-huit dont se compose l’ouvrage.
Le Maître lui avait défendu d’entendre le reste et l’expulsa pour certaines paroles qu’il avait dites.

(anonyme. II,203-6.)

Des Juifs habitent la campagne (bādiya) et s’y livrent à diverses sortes de négoces. Une partie d’entre eux habitent la ville, mais séjournent longtemps à la campagne.

Doit-on percevoir la capitation sur tous indifféremment, ou seulement sur ceux qui habitent ? Quelle est la quotité exigible ?

Tout Juif mâle, légalement responsable (mukallaf), vivant en relations avec ceux de la campagne et placé sous la loi et la protection de l’Islâm, devra la capitation^ qu’il habite la ville ou la campagne. Le montant de cet impôt est de 4 dinars ou 40 dh au poids légal, par personne et par an.

{Qâsim Al-῾Uqbānī. II,202-3.)

Lorsqu’un sujet ḏimmī se rend coupable envers les Musulmans d’un acte préjudiciable, qui entraîne la rupture de la protection qui lui est due, cette rupture se produit-elle à l’égard de tous ses coreligionnaires ?

Oui. Et si, à la suite de cette rupture, leurs biens leur sont enlevés, on doit leur appliquer la même règle qu’au butin, c’est-à-dire, en prélever le Ḵums. Si cela n’est pas fait, par suite de l’ignorance de ceux qui ont assisté à ceci ou de leurs notables, c’est la règle des biens appartenant à des propriétaires inconnus qui s’applique : ce sera du Fayy à verser au Bayt al-Māl, où il restera sous la garde du Nāḍir de cet établissement, et soumis aux mêmes règles que les biens du BlM.

[Abū Mūḥammad ῾Abd Allah b. Muḥammad al-῾Abdūsī, II, 203.)

Un enfant juif se convertit à Islām, à l’âge de 8 ans. Doit-on le séparer de son père ou de sa mère qui l’élève ?

La question est controversée. Quant à moi, je pense qu’on ne doit pas le séparer de celui qui l’élève, que ce soit le père ou la mère. Quand il avancera en âge, on le mettra en demeure de se prononcer sur sa conversion à l’Islām. S’il y persiste, c’est bien; sinon il sera flagellé, et on continuera ainsi à le frapper jusqu’à ce qu’il se maintienne dans
la religion islamique.

{Ibn Zarb, II, 274.)

On avait fait remarquer à ce jurisconsulte qu’Ibn Kināna va jusqu’à prononcer la peine de mort contre cet enfant, s’il persiste à demeurer dans la religion juive. Il répondit: « C’est un excès de sévérité que je n’admets pas. »

{Ibidem.)

Un Qāḍī est informé qu’une chrétienne a eu pour père un Musulman, qui est mort en la laissant sous la tutelle de sa mère chrétienne. Elle a épousé un chrétien, a eu des enfants, et 20 ans ou plus se sont passés depuis ce jour. Sur la demande du Qāḍī, elle a répondu que son père était chrétien, puis avait embrassé l’Islam, à une époque où elle avait déjà conscience de sa religion. Elle y resta attachée jusqu’au jour où mourut son père, puis elle demeura avec sa mère. Elle déclara aussi que son père avait embrassé l’Islam dans une ville autre que celle où elle résidait. — Les voisins de cette femme ont toujours entendu dire que son père était un chrétien converti à l’Islam, et, durant la vie de celui-ci, ils connaissaient sa fille qui n’était pas, alors, pubère. — A qui incombe le fardeau de la preuve ? Est-ce à la chrétienne de prouver que son père était chrétien, puis s’était converti à l’Islām, ou au muḥtasib, qui a informé le Qâdî ?

Doit-on prendre en considération la déposition des témoins et admettre, comme excuse de leur silence prolongé, leur ignorance de leur devoir en pareil cas ?

Si les faits sont tels que vous les dites, l’aveu de cette chrétienne que son père était converti à l’Islām, lui est opposable. Ainsi, elle est la fille d’un Musulman et se rattache à la religion de celui-ci. Elle ne sera pas crue quant à sa prétention d’être née dans la religion chrétienne, ni quant à la conversion de son père à l’Islam, qui se serait produite à une époque où elle avait elle-même conscience de sa religion ; à moins qu’elle n’ait une preuve testimoniale irréprochable en faveur de toutes ces prétentions.
Quant à la preuve testimoniale dont vous avez parlé dans la question, elle est insuffisante.

A défaut de cette preuve, elle sera traité comme toute fille musulmane qui apostasie. Cependant, dans cette affaire-ci particulièrement, mon opinion est qu’elle sera contrainte d’embrasser l’Islām ; on la mettra constamment à retrait jusqu’à ce qu’elle se fasse musulmane ou qu’elle meure par ce traitement rigoureux. Et cela, à cause du soupçon qui résulte de la déposition des témoins ci-dessus mentionnée, d’après laquelle le bruit public est que son père était chrétien. Selon moi, cette présomption ne suffit pas pour offrir à la chrétienne d’embrasser l’Islam ou de mourir. Sans cela, on lui donnerait cette option et, si elle refuse de se convertir à l’Islâm, on lui trancherait le cou.

Cette question ne peut être solutionnée par Qiyās avec les questions dont parle Mālik, et dans lesquelles la qualité de chrétien du père était établie. Ici, au contraire, la femme sera tenue en vertu de son aveu, par lequel elle a déclaré que son père était musulman ; elle demeurera dans la religion de celui-ci, jusqu’à ce que sa prétention soit prouvée.

{Abū Ibrāhīm. II,269-70.)

SYNAGOGUES JUIVES DU TOUÂT

Aboû Mouhammad *Abd Allah ibn Aboù Bakr Al-Asiioûnî j3»’ ji-aJI), de Touàt S demanda aux jurisconsultes de Tlemcen et de Fâs une consultation sur la question suivante :

« J’ai rendu, sur la demande d’Al-Fiğğīğī une fétwa admettant le maintien des synagogues des Juifs du Touât et des autres localités du Sahara. Mais Al-Maghîli 3 et son fils Sidi ῾Abd Al-Ğabbār m’y contredirent d’une manière telle qu’il faillit en résulter une guerre civile. J’avais examiné les ouvrages d’Ibn *Arafa, d’Ibn Yoûnis, d’Al-Bourzoulî, les seuls que j’avais à ma disposition. Je vis alors que Ton distingue selon qu’il s’agit d’une ville conquise par les Musulmans leles biens, de nous abstenir d’apporter aucune entrave à leurs synagogues ou églises, à leurs vins, à leurs cochons, pourvu qu’ils ne les montrent pas en public. Mais s’ils montraient leur vin, nous aurions le droit de le jeter malgré eux. Sans cette condition, le Mu- sulman qui verserait le vin d’un tributaire, serait coupable d’un acte injuste qui engage sa responsabilité. L’opinion contraire est cependant soutenue également. »

En principe, pour toutes les choses qui relèvent de leur religion, on ne doit pas mettre d’entraves aux infidèles,-du moins tant qu’ils ne s’y livrent pas en public. S’ils le font, on leur donnera des ordres en conséquence.

En tous cas, on ne peut faire cesser de sa propre autorité les choses répréhensibles qu’ils peuvent faire, qu’en suivant les mêmes règles que s’il s’agissait de Musulmans, à savoir:

1** Il faut qu’ils sachent ce qui est convenable et ce qui est répréhensible, car l’ignorant ne sait ni ordonner, ni interdire ;

2** Il faut considérer si, en voulant faire cesser ce qui est répréhensible, on ne se trouve pas amené à faire quelque chose de plus blâmable encore, comme tuer une personne pour l’empêcher de boire du vin. En ce cas, il n’est plus permis de chercher à faire cesser ce qui est illicite. Dans l’espèce présente, la démolition des synagogues peut amener une guerre civile entre Musulmans. De plus, les jurisconsultes sont unanimes à regarder comme un péché la guerre faite aux tributaires qui n’ont pas violé le pacte;

3*» Il faut que celui qui désapprouve soit certain ou au moins ait de fortes raisons de croire que, en faisant cesser ce qui est répréhensible, il le supprimera complètement. Cette condition est nécessaire pour qu’il soit tenu d’agir. Quant aux deux premières, elles ont seulement pour effet de lui permettre d’agir.

Tout ce que vous avez dit, danç le libellé de la question, en fait de preuves et d’argumentation, est entièrement exact.

[Aḥmad b. Muḥammad b. Zakrī at-Tlimsānī tisserand de Tlimsān, devenu élève d’Aḥmad b. Zāġū, Commentateur de la ‘Aqīda d’Al-Hāğib, T. II, pp. 170 à 180.)

Autre réponse à la même question, — La province du Touàt et les autres Qsoûr du Sahara sont des pays musulmans et il ne faut pas y tolérer le maintien des synagogues appartenant à des mécréants, bien que quelques oulémas soient partisans de l’opinion contraire. Il en serait autrement, si ces synagogues ont fait l’objet d’une stipulation expresse dans le contrat, en vertu duquel ils (les tributaires) se sont engagés à payer tribut ; en ce cas, on devra respecter le pacte. C’est la doctrine de la Moudawwana et l’opinion d’Ibn Al-Qâsim. On ne doit pas s’en écarter, vu que cette décision est évidente, claire, à moins qu’il n’appert que c’est en vertu d’une clause de leur pacte que les Juifs du Touât ont édifié ces synagogues; en ce cas on peut suivre Topinion du mouftî (Al-*Asnoûnî) qui en a admis le maintien. Quant à toutes les décisions rigoureuses préconisées par son contradicteur (Al-Maghîlî), elles ne s’appliquent qu’aux tributaires qui ont violé leur pacte.

{Aboâ Mahdî ‘Isa ibn Ahmad al-Mâwâsî. T. II, p. 180.)

Aulne réponse à la même question, du même auteur. — Cette question est traitée dans la Moudawwana^ au chapitre « Du forfait et du louage ». Mâlik y dit que les tributaires ne peuvent construire des synagogues ou des églises nouvelles dans les pays d’Islam, à moins qu’ils n’en aient reçu l’autorisation. La même règles’applique, selon Ibn AI-Qâsim, aux pays conquis par les Musulmans et ayant fait l’objet d’un lotissement entre eux, comme les villes de Postât (vieux Caire), Basra, Koûfa, Ifrlqyya et d’autres villes de la Syrie. L’auteur du Tahdhîb ne vise que le cas de cons-truction de synagogues ou églises nouvelles ; quanta celles déjà existantes depuis longtemps, on ne doit pas entreprendre de les démolir, car les tributaires sont présumés avoir reçu l’autorisation de les élever. C’est seulement quand il est prouvé qu’ils ont agi sans droit, que la démolition devient obligatoire^ car, pour ces établissements, continuer d’exister (sans droit), c’est l’équivalent de commencer à exister. A défaut de cette preuve, on doit présumer l’absence de transgression de la part des tributaires et l’existence à leur profit d’une autorisation à cet effet. Le maintien de ces synagogues ou églises s’impose dans ce cas, c’est ainsi qu’Al-Lakhmî comprend aussi la Mudawwana, La présomption que les tributaires ont agi sans droit est invraisemblable, car ce sont des tributaires, humbles, abaissés : il est peu probable qu’ils aient agi sans droit, sans que personne ait élevé la voix contre eux.

{Le même. T. II, pp. 181-182.)

Examen critique de la Moudawwana, par Khalaf b. Aboû-l-Qâsim al-Baghdâdi (f 982).

Autre réponse d’Ibn Zakri. — Je n’ai pas répondu à votre question, par suite du grand nombre d’occupations qui m’assiègent Tesprit. J’ai reçu également la même question de la part d’Al-Maghîlî. Je n’ai pas d’autre réponse, sur la question, que celle que j’ai déjà donnée relativement à une espèce qui m’a été adressée du Maschriq (Orient), et dont voici les termes :

Un jurisconsulte demande la démolition d’une synagogue appartenant aux tributaires à Jérusalem.

J’ai répondu : « Jérusalem a été prise par les Ṣahāba sans combat; cela est admis sans conteste par tous les historiens. Or, les habitants d’un pays conquis en paix ont le droit de construire de nouveaux établissements pour le culte. Comment, alors, parler de démolir ceux déjà existants avant la conquête? »

Quant aux synagogues des pays sahariens, généralement ces pays sont la propriété des habitants, qui en ont acquis le sol par Iḥyā ou par attribution de lots (ikhlitât). Il est rare que ce soit à la suite d’une conquête pacifique ou par les armes. On ne peut donc avoir aucune raison de démolir les synagogues qui s’y trouvent, à moins de prouver que les Musulmans n’ont cédé la propriété du sol que sous condition qu’on n’y construirait pas des établissements de culte. Cette preuve est nécessaire pour empêcher les constructions nouvelles et rendre obligatoire la démolition de celles déjà existantes. Or, on n’ignore pas que cette preuve n’existe pas. Hors de ce cas, la démolition ne peut être justifiée en aucune façon, à moins que ce ne soit par oppression et injustice envers les tributaires, ou par méconnaissance du caractère légal de l’imposition de la Ğiziya et du contrat par lequel on accorde la Ḏimma ; autant de choses qui sont parties intégrantes de la religion islamique. Par cette méconnaissance, on contredit l’unanimité absolue qui règne à cet égard, et on sait que cela constitue une impiété. Il n’y a jamais eu de dissidence, en aucun temps et en aucun pays, sur le caractère de prescription maschrū῾iyya reconnu à l’imposition de la djizya et à la dhimma que Ton accorde aux tributaires. Il en doit être ainsi jusqu’au jour où Jésus fils de Marie descendra du ciel sur la terre; ce jour-là, on n’accordera plus aucune ḏimma à l’infidèle.

[Ibn Zakrî. T. II, pp. 182-183.)

Autre réponse à la même question. — Les tributaires ne peuvent acheter les terrains défrichés par les Musulmans, en stipulant qu’ils y construiront des établissements de culte. Il est, d’autre part, défendu aux Musulmans de leur vendre les terrains qu’ils ont défrichés ou dont ils ont pris possession, pour qu’ils les affectent à des églises ou à des synagogues.
Mais il n’y a aucun obstacle à ce que ces tributaires achètent des terrains pour y élever des maisons servant à leur habitation, car ils paient la capitation et sont placés sous la protection de l’Islam, ce qui rend illicite de leur faire du mal, d’attenter à leurs biens, à leurs animaux de boucherie ou autres.

Sauf la stipulation d’affecter ces terrains à la construction d’établissements de cultes, qui est interdite, les tributaires ont le droit de faire sur les terrains achetés par eux telles constructions que bon leur semble.

[Mouhammad ibn Qâsim ar-Rassâ’, Tunis, m. 1489

Autre réponse à la même question. — Quiconque a tant soit peu d’intelligence, — car je ne parle pas de ceux qui ont des connaissances juridiques, — en examinant les conditions où se présente la question posée ci-dessus, conditions dont chacune peut tenir lieu de tout le reste, — ne peut être partisan de la démolition des synagogues en question, ni même prononcer ce mot. Il est, en effet, plus opportun d’écarter le mal que de chercher à attirer l’avantage, surtout lorsqu’il y a des indices, des preuves qui interdisent d’entreprendre de faire cesser ce que l’on croit être un mal. 11 en est ainsi, notamment, lorsque, pour faire cesser un mal, on doit tomber dans un mal plus grand ; en ce cas, on doit s’abstenir, y eût-il accord unanime sur le caractère répréhensible de la chose. Or, quels plus grands dégâts peut-on concevoir que la démolition, qui peut déchaîner la guerre civile, celle-ci entraînant à son tour le meurtre des personnes, le pillage des biens, allumant le feu de la guerre entre les créatures d’Allah dans tous les pays? En effet, dès que ce principe est admis et mis en vigueur, il ne cessera pas de se propager d’un pays à l’autre, vu que les méchants et les malfaiteurs se cramponnent au moindre motif qui leur permette de satisfaire leurs mauvais penchants, quand bien même ils sauraient qu’en ce faisant, ils n’obéissent ni à une injonction de faire le bien, ni à une prohibition défaire le mal, de la part de la loi. Comment justifier un pareil acte d’après les principes religieux, surtout quand on a affaire à des cœurs remplis de haine, ce que Ton voit même chez les oulémas qui s’occupent de cette question ?

Mâlik * n’a-t-il pas dit qu’il ne faut pas professer des opinions contraires (à celles qui sont admises), car cela fait naître la haine et la rancune ? Et un autre Imâm a dit :

« Souvent la divergence d^opinion, au sujet d’une chose blâmable ou controversée^ fait tomber dans un péché manif este y de raccord de tous. Garder le silence sur une question, quand on sait que le bien qui peut en résulter n’équivaut pas au mal auquel elle peut donner lieu, est le meilleur parti à prendre. L’homme intelligent, qui désire ressusciter une tradition [sounna) et détruire une innovation blâmable {bid’a), doit d’abord considérer le résultat, la fin,
sans se préoccuper de ce qu’exigeraient les circonstances actuelles. En effet, beaucoup d’affaires de peu d’importance à l’origine deviennent, à la fin, d’une gravité considérable. On se repent alors et l’on s’écrie : « Plût à Dieu que je n’eusse rien fait ! »

Un des plus grands arguments en faveur des synagogues est le silence des oulémas et des hommes pieux de tous les pays à cet égard : ils les ont laissées telles qu’ils les avaient trouvées.

Être d’une opinion contraire à celle de ces hommes, c’est commettre une action répréhensible, car c’est les accuser ou de n’avoir pas fait tout leur devoir, ou d’avoir été ignorants, d’avoir donné naissance à une mauvaise innovation, d’avoir approuvé des choses illicites ou, enfin, de s’être fait graisser la patte ^ Trouver à redire dans la conduite des Imâms orthodoxes, c’est être soi-même un perdu, c’est, par les insinuations de Satan, s’infatuer de soi-même. Accuser les Imâms d’avoir contrevenu à la loi religieuse, c’est encourir une perte éternelle. Le silence des contemporains d’un fait constitue déjà une preuve suffisante, à plus forte raison quand il s’est écoulé des temps dont on ne saurait trouver le point de départ.

Or l’accord des docteurs sur une question en fait la loi.

C’est ainsi que laylat-al-Qadar a été fixée au 27 Ramadan, que les inscriptions sur les pierres tombales ont été autorisées, malgré des hadīṯ en sens contraire.

Bref, la solution qu’il convient d’adopter et sur laquelle on doive s’appuyer, en P espèce présente ^ est qu’il n’est possible en aucune façon de démolir les synagogues en question, quel que soit le lieu où elles sont situées, car c’est un péché, un acte que la loi ne peut permettre. Aucun Musulman ne peut avoir, à ce sujet, un avis contraire. Entreprendre cette démolition, c’est commettre un acte de désobéissance, lors même qu’on serait sur qu’il n’en résulterait pas de plus graves dégâts, car rien ne garantit que ces dégâts ne se produiront pas dans un autre endroit. Telle est la vérité, dont on ne peut s’écarter. Aussi, celui à qui Allah a confié l’autorité sur ses serviteurs, doit-il mettre dans l’impossibilité d’agir* celui qui désire cette démolition et l’empêcher d’arriver à son but, car le mal qui en résulterait dépasserait de beaucoup le bien que l’on en peut attendre.

{Yahyâ ibn Abd Allah ibn Aboû-l-Barakâl. T. II, pp. 183-185.)

Le détenteur du pouvoir est ienu de frapper sur la main de celui qui se dresse pour cela… »

Suit une approbation sans réserve de la réponse ci-dessus par *Abd ar-Ra^mân ibn Sa*ïd.

(Ibidem.)

Suit une critique de la félwa ci-dessus, par Fauteur du recueil, Al-Wanscharîsî^ qui se déclare partisan de la démolition des synagogues du Touât, attendu que ce pays « est un pays d’Islam, fondé par les Musulmans, et qu’il ne peut y être maintenu aucune synagogue au profit des
Juifs maudits, qu’Allah les éloigne ! »

[Ibidem, pp. 185-J88.)

Autre réponse à la même question^. — L’origine des principes qui régissent cette question est dans les hadiths. Anas a raconté, en effet, que le Prophète a dit:

« Démolissez les couvents (A«)^)^etles églises (^). » lia dit encore, d’après *Oumar ibn Al-Khattâb : « Aucune synagogue ne peut être fondée dans Tlslâm, et on ne remettra pas à neuf celles qui seront démolies. » Mâlik rapporte que le Prophète avait fait la prédiction suivante : « Qu’il ne soit pas élevé au milieu de vous une juive ni une chrétienne », ce qui veut dire une synagogue et une église. Toutes ces prophéties seront réalisées.

De même *Oumar ibn Al-Khattâb ordonna la destruction de toute synagogue qui ne datait pas d’avant Tlslâm.

Dans toute ville créée par les Arabes, a dit ibn *Abbâs, les étrangers ne peuvent construire d’églises, montrer en public leur vin, introduire des cochons, ni sonner des cloches.

Par villes créées par les Arabes, on entend 1″* celles qui se sont converties à Tlslâm, comme Médine, le Tâïf et le Yémen; 2® toutes celles qui n’étaient occupées par aucune population et que les Musulmans ont bâties et habitées, comme Koûfa et Basra ; 3® toutes celles qui ont
été conquises par les armes et que l’Imâm n’a pas crû devoir restituer à ses habitants. Quant aux villes conquises pacifiquement, on n’y conservera que les églises ou synagogues qui ont été mentionnées dans le traité de paix.

S’il s’agit de ville conquise par les armes, l’autorisation d’y maintenir les églises ou synagogues doit avoir été donnée au moment même où la conquête a eu lieu. Et si c’est une ville fondée par les Musulmans, cette autorisation doit être contemporaine du premier établissement des tributaires.

C’est ainsi que lorsque les chrétiens de Tunis bâtirent une église dans leur fondouq^ et qu’on leur dénia ce droit, ils produisirent un pacte (ancien), où il était dit qu’on ne mettrait pas d’obstacle à ce qu’ils bâtissent des établissements pour l’exercice de leur culte ^ Si l’autorisation tardive était suffisante, on n’aurait pas dénié le droit en question aux chrétiens, puisqu’ils eussent pu alors obtenir cette autorisation.

D’après le Schaikh Aboû-1-Hasan Al-Maghribî, l’Imâm peut autoriser la construction d’églises ou de synagogues par les tributaires, s’il doit en résulter un avantage pour les Musulmans, par exemple, si ces tributaires sont plus experts que les Musulmans dans Tart de bâtir, de planter,
ou de défricher, etc.

(Tanassî rapporte, ici, en extraits, les opinions de la majorité des jurisconsultes de renom, tels que Mâlik, Ibn Al-Qâsîm, Ibn Rouschd, Ibn Yoûnis, Ibn \\rafa, Al-Lakhmî, etc. Naturellement, il ne cite que ce qui vient à l’appui de sa thèse.)

A la question suivante : « Doit-on démolir une synagogue, ^jlJ^ [Schnoûgha)^ dont on a démontré la construction récente ? », les membres du conseil de Cordoue ont répondu en ces termes:

« La synagogue sera démolie après VFdâr {interpellation JinaleY^ car les lois musulmanes ne permettent pas aux tributaires juifs ou chrétiens l’édification de nouvelles synagogues ou églises dans les villes de Tlslâm, ni au milieu des Musulmans. »
Oubaid Allah ibn Yahyâ ; — Mouhammad ibn Loubâba ; — Ibn Ghâlib ; — Ibn Walîd; — Sa’d ibn Mou^âd ; — Yahyâ ibn \\bd Al-Azîz; — Ayyoûb ibn Soulaimân ; — Sa*îd ibn Djoubair.

Qâsim ibn Sa*îd Al-‘Ouqbânî se montre très sévère envers les Juifs du Touât, « qui sont, dit-il, sortis des limites de l’humiliation ». Il leur prédit un grand châtiment pour le jour de la résurrection et ajoute : « Les Juifs du Touât, quand ils partent actuellement en voyage, montent à cheval, en selle de prix, revêtent de beaux costumes, se parent comme les Musulmans, en mettant des bottçs, des éperons, se coiffent du turban, autant de choses qui constituent un péché odieux et une action détestable. Il convient de donner tous les ordres possibles pour faire cesser ce état de choses.

« Pour légitimer leur conduite, les Juifs prétendent qu^ils craindraient pour leurs personnes et leurs biens, s’ils laissaient apparaître (en voyage) les marques distinctives qui permettent de les reconnaître. Ce sont des menteurs, vu que nous avons été témoins de la pleine sécurité dont ils jouissent auprès des Arabes, bédouins ou citadins, à cause des profits que ces derniers espèrent retirer d’eux. Si bien que l’Arabe consentirait à périr lui et toute sa famille pour sauver le Juif qu’il accompagne. Il ne reste plus alors, que ce fait que les Juifs, voyant la liberté à eux laissée par les chefs arabes, qui ne les désapprouvent pas, se sont permis de s’habiller à la manière la plus élégante des Musulmans.
En effet, ils n’agissaient pas ainsi dans les villes, — qu’Allah les extermine et honore Flslâm par leur humiliation et leur abaissement! Aujourd’hui ces Juifs sont encore allés plus loin dans cette voie. Puisse Allah remettre la fracture de rislâm! car les cœurs des rois sont entre ses mains. »

Voici d’ailleurs une question analogue soumise au jurisconsulte Aboû-l-Qâsim Al-*Abdoûsî :

« Dans un village récemment fondé par les Musulmans, les Juifs — qu’Allah les confonde ! — ont bâti une synagogue et se sont mis à pratiquer leur culte polythéiste (širk). Il en futainsi jusqu’au jour où un homme de science et de religion ordonna la destruction complète de cette synagogue, ce qui fut fait. Les Juifs demandent maintenant à reconstruire leur synagogue ; mais il n’y a en leur faveur aucune stipulation, à cet égard, dans la convention relative à la dhimma et à la ğiziya. Faut-il faire droit à leur demande ?

« Les Juifs ne peuvent ni construire une nouvelle s\Tiagogue, ni réparer celles existant déjà, dans aucun pays d’Islam. Telle est la doctrine de Mâlik, rapportée par Ibn Al-Qâsim, au chapitre du forfait et du louage de la Moucfawwana. S’ils le font malgré la défense à eux adressée, ce sera de leur part une violation du pacte. En conséquence, il sera permis aux Musulmans de s’emparer de leurs biens, leurs enfants et leurs femmes, de la même manière que s’il s’agissait d’ennemis en pays ennemi. »

Après avoir affirmé que les rites Malékite, Schâfi*îte, Hanbalite, Hanafite et Dhâhirite sont d’accord sur la question, Tanassî ajoute : « Tout Musulman qui en a le pouvoir doit s’employer, dans toute la mesure de son possible, à démolir la synagogue de Tamantît. Il doit y dépenser tous les efforts qu’il peut fournir, car c’est un acte de la plus méritoire des guerres saintes. Quiconque met obstacle à cette démolition, tombe sous le coup de la réponse de rimâm du Maghreb, Al-‘x\bdoiisî, qui le déclare infidèle [kâfir) ou au moins pécheur (fâsiq j^U)^ ce qui entraîne sur lui la malédiction d’Allah, des anges et des hommes tous ensemble.

Les Juifs ne peuvent arguer de leur longue possession (5;L>- ‘hiyâza)j car cela peut avoir, au plus, pour résultat de faire reconnaître à leur profit un droit d’usufruit sur la chose possédée. Or, ils seraient propriétaires de cet usufruit, en vertu d’une donation^ qu’ils n’auraient pas de ce chef le droit de bâtir une synagogue, par égard pour les droits de rislâm. Comment leur reconnaître ce droit, quand ils n’ont que la possession^ qui est moindre que la propriété évidente (^t^r*** ^>^)- D’autant plus que les textes de la doctrine sont d’accord pour dénier tout effet à la possession, quand il s’agit de choses sur lesquelles s’exerce le droit d’Allah, comme les habous. Au contraire, d’après ces textes, ce droit est imprescriptible, même s’il est intervenu une décision judiciaire (en faveur du possesseur).

Les Juifs ne peuvent non plus tirer argument de ce que beaucoup de synagogues existent dans beaucoup de villes, car l’existence prolongée ou la fréquence de ce qui est illicite n’influent en rien sur les règles qui le gouvernent. En effet, il n’y a pas d’acte illicite plus grave que l’inobservation de la prière, qui entraîne la peine de mort. Or, en Orient comme en Occident, beaucoup de personnes n’observent pas la prière ; cela n’empêche pas] que les docteurs indiquent comme obligatoire la mise à mort du coupable. Ils ne tiennent aucun compte du grand nombre de ceux qui tombent dans ce péché. De même, ils interdisent la construction des synagogues et ordonnent la démolition de celles qui sont déjà bâties, sans prendre en considération le grand nombre, ni l’existence prolongée de ces établissements. Les textes qui imposent ces décisions ne peuvent être méconnus que par celui qui traite de mensongère la loi religieuse et travaille à la démolir.

(Abū ῾Abd Allah Muḥammad ibn ῾Abd Allah ibn ῾Abd ağ-Ğalīl At-Tanassī, m.1494, II, 188 -201)

Approbation de la fétwa ci-dessus, par Tlmâm Aboû ‘Abd Allah Mouhammad ibn Yoûsouf As-Sanoûsî Tlemcen 832/1428 -895/1499, qui fait le plus grand éloge de Tanassî, et recommande à Al-Maghilî et à la population de Ṭamanṭīṭ d’agir en conformité de la fétwa ci-dessus.

{Ibidem, p. 202.)

MEURTRES, COUPS ET BLESSURES AD-DIMA

MEURTRE

La simple accusation de meurtre est-elle suffisante ?

L’accusé sera gardé longtemps en prison, puis remis en liberté, après avoir prêté 50 serments qu’il n’a pas tué la victime, ni aidé, ni ordonné, ni coopéré, ni assisté à son meurtre, qu’il est innocent. Il jurera comme s’il s’agissait d’un serment d’accusation non prouvée (Yamūn at-tūhma).

Si la victime était un esclave, il jurera seulement qu’il ne l’a pas tuée et sera tenu quitte.

(T. II, p. 251.)

La déclaration de la victime sera toujours admise, quand elle modifie la désignation de son meurtrier ; par exemple si, ayant désigné un individu, elle le décharge en désignant un autre, puis revient au premier, ou toute autre combinaison possible.

{Ibn Al Māğišūn, t. II, p. 233.)

Un individu désigne un autre comme étant son meurtrier ; mais les témoins ont déclaré, dans l’acte de la tadmïa (accusation de meurtre), que la victime avait d’abord désigné un autre individu et que, questionnée à ce sujet, elle avait répondu : « J’ai dit cela, parce que je craignais que mon agresseur ne revînt m’achever. » — Que décider ?

La déclaration des témoins, consignée dans l’acte de tadmïa le rend nul (Ji»l» bâfil) ; on ne peut plus s’appuyer sur cet acte, pourvu que les témoins en question soient irréprochables. En effet, la déposition des témoins comprend aussi que la victime avait d’abord désigné un autre individu comme étant son meurtrier. Or, il y a dans cette désignation une décharge en faveur du meurtrier désigné en second lieu.

La déclaration de la victime qu’elle craignait qu’en désignant le vrai meurtrier, celui-ci ne l’achevât, ne sera pas crue ; car ce cas est analogue à celui où une personne donne à une autre décharge d’un droit, puis vient le réclamer en disant : « Je ne l’ai déchargé que pour telle raison. » Elle ne sera pas admise à faire valoir cette excuse et elle n’a pas le droit d’accuser un innocent. De plus, ayant avoué elle-même qu’elle n’a pas craint d’accuser tout d’abord un innocent, nous la suspectons quant à la seconde accusation qu’elle a formulée. La tadmïa étant ainsi annulée, l’individu qui y est désigné se trouve dans la situation d’un homme sur qui pèsent de graves présomptions, mais non une preuve {bayyina). On le soumettra alors à une longue détention.

{Ibn Rušd. T. II, pp. 240-241.)

Un individu ayant dit : « Mon sang est à la charge d’un tel », un de ses parents se hâte de tuer ce dernier, ayant que la qasâma (serment par cinquante formules) ait été prêtée.

Doit-on tuer ce parent, ou bien échappe-t-il au talion, quand IdL qasâma est prêtée par les parents restant?

Il sera tué, caria ^a^dma avait précisément pour but de lui donner droit au sang du meurtrier, non de le lui défendre.

(T. Il, p. 246.)

Un individu meurt, après avoir désigné son meurtrier. Celui-ci étant absent, les parents delà victime demandent à être autorisés par le Qâdi à prêter la qasâma et à ce qu’il leur soit donné acte du meurtre de leur parent. Cela est-il possible ?

Les parents ne peuvent prêter la qasâma qu’en présence de l’accusé, et quand on aura connu les arguments de celui-ci.

{Ibn flabîb. T. II, p. 233.)

Des individus s’accusent réciproquement d’un meurtre et sont emprisonnés de ce chef. Doivent-ils être relaxés, s’ils se sont réconciliés dans la prison et sont revenus sur leurs précédentes déclarations ?

Oui. Mais Yahyâ ibn *Abd Al-‘Azîz dit que le Qâdî doit trancher le différend entre le demandeur et le défendeur. Si chacun se désiste de sa prétention et renonce à prouver sa demande, les qâdîs ne sont pas tenus de contraindre les gens à revendiquer leurs droits, à moins, toutefois, que le qâdî n’ait conçu des doutes à leur sujet, à raison des renseignements à lui fournis sur ces personnes, par un témoin. S’il n’a pas d’autres (éléments d’appréciation) que leurs prétentions respectives, aucune voie n’est ouverte contre eux.

(T. II, pp. 226-227.)

Si la victime d*un meurtre ne laisse pas de ‘âsibs [agnals)le Sultan peut exercer le talion contre le meurtrier, mais non lui pardonner, car il ne convient pas à Tlmâm de laisser impuni le sang d’un Musulman.

Telle est l’opinion d’Ibn Al-Qâsim et d’ibn Rouschd.

(T. Il, p. 349.)

Un individu ayant des parents et des enfants en bas âge est tué par un autre individu, qui lui-même meurt victime de la main d’un troisième. Que décider ?

Les parents de la première victime auront le droit de tuer le meurtrier (le troisième), à moins que les parents du second ne leur donnent satisfaction, ou obtiennent d’eux le pardon ou la transaction.

Selon *Abd Al-Mâlik, on attendra (la majorité) des enfants (mineurs).

[Aboâ ‘Alî ibn Wlawân, II, 219)

Un individu, qui a avoué avoir commis un homicide volontaire, bénéficie d’un pardon. S’il rétracte, parla suite, son aveu, cesse-t-il d’être soumis à la flagellation et à la prison ^ ?

Al-Bâdjî dit, d’après Ibn Al-Qâsim et Aschhab, que celui qui reconnaît avoir tué, puis bénéficie d’un pardon, sera flagellé et incarcéré. Il en est ainsi, ajoute Aschhab, comme de toutes les autres peines corporelles. Sur ces derniers mots, Ibn *Arafa dit : « Aschhab veut dire que la prison et la flagellation cessent d’être applicables, si le coupable revient
sur son aveu. Jugé dans ce sens, à Tunis, à la fin du septième siècle (de Thégire).

{Aboû Mouhammad. T. II, p. 253.)

L’accusé, qui avoue avoir commis un meurtre volontaire ou un adultère et qui se rétracte ensuite, échappe t-il à la flagellation et à la prison ?

Oui, car il s*agit d’une peine corporelle définie, infligée pour le compte d’Allah, et dans laquelle aucun être humain n’est intéressé.

{Aboû ‘Alī ibn ‘Alawân. T. II, pp. 219-220.)

Deux individus montaient la garde pendant la nuit. L’un d’eux quitte son compagnon, puis revient vers lui avec les allures d’un voleur et tend son épée dans sa direction, pour s’amuser. L’autre, le prenant pour un véritable voleur, lui porte un coup de lance et le tue. Que décider?

Son sang restera impuni (j-^hadar). Cette décision, donnée par un jurisconsulte de Qairawân, est contredite par Aboù Imrân, qui assimile cette question à l’homicide involontaire et met la dïa à la charge de la ‘âqila.

(T. II, p. 236.)

Un mari et sa femme se couchent ensemble sur un même drap isJ^ Hhâf)^ ayant entre eux leur enfant; celui-ci est trouvé mort le matin sans qu’on sache lequel, de son père ou de sa mère, s’est couché sur lui.

Il n’y a pas de texte sur la question. A mon avis, c’est un hadar (sang versé impunément).

{῾Izz ad-Dīn Abū ῾Abd Allah Muḥammad b. ῾Abd As-Salaman,Tunis, m. 1348, II, 235)

Cette opinion est partagée par Ibn *Arafa.

{Ibidem.)

L’auteur d’un homicide par imprudence, qui ne trouve pas d’esclave à affranchir et qui ne peut jeûner pendant deux mois *, peut-il y substituer Vifâm (fUtl repas donné aux pauvres) ?

Le mouflî qui rend une consultation juridique dans ce dernier sens recevra l’ordre de ne plus le faire, et s’il persiste, on lui fera subir une correction douloureuse. De plus, il sera fait défense aux gens de rester en sa compagnie et d’accepter ses paroles.

{Ibn Al-Fakkhâr. T. II, p. 233.)

Un individu jette une pierre et atteint une femme inconnue, qui en meurt, sans avoir accusé personne de son sang. On ne connaît à cette femme ni domicile, ni parent. Les témoins de cette scène ont déclaré ignorer si l’individu a atteint la femme volontairement ou par imprudence. Le meurtrier, qui a fait un mois et demi de prison, demande qu’on examine son cas et nie la déposition faite contre lui par les témoins, lesquels d’ailleurs ne sont pas irréprochables.

Il y a divergence sur ce qu’on entend parlawlh {Ifj} présomption grave). C’est, dit-on, le témoin unique irréprochable^ le lafîf (u.i-À!)3, \q groupe de témoins reprochables.

Si on ne peut espérer établir le caractère irréprochable de ces témoins, je trouve qu’il est bon de déférer le serment, « par Allah », à l’accusé, qui jurera de n’avoir pas lancé la pierre en question et que le fait affirmé par les témoins ne s’était pas produit. Cette opinion est celle d’Ibn *Attâb. Si le lafîf est considéré comme une présomption grave, alors l’accusé prêtera le serment qasâma, et la dîa sera à la charge de sa ‘ûqila^ si cela est réclamé par quelqu’un dont la parenté (avec la victime) est certaine.

D’après Ibn Loubâba, la qasâmane peut être déférée en faveur de celui qui n’a pas de walî {^}^ parent chargé d’exercer le talion ou de réclamer la rf/a, prix du sang).

D’après Ayyoûb ibn Soulaimân, si cette femme n’a pas déparent {walî), tous les Musulmans sont ses parents et hériteront de son sang (du droit de le venger), comme ils héritent de ses biens. Ainsi, la femme en question n’ayant aucun parent proprement dit, le détenu prêtera cinquante serments qu’il n’a pas atteint volontairement la femme avec la pierre ; la dïa sera alors à la charge de sa ‘âqila. Il sera gardé en prison jusqu’à ce qu’il prête les cinquante serments : ainsi le sang d’un Musulman ne sera pas versé impunément. Au contraire, si la femme a un walî (proche parent), c’est lui qui prêtera les cinquante serments.

Le Sultan, dit le jurisconsulte Yahyâ, d’après Ibn AlQâsim, n’a pas le droit de pardonner au meurtrier de celui qui n’a pas laissé de parents. De même il exigera (comme dans l’espèce présente) le serment de celui qui est en prison sous l’inculpation de meurtre, établie par une bayyina (preuve testimoniale) irréprochable. Il n’y a pas de texte sur la question.

(T. II, p. 227.)

principe, pour que la preuve par laftf soit admise, il faut au moins le
concours de douze personnes quelconques. Ainsi, six de ca personnes équivalent à un témoin honorable ( J-^ *Adl).
Un individu était debout sur un mur, lorsqu’un autre individu jeta sur lui un objet. Il s’écarta pour l’éviter, tomba, devint malade, puis mourut. Que décider ?

Ses héritiers auront le droit de mettre à mort le coupable, après qu’ils auront affirmé par cinquante serments, au nom d’Allah, que c’est à cause de la chose lancée contre lui que leur parent s’est écarté, que c’est pour s’être écarté qu’il est tombé, et que c’est de sa chute qu’il est mort.

CIsd ibn Miskîn. T. II, p. 236.)

Une affaire semblable ayant eu lieu à Tunis, Ibn Wrafa décida que ce n’était pas un homicide par imprudence et qu’il n’y avait pas lieu de prononcer une condamnation.

(Ibidem.)

Un individu place une pierre sur le haut d’un mur, pour son propre usage; elle tombe sur des individus assis au pied du mur et en tue un. Est-il responsable ?

Non, s’il avait le droit de faire ce qu’il voulait faire.

(Aboâ ‘Ali ibn ‘Alawân. T. II, p. 220.)

Une femme portant six blessures au corps déclare à des témoins que c’est son mari qui Ta ainsi blessée volontairement et par méchanceté ; qu’elle le rend responsable, si elle meurt des suites de ses blessures, lesquelles, d’après la constatation des témoins, ne sont pas de celles que l’on peut se faire à soi-même. La femme meurt quatre jours après, laissant comme héritiers sa fille, son mari qu’elle a accusé de son meurtre, son frère consanguin. Le mari, à la suite de cette accusation, a disparu. Une pièce établit que ceux qui ont le plus de droit à réclamer la vengeance du sang de la femme sont son frère consanguin et le fils de celui-ci, étant les plus proches agnals (w^l^ ‘âsib) connus. Au cas où la qasâma (serment par cinquante formules) est déférée, le mari aura-t-il sa part d’héritage (dans la succession de sa femme) ?

La désignation que la femme fait de son mari comme étant son meurtrier est plutôt faible et ne peut servir de base à l’application du talion, car, de par le Qoran, le mari a le droit de frapper sa femme, ce qui peut parfois entraîner la mort. 11 en serait autrement, si la femme disait que son mari Ta frappée avec une épée, une lance, ou un couteau, et si la trace des blessures en témoigne. La tadmïa (accusation articulée par la femme)” est valable quand elle a été faite en présence du mari ou, — si celui-ci a fui comme c’est le cas ici, — quand le signalement donné par les témoins de la iadmïa répond au signalement particulier de l’accusé. En ce cas, la qasâma sera déférée aux walîs (représentants) de la femme, en ces termes : « Nous jurons qu’un tel, dont le signalement qui est dans le présent acte est celui de l’accusé par la Iadmïa^ a fait à notre parente, son accusatrice, — par méchanceté et volontairement, ce qui entraîne application du talion, — les blessures décrites (dans cet acte) ; nous jurons qu’elle est morte de ces blessures. » S’ils prêtent ce serment dans toute sa teneur, ils auront le droit de mettre à mort l’accusé, pourvu que son signalement réponde à celui de l’acte et qu’il ait reconnu être celui que sa femme a désigné comme étant son meurtrier.

Quant à la part de l’héritage qui doit revenir au mari il en sera privé, si le droit de réclamer sa mise à mort est établi, qu’il ait effectivement subi le talion, ou bénéficié d’un pardon. Dans ce dernier cas, il encourra une flagellation de cent coups et une année de prison.

Si la condamnation à mort n’a pas été obtenue contre lui, il aura sa part d’héritage, après avoir prêté cinquante serments, vu l’accusation qui pèse sur lui. S’il refuse de jurer, il sera gardé en prison, jusqu’à ce qu’il consente à le faire.

{Ibn Al’Hâdj. T. II, pp. 228-229.)

On doit éviter de frapper les enfants, pour les corriger, quand on est en colère, ou sur la tête, ou sur le visage. On doit employer un nerf de bœuf assez mou attaché à un bâton.
Si le maître crève l’œil de Tenfant ou lui casse un bras, en Tatteignantavecle bâton, la dia sera à la charge de Wâqila (du maître). Si l’enfant meurt, c’est encore la ‘d^Z/aquipaiela rffa, avec serment, et le maître devra la kifâra (expiation). Si le maître a frappé, dès le début, avec un bâton ou le manche de la dirra (5;^, nerf de bœuf), et que la mort de Tenfant s’ensuive, c’est le talion (qisâs [^\^) qu’on appliquera au maître, car il n’avait pas le droit de se servir de bâton ou de manche en bois.

[Al-Qâbisî. T. II, p. 214.)

Un homme passe la nuit en bonne santé dans sa maison et déjeune (le lendemain) chez sa femme dans cette même maison. Depuis qu’il a pris ces aliments, il se sent de violentes douleurs et, des personnes étant venues le visiter, il leur déclare que sa femme l’a empoisonné et les prend à témoin que son sang est à la charge de sa femme, s’il vient à mourir de son mal. Doit-on déférer la qasâma et présumer dans cette affaire Tintention de nuire {‘^^^^’amd}^ — ce qui entraîne le talion, — ou l’imprudence (Uaî>- khatâ), qui exclut le talion ?

Si les parents de la victime refusent de prêter le ser- ment par cinquante formules (7 asdma), peut-on le référer au défendeur?

Cette question est controversée. Ibn Al-Qâsim et Asbagh disent que le représentant de la victime prêtera la çasdma sur la déclaration de celle-ci, et aura droit à la mise à mort de la femme.

D’après Ibn Kinâna, cette espèce ne comporte Tapplica tion ni de la peine de mort, ni la qasâma. Cette opinion est approuvée par Ibn Rouschd. D’après l’autre opinion, la femme encourra la prison prolongée et un châtiment douloureux.

{Aboû ^Abd Allah Mouhammad ibn Yaqoûb Al-Batoat, II,231-232.)

Un individu présente à un autre de la nourriture, dans laquelle il lui a mis du poison. L’autre, s’en étant aperçu, détourna l’attention de son hôte et amena devant lui le côté^ qui lui était destiné. Celui-ci mange et meurt. Que décider ?

L’auteur de cet acte sera mis à mort.

{Ibn ‘Arafa. T. II, p. 235.)

Un individu, ayant perdu certains objets, « lit dans la farine^ » et la fait manger à des personnes qu’il soupçonne. Parmi celles-ci se trouvait une femme enceinte, qui a dit : « Si vous m’en faites manger, je mourrai. » On la fit manger et elle mourut. Que décider ?

Cet individu n’encourra qu’une simple correction (w>^l adab).

(Ibn \Arafa. T. II, p. 235.)

Un individu se rend à Mahdia^, puis revient chez lui et on n’a plus de ses nouvelles. Des personnes ont témoigné qu’il existait, entre lui et quelques hommes déterminés, une inimitié et que ce sont eux qui l’ont tué. D’autres ont témoigné qu^ils ont appris par commune renommée fp^ ^li), qu’il n’a pu avoir d’autres assassins. Que décider?

Si l’ensemble des circonstances probantes {^\^ Qarâîn) est évident et si l’accusation est forte, les accusés seront gardés longtemps en prison, jusqu’à ce que leurs familles souhaitent leur mort. Alors, chacun d’eux prêtera cinquante serments et sera élargi.

D’après Al-Lakhmi, la commune renommée est une grave présomption qui rend obligatoire la mise à mort (de l’accusé). D’après cette opinion, on doit appliquer la mort dans l’espèce présente, si cette présomption est grave.

{Al’BoânîK T. II, p. 214.)

la suite d’une rixe, un individu se présente atteint d’une mounghala (<i*^, ulcérée, nom d’une blessure spéciale) et en accuse un autre individu, qui l’aurait blessé avec un bâton qu’il avait en main. L’accusé reconnaît, ainsi que deux autres témoins, qu’il y a eu rixe, mais il nie avoir porté le coup.

Si les deux témoins reconnaissent que la rixe a eu lieu et que le plaignant, en y prenant part, était intact /^^ salîm)^ et qu’en se retirant il était blessé, le prix du sang sera à la charge de celui qu’il accuse de lui avoir porté le coup et de tous ceux qui l’accompagnaient. Il en serait de même s’il s’agissait d’une rixe entre deux groupes ; le talion ne peut être appliqué à Tun d’eux individuellement que s’ily a un témoin à ce sujet. Hors de ces cas, ce n’est plus qu’une simple allégation : s’il y a preuve, on applique le talion; sinon, le défendeur prêtera serment et sera acquitté.

{Al’Bardjînî. T. II, p. 217.)

Un individu se cramponne à un autre et Taccuse de lui avoir fait tomber ses dents de devant d’un coup de pierre. L’autre répond : « Il m’a lancé une pierre ; je lui en ai lancé une autre, laquelle, après avoir touché le sol, est venue l’atteindre à la bouche. » Puis, après un silence, il ajoute, sur une explication à lui demandée, que l’accident était arrivé pendant qu’ils s’amusaient. La victime prétend qu’il y a eu intention criminelle. Que décider, si la victime prétend que le coup a été si violent, qu’elle a avalé une des dents tombées et que cela lui cause des douleurs au ventre?

Le talion (^j^Laï, qi^âs) sera appliqué dans la mesure des aveux faits par le coupable et après serment de la vicUrne qu’il y a eu de la part de l’autre intention de nuire.

{Ibn Rouschd. T. II, p. 212.)

Deux individus, nommés, l’un Aboû-1-Walîd, l’autre *Abd al-Malik, ont eu ensemble une rixe, dans laquelle le premier blessa le second d’un coup de couteau. *Abd al-Malik (le blessé), qui était accompagné d’un de ses parents, nommé *Oumar, se meta la poursuite de l’agresseur, Aboû-1-Walîd. En chemin, il rencontre le frère de ce dernier, le nommé Mouhammad, qu’il blesse, pendant que son parent ‘Oumar le lui tenait. Mouhammad désigne ces deux individus comme étant ses meurtriers. De son côté, ‘Abd al-Malik (le premier blessé) accuse Aboû-1-Walîd (le premier agresseur). Les deux ladmïas (accusations) sont prouvées. Mou^iammad est mort des suites de ses blessures, et son frère, Âboû-1-Walîd, réclame son sang à *Abd al-Malik et à son parent ‘Oumar. — *Abd al-Malik sera-t-il mis à mort avant qu’il soit guéri de ses blessures, dont il a accusé Aboû-1-Walîd, et après la qasâma prêtée par Aboù-1-Walîd et ses parents ? Faut-il, au contraire, attendre qu’il soit guéri et le garder provisoirement en prison ?

*Abd al-Malik ne sera pas mis à mort, sur la prestation de la qasâma, tant qu’il n’est pas guéri des blessures dont il a accusé Aboû-1-Walld. Autrement, ce serait enlever à ses parents le droit qu’ils auraient (s’il devait mourir de ses blessures) de prêter la qasâma contre son meurtrier.
La solution qui s’impose est donc d’incarcérer les Irais accusés, Aboû-1-Walîd, ‘Oumar et ‘Abd al-Malik. Si ce dernier guérit de ses blessures. Aboii-1-Walîd prêtera, avec ses parents, la qasâma, et tous mettront à mort ‘Abd al- Malik et ‘Oumar.

Si, au contraire, ‘Abd al-Malik meurt des suites de ses blessures, Aboù-l-Walîd et les siens prêteront la qasâma contre ‘Oumar et le mettront à mort. De même, les parents d’Abd al-Malik prêteront la qasâma contre Aboù-l-Walîd et le tueront.

{Ibn Rouschd. T. Il, p. 246.)

Le mari a-t-il le droit d’infliger une correction à sa femme ?

Oui, cela est écrit dans le Livre d’Allah (le Qoran). La correction sera proportionnée à la faute. Si le mari crève l’œil de sa femme, c’est un accident dû à l’imprudence et qui restera à la charge de la ‘âqila (<Aïl^ i). Si la femme nié ce que son marî lui reproche, celui-ci devra d’abord, avant de tendre la main sur elle, faire constater la chose par la famille ou les voisins. Si la chose n^est pas susceptible d’être divulguée, c’est un malheur, et le mari n’a qu’à se retenir ou à corriger modérément sa femme. Il la traitera comme un maître d^école traite ses élèves, sans colère ni emportement. C’est ainsi également qu’il doit agir envers son esclave, homme ou femme, qu’il punira en proportion du délit, car Allah aime la modération en tout.

{Al’QâbisLT. II, p. 213.)

Un homme a été blessé à la tète par un autre d’une blessure qui a mis les ois du crâne à nu ^ et qui a été constatée par témoins. L’agresseur prétend que c’est la victime elle-même qui a aggravé sa blessure. Qui croire?

Si la preuve écrite est établie par une bayyina^, et que la trace de la blessure puisse être constatée, la prétention du coupable ne sera pas admise. S’il y a doute, c’est à la victime à jurer qu’elle n’a point aggravé sa blessure directement ou par l’intermédiaire d’un autre.

{Al’Abyânî. T. II, p. 220.)

Un individu, en train de fendre du bois, avertit les enfants qui Fentourent qu’un éclat de bois peut les atteindre. Que décider si un de ces éclats crève l’œil à un de ces enfants ?

Si les enfants avertis sont âgés, pas de responsabilité. S’ils sont en bas âge, la dïa de l’œil crevé sera à la charge de la ‘âqila.

{Al’Abyânt. T. II, p. 220.)

PRIX DU SANG-— TALION

Un individu, victime d’un homicide volontaire, laisse des enfants en bas âge et des agnals Çâcibs) majeurs. Qui exercera le droit d’exiger le talion ou la rfïa, ou de pardonner ?

On attendra que les enfants aient atteint leur puberté. Il ne sera pas permis aux agnals de prêter le serment {qasâma) et d’exercer le talion, car les enfants ont plus de droit qu’eux à réclamer le sang (de leur père), à jurer par cinquante formules, enfin à pardonner.

{Ibn Rouschd. T. II, pp. 237-240.)

Celle quesliortj qui s*élait posée à Cordoue en Pannée 5i6 de r hégire; esl resiée célèbre dans les réperloires delà jurisprudence musulmane^ parce qu’lbn Rouschd a eu Paudace de décider dans un sens conlraire à l’opinion de Malik et des adeptes de celui-ci.

Un individu, tenu avec d’autres au paiement de la d/a, peut-il payer sa part contributive aux parents de la victime et être ainsi quitte dans ce monde et dans l’autre ?

Cet individu qui, s’il payait en même temps que la ^âqila, jouirait d’un délai de trois ans, a le droit de devancer le moment du paiement! Si on accepte de lui^ il est quitte ; sinon, il n’y a pas de mal (à ce qu’il garde le montant de sa part), si les parents de la victime lui en ont fait abandon et permis d’en user, pourvu, toutefois, qu’ils déduisent sa part de ce qui reste à la charge de la ‘âqila.
Mais si ce refus a pour motif l’ignorance, les parents de la victime exigeant de lui ce qui est dû par un autre, il ne sera pas tenu au delà de sa part. Si on refuse de l’accepter, il en consignera le montant entre les mains d’un homme de confiance {amin), ou, s’il le préfère, le gardera par devers lui. Cette détention ne lui préjudiciera pas, car, au cas même où la perte serait arrivée entre les mains de l’a/n/n, il n’en aurait pas été déchargé ^ ; à moins que la somme n’ait été placée en séquestre entre les mains d’un homme honorable de confiance, par ordre d’un juge également digne de toute confiance ; dans ce cas, chaque paiement fait à l’échéance {^ nadjm) libère d’autant le débiteur, ou bien lorsqu*on n’espère plus voir se produire une réclamation (de paiement). Dans ce cas, il aura le choix de distribuer cette somme (non réclamée) en aumône, au nom de ceux qui y avaient droit, ou d’en faire ce qu’il veut. En tout cas, la somme doit être remise à celui qui vient la réclamer.

Toutes ces règles ne s’appliquent qu’au cas où la victime a une ‘âqila. Au cas contraire, rien n’est dû par le coupable en question, ni par aucun autre de ses parents.

{Al’Qâbisî. T. 11, p, 222.)

Un individu est tué, ne laissant pas d’autres héritiers que sa tribu ; comment se fera le partage de sa dïa ?

L’Imâm convoquera toutes les fractions de la tribu à laquelle appartenait la victime et sa dïa sera partagée (comme charge) entre leurs pauvres et leurs riches.

{Ibn Loubâba. T. II, p. 230.)

Un homme blessé à mort fait donation de son sang’ à un individu étranger à sa famille. Le blessé meurt et sa succession est recueillie par son père qui a ratifié la donation faite par son fils. Le meurtrier, qui reconnaît avoir commis le crime, transige avec le père de la victime. Le donataire, qui attaque aujourd’hui la transaction consentie par le père, sera-t-il recevable en sa demande ?

C’est au donataire qu’il appartient, en vérité, d’exercer le talion ou de réclamer la dïa. Les père et mère (de la victime) n’ont absolument rien à faire valoir à cet égard. Si la transaction (intervenue entre le donataire et le meurtrier) a eu lieu moyennant paiement de la dïa, on examinera si le montant de cette dïa est égal ou inférieur au tiers^ de la succession du défunt: dans ces deux cas, le donataire seul y aura droit. Si elle (la dïa) est supérieure au tiers, seule cette dernière quotité appartient au donataire : l’excédent revient à la masse successorale, à moins que les héritiers ne le ratifient en faveur du donataire.

rAbd Allah Mouhammad Al-Abdoûsî. T. II, p. 232.)

Une guerre éclate entre deux tribus, qui se séparent en laissant un mort, et chacun de ceux qui appartiennent à la tribu qui a tué déclare n’avoir pas pris part au combat. Les témoins attestent seulement qu’ils ont vu le combat, et qu’il a abouti à la mort d’un homme appartenant à telle tribu. La dïa sera-t-elle exigée de toute la tribu ou seulement de ceux contre qui existe un témoignage qu’ils ont pris part au combat ?

On ne réclamera la dïa qu’à celui qui a assisté au combat. Si le fait delà rencontre étant constant, les deux tribus nient les blessures ou les morts qu’elles se sont faits réciproquement, le sang de chacune d’elles sera à la charge de l’autre, si toutes deux ont agi injustement. Si chacun (des blessés) se saisissant de l’un des adversaires prétend que c’est lui qui l’a blessé, il prêtera serment et exercera le talion sur lui. S’il ne connaît pas celui qui l’a blessé, il prêtera serment sur chacun des adversaires, affirmant que sa blessure a été causée par le parti adverse, mais qu’il ne connaît pas précisément l’auteur de la blessure. Les serments étant ainsi prêtés, chacun des deux partis sera responsable des blessures de l’autre. Telle est l’opinion d’Ibn Al-Qâsim, qu’lbn Roušd juge trop éloignée (des principes) ; puis il ajoute : « La règle est que nul ne sera tenu de ce chef, s’il n’y a un témoin (contre lui) ; il ne suffit pas de la prétention du demandeur. »

Quant aux morts, les deux partis en seront tenus, l’un envers l’autre, du paiement de leur dïa. Si l’une des deux tribus avait attaqué, tandis que l’autre repoussait seulement, le sang de la première aura été versé impunément, tandis qu’elle-même répond du sang de la seconde.

Si le fait de la rencontre elle-même n’est pas établi, nul ne pourra élever de réclamation pour blessures, s’il n’y a bayyina (preuve testimoniale) ou aveu de part et d’autre.
Quant à la désignation faite par la victime, avant sa mort, d’un individu déterminé, comme étant son meurtrier *, la question est controversée, mais l’opinion qui l’emporte, chez les schaikhs, est de n’en pas tenir compte, après avoir déféré le serment (qasâma) par cinquante formules

Un individu fait boire à un autre du poison, qui lui donne Téléphantiasis. Le fait est régulièrement constaté ou avoué par le coupable.

La solution qui s’impose, à mon avis, est que le coupable sera incarcéré pendant une année. Si le mal ne disparait pas, et s’il est, au contraire, constaté et reconnu que c’est une éléphantiasis, on estimera l’individu sain, puis malade, et le coupable paiera la différence comme dfa, sans préjudice delà correction corporelle. J’en ai conféré avec IbnRouschd, qui a trouvé bonne ma décision, et telle était aussi sa manière de voir.

{IbnAl’ffâdj. T. II, p. 252.)

Un homme et une femme se couchent ensemble, l’un d’eux ayant à côté de lui un enfant à la mamelle. L’enfant meurt par suite des vêtements, par exemple, qui lui ont reconvertie visage.

S’il appert qu’il n’y a pas eu meurtre de la part de Tune des deux grandes personnes, et que l’enfant n’est pas mort écrasé, rien n’est dû. S’il y a doute, à cet égard, pour l’une d’elles, elle jeûnera deux mois consécutifs. On soutient que la dïa est à la charge de la ‘âqila de la femme qui tue son enfant, en se retournant sur lui pendant le sommeil.

{Ibn Aboû Djafar. T. II, pp. 218-219.)

Un maître d’école donne, par exemple, trois coups à un élève, qui en meurt.’ Appliquera-t-on le talion ? Doit-on l’écarter, au cas où l’on admet qu’il ne s’applique pas, quand les coups sont donnés, par exemple, sur les pieds ou sur le dos ? Appliquera-t-on encore le talion, si, voulant le frapper sur son turban, il le tue ; ou si le bout du fouet atteint l’élève à Tœil et le lui crève ?

La correction n’est pas limitativement déterminée, car tous les enfants ne sont pas également robustes. Il en est qui craignent (le maître): on ne doit leur donner que peu de coups. D’autres peuvent supporter un plus fort châtiment. Le maître doit donc châtier dans la mesure où il ne craint pas de tuer ou de rendre malade Tenfant.

Si, cependant, le destin veut que la mort s’ensuive, on ne tuera pas le maître, mais il y aura lieu seulementau paiement du prix du sang {\^ dïa), comme s’il crevait l’oeil de l’enfant.

{Al-Lakhmi. T. II, pp. 212-213.)

Le principe sur lequel est basée la décision ci- dessus est le suivant : « Quiconque fait un acte qu’il avait le droit de faire n’est pas responsable^ si cet acte amène un accident. » C’est ainsi que le berger qui fait naître des uices *–^ ‘a/6, pi. w>^) chez les bétes confiées à sa garde ; le locataire d’une bétede somme qui crève l’œil ou cause la mort de l’animal ; l’écuyer qui cause la mort du cheval qu’il devait dresser, ne sont pas responsables s’ils n’ont fait que les actes qui leur étaient permis.

Un individu, blessé dans une rixe qui s’était produite entre deux groupes et à laquelle il avait pris part, ne nomme pas son agresseur, après que les combattants se sont séparés. Le jurisconsulte ci-desssous nommé décide que si le blessé n’a nommé personne et n’a pas dit : « J’ignore qui m’a frappé », il prêtera serment et aura droit au prix du sang, si la blessure est dangereuse.

{Ibn Ad-Dâbit, disciple d’Al-Lakhmî. T. 11, p. 217.)

Deux individus viennent séparer les combattants dans une rixe et portent, l’un, un coup de bâton, l’autre, un coupde mizrâq ( J j >•, javelot, lance courte) à un même individu qui en meurt. Chacun d’eux prétend que ce n’est pas son coup qui a déterminé la mort. Que décider?
Si ces deux individus jouissent d’une certaine considération dans la tribu, en sorte que leur présence en impose aux combattants, qui obéiront à leurs ordres, et si, d’autre part, la victime est un de ceux qui ont allumé le feu de la guerre, les parents du mort prêteront le serment par cinquante formules (^orsdma), attestant que la victime est morte des coups de l’un ou des deux individus en question, et la dïa sera à la charge de la *âqila. Mais si la victime n’était pas Tinstigatrice de cette rixe, et faisait seulement partie de l’un des deux rangs, les deux individus qui Tonttuée, sans l’avoir avertie par une réprimande (d’avoir à se retirer), supporteront la dïa aggravée* sur leurs propres deniers. Et n’était-ce futilité du but qu’ils poursuivaient, ils eussent encouru la peine du talion.

{Aboâ ‘Ali ibn ‘Alawân, T. Il, p. 219.)

Un individu avoue qu’il a porté des coups à un tel et que celui-ci en est mort. Le Qâdî Ibn Zarb affirme que cet individu ne peut être mis à mort qu’après serment qasâma prêté par les parents de la victime ; car, si l’aveu par lequel il reconnaît avoir porté les coups l’oblige celui, au contraire, par lequel il reconnaît que la victime est morte de ces coups n’est qu’une présomption (rtiJ lafkh)

Moaghalladha

on entend celledontracquittemenlest rendu rigoureux, par suite de l’obgationdela payer enchamelies de trois espèces seulement, par exempleau lieu de cinq^ qui est la règle ordinaire. Ainsi, les cent chamelles peuventdans ce cas,<îlre réparties comme suit: SOhiqqa ( <£»- ) ou chamelles dans leur quatrième année), 30 Dyat/a* ( a-V>- ) ou chamelles dans leur cinquième année) et 40 khalîfâ ( \LS^ ) ou chamelles pleines, Tâge étant ici indiflérent). Les deux espèces qui sont exclues sont: hinl taboûn ( j^ ,S^ ) ou chamelles dans leur deuxième année et bint makhâd ( ^l^b* vS«I> ) ou chamelles dans leur troisième année.

qui rend nécessaire la qasâma, vu que cela (la mort due aux coups) est un mystère qu*Allah seul connaît: la victime a pu mourir parce que son terme est arrivé.

[Al-Hasan ibn Ayyoâb, T. II, p. 251.)

Celui qui prend un enfant à la mamelle et le jette par terre d’une manière méchante sera mis à mort, après serment’-(fasâma{<^LS) de deux témoins, si l’enfant meurt après sa chute.

{ Abū ῾Abd Allah Muḥammad ibn Abū Zayd ῾Abd ar-Raḥmān, Al-Marraqoušī, 1326-99,(shurfā du coté des mères),II, 218)

GRIMES ET DÉLITS : ^\^ DJINÂYÂT

VOL ET BRIGANDAGE

L’Imâm Abou-l-*Abbâs Ahmad, connu sous le nom d’Al-Marîd (le malade), notre compatriote, écrivit en Tan 796 de rhégire à son maître, Aboù *Abd Allah Ibn *Arafa, pour le consulter au sujet des Arabes nomades du Maghreb al-Awsat, comme les Banū ῾Amir, Souayd, etc.

Voici les termes de sa question.

11 existe dans notre Maghreb une troupe d’Arabes, dont le nombre est, entre cavaliers et fantassins, d’environ 10 000 ou plus. Il n’ont pas d’autre métier que les razzias et le brigandage, au préjudice des pauvres qu’ils tuent et dont ils pillent les biens injustement. Ils enlèvent par la force et la violence les femmes musulmanes, vierges ou déflorées. Telle est leur manière de vivre, de père en fils.
De plus, la justice du Sultan ou de ses lieutenants ne peut les atteindre. Bien mieux, le Sultan est trop faible pour leur tenir tête, à plus forte raison pour les repousser. Au contraire, il est obligé d’user de ménagements envers eux, en leur faisant des dons et en leur abandonnant une partie du territoire, où ils substituent leurs ‘āmil-s à ceux du Sultan, qui cessent d’y percevoir les impôts et d’y rendre la justice.

Malgré cela, les caravanes ne sont point en sûreté contre leurs méfaits. Ils ont organisé des incursions contre la ville où nous sommes et ont tué ceux qu’ils ont surpris ou qu’ils ont poursuivis pour les tuer, enlever leurs biens et leurs femmes. Nous avons alors ordonné aux habitants de notre ville de les combattre, en disant clairement que c’est un cas de dijhâd (guerre sainte), pour les raisons développées par Mâlik dans la Moudawwana. On se réunit alors pour les combattre ; Allah les fit fuir et tua un. grand nombre d’entre eux.

Cependant, certains ou plutôt tous ceux qui ont des prétentions à la science juridique, dans cette ville-ci, ont désapprouvé notre manière de voir. Nous avons invoqué contre eux les textes de la doctrine, comme le texte de la Moudawwana.

Nous* avons cité Al-Badjî, Mâlik, Ibn Al-Qàsim, Aschhab, Asbagh, Sahnoûn, qui permettent de tuer les brigands qui viennent attaquer, et même d’achever ceux d’entre eux qui sont blessés. Bien mieux, ils considèrent cela comme un Ġihād et même, d’après Aschhab, comme la plus méritoire des guerres saintes.

Nous avons également rendu une félwa admettant l’enlèvement de leurs biens et leur attribution comme foyij au Bait al-Mâl.

Nos contradicteurs ne nous ont pas répondu directement, mais nous avons entendu certaines choses dun tel.

Nous désirons avoir votre réponse péremptoire sur cette question, car, dans notre Maghreb, il n’y a personne en dehors de vous, — qu’Allah conserve votre bénédiction aux Musulinaiis, — à qui Ton doive demander une fétwa dans cette question et en qui l’on puisse mettre sa confiance. Que le salut d’Allah très exalté soit sur vous, ainsi que sa
miséricorde et ses bénédictions !

Louange à Allah!

Tout ce qui a été dit relativement à la guerre que Ton doit faire à ces brigands, au djihâd qu’on doit leur livrer, à la récompense divine promise à ceux qui les combattent,
au caractère de ce djihâd, plus méritoire que le djihâd qu’on fait aux infidèles qui n’ont pas attaqué les premiers, les Musulmans, — tout cela est exact ; aucun Musulman ne doit le contester. Il est également exact qu’il est permis de s’approprier leurs biens, de les poursuivre dans leur fuite et de les achever (quand ils ne sont que blessés).

Ne peut douter de ces décisions que celui qui est noyé dans l’ignorance et qui s’obstine à ne pas reconnaître la vérité. Or, je considère cela comme un koafr (impiété) de la part du contradicteur, car il renie ce dont la connaissance résulte nécessairement de la religion. 11 faut, toutefois, qu’il ait su (|ue ces rebelles sont tels qu’ils ont été décrits ici.

Au demeurant, Allah le sait mieux que personne.

{Ibn ‘Arafa. T. II, pp. 338-339.)

(Suit une réponse, concluant à la même décision, de ‘Isa ibn Ahmad ibn Mohammad Al-Ghoubrînî.)

Abou ‘Alî Al-Qaddàh, qâdî al-Djamà*a, et Aboû *Abd Allah ibn ‘Abd As-Salàm, qàdî préposé aux mariages ( al-ankiḥa), furent consultés, sous le règne du Sultan d’Ifrîqyya, l’émîr Aboû Yahyâ, au sujet d’un chrétien qui volait les enfants des Musulmans et les vendait aux ennemis.

Aboû *Alî répondit qu’il faut le tuer à coups d’épée.
Ibn *Abd As-Salâm fut d’avis de le mettre au gibet et de le tuer, invoquant l’exemple d*Abd al-Malik b. Marwàn, qui avait mis au poteau Al-Hârith, pour avoir prétendu à la prophétie. Et la Moudawwana ajoute qu”Abd Al-M«^lik lui porta de sa main un coup de javeline.

Le tributaire fut alors exécuté de cette façon. Mais Ibn *Arafa disait que Targumentation d’Ibn ‘Abd As-Salàni était sujette à examen, parce que l’acte d’Al-Hàrith présente, à un plus haut degré, le caractère d’un acte d’hostilité, à raison des troubles graves qu’il eût pu entraîner.

Cependant, bien que le fait de voler des enfants n’emporte que l’amputation (de la main), les deux qâdis ont appliqué la peine de mort, parce que, par son acte, le tributaire a violé le pacte, indépendamment du grave préjudice dont il s’est rendu coupable. En effet, son acte a pour résultat de rendre esclave une personne libre et de la faire entrer dans la religion chrétienne.

L’opinion préférée par Ibn *Arafa est que ce tributaire a violé le pacte, et qu’il est plus juste de laisser à l’Imâm (souverain) le choix ^ntre les cinq manières de tuer le captif infidèle, au nombre desquelles la mort au gibet ne ligure pas.

Cependant Ibn Yoûnis rapporte qu’un chrétien ayant piqué la mule sur laquelle se trouvait une femme musulmane, celle-ci tomba et sa nudité se trouva découverte. *Oumar ibn Al-Khattâb envoya, par écrit, Tordre de mettre au gibet le chrétien sur place, et il ajouta: « Nous n’avons contracté de pacte avec eux que relativement au paiement de la djizya (capitation). »

11 se peut que ce chrétien ait été tué puis mis au gibet, ou inversement. C’est la réponse à ceux qui ont fait des objections au (lâdî Ibn *Abd As-Salâm, dansTespèce précitée.

(T. II, pp. 337-338.)

Un homme de courage est accusé de vol ; doit-on lui couper la main, quand Tlmâm (souverain) craint qu’en lui amputant les mains, les infidèles ne se saisissent de lui ?

(]eci doit être résolu comme un cas de force majeure

{Aboû Vmrd/i.ï. II, p. 337.)

L’accusé d’incendie qui nie, jurera « par Allah en dehors de qui il n’y a point de dieu », qu’il n’a point incendié, ni aidé à ce faire, ni porté du feu pour le communiquer à telles maisons, et il sera acquitté.

(T. II, p. 233.)

Un individu donne des coups à une jument, et la fait avorter. De quoi est-il tenu ? Il devra le dixième de la valeur de la mère.

Cette décision, donnée par un jurisconsulte anonyme de Ceuta, a été critiquée par d’autres, qui exigent le paiement de la moins-value subie par la mère, au jour du délit.

Cette dernière opinion est approuvée par le Qâdî ‘lyâd.
^ • (T. II, p. 418.)

Ibn *Arafa se montrait très sévère à l’égard de celui qui frappe de la fausse monnaie, direms ou dinars.

Celui qui en est accusé sera, d’après une fétwa d’Ibn *Arafa, condamné à la prison à perpétuité, jusqu’à ce qu’il y meurt. \jne espèce de ce genre eut lieu du temps d’Ibn *Arafa, et le coupable mourut en prison, d’où l’on sortit son corps pour l’enterrer. Le schaikh Abou-1-Hasan Al-Batri {^ J^^Y î*vait intercédé en sa faveur, mais Ibn *Arafa refusa d’y prêter la main.

^ ^ (T. II, p. 311.)

Les jurisconsultes de Cordoue furent consultés sur la question suivante :
Une femme est venue déclarer au Qâdî qu’un homme l’a violée et déflorée {\^Ja:à\y ^J^\). Elle a attribué cet acte à un homme, au sujet de qui témoignage a été porté devant le Qâdî, qu’il était un homme de vertu et de bonne conduite et que, à la connaissance des témoins, il n’était pas
capable d’une faute de ce genre. Quant à la femme, au contraire, ils ont déclaré qu’on lui attribue une vie dépravée. Que décider?

On infligera à cette femme la peine applicable à la diffamation (^^^), c’est-à-dire quatre-vingts coups de fouet. Puis elle subira une flagellation de cent coups de fouet, à raison de son aveu de fornication, pourvu qu’ellen’ait pas rétracté ses paroles avant de subir cette dernière peine.

(T. II, p. 330.)

Un chrétien viole une Musulmane ; au moment où l’on s’apprêtait à le mettre à mort, il embrassa l’Islam. Sa conversion le sauve-t-elle de la mort ?

Si les choses sont telles que vous les décrivez, ce tributaire aura mis son sang sous l’abri de l’Islam. Il sera condamné envers cette femme à lui payer la dote d’une femme de sa condition. Si l’on s’aperçoit que sa conversion à rislâm avait pour mobile Vimmunité (qu’il en attendait) et non le désir d’être musulman, qu’il est demeuré chrétien, il sera pendu sans retard, si Allah le veut !

(Aboû Ibrahim. T. Il, p. 268.)

Un chrétien de Cordoue, homme de mauvaise vie, se mêle aux femmes et aux filles des Musulmans. Sa conduite n’a pas cessé d’être telle jusqu’au jour où s est produite la déposition des témoins.

L’interpellation lui ayant été adressé à ce sujet, il a prétendu avoir de quoi repousser l’accusation. On lui a imparti un délai, qui est maintenant expiré, sans qu’il ait produit une excuse légitime. Que décider ?

Il est de toute nécessité qu’e tu te montres très sévère contre ce chrétien, qu’Allah le maudisse. Mon opinion est que son dos est permis » et qu’il faut lui appliquer des coups très douloureux, en aussi grand nombre que tu le jugeras bon. En effet, la correction, dans ce cas et autres analogues, peut dépasser la limite des peines corporelles définies. Cela a été dit par les docteurs, adeptes de Mâlik et autres.

C’est ainsi qu’un docteur, questionné sur ce point, a répondu que le Sultan peut condamner à une flagellation de 300 ou 400 coups ou même plus, selon son appréciation et la .gravité de la faute. Or, le crime établi contre ce maudit est grave. Après cette correction, mon avis est qu’il faut l’incarcérer pendant un si long temps que cela ressemblera à une prison perpétuelle.

῾Abd ar-Raḥmān ibn Baqī ibn Muḵallad, Cordoue, II, 268

Autre réponse à la même question, — J’ai lu ce que vous avez mentionné dans votre lettre. La correction et la prison s’imposent pour un pareil personnage. Mais on ne doit pas aller jusqu’à lui infliger le châtiment indiqué par Aboii-1-Hasan, qu’Allah le préserve ! J’ai entendu Ibn Loubâba raconter qu’ayant été consulté par un juge dans une affaire semblable, avec d’autres jurisconsultes de ses amis, Khâlid ibn Wahb opina qu’il fallait donner au coupable 400 coups de fouet. « Je me retournai alors vers lui, raconte Ibn Loubâba, et lui dis : Mes cheveux se sont dressés de ce que tu viens de prononcer ; le Prophète d’Allah a dit: « Quand Allah entre dans un courroux^ il applique un hadd [peine définie^ limitée). Ne vous courroucez pas au delà du courroux d’Allah, jusqu^à appliquer des peines excédant celles quil a définies. » De même pour rhomme ou la femme qui commet Tadultère, Allah ordonne de lui infliger une flagellation de 100 coups. Comment alors fixes-tu au hasard ce chiff^re de 400 coups de fouet? Puis, je fixai avec d’autres de mes amis que ce chifl^re doit être inférieur à 100. » Le juge adopta cette opinion, qui est celle que je préfère.

(Sa῾īd b. Ahmad b. ‘Abd Rabbihi, II, 268-9.)

Un chrétien a fait l’objet d’une déposition de la part de témoins qui le déclarent comme étant un homme de mauvaise vie, et qu’il a été vu avec une femme musulmane marchant avec lui ; puis cette femme le quitta, sans qu’on ait pu la retrouver ni savoir où elle est. Le frère de cette femme a déclaré qu’elle était sortie avec Sa*îd al-‘Adjmî. Cependant des témoins ont déposé en faveur de Sa’îd, affirmant que c’est un homme paisible, d’une conduite irréprochable, vivant en bons rapports avec les Musulmans, et qu’ils ne sachent pas qu’il ait des relations avec des gens de mauvaise vie. Le Qâ^î le garde en prison depuis cinq cent et dix jours. Que décider ?

Mon avis est qu’il faut demander aux deux témoins, — celui qui a déclaré que le chrétien a emmené la jeune femme avec lui et celui qui l’accuse de l’avoir séduite, — de préciser leur déclaration à ce sujet, pour savoir s’ils ont constaté ces faits de visu, ou s’ils en ont été informés par des personnes dignes de confiance, ou enfin s’ils ne les ont appris que par la rumeur publique. Dans des affaires aussi graves, on ne doit pas admettre des dépositions obscures. Tu rendras ton jugement d’après l’explication fournie par les témoins.

{Ibn Hârith. T. II, p. 269.)

Autre réponse à la même question. — Si tu agrées la déposition des témoins contre le chrétien, et si, lui ayant adressé VVdhâr (interpellation finale), il n*a aucun moyen à opposer, il est obligatoire que tu lui infliges un châtiment exemplaire et que tu prolonges sa détention.

Si, au contraire, tu n’agrées pas ledit témoignage, tu es tenu d’examiner ce dont le chrétien est accusé ot ne pas te hâter de le mettre en liberté, à raison des soupçons qui pèsent sur lui et qui se sont manifestés à toi par les dépositions des témoins à charge. Si aucune charge n’est relevée contre lui, tu le jnettras alors en liberté, si Allah le veut.

[Ibn Zarb, Ibidem.)

Un individu avise un jeune homme imberbe et l’emmène avec lui. Le jeune homme appelle les gens à son secours, et ils viennent le délivrer. Mais l’individu revient à lui et disparaît en l’emmenant. De nouveau, le jeune homme appelle les gens à son secours et leur dit que cet individu veut lui faire une turpitude. On le délivre, et beaucoup de personnes ^ dont une a été admise comme témoin, ont déposé à ce sujet. Que décider?

(]elui contre qui existent ces témoignages sera gardé longtemps en prison, en attendant qu’on examine attentivement sa conduite et qu’on fasse une enquête sur ses amis. S’il appert qu’il s’est rendu coupable de ce dont le témoin unique a déposé contre lui, il lui sera infligé une correction douloureuse et tu prolongeras son incarcération. Mais, s’il n’y a d’autre preuve contre lui que ledit témoignage, tu l’emprisonneras, ensuite tu donneras ordre de l’élargir.

῾Isā ibn Muḥammad, II, 318)

Mouhatnmad ibn Yazîd ibn Khâlid raconte : « J’ai dit à Hamdis: Je viens d’arrêter des jeunes gens imberbes, sans occupation et pouvant être corrompus avec de l’argent, et je leur ai mis les liens aux pieds. » Hamdîs répondit: « il faut les enfermer chez leurs parents et non dans la pri-
Son.

Mouhammad approuva cet avis.

{Ibidem.)

On raconte que certain qâdi de Qairawàn fit arrêter ces jeunes gens imberbes, leur fit raser la tète (au rasoir) ou tondre seulement les cheveux, les vêtit d’habits moins beaux que ceux qu’ils avaient ; bref, il leur fit toutes les choses susceptibles de les éloigner de cette dépravation et de les empêcher d’y tomber.

{Ibidem,)

On amena, un jour, devant Salinoûn une femme nommé Tarkou (Jj^ q^j unissait les hommes aux femmes. Ces faits étaient de notoriété publique. Saḥnoûn lui ordonna de déménager, ce qu’elle fît. On boucha alors la porte de sa maison avec des briques et de la boue. Quant à elle, elle reçut un certain nombre de coups de fouet. C’était une femme grande, belle, ayant les jambes grosses. Elle subit la flagellation dans la grande chambre surmontée d’un dôme(<i qoubba).

Sahnoùn ordonna ensuite de la transporter et de la placer au milieu de gens vertueux.

L’usage aujourd’hui est de démolir la maison de celui dont telle est la situation.

(T. II, p. 318.)

Une femme s’était exhibée à son fils en état d’ivresse afin qu’il cohabitât avec elle. Elle devint enceinte de ses œuvres et accoucha d’une fille. Elle en garda le secret à son fils et, lorsque la fille devint nubile, elle la maria à son fils, en la faisant passer pour une étrangère à la famille. Le fils ignorait que c’était sa fille incestueuse. Or, après avoir consommé le mariage avec elle et Tavoir rendue mère, la mère fit pénitence, informa son fils de l’origine de sa femme et avoua tout ce qu’elle avait fait. Que décider?

Si Ton n’a connaissance des choses que vous avez mentionnées que par la déclaration de la mère seulement, il n’y sera pas ajouté foi. On dira au fils : « Abstiens-toi d’avoir commerce avec ton épouse et tiens-toi séparé d’elle. » On applique ici, par analogie, le hadîlh de *Ouqba ibn Al-Hàrit.
Il avait épousé la fille d’Aboii Lahâb; mais une femme vint le trouver et lui dit : « C’est moi qui t’ai allaité ainsi f|ue ton épouse. » — ‘Ouqba lui répondit qu’il ignorait qu’elle Teût allaité et il alla consulter le Prophète. Celui-ci lui dit: « Il n’y a pas moyen d’y échapper, du moment que cela a été dit. » *Ouqba se sépara alors de sa femme.

C’est ainsi qu’on doit répondre au fils, dans l’espèce présente. On lui dira : « Si tu n’as pas connaissance de ce que dit ta mère, abstiens-toi de ta femme. »

Ils n’hériteront pas non plus l’un de l’autre, à titre de frère et sœur utérins, si l’on n’a connaissance de ce fait que par la déclaration de la mère, car la mère ne peut revendiquer la maternité de l’enfant (la fille).

Mais si les faits déclarés par la mère sont connus et constituent une aventure célèbre, et s’il est de notoriété que l’épouse est la fille incestueuse de son mari, si ce n’est que celui-ci l’ignore, le mariage sera annulé, et la femme aura la dot fixée, qui lui sera payée par celui qui a consommé avec elle le coït (le mari), à la fois la partie payable comptant et la partie payable à terme (^^Ij ^A^Ip ‘âdjila wa-âdjUa). Dans ce mariage (annulé) l’enfant se rattachera à son père, si celui-ci ignorait les faits déclarés par sa mère à lui.

Quant à la mère, elle sera punie pour avoir trompé son fils, indépendamment du hadd qu’elle subira pour le fait de la fornication. 11 n’y a aucun doute sur la nullité de ce mariage, aucun désaccord entre jurisconsultes Médinois ou Orientaux.

Cependant, certains auteurs ont déclaré licite le mariage d’un homme avec sa tille naturelle. Mais cela n’est pas le cas ici, car cette femme ne se rattachs pas à lui par le lien de la filiation, mais elle est sa sœur utérine, née d’un commerce illégitime. Or les enfants illégitimes sont appelés à la succession l’un de l’autre, par suite du lien maternel qui les unit; leur filiation existe par rapporta la mère, et ils ne peuvent se marier l’un avec l’autre. C’est pour cela que le mariage en question est nul de l’accord unanime de la doctrine, car si, légalement, cette épouse n’est pas la fille de son mari, du moins est-elle sa sœur utérine et, partant, prohibée, de l’avis de tous. En qualité de frère et sœur utérins, ils succèdent l’un à l’autre, mais non en qualité de père et fille ; il n’y a pas de filiation de l’un à l’autre.

Il n’y a divergence que sur le point de savoir si l’on peut épouser la fille illégitime. Cela est permis par les uns, défendu par les autres. Pour nous, nous opinons en faveur de la prohibition, car Allah a défendu d’épouser la fille; etlaprohibitions’applique, dès que cette dénonciation existe. Or, dans l’espèce présente, c’est une fille illégitime, par conséquent une fille ; mais, vu sa qualité d’illégitime, ce n’est pas une fille dans le sens absolu du mot. Cependant,à cause de ce que cette dénomination de fille lui est tant soit peu applicable, la prohibition du mariage s’impose, car Allah a dit: « N’épousez pas, parmi les femmes, celles que vos pères ont épousées » *, et cette prohibition s’applique, si peu que le « mot mariage » existe. Cela s’entend, en eflet, du contrat, indépendamment de la copulation, bien

1. Ooran, IV, 26.

que le mot nikâh ir^^ mariage), dans le langage des Arabes, signifie copulation. Le contrat a été appelé ainsi par métaphore, et non avec le sens propre à ce mot, parce que ce contrat intervient peu avant la copulation. Aussi, la défense intervient-elle par cela seul qu’on dit « mariage », sans qu’il y ait eu nécessairement consommation. C’est de la même façon que s’entend la prohibition en ce qui concerne la fille illégitime, à raison de ce que la dénomination de fille (ibna) lui est applicable, bien qu’accompagnée de Tépithète « illégitime ».

L’on pourrait objecter que, la dénomination de fille lui étant applicable, pourquoi lui refuser le droit de succéder à son père, alors qu’Allah, parlant des filles, a dit : « S’il n’y en a qu’une, elle aura la moitié* », et que vous lui reconnaissez la qualité de fille, bien qu’illégitime. — Nous répondons que les biens de chacun de nous sont défendus aux autres, aumêmetitre que notre sang et notre réputation. Aussi, les biens ne peuvent-ils sortir des mains de leur propriétaire qu’en vertu d’une cause de transmission légitime et en vertu d’un titre licite et évident. C’est pour cela que nul ne peut hériter dans le doute, mais seulement quand il y a certitude et connaissance de cause. Or, la fille dont il s’agit n’en est pas une en réalité, c’est une fille d’adultère; aussi, les biens ne peuvent-ils être acquis légitimement, ni sortir des mains de leur propriétaire qu’en vertu d’un titre d’une légitimité et d’une réalité parfaites.

Ne voyez-vous pas que la femme répudiée {muṭallaqa) ne redevient permise à celui qui l’avait précédemment répudiée, que lorsqu’elle aura épousé un autre mari, et, de l’avis de tous, elle ne redevient pas permise par cela seul qu’elle a contracté un nouveau mariage, mais il faut que le mariage ait été exécuté, accompli, consommé,

]. Qoran, sourate 4 « Les femmes », verset 5.

ce qui suppose un contrat valable et une copulation matérielle ne comportant pas de doute. De même, la succession ne peut être déférée valablement, quand le rapport de filiation n’est pas parfaitement établi. C’est pour cette raison que ladite fille ne se rattache pas généalogiquement à son père.

Qu’Allah nous assiste pour arriver à la vérité!

{Ibn Al-Fakhkhâr. T. II, pp. 333-334.)

Un individu voit son frère en train de commettre un péché, tel que fornication ou sodomie {liwât) ; doit-il fermer l’œil, si c’est la première fois qu’il commet semblable péché ?

On ne doit pas dévoiler celui qui commet des péchés. Si l’on espère Texhorter, on peut le faire avec modération. (Dans une circonstance semblable), le Prophète avait dit à Tun de ses Ashab (compagnons) : « Que ne Tas-tu dissimulé avec ton ridâ^. »

{Aboâ Saîd Faradj ibn Loubb. T. II, p. 336.)

Un individu livre sa femme à la débauche et l’amène aux libertins, pour obtenir d’eux des faveurs, sans y être nullement contraint. Puis la femme s’est enfuie et s’est réfugiée dans la tribu de son mari, Quant à celui-ci, il se promène avec les libertins, sans qu’on lui connaisse un domicile ni de biens. Que décider ?

Il faut établir un acte par commune renommée, établissant que ce mari porte, dans la vie conjugale, un préjudice évident à sa femme, en ce qui concerne sa religion et sa personne ; — qu’il l’expose à la dépravation et la fait assister à des scènes indécentes et de débauche. On établira également, en ce qui le concerne, qu’il n’a ni biens, ni domicile où les décisions judiciaires puissent l’atteindre ; que, à la connaissance des témoins, tel est son genre de vie permanent.

Toutes ces formalités auront lieu après que la femme aura porté son aflaire devant le qâdi et demandé qu’il l’examinât, et après qu’elle aura fait valoir ses droits en ce qui concerne les mauvais traitements et l’obligation d’entretien.

On insérera dans cet acte les autres clauses qu’il est de règle d’y insérer. Un délai sera accordé au mari, et l’on constatera l’impossibilité de luiadresserl’/’rfAdr (interpel- lation finale), à raison de sa situation décrite ci-dessus.

La femme prêtera alors le serment prescrit au chapitre « de l’entretien » [an-nafaqa <iLJI), et aussi, selon quelques auteurs, — dont l’opinion dans le cas présent est la meilleure, — le serment « du préjudice » {idrâr j\^\)\ elle obtiendra le divorce contre son mari, après que le qâdî aura commis quelqu’un à qui il adressera Vidhâr au lieu et place du mari, ou bien on lui réservera son droit de produire ses arguments de défense, au cas où il se présenterait. Le qâdî fera même l)ien, par précaution, de réunir ces deux formalités, ainsi que le préfère certain auteur moderne.

{Aboà Sald Faradj ibn Loubb. T. II, p. 336.)

Un individu s’est engagé dans un corps de troupe, pour faire la guerre. On fit du butin et, dans la part attribuée à cet individu, il lui échut un chrétien {lillér. un étranger, ^Ap), qui lui demanda de se racheter. L’autre y consentit moyennant 100 dinars, et reçut en gage la fille, encore vierge, du captif. Le gagiste « lomba » sur elle et la rendit enceinte. Puis le chrétien revint, rapportant sa rançon.

Mais le gagiste refusa de lui livrer sa fille, en lui disant : « Je ne te la donnerai pas, tant qu’elle n’aura pas accouché de ce qu’elle a dans le ventre, car c’est mon enfant. »

A-t-il le droit de lui refuser sa fille tant qu’elle n’a pas accouché ? L’enfant à naître est-il apte à hériter de son père ? Doit-il se rattacher à lui, rapporter à lui sa généalogie et être considéré comme légitime ?

Y voyez-vous, au contraire, un cas de fornication, l’enfant ne devant pas être rattaché, dans ce cas, à son père, qui encourra un hadd (peine corporelle définie) et sera tenu de restituer la jeune femme à son père ?

Si les choses sont telles que vous les avez décrites, c’est un cas de fornication, qui rend cet individu passible du hadd. L’enfant, lui, ne sera pas rattaché (à cet individu).

S’il a abusé de la jeune fille malgré elle, il lui devra la dot de ses semblables, car c’est une femme de condition libre (5^, hourra.)

Si, au contraire, elle s’y était prêtée de bonne grâce, elle n’aura droit à rien.

En tous cas, de quelque façon qu’elle ait été rendue enceinte, elle sera empêchée de se transporter dans le pays ennemi, jusqu’à ce qu’elle ait accouché; car l’enfant, bien qu’étant le fruit de l’adultère, se rattache à l’Islam et a les mêmes droits et les mêmes devoirs que les Musulmans.

Une fois qu’elle aura mis au monde son enfant, elle aura plus le droit que tout autre à l’élever, ou de s’en affranchir en l’abandonnant à l’Imâm (souverain) qui pourvoira à ce qui lui est nécessaire, comme il le fait pour les enfants trouvés (jji^ pi. de i^, manboâdh).

D’après Mouhammad, le gagiste ne peut prétexter qu’il ignorait la loi ^, comme s’il disait : « Elle est en gage chez moi, et je croyais qu^il m’était permis de cohabiter avec elle. »

[Aboâhhâq Al-Toanisi. T. II, p. 332.)

Un individu, chargé de la perception du ῾ušr, attend, à la porte de la ville, les Musulmans et visite leurs bagages et ce qu’ils apportent avec eux de leurs voyages. Il soumit à cette visite un homme, en présence d’un certain nombre de personnes, et se montra très sévère à son égard. Alors un des assistants lui dit : « Jusqu’où va donc aller cette sévérité ? C’est ainsi que tu agissais à Grenade et je t’ai vu, par la suite, demandant l’aumône. C’est le même sort qui t’attend, si Allah le veut ! » Le percepteur de la dîme lui répondit : « Si j’ai demandé l’aumône, le Prophète aussi l’a demandée. Si j’étais ignorant, le Prophète l’a été également. » Beaucoup de Musulmans ont témoigné contre lui à ce sujet, tandis que lui nie l’objet de leur déposition.

Un autre témoin a déclaré l’avoir entendu dire à un individu dont il visitait les bagages : « Paie ce que tu dois, et va te plaindre au Prophète. » Le percepteur de la dîme nie tout cela et sur interpellation à lui adressé, il n’a trouvé aucune réfutation à opposer. Que décider?

(L’auteur de la réponse commence par rapporter plusieurs passages du Qora.n,qui recommandent aux Croyants de respecter et de vénérer le Prophète ; puis des citations d’auteurs qui prononcent la peine de mort contre celui qui insulte le Prophète, et termine ainsi): « De même, dans la question ci-dessus posée, la peine de mort est obligatoire, si les faits sont établis par une bayyina (preuve testimoniale) irréprochable. Mais le qâdî ne peut pas se contenter d’un seul certifîcaleur pour garantir la moralité du témoin (tazkiyya). Mâlik, d’après Ibn AI-Qâsim, en exige au moins deux ; Moutarrif et Ibn Al-Mâdjischoûn voudraient que le qâdî multipliât, autant que possible, le nombre de cescertificateurs, et ne se contentât de deux que s’il s’agit d’un témoin très versé dans la science du ladîL

Si, des deux témoins, il y en a un dont la qualité de témoin irréprochable n’a été certifiée que par un seul certificateur, la punition que doit subir le coupable consistera alors dans une correction douloureuse, un châtiment exemplaire et une incarcération prolongée, jusqu’à ce que son repentir soit manifestement constaté par témoins.

{Ibn ‘Attâb, m.1184, II,254-6.)

Suit une espèce analogue, au sujet d’un certain Ibn Hâtim At-Tulaitulî, qui se permettait d’appeler le Prophète : l’orphelin, ou l’orphelin de Qoiiraisch. Il disait aussi: « S’il avait les moyens de se procurer de la nourriture délicate, il n’en aurait pas mangé de, grossière ; son abstinence n’était nullement un fait voulu de sa part. Quant à ῾Alî et ῾Umar, c’étaient deux fous. » Qu’Allah le maudisse !

Le qâdî de Tolède, à cette époque, Mouhammad ibn Labîd Al-Mourâbit (l’Almoravide) dressa contre lui un acte d’accusation à plusieurs exemplaires et les envoya aux plus grands juriconsultes de ce temps. Tous furent d’accord que la peine de mort était obligatoire dans ce cas.
Il n’y avait quelque divergence que sur le point de savoir si l’interpellation devait être adressé à l’accusé. Ibn *Attâb, entre autres, l’excluait. Quant à la succession laissée par le condamné à mort exécuté, les uns l’attribuent à ses héritiers, les autres au Bait al-Mâl. En tous cas, l’opinion qui veut mettre ces biens à la disposition du Bait al-Mâl, quand l’accusé est en fuite, est rejetée complètement par Ibn *Attâb.

{Ibn ‘Aliâb. T. II, pp. 254-262.)

Que décider au sujet d’un individu qui dit : « Qu’Allah maudisse les Arabes, les Israélites, les fils d’Adam ? » Cet individu prétend qu’il n’a pas visé les prophètes, mais seulement les pervers d’entre eux.

Il est passible d’une correction à déterminer par le Sultan.

Il en est de même de celui qui dit: « Qu’Allah maudisse celui qui a interdit les boissons enivrantes », et qui ajouterait: « Je ne connaissais pas celui qui les a interdites. »

[Ibn Aboû Zaid. T. II, p. 276.)

Que décider au sujet d’un individu qui dit : « Tout tenancier de funduq est cornard, fût-il prophète envoyé en mission » ?

Il faut le maintenir dans les liens et le mettre à l’étroit jusqu’à ce qu’on ait des éclaircissements des témoins sur toutes les paroles qu’il a prononcées et sur ce qu’il entendait dire. S’il a visé les tenanciers actuels des fondouqs^W est de^notoriété qu’il ne se trouve pas parmi eux de pro- phète envoyé ; et, dans ce cas, sa faute est moins grave.
Cependant le sens apparent des termes qu’il a employés semble être général et englober tout tenancier de fondouq parmi les anciens et les modernes. Or, parmi les anciens prophètes, il y en eut qui possédèrent des richesses ^

En tout cas, cette affaire a besoin d’être examinée plus attentivement.

[Al-Qâbis!. T. II, p. 276.)

Un individu fait injure à un autre de ce qu’il est pauvre. L’autre lui répondit : « Tu me fais injure de ma pauvreté, quand le Prophète lui-même a été berger ! » Que décider?

Cet homme a mêlé le nom du Prophète là où il ne devait pas figurer; il lui sera infligé une correction.

(Mâlik, T. II, p. 277.)

Un individu est convaincu d’avoir dit à un šarīf au cours d’une altercation qu’il eut avec lui : « Ton origine est une basse origine. » Nous nous réfugions auprès d’Allah d’une semblable parole ! Le fait, qui s’est passé à Qayrawān, est établi par trois témoins admissibles. Quant à l’accusé, il est absent de la ville.

La décision qui s’impose, pourvu qu’on puisse l’exécuter, consiste à emprisonner le coupable et à le garrotter. S’il récuse légitimement les témoins, il sera acquitté. Sinon, je trouve que l’affaire est d’une extrême difficulté, car les fuqahā ont déclaré que le mot « origine » désigne les pères même s’ils sont très éloignés. En tous cas, la solution la plus sûre est celle que j’ai indiquée précédemment.

῾Isā Al-Ġubrīnī II, 290

Un individu dit à un autre : « Si je te vois encore à la porte de ma maison, je t’arracherai la barbe. » L’autre répond : « Que la malédiction d’Allah soit sur le père de celui qui a dit cela, s’il l’a dit illégalement! » Le père du premier, s’adressant alors à celui qui venait de proférer cette injure, lui dit: « Fils de mille schaikhs pervers, si je te vois devant la porte, je t’arracherai la barbe. » Et il répéta deux fois ces paroles. Que décider ?

Si l’acte qui relate ces faits est constant, et si Vi’dhâr a été adressé à chacune des deux parties, sans qu’elle ait eu rien à y opposer, celui qui a dit : « Que la malédiction d’Allah soit sur le père, etc., » sera condamné, si l’autre partie réclame son droit, à être frappé sur la nuque. Mais le demandeur peut renoncer à revendiquer son droit, et sa rétribution sera alors à la charge d’Allah.

Quant à celui qui a dit : « Fils- de mille schaikhs pervers, etc., )) il est de toute nécessité qu’il subisse une correction, pour le grave péché dont il s’est rendu coupable; il lui sera administré trente coups de fouet douloureux. — Au demeurant, Allah le sait mieux que personne.

[Aboû’l’Qâsim Al-Ghoubrini. T. II, pp. 290-291.)

Deux iolbas de Qairawân s’étant pris de querelle, l’un d’eux dit à l’autre : « Qu’Allah maudisse seize mille de tes aïeux ! » Or, la généalogie de ce dernier remonte à la tribu de Qouraisch, et peut-être même aux Banoii Oumayya {Oumaggades). Ces faits établis ont été consignés par écrit. Le coupable fut relégué, pendant un certain temps, en prison. Puis il s’évada et rejoignit Al-Mahdïa, où il se réfugia chez l’un des parents de sa mère. Le qâdî al-djamâ*a (qâdî de la communauté) ayant eu connaissance de ces faits donna des instructions au qâdî d’Al-Mahdïa, qui mit l’individu en prison. Son père venait alors se poster sur le chemin d’Ibn ‘Arafa — qu’Allah l’ait en sa miséricorde ! — et se mettait à pleurer. Ibn *Arafa lui dit un jour: « Je te demande, par Allah, de ne plus venir me trouver. Tu n’as d’ailleurs à attendre de moi aucun bonheur, aucune quiétude. » Ibn ‘Arafa était d’avis, en effet, de mettre le fils à mort. Mais le qâdî al-djamâ’a avait ajourné la décision à prendre à son sujet, n’ayant ordonné
ni de lui adresser Vidhâr (interpellation finale), ni de le déclarer forclos. Il fut ainsi relégué pendant plusieurs années dans la prison d’Al-Mahdïa. Puis, lorsque les Chrétiens occupèrent cette ville, ils le rendirent à la liberté. Il resta ainsi jusqu’au jour où, les chrétiens ayant quitté Al-Mahdïa, ordre fut donné de le remettre en prison. Mais il s’évada par la suite, et après avoir rejoint le Djérîd, il gagna la Syrie.

(T. II, pp. 292-293.)

En Tannée 849 de Thégire, la question suivante fut adressée de QaTat Hawwâra (5;l^<iJï), dans la région de Tlemcen, à Aboù-l-Fadl Qâsim Al-‘Ouqbânî : II est arrivé dans notre pays un Juif, qui s’occupa tout d’abord de choses dont s’occupent les Juifs, ses semblables. Puis, on s’aperçut qu’il était poète, magicien et qu’il discréditait les Musulmans. Il montra de la fierté et marchait au milieu des Musulmans avec élégance et orgueil.
Il en arriva jusqu’à injurier les Musulmans, en leur disant qu’ils n’ont ni origine, ni mérite personnel, ni généalogie; que les Juifs sont des šyūḵ, des šurfā ; que tout Musulman qui les injurie aura la langue arrachée du côté de la nuque ; que lui-même est šarīf et arracherait la langue de cette façon à quiconque, parmi les Musulmans, lui adresserait une injure.

Ces faits ayant été établis à sa charge par des témoins admissibles, le représentant de l’autorité le fit saisir et le chargea de chaînes, en attendant qu’il apprenne ce que

VOUS en pensez, soit pour le tuer, soit pour le mettre au gibet, comme Ta fait notre maître ‘Oumar à cet étranger qui, ayant piqué un mulet monté par une femme, celle-ci tomba et une partie de sa nudité se trouva dévoilée.

Faut-il le frapper douloureusement pour être sorti de l’état d’humiliation et d’abaissement qui lui est imposé ? Sa mise à mort est-elle obligatoire, soit pour le fait de la magie, soit pour les paroles inconvenantes dont il s’est rendu coupable, ou bien ne sera-t-il tué que pour tous ces motifs réunis ?

J’ai pris connaissance des paroles abominables que vous avez rapportées d’après cet ignoble personnage, qui appartient à la race de « al-maġḍūb ῾alayhim ». Ce sont des paroles tout à fait abominables, surtout celles par lesquelles il a dit : « Les Musulmans n’ont ni origine, etc. »

Rien que pour ces graves paroles, il mérite de subir une flagellation douloureuse et une longue incarcération dans de lourdes chaînes.

Cependant, nous n’opinons pas pour la mort, car ces paroles, si on les considère en elles-mêmes, ne constituent pas un kufr, et ne comportent aucune injure à l’égard de la prophétie.

[Qâsim Al-‘Ouqbânî. T. II, p. 311.)

Un individu ayant témoigné de l’aveu fait par un autre, celui-ci vient le trouver et lui dit : « Comment oses-tu porter contre moi un témoignage mensonger ! » — « Je n’ai témoigné que de ce que tu m’avais dit de ta propre langue. » Alors, le premier lui répondit : « Tout ce que vous avez lu n’est que tūdāyn », mot étranger, qui signifie, en arabe, juiverie ; Que décider?

Les paroles prononcées par celui contre lequel la déposition est intervenue sont abominables et constitueraient même un kufr ou le supposeraient, si on les prenait dans leur sens apparent : qu’Allah nous en préserve !

Mais dans le langage usuel, cela s’entend comme se rapportant uniquement à celui à qui Ton parle. C’est comme si Ton disait : « Tout ce que tu as lu, en fait de choses pieuses et parfaites, ne t’a guère rapporté le fruit dont il est susceptible ; car ton naturel lui est contraire. » — C’est ainsi que, dans l’usage, on entend ce langage. Cependant, celui qui l’a tenu mérite une correction consistant en prison et en flagellation. De plus, son témoignage ne pourra être admis que lorsqu’il aura fait pénitence et que sa bonne conduite sera devenue évidente.

{Aboâ-l’Faradj Saîd ibn Loubb, T. II, p. 315.)

AR-RIDDA WAS-SABB

HÉRÉSIES

Peut-on accepter la déposition d’un témoin vertueux et homme de bien, mais professant des opinions dâhirites, c’est-à-dire rejetant l’analogie comme règle d’interprétation juridique ?

L’exclusion absolue de l’analogie (al-qiyâs) en matière de jurisprudence religieuse est, de l’avis de tous les jurisconsultes, une hérésie [bid’a). Elle constitue une cause de récusation dans la personne de celui qui y croit fermement et juge en conséquence. Cela est, en effet, contraire aux indications du Qoran, aux enseignements de la tradition et à la doctrine admise unanimement par les Aṣḥāb et ceux qui sont venus après eux, parmi les jurisconsultes des grandes villes.

Ibn Rouschd. T. II, pp. 265-267.)

Ibn *Attâb fut consulté au sujet de deux partis de jurisconsultes, qui furent en désaccord au sujet de ceux qui commettent de graves péchés {J\S^ kabâïr) et de ceux qui adoptent des bida῾ Un parti soutient que le sort des pécheurs dépend de la volonté, tandis que les innovateurs entreront au feu, sans en excepter un seul ; Tautre affirme que les innovateurs méritent plus de dépendre de la volonté divine, car leur faute consiste dans une erreur d’interprétation, dans laquelle ils recherchaient la vérité : ils se sont trompés. Les pécheurs, au contraire, ont commis leurs fautes audacieusement et en s’y jetant aveuglément, sachant cependant qu’Allah a interdit les actes en question. Ils se sont crus en sûreté contre sa vengeance et son châtiment, tandis qu’Allah a expliqué clairement dans son livre qu’on ne peut se garantir contre son châtiment. De plus, les docteurs musulmans sont d’accord pour dire que celui qui reste attaché à l’un des articles de foi, ne sera pas condamné au feu.

Ibn ‘Attâb a répondu : « C’est là une question où je n’aime guère me plonger, ni parler. En tous cas, si le fait se produit, je dis que toute innovation est blâmable ; blâmable aussi est celui qui en croit la moindre chose. Ces innovations sont les unes plus graves que les autres. Qu’Allah nous en préserve ! — D’ailleurs Allah n’a fait mourir son Prophète — sur lui soient les bénédictions d’Allah et son salut! — que quand il eut laissé son peuple en possession d’une doctrine évidente et qu’après leur avoir ordonné de s’en tenir au Qoran et à la Sounna. »

(T. 11, pp. 263-264.)

Un individu, nommé Abou-1-Hasan, parlant au sujet d’un autre individu nommé Idrīs ibn Sulaymān, dit : « Qu’Allah maudisse l’aïeul de son aïeul, fût-il prophète envoyé! »

Faut-il le mettre à mort ?

Les paroles prononcées par cet homme sont de nature à amoindrir et à léser le Prophète. Si cela est établi contre lui par des témoins irréprochables, il sera tué, sans qu’on lui donne l’option de se repentir, lui faisant ainsi application des mêmes règles qu’au zindîq.

Si les témoins, sans être irréprochables, semblent être en possession de cette qualité, la peine à prononcer n’ira pas jusqu’à la mort ; ce sera un châtiment douloureux et une incarcération prolongée. Enfin, si les témoins sont tels qu’on doive rejeter leur déposition, aucune punition ne sera infligée à cet homme : il sera sévèrement repris, mais par des paroles seulement, sans coups, ni prison.

{Mi^bâh ibn Mouhammad ibn ^Abd Allah Al-Yâli^oùtt Jy^^\) 2. T. II, pp. 270-271.) 746/1345

Le Qāḍī de Marrakesch, Mūsā ibn Hammād, consulta Ibn Rušd sur la question suivante :

Il y avait dans cette ville un chrétien qui avait embrassé l’islâm et qui, publiquement, se montrait Musulman. Puis on apprit qu’il était resté chrétien. On rapporta au Sultan de tels propos sur son compte qu’une enquête devint nécessaire. On perquisitionna dans sa maison et l’on y trouva une chambre ressemblant à une chapelle, dans laquelle était une alcôve cintrée tournée vers TOrient et plus étroite que le reste de la pièce. On ne voyait point dans cette alcôve une un doukkān sarīr ; mais il y avait suspendue une qandīl et divers objets sur lesquels étaient des restes de cierges fondus. On a également découvert chez lui, tracés en caractères chrétiens, des livres, ainsi que beaucoup de bougies et un bois reposant sur quatre pieds, ressemblant à une espèce de porte-charge. On y trouva enfin un bâton terminé à sa partie supérieure par une croix, formée par un autre bâton ayant environ un empan ou un peu plus, et des petits pains ronds et plats en pâte déjà secs, sur chacun desquels on voit l’empreinte d’un sceau. Deux personnes de celles qui connaissent les choses concernant les chrétiens et leurs pratiques religieuses, ont témoigné que les cierges en question servent aux chrétiens pour faire leur communion, et sont donnés par eux à leur prêtre pour qu’il les allume dans le lieu de leur culte ; que le bois à quatre pieds sert au prêtre chrétien à y placer TÉvangile, lorsqu’il veut le lire ; que le bâton à croix lui sert à s’appuyer dessus quand il doit se mettre debout pour la lecture de l’Evangile ; que les petits pains constituent l’eucharistie offerte par les chrétiens à l’issue de leur jeûne, et que cela ne se trouve jamais que chez leurs imâms.

Ces objets trouvés dans la demeure de cet homme, et les bruits qui circulent à son sujet, à sa voir que, tout en se faisant passer publiquement pour Musulman, il est, au fond, resté chrétien, sont-ils des indices suffisants pour décider qu’il est zindîq^ puisqu’il donnait le change en se faisant passer pour Musulman, jusqu’au jour où Ton découvrit ce qui a été mentionné ci-dessus ? En conséquence, doit-on le juger comme un zindîq ?

Réponse. — S’il n’est pas établi, par une preuve testimoniale irréprochable, à Tencontre de ce chrétien, converti volontairement à rislâm, qu’il est resté, en réalité, attaché à la religion chrétienne, il ne sera pas condamné à mort sans faculté de faire pénitence comme le zindiq par cela seul qu’on a trouvé chez lui des objets servant à Texercice du culte. En effet, les peines corporelles définies (ḥudūd), comme la mort, ne sont pas appliquées sur une preuve résultant uniquement de la commune renommée ou d’un grave soupçon.

Il faut, pour cela, la déposition de témoins musulmans irréprochables. Ne voyez-vous pas que si le bruit se répand, au sujet d’un Musulman, qu’il boit du vin et si Ton trouve du vin placé devant lui, dans sa propre maison ou sur sa table, à diverses reprises, il ne sera pas passible de la peine applicable à ceux qui boivent du vin, bien qu’il en soit fortement soupçonné. De même, celui qui est accusé par la rumeur publique de forniquer avec une femme de auvaises mœurs, notoirement connue comme telle, et qui s’enferme avec elle dans sa maison, ferme sa porte et reste en tète à tête avec elle pendant un certain temps, n’encourra pas, pour cela, la peine de la fornication, bien que son long téte-à-tête avec elle rende probable le fait de la fornication. Il est seulement passible d’un châtiment douloureux.

Pareillement, ce chrétien converti n’encourt qu’une correction douloureuse, à raison du soupçon qui pèse sur lui, par suite de la découverte, dans sa maison, des objets que vous avez mentionnés.

{Ibn Rouschd, T. II, pp. 271-272.)

Deux individus discutent sur la manière dont la révélation est reçue par les anges. L’un d’eux dit: « Les anges occupent différentes fonctions où Allah les a placés. Il en est qui adressent des actions de grâces à Allah ; d’autres qui se prosternent, selon le plaisir d’Allah. Aucun d’entre eux ne sait ce à quoi l’autre est occupé. Quand Allah désire une chose, il en inspire l’âme de l’ange, qui exécute l’ordre comme Allah le lui a ordonné. C’est ainsi que Djibrîl a reçu le Qoran et d’autres qu’il a fait descendre sur la terre. Mais l’ange n’entend de la part d’Allah, ni discours, ni parole articulée, ni une seule lettre. »

L’autre individu répondit : « Comment expliquer alors cette parole du Qoran : « Et Allah parla à Moïse en paroles « articulées ^ ? »

La parole d’Allah, bien qu’elle ne soit pas de la même essence que la parole humaine, est entendue de celui des anges ou des prophètes à qui Allah accorde cet honneur, et cela sans qu’il y ait un intermédiaire quelconque. Celui qui nie cela sera tué, à moins qu’il ne fasse pénitence.

{Ibn Rouschd. T. II, p. 284.)

Celui qui contrevient à une opinion unanimement admise est un kâfir. S’il ne fait pas pénitence, on doit le mettre à mort.

Ainsi, Ibn Sahnoùn a dit dans son ouvrage : « Les hommes sont unanimes à proclamer que le safran n’est pas un aliment. Si quelqu’un venait affirmer le contraire, il con- treviendrait à cette unanimité. Aussi lui offrira-t-on de faire pénitence, et s’il refuse, il sera mis à mort. »

(Aboû ^Abd Allah Mouhammad ibn ‘Abd Al-Moâ’min II, 354.)

1. Sourate IV, « les femmes », verset 162.

BLASPHÈMES

Une chrétienne de Cordoue^ nommée Daldja (du moins elle se prétend chrétienne), a renié à haute voix la divinité d’Allah — qu’il soit exalté ! — disant que c’est Jésus qui est Dieu, — mais Allah est trop au-dessus de son blasphème. Puis elle ajouta que Mouhammad a menti, en prétendant à la prophétie.

A notre avis, le blasphème de cette femme maudite^ la nommée Daldja, la rend passible de la peine de mort ; il faut l’expédier promptement au feu brûlant. Que la malédiction d’Allah soit sur elle !

(*Oubaid Allah ibn Yahyâ ; Mouhammad ibn Loubâba ; Sa’d ibn Mou’âdh ; Ibn Walîd et Al^mad ibn Yabyâ, membres du šūrā de Cordoue.)

(T. Il, p. 267.)

D’après Ibn Sahl, Mâlik aurait dit : « Si un tributaire, juif ou chrétien, dit: Mouhammad n’a pas été envoyé vers nous, pour nous apporter ce qu’il a reçu mission de vous apporter ; notre prophète est Moïse ou Jésus, ou autres paroles analogues, ce juif ou ce chrétien ne sera passible d’aucune paine pour cela.
« Mais, s’il dit : Mouhammad n’est pas prophète, il n’a reçu aucune mission, aucun Qoran ne lui a été révélé, c’est lui-même qui l’a inventé, — il sera mis à mort ; je n’ai aucun doute à cet égard. Il en serait de même, si le
coupable était Musulman. »

De même Ibn Al-Qâsim a dit : « Si le chrétien dit : Notre religion vaut mieux que la vôtre, votre religion est celle des ânes », il sera condamné à un châtiment douloureux. S’il adresse au Prophète une insulte que l’on comprend, il aura, selon Mâlik, le cou tranché, à moins qu’il n’embrasse r Islam, Mais Mâlik ne m’a jamais dit qu’on doive l’y engager, ce qui me fait supposer qu*il voulait dire : à moins qu’il n’embrasse l’Islam spontanément.

Nous avions consulté une fois Mâlik au sujet d’un chrétien du Caire qui a dit, devant témoins : « Pauvre Mouhammad ! il vous a dit qu’il était au paradis ; il est en ce moment dans l’enfer. Pourquoi ne peut-il rien faire pour lui-même, pour laisser ainsi les chiens lui manger les pieds ! Si on l’avait tué, les hommes auraient trouvé du repos en se débarrassant de lui. »

Mâlik garda le silence, puis, dans une autre séance, il nous dit d’écrire de trancher le cou à ce chrétien.

(T. II, pp. 267-268.)

La succession du chrétien qui injurie le Prophète, sera-t-elle recueillie par ses héritiers naturels ou par les Musulmans ?

S’il a dit une injure à l’égard du Prophète, il sera passible de la peine de mort, à moins qu’il ne se convertisse à rislâm, auquel cas il échappe à cette peine. Avant d’avoir commis ce crime, il était kâfîr, et s’il est ensuite condamné à mort, c’est à raison d’un fait nouveau, dont il s’est rendu coupable et qui n’entre pas dans les termes de la protection que nous lui devons. La survenance de ce fait nouveau est une cause de rupture du pacte dont il jouit. Le pacte étant rompu, le sang de cet individu devient nécessairement licite, comme il Tétait à l’origine, s’il n’y avait le pacte qui lui a été accordé. De même, ses biens appartiendront aux Musulmans, non à titre de succession, mais à titre de fayg. En effet, le droit de succession, en vertu duquel héritent les tributaires, repose sur le pacte par lequel nous leur avons accordé de demeurer dans leur religion, où Allah ordonne de les laisser, bien qu’elle soit contraire à la religion de la vérité (l’Islamisme). Dès que Tun d’eux viole le pacte, grâce auquel ils héritent, il s’en trouve exclu, et nous ne sommes plus tenus envers eux de leur assurer la succession de l’exclu ; car, il a cessé de jouir du pacte, tandis que les autres en jouissent encore. Or il est de règle que le droit de succession disparaît entre deux catégories différentes, quand bien même il y aurait entre elles parenté paternelle ou maternelle, car le de cujus a cessé de jouir du même pacte que ceux qui réclament sa succession.

{Abū-l-Qāsim ibn Al-Kālib Al-Qarwi, T. II, pp. 272-273.)

Un individu, créancier d’un autre, ne quitte pas son débiteur jusqu’à l’exaspérer. (Voyant que celui-ci était fâché), il lui dit : -u^e^ Je. JL» « prie sur Mouhammad * ! » Mais l’autre répondit, en colère : « Qu’Allah ne prie pas sur celui qui prie sur lui (Mouhammad). » Que décider ?

Cet individu n’est pas assimilable à celui qui insulte le Prophète et les anges qui prient sur lui, si vraiment il était dans l’état de colère que vous avez décrit. Il ne sera pas passible de la peine de mort.

(Afbagh. T. II, p. 273.)

l.’ne bayyina établit qu’un individu a dit que le Prophète est sorti par rorifice d*où sort Turine. Doit-on le punir?

On questionnera les témoins sur la conversation dans laquelle ces paroles ont été prononcées par lui, sur la phrase à laquelle elles ont servi de réponse. S’il est prouvé indubitablement que son but était, en prononçant ces paroles, de diminuer le prestige du Prophète, et si, d’autre part, il n’a aucun moyen à faire valoir contre la bayyina qui en a déposé contre lui, il sera inévitablement condamné à mort. Mais s’il appert qu’il a voulu uniquement établir que le Prophète est un être humain et non un des anges, il sera seulement passible d’une correction douloureuse, pour n’avoir pas évité de parler du Prophète en pareils termes, alors qu’il pouvait s’en dispenser.

(76/1 Bousckd, T. II, pp. 273-274.)

Un ivrogne crie : « Je suis Allah, je suis Allah. » S’il fait pénitence, il encourra (seulement) une correction. S’il récidive, il sera poursuivi comme le serait le zindiq, car ces paroles sont le kufr de ceux qui se jouent de la religion.

(T. II, p. 280.)

Un esclave âgé vint réclamer son dû à un Juif, qui lui jura par la Thora. L’esclave alors répondit : « Que Dieu maudisse la Thora ! »

Ces faits sont attestés par un témoin. Puis un autre témoin vint déposer dans les termes suivants : « Ayant été en compagnie de l’esclave, je lui dis qu’il m’était parvenu qu’il avait maudit la Thora. Alors, il me répondit qu’il avait seulement maudit la Thora des juifs.

Le Qâdî fît une enquête sur la moralié de l’esclave, et des témoins irréprochables déposèrent que ledit esclave est vieux, faible d’esprit, ignorant de ce que sont les quatre Livres.

Le Qâdi a sursis au jugement jusqu’à ce qu’il ait votre opinion, et il mettra l’esclave à mort, s’il y a lieu.

Réponse. — Cette bayyina n’a pas apporté une clarté telle que l’on puisse répondre d’une façon sûre. En effet, le premier témoin, vu qu’il est seul, ne peut donner lieu à l’application de la peine de mort. Quant au second, il a eu incidemment connaissance de l’affaire, dans des conditions qui permettent l’interprétation et l’admission de l’excuse tirée de l’ignorance.

En effet, cet esclave parle de « la Thora des Juifs » et semble croire que les Juifs ne sont en possession de rien qui soit venu de Dieu. Il ignore que les Juifs ont transgressé ce qu’ils ont entre les mains, l’ayant reçu de Dieu, ou qu’ils l’ont interpolé. Dans ces conditions, il se peut qu’il ait cru que la Thora des Juifs est leur œuvre personnelle, dont rien n’émane de Dieu.

D’autre part, vous avez décrit cet esclave comme étant vieux, faible d’esprit et ignorant, trois choses qui dérangent les facultés de celui qui en est atteint. Cependant, si sa faiblesse mentale est telle qu’il ne sait plus ce qu’il dit, il n’aurait pas eu assez de lucidité d’esprit pour demander paiement de sa créance, ni soutenir une conversation avec les gens. C’est donc que sa faiblesse d’esprit n’a pas atteint un degré qui le rende irresponsable ; et si les deux témoins étaient d’accord qu’il a maudit la Thora, sans autre épithète, comme l’affirme le premier témoin, l’interprétation (dans un sens qui lui est favorable) deviendrait difficile. Il est peu vraisemblable, en effet, qu’un homme qui a vieilli au milieu des Musulmans, n’ait jamais entendu dire que la Thora est du nombre des livres que Dieu — qu’il soit exalté ! — a révélés.

Je vous ai ainsi indiqué les motifs qui rendent douteuse une réponse absolue. [En effet], celui qui est passible, à titre de maximum, de la peine de mort, — s’il survient un empêchement rendant douteuse Tapplication de cette peine, — ne doit pas être libéré de la prison. Cependant, on ne doit pas prolonger son incarcération, s’il a déjà passé en prison le temps auquel il eût été probablement condamné. De même, on ne lui mettra que les liens qu’il peut supporter, car Allah éclaircira peut-être son affaire, de façon qu’on puisse y faire une réponse qui rassure le cœur, ou encore il pourra s’élever contre lui des preuves conformes au Qoran et à la Tradition.

Telle est mon opinion, et c’est en Dieu que je place mon assistance.

(Al’Qâbisî, T. II, pp. 413-414.)

Si l’ennemi — qu’Allah le fasse périr ! — arrivait à la Ka῾ba ou au tombeau du Prophète et disait aux Musulmans : « Livrez-nous l’un d’entre vous, sinon nous démolirons la Ka’ba ou déterrerons votre Prophète. » Que faire?

Cette question est une de celles qu’ont répandues les hommes de doute et de peu de foi, afin d’arriver à se rendre licite le meurtre d’une personne inviolable ou à détruire l’inviolabilité du Prophète. Ainsi, ils font peu de cas de leurs semblables et du Prophète et se moquent de leur religion. Mais le Prophète est trop en honneur auprès d’Allah, pour que ses ennemis puissent se permettre d’attaquer son inviolabilité. De même qu’Allah l’a préservé durant sa vie, il le préservera après sa mort et fera périr ceux qui l’attaquent de quelque façon que ce soit.

Si même ses ennemis arrivaient jusqu’à sa tombe, certes ils la respecteraient, en seraient saisis de crainte, se frotteraient contre cette tombe et rechercheraient dans la terre qui la recouvre la guérison de leurs maladies. Les Grecs, jusqu’à ce jour, quand ils souffrent de la sécheresse, implorent Allah de leur donner la pluie, au nom de la tombe d’Aboû Ayyoûb Al-Ansâri*, à raison du crédit dont il jouissait auprès du Prophète. Que ne feraient-ils pas s’il s’agissait du Prophète lui-même.

Cependant, puisqu’on veut bien poser une question sur une chose qui ne peut se produire, une chose impossible, je suis obligé de répondre et d’indiquer la règle applicable.

Il est du devoir de tous les Musulmans de mourir jusqu’au dernier, avant de laisser attaquer l’inviolabilité du Prophète. On ne livrera pas non plus aux ennemis l’homme qu’ils réclament, car leurs personnes ne sont pas plus inviolables que la sienne.

En outre, le Prophète a dit : « Nul d’entre vous ne sera un vrai croyant, que lorsque je serai, pour lui, plus cher que sa personne, ses enfants, ses parents et tous les hommes réunis. »

Pendant la bataille d’Ouhoud, Sa*îd ibn Az-Zoubair, mortellement blessé, dit, entre autres choses, au messager qu’il envoie : « Dis aux hommes de ta tribu qu’ils ne trouveront aucune excuse auprès dWllah, si le Prophète était tué, un seul d’entre eux étant encore en vie. »

Or, l’inviolabilité du Prophète est la même, qu’il soit vivant ou mort.

D’autre part, le Prophète a dit : « Briser l’os d’un Musulman mort, c’est comme le briser lui étant vivant. » Cela signifie que le péché est le même ; à plus forte raison, quand il s’agit du Prophète lui-même, sur lui soit le salut!

{Ibn  Rouschd. T. II, p. 284.)

Un chrétien prononce des injures à l’égard du Prophète, puis se convertit à T Islam ; reste-t-il tenu à raison de son délit?

Non, il n’est plus tenu de rien.

{Aboû-l’ffasan Al-Qâbisî. T. II, p. 410.)

On fit remarquer à ce jurisconsulte qu’il s’agit en l’espèce d’un intérêt humain *.

Il répondit : « L’injure à l’égard du Prophète est un acte d’impiété {koufr). Il n’en est pas de même de l’injure à l’égard de tout autre que lui. En effet, Allah a dit, dans le Qoran : « Ceux qui font du mal à Allah et à son apôtre, etc. »2, mettant sur le même pied, au point de vue des règles, le mal qu’on Lui fait et celui qu’on fait à son apôtre.

« D’autre part, Allah ajoute, dans un autre verset du Qoran: « Ceux qui font du mal aux croyants ou aux croyantes, etc., établissant une distinction entre les croyants, d’une part, et le Prophète, d’autre part. Pour ce dernier, les règles sont les mêmes que s’il s’agissait d’Allah. »

(Ibidem.)

2. Sourate 33, v. 67.

3. Sourate, 83, v. 58.

Dans une affaire qui se déroula au prétoire du qâḍī *Isâ Al-Ghoubrînî, des Šurfā se trouvèrent en discussion, au cours de laquelle Tun d’eux dit : « Nul n’est prophète dans son pays. » Aboii Zakaryya ibn Mansour, qui était là, consigna cette déclaration, qui fut portée devant le qāḍī susnommé. « Le Prophète, lui dit le qâdî, a cependant prophétisé à La Mecque. »

Le coupable avait prononcé ce dicton par ignorance, comme on le fait souvent dans le vulgaire, pour dire, le plus souvent, que le prophète ne se manifeste réellement que lorsqu’il quitte son pays.

Les fuqahā furent d’avis, en fin de compte, que cela rentre dans la catégorie générale du « reniement de la prophétie » (djahdan-noubouwwa) bien que ces paroles aient été prononcées sans intention (coupable). Aussi le qâdî engagea-t-il cet individu à faire pénitence, ce qu’il fit, et il bénéficia du pardon.

(T. II, pp. 289-290.)

Un individu fit un poème en Thonneur d’un sultan injuste ; un autre individu vint lui raconter qu’il a vu, en songe, le Prophète qui, entrant dans la maison du poète, y chercha ses écrits et, trouvant le poème en question, dit à l’aujteur : « Déchire ça. » Alors, cet auteur maudit répondit : « Pauvre Mouhammad ! il s’est donné la peine de venir de Médine jusqu’ici. » Son interlocuteur désapprouva cette manière de parler, mais Tautre lui répondit : « Je n’ai eu en vue que ces paroles du Prophète :
« mon Dieu, fais-moi mourir pauvre, et rassemble-moi, au jour de la résurrection, dans la troupe des pauvres. » — Que décider ?

Selon moi, on doit le mettre à mort, sans admettre son excuse, pourvu que des témoins irréprochables aient déposé contre lui. Mais cette preuve ne peut être établie que par le Sultan. Si celui qui a entendu ces paroles inconvenantes, s’est empressé de tuer le coupable, il subira le talion, à moins qu’il n’y ait une preuve testimoniale irréprochable contre le coupable. Dans ce cas, c’est au Sultan à décider.

{Aboâ Mouhammad. T. II, p. 282.)

Du temps du qâdî Ibn Al-Qattân, les jurisconsultes de Tunis furent consultés au sujet d’un Juif, qui, entendant adhân, proféra une injure à l’égard du Prophète. Deux témoins, dont l’un était un soldat appelé Khalîl, et l’autre un mu’addib (maître d’école), nommé ῾Abd Al-Wâhid, déposèrent contre le Juif. Le premier témoin fut accepté et habilité, mais il ne put rien répondre sur l’interpellation finale à lui adressée, dans des circonstances où elle devait l’être.

Les jurisconsultes de Tunis ont répondu qu’il fallait trancher le cou à ce Juif, et il eut le cou tranché. L’Amīr Abū-l-῾Abbās, que Dieu l’ait en sa miséricorde ! disait souvent : « Si ce n’était pas à cause de l’intérêt du Prophète, le témoignage de Khalîl n’aurait pas dû être admis. »

Ce qâḍî — qu’Allah lui fasse miséricorde! — facilitait l’admission du témoignage en pareille matière et poussait les autres à habiliter les témoins, par esprit de vigilance dans ces sortes d’affaires. D’autres qâdis, au contraire, appliquent aux affaires les règles exigées par la loi religieuse, disant qu’il faut aussi tenir compte de l’inviolabilité de la personne.

(T. II, p. 281.)

Un individu dit du mal de quelqu’un, qui lui répond :
« Tu veux, par tes paroles, montrer que j’ai des défauts. Or, je suis un être humain, et tous les humains sont susceptibles d’avoir des défauts, même le Prophète. » — Que décider ?

Il faut prolonger son incarcération et rendre sa correction douloureuse, pourvu qu’il n’ait pas eu l’intention d’injurier.

(Le Qâdî A boâ Mouhammad ibn Afansoûr, T. II, p. 278.)

Que décider au sujet d’un chrétien qui dit : « C’est Jésus qui a créé Mouhammad » ?

Il sera mis à mort.

On m’avait amené, une fois, un chrétien qui avait dit : « Par Celui qui a choisi Jésus de préférence à Mouhammad… » Hésitant sur la décision à prendre, je le frappai jusqu’à le tuer ; je crois qu’il resta encore en vie pendant un jour ou une nuit. Je donnai alors l’ordre à quelqu’un qui le traîna parle pied jusqu’à un tas d’ordures, où les chiens le dévorèrent.

{Abū l’Moufab Az-Zuhrī. T. II, p. 272.)

Celui qui, parlant du Prophète, le nomme « le chamelier orphelin d’Aboû Tâlib * » sera mis à mort.

(Al’Qâbisi. T. II, p. 275.)

Un individu, entendant un groupe de personnes parler de la description du Prophète et voyant passer auprès d’eux un homme très laid de visage et de barbe, leur dit : « Vous voulez savoir comment était le Prophète ? Il avait le physique et la barbe de ce passant. » Que décider ?

Il sera mis à mort sans qu’on accepte son repentir. Il a menti, qu’Allah le maudisse !

L’ami de Sahnoùn, Ahmad ibn Soulaimân, a dit : « Celui qui dit : « Le Prophète était noir », sera mis à mort. »

[Ibn Aboû Zaid. T. II, pp. 271-272.)

Un Juif se prétend prophète et soutient qu’il a été envoyé aux hommes ; ou bien il dit : « Après votre Prophète il reste encore un prophète. »

On lui offrira de faire pénitence s’il a agi publiquement, et, s’il refuse, il sera mis à mort ; car il donne le démenti au Prophète, qui a dit : « 11 n’y aura aucun prophète après moi », et il invente des mensonges sur le compte d’Allah, en prétendant qu’il est envoyé, par lui, comme prophète.

{Aschhab. T. II, p. 276.)

Haroûn Ar-Raschîd consulta un jour Mâlik au sujet d’un individu qui, ayant insulté le Prophète, fut déclaré, par les Mouftis de F ‘Iraq, passible de la flagellation. Mâlik se mit en colère et répondit : « Emir des Croyants ! à quoi sert à un peuple de survivre à son Prophète ? Celui qui insulte les prophètes sera tué, et celui qui insulte les compagnons de Mouhammad sera ilagellé. »

(T. II, p. 276.)

Un individu, à qui quelqu’un réclamait son du avec insistance, répondit : « Je ne te donnerai rien, ni ne t’accorderai ce que tu demandes, lors même que l’Apôtre d’Allah viendrait me trouver pour cela. »

Une autre fois, entendant un homme lire la sourate de Joseph* et son aventure avec ses frères, il s’écria : a Les hommes de notre temps ne font rien de tout cela. »

Ces faits sont-ils une preuve de la perversité de sa foi et de la turpitude de son cœur ?

Si l’individu qui a prononcé ces paroles, s’étant vu réclamer un droit auquel il était tenu, a refusé de payer et a répondu par ces paroles abominables, il subira une correction douloureuse, à raison de la faute qu’il a eu l’audace de commettre.

Si la demande n’était pas fondée sur un droit, le châtiment sera plus léger que dans le premier cas.

Mais si cet homme est un de ceux dont on ne peut suspecter la religion, il lui sera simplement intimé de ne plus tenir un pareil langage, et il sera exempt de châtiment.

De même, pour les paroles qu’il a prononcées au sujet des frères de Joseph, il a pu vouloir dire que c’est une aventure extraordinaire, qu’il est rare de voir se produire quelque chose de semblable, à notre époque.

Si l’on avait la certitude qu’il voulait indiquer, par là, la supériorité des hommes de ce temps-ci, tout en sachant que les frères de Joseph étaient prophètes, certes il mériterait un châtiment violent, qui confine à la mort.

Mais, il y a désaccord sur le point de savoir si les frères de Joseph étaient prophètes. Aussi, la condamnation à mort ne peut-elle être prononcée, à cause de ce désaccord.

Enfin, si cet individu était venu demander une félwa à ce sujet, afin d’éclairer sa religion, sans être détenu en vertu d’une preuve testimoniale en règle, il serait dans l’obligation de faire pénitence et de demander plusieurs fois pardon.

[Qâsim Al’Ouqbânî. T. II, pp. 293-294.)

. Sourate XII du Qoran.

Haroûn ibn Habtb, frère du jurisconsulte *Abd Al-Mâlik ibn Habib, avait « le cœur étroit » et était souvent d’humeur chagrine. Ayant été gravement malade, des témoins ont déclaré l’avoir entendu dire : « J’ai souffert dans cette maladie-ci ce que je n’aurais pas mérité si j’avais tué Aboû Bakr et *Oumar. »

Ibrahim ibn Hasan ibn Khâlid rendit une félwa concluant à sa mise à mort, le sens de ses paroles étant une accusation d’injustice contre Allah et une plainte contre son iniquité. Or, en cette matière, la simple insinuation équivaut à la déclaration ouverte de la pensée.

Son frère, *Abd AI-Mâlik ibn Habib, Ibrahim ibn Hasan ibn *Âsim et le qâdî Sa*id ibn Soulaimân, conclurent dans leur fétwa qu’il fallait écarter la peine de mort. Toutefois le qâdi opina qu’il était passible d’une peine sévère, consistant en prison et correction, vu l’interprétation que pouvaient recevoir ses paroles, comme une plainte de la souffrance.

(T. II, p. 280.)

De quoi est passible celui qui médit des « œil blanc » Sa peine est un coup de sabre.

{Ibn Aboû Lailâ. T. II, p. 332.)

Des témoins ont déposé qu’ils savent, par commune renommée, qu’un individu est affilié à la secte des faqîrs qui sont connus pour déclarer permis et licite tout ce qu’Allah a prohibé. Il est également accusé de faire partie de la secte des zindiqs, qui font montre de sentiments musulmans et cachent leur infidélité. Tout cela est établi en justice. En outre, des témoins ont déposé contre lui, de faits qui le rendent passible d’une condamnation encore plus forte. Entre autres choses dont il est accusé, il aurait dit, d’après un témoin : « Les mots al-hayy al-qayyūm: « l’Éternel », qu’on rencontre dans le Qoran signifient : « al-hayy », les parties sexuelles de la femme, comme synonyme d’al-ḥayā; « al-qayyūm », le membre de l’homme. »

Mais Allah est trop haut pour les dires des imposteurs.

Parlant de la circoncision, il a dit, d’après un autre témoin : « L’origine de la circoncision vient de ce qu’Adam, quand il a été créé, avait quelque chose en trop. On s’est alors demandé de quelle partie de son corps on allait lui enlever cet excédent. Si on l’enlevait de son nez, cela se verrait ; si on l’enlevait (Tici ou de /à, cela se verrait encore. C’est alors qu’on l’ôta de la partie cachée en question. »

« Dans quel ouvrage as-tu puisé ces renseignements, lui avait demandé le témoin, et quel en est l’auteur ? » — L’autre lui répondit : « Le faqīr n’a besoin de consulter ni livre, ni écrit ; il dit simplement ce dont son cœur se trouve inspiré. »

D’autres témoins ont déclaré l’avoir vu, au milieu d’hommes et de femmes, dans un état de promiscuité, tandis qu’ils se passaient le vin les uns aux autres.

Tout cela est également établi par un acte qui est entre les mains de la justice. Il reste à examiner si ces témoignages, qui portent, en apparence, sur des faits différents, donnent ou non lieu à une condamnation. En effet, chacun des trois témoins a déposé d’un fait dont l’autre témoin n’a pas déposé. En sorte que l’on peut croire, de prime abord, que, les témoins n’ayant pas déposé simultanément sur un même fait, l’acte n’est pas en possession d’une unité parfaite, vu que chacun des faits qui y sont relatés n’est constaté que par un seul témoin. Or, le témoin unique, à raison même de son isolement, ne peut suffire comme base d’une décision judiciaire. Que décider?

Ce que l’on doit dire, — par l’assistance d’Allah, — c’est que les trois témoins sont d’accord sur un même fait qui mérite une condamnation à mort, sans faculté de faire pénitence. La faculté de pénitence fait défaut, parce que le coupable cachait ses opinions. Quant à la peine de mort, elle s’impose parce que les divers témoignages tombent d’accord sur ce point, que c’est un /rd/Zr, reniant la loi divine de Mouhammad. En effet, les mots al-hayy al- qagyoûm sont des noms d’Allah, comme cela est établi par le Qoran et la Sounna, et dans le sens usité chez le vulgaire et les notables.

Donner à ces mots ce sens ignoble, est un acte de kâfir, impliquant, — comme cela n’échappe à personne, — qu’on tourne la religion en dérision.

Or, quiconque renie la moindre chose de la religion est considéré comme reniant le tout, ainsi que cela est rapporté d’après nos pieux ancêtres ^

1. Voy. Qoran, II, 256; III, 1; XX, 110.

{Abū Ishâq Asch-Šātibī, II, pp. 401-402.)

Un individu, au cours d’une contestation avec un Juif, qui lui jure par la Torah, lui dit : « Qu’Allah maudisse la Torah ! » Un témoin a déposé de ces faits. Puis, un autre témoin, qui avait questionné cet individu, déclare qu’il lui avait dit : « Je n’ai maudit que la Torah des Juifs. » Que
décider ?

Le témoin unique n’impose pas l’application de la peine de mort. Quant au second, il a eu connaissance de Taffaire dans des conditions qui admettent l’interprétation. Il se peut, en effet, qu’il ait trouvé que les Juifs ne sont plus en possession de rien qui soit venu d’Allah, vu les interpolations et les altérations [qu’ils ont fait subir aux textes révélés]. Mais, si les deux témoins sont d’accord qu’il a maudit la Torah purement et simplement, l’interprétation devient alors plus étroite.

{Al-Qâbisi, II, 280.)

INNOVATIONS BLÂMABLES : BIDA’

Du nombre des innovations blâmables est encore Thabitude de suspendre dans les mosquées de nombreux lustres de haut prix, et de croire que les dépenses que Ton fait dans ce but sont faites pour Tamour d’Allah.

Selon Ibn Al-Hâdj, c’est encore une innovation répréhensible que l’augmentation du luminaire dans les mosquées, car cela entraîne une augmentation corrélative des dépenses, qui constituent une perte d’argent, surtout si rhuile est achetée aux frais du waqf (fondation pieuse).
C’est une faute grave dans l’administration du Nâ^hir (administrateur), surtout si cela n’a pas été autorisé par le constituant. Du reste, il aurait autorisé cet usage, qu’on ne tiendrait pas compte de cette clause.

Ainsi, il arriva, une fois, qu’on alluma beaucoup de luminaires dans la Grande Mosquée de Fâs ; mais le vénérable Schaikh Aboû Mouhammad Al-Faschtâlî étant venu pour la prière du soir (*l^ ‘aschâ) comme de coutume,
vit tout cet éclairage et s’arrêta sans vouloir entrer à la mosquée. On lui demanda pourquoi il n’entrait pas. Il répondit : « Par Allah ! je n’entrerai que lorsqu’il ne restera plus, dans la mosquée, que trois ou cinq lampions », ou un autre chiffre, qu’il avait alors fixé. On obéit à son ordre, et alors il entra. Tout ce bien a été réalisé, grâce à Tintervention d’un seul Schaikh.

Comment pourrait-il en être autrement quand il y a plus d’un Schaikh d’accord sur ce point.

Nous appartenons à Allah et c’est à lui que nous revenons.

{Aboû ‘Abd Allah Mouhammad ibn ‘AbdAl-Moû^min. II, p. 363.)

Du nombre des innovations blâmables est l’habitude de faire des vœux, dans la Khoutba (prêche), à l’adresse des Ashâb (compagnons du Prophète), des Khalifes et des Sultans. Régulièrement la Khoutba ne devrait contenir que les actions de grâce, les vœux, l’invitation [à faire le bien], la menace et la lecture du Qoran.

Le mieux est de se borner à appeler les bénédictions d’Allah sur le Prophète, sans y ajouter la mention des Ashâb ou autres. Cependant Asbagh dit qu’il n’est pas mauvais d’appeler également les bénédictions d’Allah sur les Anges.

Quant aux vœux adressés aux Khalifes, c’est une innovation, et il vaut mieux faire des vœux pour la totalité des Musulmans. Il n’est pas mauvais, non plus, d’en adresser,en particulier aux Musulmans prenant part à une expédition ou aux mourâbitîn (Almoravides), quand cela est nécessaire. Mais je trouve mauvais de faire cela sans discontinuer.

{Izz ad’Dtn ibn ‘Abd As-Salâm. T. II, p. 365.)

Parmi les innovations blâmables, est l’habitude de faire entendre le son du cor des Juifs, būq-al-yahūd dans les mosquées d’Allah, pendant les nuits du mois de Ramadan, afin d’avertir le public que la est terminée et pour qu’ils ne manquent pas le souhoâr.

Mais puissé-je savoir pourquoi Ton attache tant d’importance à ce repas pour en arriver à employer des moyens aussi impies? La religion est tombée si bas aux yeux des hommes, que les choses qu’Allah a faites le plus vénérables sont devenues, par le fait de ces hommes, un objet de risée.

Ce cor est devenu, en Andalousie, le moyen d’indiquer, pendant le Ramadan, le moment du coucher du soleil et de la rupture du jeune. Son usage s’étendit ensuite au Maghreb al- Aqça et au Maghreb al-Awsat, pour indiquer le moment où l’on peut commencer le souhoâr et celui où il doit être terminé.

Cependant, d’après le hadllh^ c’était un homme, Ibn Oumm-Maktoùm, qui annonçait la clôture de ce repas. En effet, le Prophète a dit : « Bilâl ne fait pas d’annonce pendant la nuit. En conséquence, mangez et buvez, jusqu’à ce que vous entendiez Ibn Oumm-Maktoûm. »

D’après Ibn Schihâb, Ibn Maktoûm était un homme aveugle qui ne proclamait la (in de ce repas que lorsqu’on lui disait : a II fait jour, il fait jour ! »

Ainsi, dans le pays du Maghreb, adhân (appela la prière), l’usage du fanal et du drapeau suivent, ou peu s’en faut, les règles admises par nos domestiques (les Juifs).

(Aboâ ‘Abd Allah Mouhammad ibn Abd Al’Moiïmin. II, p. 362.)

Est-il possible, au point de vue de la Toute-Puissance divine, qu’Allah très exalté crée un être supérieur en mérite à notre prophète Mouhammad ?

Cela est possible au point de vue de la Toute-Puissance divine, mais ne se produira jamais.

{Aboû *Abd Allah Mouhammad ibn ‘Abd As-Salâm,Qâdî al’Djamâ’a,Tunis, II, 310)

Un docteur contemporain d’Ibn *Abd As-Salâm, le faqih Aboû-I-Hasan ibn Mountaçir, ayant eu connaissance de sa réponse, lui écrivit: « O Mouhammad! Plût au Ciel que ta mère ne t’ait pas mis au monde; et plût au Ciel, que t’ ayant donné le jour, tu n’eusses rien appris ; plût au Ciel enfin, qu’ayant appris, tu n’eusses point parlé. »

Selon le khatîb (Prédicateur) Aboû Sa*îd As-Salawî^, la Toute-Puissance d’Allah ne se rapporte qu’aux choses />o.s- sibles (OLx*^l). Quant aux choses impossibles, il est inexact de dire qu’on peut ou qu’on ne peut pas les faire. Or, le Prophète — sur lui soient le salut et les faveurs d’Allah — est la meilleure de toutes les créatureshumaines ; il est donc impossible qu’un autre soit meilleur que lui.

(T. II, p. 310.)

(La question est examinée assez longuement par d’autres auteurs. Nous nous bornons aux réponses ci-dessus rapportées, le sujet n’offrant que peu d’intérêt. E. A.)

D’après un hadîth rapporté par Houdhaifa, il sortira, à la fin des temps, un vent rouge ; les hommes accourront auprès de leurs savants, mais ils les trouveront métamorphosés en singes et en cochons.

Ce Aarf/M doit-il être entendu au sens propre (apparent)? Cet événement est-il déjà arrivé ou est-il encore attendu ? VeulK>ii dire que ce sont les esprits qui seront métamorphosés, ou alors quoi ?

Louange à Allah. Cet événement aura lieu à un intervalle rapproché du jour du jugement dernier. Ceux qui y sont visés, ce sont les mauvais savants, non les savants pieux. Je ne connaissais pas ce hadîth. Au demeurant, Allah le sait mieux que personne.

{Ahmad ibn Idrts. T. Il, p. 300.)

Du nombre des pratiques blâmables est l’habitude d’allumer des cierges sur la montagne de ‘Arafat la veille du huitième jour (de Dhoû 1-Hidjdjâ).

D’après An-Nawawî, c’est une innovation détestable et un égarement abominable, qui renferme en lui toutes sortes de mauvaises choses, notamment la perte d’argent sans àpropos, l’imitation du culte des Mages, la promiscuité des hommes et des femmes, dont le visage est découvert devant les cierges allumés, l’entrée à ‘Arafat avant l’heure canonique fixée à cet effet.

{Aboâ ^Abd Allah Mouhammad ibn Abd Al-Moû’min. II, p. 368.)

Dans l’ouvrage intitulé al-Bayân ^, il est rapporté, d’après Sahnoûn, que les muezzins avaient l’habitude, lorsqu’ils jnontaient au haut du minaret, de plonger leurs regards dans les maisons d’alentour. Les habitants de ces plaisons demandèrent alors que les muezzins fussent empêchés de monter au haut du minaret, ce qui leur fut accordé. Cependant, certaines de ces maisons étaient à une grande distance et un vaste espace ou une rue large les séparaient des minarets. C’est qu’il y avait là un préjudice qu’on doit éviter.

Ibn Rouschd ajoute : « Cette décision s’impose, à mon sens, d’après le rite de Mâlik, car la vue de ce qui se passe chez le voisin est un préjudice qu’on est obligé de faire cesser. Ceux-mémes des partisans de Mâlik, qui admettent que le propriétaire, qui se crée une vue sur son voisin, ne peut être condamné pour cela, et qu’on doit dire à ce voisin de prendre ses mesures pour se soustraire à cette vue, — ceux-là mêmes sont obligés de faire une distinction, car le muezzin n’est pas un propriétaire, mais un simple tâleb qui accomplit un acte vénérable. »

Cette décision s’applique même aux maisons éloignées, à moins, toutefois, que Ton ne puisse pas y distinguer, du haut du minaret, l’homme de la femme, ni les physionomies.

(T. II, pp. 368-369.)

Du nombre des innovations blâmables est l’habitude d’accompagner les convois funèbres, en prononçant le dkikr ^ publiquement. La tradition (Sounna)^ en matière d’accompagnement de convois funèbres, recommande le silence, la réflexion et la méditation 2. Telle était la conduite de nos premiers ancêtres. Agir comme eux, c’est se conformer à la Sounna ; leur contrevenir est une hérésie.
(Aboâ ‘Abd Allah Mouhammad ibn ‘Abd Al-Moû’min, II, p. 368.)

Du nombre des innovations blâmables est l’habitude prise par certaines personnes, qui prétendent à la science, surtout dans le Maghreb, de s’asseoir sur des chaises alors qu’autrefois les ‘Oulémas s’asseyaient, les uns en étendant leurs genoux par terre, les autres en posant leurs talons par terre et en appuyant leurs coudes sur leurs genoux.

Telle était la conduite de tous les jurisconsultes avant l’invention des chaises.

C’est ainsi également que, d’après la tradition, le Prophète avait coutume de s’asseoir. Il restait accroupi, les cuisses rapprochées du ventre 2, et s’appuyait sur ses deux mains, lorsqu’il voulait avancer en se traînant ou se lever.

Selon une autre tradition, le Prophète s’asseyait les talons posés sur le sol et les coudes appuyés sur les genoux. (al-qurfuṣā)

Les premiers ‘Oulémas qui se soient assis sur une chaise sont Yahyâ ibn Mou*âdh, dans la province de Rayy, et Aboli Hamza Al-Baghdâdî. Ils furent, d’ailleurs, blâmés par les Schaikhs.

Telle n’était pas la conduite des savants qui se sont occupés de véritable science : ils s’asseyaient par terre, en s’appuyant sur leurs vêtements.

Seuls s’asseyaient les jambes croisées les grammairiens, les philologues, les ‘Oulémas de familles nobles et remplissant le rôle de mouftîs. C’est, en effet, la manière de s’asseoir des hommes orgueilleux.

[Aboû ‘Abd Allah Mouhammad ibn ‘Abd Al-Moû’min II, 372.)

1. Le mot ^y^^ kourst, qu’on traduit généralement par chaise, désigne ici plutôt une espèce de banc en bois, quelquefois à dossier, sur lequel s’asseoient, par exemple, les notaires, ^oudoûl. C’est, d’une manière générale, un siège quelconque.

Une autre bid’a consiste à dire : « Kīf Sbaḥta, Kīf Amsīta ? », alors que nos ancêtres avaient coutume de dire : « As-Salām ῾alaykum wa ar-Raḥmatu-’llah ! »

Au reste, voici ce que nous a rapporté la tradition : Celui qui vous adresse, le premier, la parole, sans dire : « As-Salām ῾alayk », ne lui répondez pas. »

Si l’on a contracté Thabitude de dire : « Kīf … », c’est uniquement pour le motif suivant :

C’était durant la peste de Amawās (17/639), en Syrie, où les hommes étaient emportés par une mort subite. Aussi, quand un Musulman en rencontrait un autre, le matin, lui demandait-il : « Comment te trouves-tu, ce matin, de la peste ? » Le soir, il lui disait : w Comment vas-tu, ce soir, par rapport à la peste ?» — C’est que beaucoup de Musulmans, qui étaient vivants le matin, ne Tétaient plus à la tombée de la nuit. D’autres, qui étaient bien portants la veille, ne survivaient pas jusqu’au lendemain.

Cette habitude subsista jusqu’aujourd’hui, si bien qu’on en vint à oublier la formule traditionnelle du salut.

Les anciens docteurs, qui connaissaient l’origine relativement récente de cette habitude, la désapprouvaient.
C’est ainsi qu’un individu ayant dit à Aboû Bakr ibn Ayyâsch : « Comment vas-tu, ce matin ? », ce docteur ne lui répondit pas et s’écria : « Laissez-nous tranquilles de cette innovation »

[Aboû ‘Abd Allah Mouhammad ibn *Abd A l-Mod’min. II 372.)

Une autre pratique blâmable est celle qui consiste à remplacer le sable et les cailloux, qui recouvrent le sol de la mosquée, au moyen de nattes. On rapporte, en effet, qu’un homme, appelé Qatâda, s’étant prosterné sur ses nattes, un brin de paille lui entra dans Tœil, alors qu’il était déjà aveugle. Qatâda maudit Al-Ḥağğāġ, qui avait introduit l’usage de ces nattes, qui causent ainsi préju- dice aux fidèles. Nos ancêtres préféraient se prosterner sur la terre même, par humiliation devant Allah.

[Aboâ ‘Abd Allah Mouhammad ibn ‘Abd Al-MoiVmin. II, p. 374.)

Une autre bid’a consiste, de la part de certaines personnes, à cesser tous travaux de propreté dans leur maison et tout balayage, après le départ en voyage d’un membre de leur famille.

Elles considèrent que ces travaux sont de mauvais augure, dès qu’un des leurs s’est éloigné. « Si l’on y vaquait, disent-elles, l’absent ne reviendrait jamais plus. »

De même, quand les membres de la famille de celui qui part en voyage l’accompagnent pour lui faire leurs adieux, ils l’appellent ^ deux ou trois fois, prétendant que ces appels ont la vertu de leur assurer le retour du voyageur.

Mais tout cela est en contradiction avec la Sunna Pure.

{Aboû ‘Abd Allah Mouhammad ibn ^Ahd Al-Moû’min II, 383)

Une autre bid’a est que la femme en menstrues ne doit pas se faire délivrer, à la mesure, du charbon ou des céréales, ni même se présenter dans les lieux où se trouvent ces denrées, et cela à cause de son infirmité. C’est un usage emprunté aux Juifs.

{Aboû ^Abd Allah Mouhammad ibn ‘Abd Ai-Mou’ min. II,383.)

Une autre bid^a consiste en ce que beaucoup d’hommes ignorants de notre temps trouvent mauvais de contracter un mariage ou de le consommer pendant le mois de Muḥarram

D’après l’auteur de l’ouvrage intitulé Al-Mufhim (῾Abd Al-Ġāfir Al Fārisī, 1069-1134, commentateur de Muslim)on doit, au contraire, s’attirer la bénédiction en contractant ou en consommant le mariage durant le mois de Muḥarram, vu le caractère éminemment sacré qu’Allah et son Apôtre ont reconnu à ce mois. On doit aussi agir ainsi, afin de montrer aux ignorants qu’ils sont dans l’erreur.

{Aboâ *Abd Allah Mouhammad ibn ‘Abd Al-Moû’min II, 383)

Nos pieux ancêtres, — puisse Allah être satisfait d’eux, — n’avaient pas de miḥrāb. C’est une innovation, mais une innovation louable, parce que la plu- part de ceux qui entrent à la mosquée ne peuvent reconnaître la direction de la Qibla que par le mihrâb, qui est devenu ainsi indispensable. Cependant, le mihrâb dans ces conditions, ne devait être construit que dans la mesure du strict nécessaire. Or, il s’est trouvé, au contraire, que Ton a agrandi le mihrâb dans des proportions considérables, et souvent certains Imâms font la prière à l’intérieur même du mihrâb^ au point qu’ils se trouvent très éloignés des fidèles, ce qui est contraire à la Sounna.

En outre, de cette façon, Tlmâm s’exclut de la partie de la mosquée, qui est toute celle qui reste en dehors du mihrâb. En effet, nos ‘Oulémas ont dit que, si quelqu’un était obligé, par suite d’un cas de force majeure, de dormir dans la mosquée, il dormira dans le mihrâb car il est moins sacré que le reste de la mosquée. •

Enfin, si la mosquée était vaste pour contenir les fidèles, rimâm ne doit pas entrer dans le mihrâb. Mais, si l’on est à l’étroit, il entrera dans le mihrâb sans trop s’y enfoncer, car, s’il restait en dehors, il occuperait, à lui tout seul, la place de tout un rang de fidèles, c’est-à-dire beaucoup de personnes.

{Aboû ‘Abd Allah Mouhammad ibn ‘Abd Al-Moû^min, II, 380.)

Une autre pratique blâmable est l’usage de manger à table ou sur des tamis ^ de s’attarder à se laver les mains et à manger jusqu’à se rassasier, alors que le Prophète d’Allah, quand on lui apportait de la nourriture, la posait par terre ; — de s’habiller d’étoffes fines. Nos ancêtres disaient : « Les étoffes fines sont les vêtements des libertins », ou encore : « Celui dont le vêtement est mince, n’a qu’une mince dīn » ; de bâtir des constructions avec du gypse et des briques. C’est le premier degré dans ce genre de pratiques blâmables. Nos anciens voyaient d’un mauvais œil les sculptures et les peintures faites dans les plafonds ou sur les portes. Ils détournaient leur regard de ces variétés. On raconte qu’Al-Ahnaf ibn Qais 3, s’étant absenté de chez lui, s’aperçut, à son retour, qu’on avait peint le plafond de sa chambre en vert et en jaune. Il jura de ne point y entrer jusqu’à ce qu’on ait enlevé cette peinture. On dut rétablir 1 e plafond dans son état primitif.

(Aboû *Abd Allah Mouhammad ibn A’bd Al-Moû^min, II 474)

Au nombre des pratiques blâmables est également l’habitude, en écrivant une lettre, de commencer par le nom du destinataire. La Sounna veut que l’on commence par soi-même et que l’on écrive : « De la part d’un Tel fils d’Un
Tel… »

C’est ainsi qu’Ibn Sîrîn raconte que son père s’étant absenté, il lui écrivit en commençant par le nom de son père. Celui-ci lui répondit: « O mon cher fils ! lorsque tu m’écris, commence par indiquer ton nom, en premier lieu,
dans la lettre. Si jamais tu commençais par mon nom
avant le tien, je ne te lirais pas ni ne te répondrais. »

{Aboû ^Abd Allah Mouhammad ibn ‘Abd Al-Moà’min, II, 373.)

On demanda un jour à Mâlik, si un homme qui est sorti de la mosquée du Prophète, à Médine, ayant quelques grains de poussière adhérents à son visage, est tenu de retourner à la mosquée pour les y remettre.

Mâlik répondit qu’il n y est pas obligé et qu’il peut jeter lesdits petits cailloux n’importe où.

Alors, l’interlocuteur de Mâlik lui dit : « O Aboû ‘Abd Allah 2 ! On dit que lorsque des cailloux sont sortis hors de la mosquée de Médine, ils se mettent à crier jusqu’à ce qu’on les y remette. »

— « Laisse les crier, dit Mâlik, jusqu’à ce qu’ils se rompent le gosier. »

— « Les cailloux ont-ils donc un gosier?»

— « Et par où veux-tu alors qu’ils fassent entendre leurs cris ? »

Mâlik fit ainsi comprendre au questionneur Tinanité de ce racontar que les cailloux poussent des cris. De plus, il n’a pas fait de distinction, quant à sa décision, selon que l’individu a aperçu lesdits cailloux, étant encore sur le territoire sacré, ou l’ayant déjà quitté.

{Aboû “Abd Allah Mouhammad ibn ‘Abd Al-Moû’min, II, 387)

Une autre pratique blâmable est celle qui consiste à vendre aux Chrétiens des choses servant à leurs fêtes, comme de la viande, ou des condiments, ou des vêtements.

D’après Ibn Al-Hâdj, on ne doit même pas prêter aux Chrétiens une monture ou autre chose, ni les aider en quoi que ce soit pour leurs fêtes, car c’est exalter leur idolâtrie et les aider dans leur infidélité. Il convient que les Sultans des Musulmans défendent à leurs sujets les actes en question.

Telle est l’opinion de Mâlik et d’autres jurisconsultes. Je ne sache pas qu’il y ait aucune divergence à cet égard.

{Aboû ‘Abd Allah Mouhammad ibn ^Abd Al’Moâ’min. II 383}

Une autre pratique blâmable est de laisser les gouttières déverser les eaux ménagères ou impures dans un endroit, où le passant peut difficilement se garantir contre les éclaboussures ; ou encore d’attacher les bestiaux sur la voie publique, en sorte que, vu le peu de largeur de la route et la crainte de beaucoup de personnes de passer, il en résulte un dommage évident pour les passants.

Souvent même ceux-ci sont atteints par les éclaboussures provenant de l’urine ou de la fiente de ces bestiaux.

(Aboâ ‘Abd Allah Mouhammad ibn ^Abd Al-Moâ’min, II 392)

Une autre innovation blâmable, pratiquée au vu et au su de tout le monde, dans les marchés, sans conteste, est celle qui consiste à vendre des colliers de perles, renfermant des grains d’or ou d’argent enfilés avec d’autres perles, hyacinthes, etc. Or, la vente de pareilles matières, enfilées ensemble, et par un marché unique, moyennant des dinars ou des dirhems, est nulle. Elle ne saurait être tenue pour valable, soit que le prix consiste en choses du même genre que celles comprises dans les colliers, soit qu’il consiste en choses d’un genre différent, tel que Torou l’argent. En effet, dans le premier cas, la vente est nulle, parce qu’il n’y a pas identité de poids ; dans le second cas, |)arce qu’il y a, à la fois, oenle et change (sarf), à moins, toutefois, que ce qui est d’un genre différent ne soit en si petite quantité, par rapport au reste de la marchandise, qu’il puisse être considéré comme un accessoire.

Dans les ventes de cette nature, il convient de démonter l’objet et de vendre chaque genre séparément, moyennant un prix consistant en choses contre lesquelles il peut être vendu ; ou bien de vendre l’objet tout monté, mais contre un prix consistant en autre chose que l’or ou l’argent, comme du froment ou de l’orge, ou autre marchandise.

Une semblable vente ne peut être critiquée, pourvu qu’il n’y ait ni forte incertitude sur la valeur de la chose vendue, ni aléa.

Les mêmes observations peuvent être faites à propos des ventes de harnais, de selles et de poignées de sabres ornées d’or et d’argent d’une valeur considérable, moyennant un prix consistant en dirhems ou en dinars. Une telle vente est nulle, lorsque le prix est de la même espèce que ces ornements, à moins que ceux-ci ne puissent être considérés comme un accessoire, comme s’ils représentaient le tiers de la valeur, ou moins que le tiers. Si le prix est d’une espèce différente de celle des ornements, quelle que soit la valeur de ceux-ci, la vente est admise. D’ailleurs, l’usage de harnachements et de selles ornés d’or et d’argent est lui-même sujet à examen préalable, car seul l’argent est permis comme ornement, pour les Qoran ou les bagues.

{Aboâ ^Abd Allah Mouhammad ibn ‘Abd Al-Moû^min, II, 329-93.)

Une autre innovation blâmable est celle qui consiste à élever des édifices sur les lieux où le Prophète a été vu en songe. C’est un devoir strict de faire disparaître de ces lieux tout indice permettant de les reconnaître, et de démolir lesdits édifices, car cela constitue une bid’a, dont le maintien peut faire craindre que les hommes ne se laissent détourner de la véritable religion.

{Aboû ‘Abd Allah Mouhammad ibn ‘Abd Al-Moâ^min, II 396)

Une autre innovation blâmable est l’habitude des émirs, surtout ceux du Maghreb, de mettre des chaînes et des carcans au cou des criminels, lorsqu’on les promène dans la ville ou qu’on les conduit devant les émirs ou les faqîhs pour juger leurs crimes.

On demanda à Ibn *Arafa, si, d’après la doctrine de Mâlik, on pouvait autoriser cette pratique, par analogie de ce que fait Allah (Qoran, XIII, 6 ; XXXVI, 7; XXXIV, 32 ; XL, 73): « Non, répondit-il, on ne peut tirer de là aucun argument, car il s’agit ici d’un châtiment de l’autre monde, tandis que le châtiment infligé par les émirs appartient à ce monde-ci. » Les docteurs malékites n’autorisent la chaîne que lorsqu’il s’agit d’un détenu condamné à mort. Dans ce cas, on lui met des liens en fer aux pieds, de crainte qu’il ne s’évade, mais on ne doit lui rien mettre au cou.

[Aboû ‘Abd Allah Mouhammad ibn *Abd Al-Moâ’min, II 398)

Une autre bid’a (innovation blâmable) consiste à se laver les mains pour se mettre au repas.

῾Iyâd raconte que Mâlik — Allah soit satisfait de lui ! — entra un jour chez ῾Abd Allah ibn Sâlih, gouverneur de Médine ; celui-ci, après un moment, ordonna d’apporter de quoi se laver et de servir le repas. « Commencez, dit-il, par Aboû ‘Abd Allah » — « Aboû ‘Abd Alla^, répondit Mâlik, ne se lave pas la main. »

— « Pourquoi cela ? reprit le gouverneur.

— « Parce que je n’ai pas constaté cet usage parmi les docteurs de mon pays. C’est tout simplement un usage spécial aux étrangers. »

Le Khalife *Oumar avait Thabitude, lorsqu^il finissait de manger, de s’essuyer la main contre la partie antérieure de ses talons. « Ne fais plus cela, lui dit un jour ῾Abd Al-Mâlik. »

« Volontiers, par Allah », répondit ‘Oumar, et, depuis, il ne recommença plus.

Ibn Sâlih rapporte que Mâlik avait dit : « N’ordonnez pas à un homme de ne pas se laver la main, mais il ne faut pas qu’il fasse cela comme s’il en était obligatoirerement tenu. Tuez la Sunna des étrangers et vivifiez celle des Arabes. N’avez-vous donc pas entendu ces paroles de ῾Umar : « Ma῾add-isez, soyez rudes et grossiers, marchez pieds-nus et gardez-vous de ressembler aux ‘Ajām. »

Abū Abd Allah Mouhammad ibn *Abd Ai-Mou’ min. II,398-9.)

LE MARIAGE : AN-NIKāH

CONCLUSION DU MARIAGE

Eût-il été permis au Prophète d’épouser une femme sectatrice des Écritures (juive ou chrétienne) de condition libre, ou une esclave musulmane, ainsi que cela est permis aux autres Musulmans ?

Il importe d’abord de savoir que certaines choses qui nous sont permises, sont, au contraire, défendues au Prophète, et à l’inverse. Ainsi, tandis que la prière dite al-witr les sacrifices [Adḥiyā) et le Siwāk (cure-dents) sont pour lui un farḍ, ces mêmes pratiques ne sont pour nous que d’obligation traditionnelle. Nous pouvons les observer, comme nous pouvons les négliger.

Il a donc été défendu au Prophète d’épouser les femmes esclaves, parce que : 1° cela est humiliant ; 2°le fils du Prophète ne peut pas naître esclave ; 3° la raison qui permet aux Musulmans d’épouser les esclaves fait défaut en ce qui concerne le Prophète. Cette raison est la crainte de la débauche.

C’est pour elle qu’Allah recommande à ceux qui ne peuvent épouser des femmes libres et qui craignent la débauche, d’épouser des esclaves. Or, cette raison n’existe pas en ce qui concerne le Prophète.

Quant aux femmes libres sectatrices des Écritures, on est divisé sur le point de savoir si le Prophète aurait pu ou non les prendre en mariage.

Mon opinion est que cela lui était défendu, car cela aurait pu éclabousser de la vilenie du kufr.

Dans l’opinion contraire, on dit qu’il était permis au Prophète de manger de la chair des animaux abattus selon les rites des sectateurs des Écritures. Par analogie, il lui était permis d’épouser leurs femmes de condition libre, car il est probable qu’elles eussent embrassé l’Islam, après leur mariage avec le Prophète.

{Ibn Sirhân. T. 111, pp. 80-84.)

Un individu désire épouser une belle jeune fille schVile. Seulement, il craint que, par son fait, il ne se laisse séduire. Que décider ?

Les schVites sont de deux sortes. 11 en est qui donnent la prééminence à l’inférieur sur celui qui lui est supérieur, comme ceux qui préfèrent *Alî à AboûBakr As-Siddîq. Avec ceux qui se trouvent dans ce cas, on ne doit pas contracter mariage. On doit leur démontrer par des preuves que leur rite est mauvais, qu’ils sont en faute, jusqu’à ce qu’ils reviennent à résipiscence.

Il en est d’autres qui accordent la prééminence à *Alî et insultent les autres.

Le mariage est défendu avec ceux de cette dernière catégorie. Ils sont dans la même situation que les infidèles.

{Aboâ Ishâq Al-Toûnisî. T. III, p. 227.)

Quand la population de Qairawân eut connaissance de cette félœa, elle s’écria : « C’est un kāfir : il a distingué deux partis dans les Schî*ites. » Les choses en arrvèrent au point que la population, d’accord avec les faqīh-s, le força à faire pénitence. Aboii Ishâq refusa. Alors un schaikh, parmi les faqîhs lui dit : « N’as-tu pas des péchés antérieurs ? Eh bien ! propose-toi, dans ton intention, de faire pénitence pour ceux-là. »

Aboû Ishâq gravit alors le Minbar, et dit : « Je fais pénitence pour mes péchés. »

Alors les hommes du vulgaire de dire : « Quand le Toûnisî (Aboû Ishâq) a apostasie, son visage est devenu semblable à celui d’un kâfir; lorsqu’il a fait pénitence, son visage est devenu le visage d’un croyant (moÛ!min).

Ibn Scharaf raconte qu’Aboû Ishâq avait à Tunis des parents schVites; c’est pour cela qu’il a fait des distinctions dans cette secte.

Dans l’ouvrage intitulé Al-Madârik (Tafsīr de Abū-1-Barakāt ‘Abd Allah ibn Aḥmad An-Nāsafī, m. 1310, il est dit: « La fétwa rendue par Aboû Ishâq At-Toûnisî est conforme à la jurisprudence et à la vérité. Seulement, les auteurs ont voulu couper court à la tolérance pour certains schVites afin qu’on les fuie de toutes les manières. »

{Ibidem.)

Un individu, tuteur d’un orphelin, lui donne en mariage, après sa puberté, sa propre fille, dont il a indiqué le nom. Un acte testimonial a été dressé, constatant cette convention.

Ledit tuteur avait deux filles. Or, quelque temps après, la plus jeune des deux fut trouvée enceinte. Le pupille opposa que c’était sa femme, que c’est elle qu’on lui avait promise en mariage. 11 habitait d’ailleurs dans la même maison que son tuteur et était confié à ses soins. Le père de la jeune fille répondit : « Je ne t’ai promis en mariage que l’aînée. »

Au reste, les deux jeunes filles portaient le même nom.

On interrogea les témoins, qui firent la déclaration suivante :

« Le père nous a requis de témoigner qu’il donnait en mariage sa fille Fâtimah, sans que nous sussions s’il s’agissait de l’aînée ou de la cadette. Il ne nous a même pas fait connaître qu’il avait deux filles et ne nous a pas montré, non plus, la future. »

Quant au fiancé, il n’avait pas consommé un mariage régulier, mais, quand la jeune fille lui a été promise par son père, il eut des relations avec elle, grâce à leur habitation commune.

De quoi est tenu ce fiancé qui avoue avoir eu commerce avec la jeune fille, parce qu’il la considérait comme étant sa femme et qu’il la connaissait d’une manière individuelle, tandis que le père prétend qu’il avait promis l’aînée ? Est-il tenu de la dot fixée, ou d’une dot plus forte que celle-ci, ou même plus forte que la dot d’une fille de même condition* ?

Le mariage sera-t-il maintenu ou annulé ?

Le fiancé échappe-t-il à la condamnation pénale, à raison de la présomption qui existe en sa faveur ? L’enfant se rattache-t-il à son père sans qu’il y ait irân * ?

Le mariage n’a pu être valablement conclu ^ ; il sera donc annulé. Quant au fait de la copulation, il emporte, au profit du mari, une présomption qui écarte de lui la condamnation pénale. Il devra la dot qui a été fixée, si la femme déflorée a cru la même chose que lui, à savoir qu’il était son mari. Mais s’il l’a contrainte, c’est le cas d’appliquer une dot plus forte que celle qui a été promise ou qui est due à une femme de condition pareille.

Quant à l’enfant, il se rattache à son père, du moment que la condamnation pénale est écartée. Mais si le fiancé avoue le fait de la copulation et nie la paternité de l’enfant, alors il faudra appliquer le /fdn entre l’homme et la femme, car la présomption du mariage existe ; c’est donc un cas analogue au mariage prohibé, dans lequel le li’ân doit s’appliquer, selon nous, bien qu’aucune peine ne puisse être prononcée.

{Aboû ‘Imrân Al-Qarwî. T. III, pp. 316-317.)

A quoi le témoin, appelé au contrat de mariage d’une orpheline, peut-il reconnaître qu’elle est pubère, pour qu’il lui soit permis d’en porter témoignage ?

Cela se reconnaît à son visage et à sa taille. Il peut en’ avoir aussi connaissance par le rapport de femmes dignes de confiance.

{Ibn ‘Attâb. T. III, p. 317.)

Ce même auteur rapporte, d’après Ibn At-Tallâ’, d’après Ibn Al-Qattân, qu’Ibn Dahhûn faisant rédiger un contrat de dot, le scribe voulut mettre, après la formule du bismillahy les mots: et qu Allah répande ses bénédictions sur notre seigneur Mouhaminad ; Ibn Dahhûn l’en empêcha et dit : « Ce n’en est pas ici le lieu. »

(T. III, p. 317.)

Un individu demande à un autre sa fille en mariage. Le père, qui exerce sur ôa fille, encore vierge, les droits de tuteur, ne répond ni par une acceptation, ni par un refus. Alors, l’oncle de la jeune fille prit sur lui de la marier au prétendant sus-indiqué et conclut, en son nom, le contrat de mariage, en présence du père, qui gardait le silence, sans faire entendre aucune protestation, aucune réclamation, aucune observation. Mais quand le futur voulut procéder à la célébration du mariage et recevoir chez lui la mariée, conformément à ce qu’il prétendait être son droit, le père de la jeune fille lui dit : « Je ne t’ai rien accordé : il n’y a entre moi et toi aucune parole, aucun mariage. »

La présence et le silence du père devant les actes accomplis par l’oncle peuvent-ils être interprétés comme un consentement et une acceptation de sa part ?

Est-il tenu de prêter serment pour infirmer cette présomption ?

Le mariage conclu par l’oncle au nom de sa nièce, en présence du père de celle-ci, n’est pas valable, à moins qu’il n’ait reçu de lui procuration à cet effet. Son silence ne suffit pas pour cela et ne peut être compté comme un mandat tacite. Le père n’est pas non plus tenu du serment.

(T. III, p. 255.)

Un individu marie son esclave avec sa servante également esclave, sous cette condition que s’il vend le mari, le sort de la femme sera entre les mains du maître.

Cela est-il valable ?

Ce mariage est nul, à moins qu’il n’ait déjà duré longtemps et que la femme n’ait eu des enfants.

Au contraire, si le maître a marié Tesclave avec la servante, sous la condition de disposer du sort de la servante, au cas où il se déciderait à la vendre, le mariage est valable et la condition tombe, que le maître ait ou non vendu la servante, que le mariage ait été ou non consommé.

{Abd Al-Mâlik. T. III, p. iOO.)

Un individu peut-il marier son esclave, à condition de disposer lui-même (le maître) du droit de répudiation ?

Si l’esclave a déjà consommé le mariage, le droit que le maître s’est réservé tombe. S’il n’y a pas encore eu cohabitation, le maître aura le choix ou d’abandonner la condition qu’il avait imposée, ou de séparer les deux époux.

(Mâlik. T. III, p. 40.)

Un individu épouse une coiffeuse de dames (hannūna), qui stipule contre lui, au moment de la conclusion du mariage, qu’il ne l’empêchera pas d’exercer son métier. Le mari, après y avoir consenti, veut maintenant l’en empêcher.
Que décider ?

Le mari n’est pas tenu d’exécuter la condition.

Selon d’autres, s’il s’agit d’un métier illicite, la réponse ne fait pas de doute. Mais s’il s’agit d’un métier licite, on applique les mêmes règles que dans l’espèce où la femme Stipule que le mari ne la fera pas émigrer de son pays.

Le sens apparent de la Moudawwana est l’absence d’obligation. Mais plus d’un auteur préfèrent l’exécution de la condition, à cause du hùdîth.

x\l-Lakhmi penche pour le caractère obligatoire de cette condition, opinion également rapportée par Ibn Schihâb et partagée par certain auteur qui a écrit sur la forme des actes.

[Ibn ‘Arafa. T. III, p. 212.)

Est-il permis à un individu d’épouser la petite-fille de sa femme, actuellement morte ou répudiée, lorsque cette petite-fille est née du fils ou de la fille de Tépouse décédée ou répudiée ?

Si le mari avait déjà consommé le mariage avec sa femme, les filles ou les petites-filles de celle-ci lui seront interdites, fussent-elles à un degré éloigné, car elles sont dans la situation de belles-filles ( wîl»j rabâïb) par rap- port au mari de leur mère ou grand’mère. Toutes les filles qui se rattachent à son épouse par un lien de filiation directe, même éloigné, lui sont interdites. Ceci est admis sans conteste.

[Ibn Bouschd. T. III, p. 294.)

Un individu dit à un autre : « Donne-moi ta fille en mariage. » L’autre répond : « Je te l’ai donnée. » Y a-t-il mariage dans ce cas ? Si le père nie, sera-il tenu du serment?

Oui, il doit jurer. S’il refuse, il sera emprisonné à perpétuité jusqu’à ce qu’il jure.

{Aboû Djafar, T. III, p. 226.)

1. II faut souB-entendre que ce flis ou cette fille sont nés d’un premier lit, et que leur mère a été épousée en secondes noces par celui qui désire maintenant se marier.

Un individu quitte Qairawân et se rend en Sicile. Sa fille, encore vierge, désire se marier. En a-t-elle le droit ?

Si le père est en Sicile, la fille devra porter son affaire devant le Qâ(Jî, qui écrira au père. Ce cas est d’ailleurs rare.

Le père devra ou venir en personne ou donner procuration (à qui sera chargé de marier la fille).

Si le père montre de la mauvaise volonté ou si son absence se prolonge, et si, après enquête, on ne sache pas le lieu de sa résidence, en Sicile, le Sultan mariera la jeune fille.

{Aboâ Mouhammad. T. 111, p. 98.)

COHABITATION

Est-il permis à un homme de cohabiter avec sa femme, quand il y a, dans la chambre où ils se trouvent, un enfant ou une personne adulte, endormi ou éveillé ? Cela est-il défendu, ainsi que semble l’indiquer l’opinion d’Al-Mattîtî, ou simplement mal vu ?

Suffit-il qu’il y ait une séparation, telle qu’un rideau de lin ou autre, quand on a la certitude que la personne qui est dans la chambre est endormie ? Il n’échappe à personne combien cette situation est dommageable à celui qui est chargé d’une nombreuse famille et qui, à raison de son indigence, occupe un logement étroit, et surtout pendant la saison du froid.

La désapprobation de cet acte repose sur un motif d’abstention de tout ce qui est mauvais, non sur une prohibition légale. La loi religieuse nous invite à être pudiques, car la pudeur est une des vertus de la foi. C’est pour ces motifs qu’on voit avec défaveur le fait, par un homme, de cohabiter avec sa femme, quand il y a, avec eux, dans la même chambre, une personne qui n’entend rien ou ne comprend rien, comme un dormeur ou un enfant. Ainsi, Ibn *Oumar faisait sortir les femmes, les jeunes filles et même l’enfant qui est encore au berceau.

On a même rapporté qu’il répugne de laisser dans la chambre des animaux ou tout être animé. C’est un excès de pudeur et de respect, car, si un homme se permettait la cohabitation devant un enfant, il ne tarderait pas à agir de même devant des personnes qui imposent le respect.

Comme on le voit, la répugnance, dans ce cas, a pour base le désir de s’éloigner de tout ce qui est répréhensible. Voilà seulement ce qu’on trouve dans les textes, car le caractère licite de la cohabitation ne fait pas de doute.

[Al’Haffâr, T. III, pp. 144-145 K)

Est-ce un péché de pencher vers sa concubine, au détriment de sa femme légitime ?

Cela est permis, d’après la tradition {riwāya} ,mais défendu par les règles du qiyâs. En tous cas, c’est une injustice envers la femme de condition libre.

{AS’Souyoâri. T. III, p. 205.)

Que décider au sujet d’une femme qui prétend être enceinte depuis quatre ans ?

La femme peut demeurer enceinte pendant cinq ou sept ans, quand elle n’est pas soumise à la copulation.

D’ailleurs Allah le sait mieux que personne.

L’enfant se contracte, en effet, dans la matrice, comme une bouchée mâchée se contracte (dans la bouche). Puis, lorsque la mère est soumise à la copulation, ce fœtus se gonfle de nouveau. Gloire à Allah, le Créateur, l’Omniscient !

Cela peut être également le résultat des menstrues. En effet, quand la femme enceinte se trouve avoir ses règles, celles-ci ont pour effet de faire que le fœtus se ratatine dans la matrice. Au contraire, si la femme enceinte n*a pas de flux menstruel, l’enfant grandit normalement.

{Ibn Loubâba. T. III, p. 175.)

Le mari qui a deux femmes a-t-il le droit d’incliner vers Tune, au détriment de l’autre ?

En droit, le mari qui a deux femmes doit les traiter avec égalité en toutes choses. S’il leur a partagé son temps par Jour et nuit, il devra, à tour de rôle, passer avec chacune d’elles une journée et une nuit, et ne pas aller chez l’une pendant le jour ou la nuit qui appartient à l’autre.
Pareillement, il ne doit pas négliger de cohabiter avec l’une pour être plus vigoureux dans la copulation avec l’autre. Au contraire, il devra faire tous ses efforts pour les mettre sur un pied d’égalité. Mais il n’est pas tenu de ce qui ne dépend pas de sa volonté, comme s’il aimait l’une plus que l’autre. Ainsi, si son cœur penche vers l’une d’elles, il n’est pas obligé d’aimer l’autre, car c’est une chose qui ne fait pas partie de son patrimoine.

Toutefois, il lui sera ordonné de ne pas avantager la préférée en quoi que ce soit.

{Aboâ ‘Abd Allah Al-ffa/fâr. T. III, pp. 142-143.)

Un individu a épousé une vierge orpheline, sans tuteur. Il consomma le mariage avec elle et la garda chez lui pendant quatre mois environ. Mais elle s’enfuit, un jour. Elle refuse de réintégrer le domicile conjugal.

Depuis six mois, ils reviennent constamment devant le qâ^î, car elle s’enfuit de nouveau chaque fois qu’on lui fait réintégrer le domicile de son mari. Elle prétend que celui-ci met trop longtemps à consommer le coït, si bien qu’il en résulte, pour elle, un grave dommage qu’elle ne peut supporter. Elle prétend, en outre, que, malgré tout le temps qu’il y met, son mari n’éjacule pas.

Or, cette femme est enceinte, et, comme on lui demandait alors l’origine de cette grossesse, elle répondit que c’était des œuvres de son mari, qui cohabitait avec elle dans des conditions normales et éjaculait pendant les quinze premiers jours du mariage.

Actuellement, elle a accouché de l’enfant qu’elle a eu de son mari et refuse absolument de réintégrer le domicile de celui-ci, fut-ce même pour y rester seulement une heure.

Le mari nie toutes les allégations de sa femme.

Le désaccord entre eux a atteint son comble, si bien qu’elle dit : « Je mourrais plutôt que de revenir auprès de lui. » Que décider ?

Ce que la femme a déclaré est un malheur qui vient fondre sur une personne et au sujet duquel on ne doit prêter aucune attention à celui qui s’en plaint.

Ce qu’il y a à faire, dans ce cas, pour ladite femme, c’est qu’elle se résigne à la volonté d’Allah et à son décret.

Il n’est pas mauvais, non plus, d’exhorter le mari à la ménager.

Si elle désire la séparation et que le mari y consente, ils sont libres de le faire. S’il refuse, eh bien ! qu’elle se résigne : dans la résignation réside un immense bonheur,

(76/1 Mandhoûr. T. III, pp. 182-183.)

Un individu fond à Timproviste sur sa fiancée et la déflore, avant le moment de la consommation du mariage. De quoi est-il passible ?

Si c^est sans l’autorisation de la famille de la jeune fille, il aura commis une mauvaise action, mais il n’est tenu de rien. Au cas où il ne lui aurait rien payé comme dot, il lui en donnera une, et la jeune fille sera mise en sûreté contre lui. S*il Ta déjà dotée, il demeurera avec elle, pourvu qu’elle puisse supporter la copulation.

{Aboû Moahammad. T. III, p. 199.)

Un individu tend sa main vers sa femme dans un but de jouissance ; sa main tombe sur sa fille. Que décider?

Si sa main n’a pas reposé sur la fille, mais qu’il l’ait, au contraire, levée sur-le-champ, il n’encourt aucune peine. Mais si sa main a reposé, ou s’il l’a retirée en la traînant pour mieux jouir, sans savoir que c’est sa fille, il ne lui sera plus permis de cohabiter avec la mère.

S’il savait que c’était sa fille et s’il a néanmoins placé sa main sur elle pour jouir, il aura commis un grave péché. Dans ce dernier cas, il y a controverse sur le point de savoir si Mâlik lui défend de cohabiter désormais avec la mère, alors qu’il a commis un péché.

[Aboû Moahammad. T. III, p. 198.)

Un individu maria sa fille encore vierge à un autre individu. Celui-ci demanda à consommer le mariage; mais le père prétendit que le mari avait le corps couvert de lèpre. Ils portèrent tous deux leur difi’érend devant le qâ(Jt, qui commit deux médecins, dont l’un était juif ou chrétien^ pour examiner ce cas. Les deux médecins déposèrent que le mari avait des taches de lèpre sur le corps, sans qu’ils aient aucun doute à cet égard.
La femme a-t-elle, en ce cas, un droit d’option ? Acceptera-t-on la déposition du médecin non-Musulman ?

Il vaut mieux commencer par se demander si Ton peut mettre à nu le corps de Thonime pour l’examiner.

La question est sujette à des distinctions, dans lesquelles se trompe parfois celui qui n’a pas de connaissances ^ Si cet examen peut avoir lieu, la tradition comporte Tadmission de cet examen dans les conditions sus-énoncées (participation d’un non-Musulman).

L’auteur de cette opinion en donne pour argument qu’il s’agit, en l’occurrence, d’une science que l’on acquiert par l’étude 2 et qui n’est pas régie par les mêmes règles que les témoignages.

Je ne suis pas partisan de cette opinion sans réserve, dès qu’il est possible d’obtenir une solution plus satisfaisante.

En conséquence, il sera ordonné aux témoins musulmans acceptables d’examiner si cette lèpre est du genre de celle qui exhale une mauvaise odeur nuisible à la personne qui reste ou se couche avec le malade. S’ils déclarent qu’il n’y a pas d’odeur, alors on examinera la partie lépreuse au
moyen d’une pointe d’aiguille ; si la peau change de couleur, devient rouge et saigne, ce n’est pas de la lèpre ; la femme, en ce cas, n’a aucune réclamation à élever.

Telle est l’opinion des plus anciens médecins, et je ne sache pas de solution plus digne de confiance, ni qu’aucun médecin de notre temps ait découvert une nouvelle méthode. De plus, ces médecins consultaient les médecins juifs ou chrétiens, ou même les praticiens musulmans qui ne sont pas des témoins irréprochables ; et, s’ils leur disaient qu’il n’y avait pas d’autres moyens de diagnostic que ceux précités, la question se réduisant alors à un examen par les sens, à une chose qui se révèle nécessairement à l’observateur, on ne doit plus se contenter des médecins juifs ou chrétiens. Ce serait, en effet, exposer sûrement la justice à l’erreur, que de s’en tenir à une opinion faible, quand on a la possibilité de se former une opinion plus solide.

Si, au contraire, ces médecins juifs ou chrétiens disaient : « Nous avons d’autres moyens de diagnostic », alors, ayant dit cela, sans doute d’après des livres qu’ils possèdent, on leur en demandera la communication, afin que le qâdî en prenne connaissance. On fera lire ces livres à des personnes dignes de confiance.

Si la partie du corps lépreuse ne saigne ni ne change de couleur quand on la pique, si elle exhale une mauvaise odeur, qui peut incommoder la personne assise à côté, et donne à craindre l’idée de la contagion, dont parlent certains philosophes *, bien que la loi ne l’admette pas, dans ce cas, la solution la plus sûre est qu’il faut maintenir l’option en faveur de la femme, s’il est établi qu’il s’agit d’une lèpre évidente, qui couvre une grande partie du corps, et qu’on sait devoir s’étendre et envahir la majeure partie du corps. On tiendra également compte de la force qui dépend de l’âge.

Ibn fiouschd. T. III, pp. 235-236.)

VIERGES

Un individu, vivant à notre époque se marie et stipule que la femme qu’il épouse est Bikr mais il n’a nullement Stipulé qu’elle doit être ῾aḏra. Or,le mot bikr est pris chez nous, par le vulgaire, dans un sens qui implique la conservation de la virginité. On ne l’emploie pas dans le sens où il est pris par les fuqāhā. Étant donnée cette croyance populaire, à laquelle les parties se réfèrent, lorsque le mari stipule que sa femme sera bikr, aura-t-il le droit, s’il trouve sa femme déjà déflorée et si cela est dûment établi, d’élever une réclamation à ce sujet ?

Pour ce qui est du cas où un mari stipule que la femme qu’il épouse sera bikr et trouve ensuite qu’elle n’est pas vierge, la question est controversée entre les auteurs. Le vulgaire croit que la femme bikr est celle qui est en possession de sa virginité ; il ignore que le mot bikr s’applique simplement à la femme qui n’a pas encore eu de mari.

Aschhab n’admet pas comme excuse plausible l’ignorance à cet égard, car celui qui invoque cette excuse a négligé de prendre ses précautions et n’a pas apporté, dans son affaire, toute l’attention voulue. Il aurait dû demander, étant ignorant, si cette stipulation pouvait lui servir. Il aurait vu que la condition ne peut être à son avantage que s’il stipule « une femme ῾aḏra », ou encore si la condition est assez explicite, comme s’il disait : « Si je ne la trouve pas bikr je la rendrai. »

Telle est la doctrine enseignée par Saḥnūn.

Voici, en effet, une espèce sur laquelle il a été consulté :

Un Arabe ignorant se présenta au marché et demanda le prix de tel esclave. Il demanda également au marchand si l’esclave avait quelque vice. Le marchand lui répondit qu’il est « immobile des yeux ». L’Arabe acheta l’esclave à cette condition et l’emmena avec lui, après avoir payé le prix. ayant demandé ensuite ce que signifiait « immobile des yeux », on lui répondit que cela voulait dire que l’esclave était aveugle des deux yeux, ce qui est un vice.
Cependant, Saḥnūn fut d’avis que l’Arabe ne pouvait se prévaloir de son ignorance et que la vente était exécutoire à son égard.

Ad-Dâwudî raconte qu’il lui posa plusieurs fois la même question et que Saḥnūn refusa toujours de changer de décision.

Selon d’autres, le mari qui ignorait le sens du mot bikr aurait le droit de rendre la femme, s’il ne la trouvait pas ῾aḏrā.

Tel est, du moins, le sens apparent des paroles d’Asbaġ, et telle est l’opinion d’Ibn Al-Qāsim,qui est contraire à celle rapportée par Ašḥab, d’après Mālik.

C’est ainsi qu’Ibn Al-Qâsim déclare la vente d’une pierre précieuse, achetée comme telle, rescindable, lorsqu’on découvre qu’elle n’en est pas une.

Cette dernière opinion est la plus évidente des deux et la plus conforme à la vérité.

[Ibn Rušd, III, 294-5.)

Un individu ayant épousé une jeune fille, la trouva dépourvue de virginité et s’empressa d’avertir sur-le-champ. Doit-on soumettre la jeune fille à l’examen des femmes ou, au contraire, ne pas ajouter foi aux allégations du mari et le condamner à payer la dot d’une vierge ?

La question est controversée. Pour moi, je préfère que la jeune fille soit examinée par des femmes. Si celles-ci affirment que la déchirure est récente, la prétention du mari ne sera point admise. Si, au contraire, elles disent qu’elle est ancienne, et si, d’autre part, la jeune fille a été mariée par son père ou par son frère, le mari sera tenu de lui payer sa dot, sauf à recourir, pour ce qu’il a déboursé, contre le père ou le frère.

Mais, si la jeune fille a été mariée par une personne qu’on ne peut soupçonner d’avoir été au courant de l’état de la jeune fille, c’est celle-ci qui est responsable de la fraude ; aussi, le mari ne lui laissera-t-il qu’un quart de dinar, et il prendra le reste.

{Abū Muḥammad b. Abū Zayd, III,127-8)

Un individu épouse une femme en lui disant : « Si je ne te trouve pas vierge, tu n’auras aucun droit sur moi. » Cette condition est-elle valable ?

D’après Abū Hāzim, l’eau fait disparaître la virginité (l’hymen). Aussi la femme n’est-elle nullement tenue par cette stipulation. Cet homme est un fou.

[Abū Ṣāliḥ, III, 106)

Un individu épouse une femme et la trouve dépourvue de non-vierge (ṯayyib),que décider ?

Si le mari dit : « Je l’ai trouvée déflorée », il subira la peine de la flagellation. Mais s’il dit : « Je ne l’ai pas trouvée vierge », il n’encourra aucune peine. En effet, la virginité disparait parfois à la suite d’un saut, ou pour d’autres causes analogues.

En tous cas, le mari est tenu de toute la dot, sans qu’il ait rien à opposer à ce sujet.

L’épouse ne sera pas examinée par les femmes.

{Abū ῾Abd Allah Muḥammad b. Farāğ, III, 102.)

Pourquoi le Prophète nous a-t-il exhorté à épouser les vierges, comme dans ce hadīṯ de Ġābir : « Que ne [prends-tu] une Ğāriya avec laquelle tu badineras (la῾b) et qui badinera avec toi ? »
D’autres hadîths encore indiquent la supériorité du mariage avec les vierges sur le mariage avec les autres femmes ; et, cependant, en fait de vierges, le Prophète n’a épousé que ῾A’īša.

Cela tient à ce qu’il y a plus d’espoir d’avoir des enfants d’une vierge, laquelle est comme la terre qui absorbe toute la semence qu’on y jette. Or,la multiplication de la descendance est le but par excellence du mariage, comme le dit le hadīṯ : « Mariez-vous les uns avec les autres ; multipliez-vous, … ». De même, Dieu a dit : « La richesse et les enfants sont l’ornement de la vie d’ici-bas… » (XVIII, 44).

Cependant, comme les enfants sont une épreuve et une préoccupation qui détourne des devoirs envers Dieu, le Prophète s’en est tenu au genre qui offre le moins de séduction, moins de préoccupations que les enfants.

On pourrait objecter que la séduction des femmes est plus forte que celle des enfants. Je réponds que c’est précisément pour cela que le Prophète a incliné plutôt vers les femmes les moins séduisantes je veux dire les femmes déflorées (Ṯayyibāt) ; la copulation, qui donne naissance aux enfants, a lieu moins fréquemment avec elles.

Ne vois-tu pas que le Prophète n’aimait aucune de ses épouses comme il aimait ῾A’īša.

D’autre part, s’il avait eu plusieurs enfants, il est probable que certains d’entre eux lui auraient survécu et seraient devenus prophètes. C’est ainsi qu’Al-Buḵārī a dit, que si Ibrāhīm avait survécu, il eut été prophète.

Or Muḥammad est le « sceau des prophètes » ; il ne peut en venir après lui.

{Ibn Marzūq, III,2-3)

DOT ET TROUSSEAU

Les créanciers ayant réclamé leur dû à un individu, la belle-fille de celui-ci réclama à son tour le droit de venir en concours avec eux pour le montant de sa dot, le père s’en étant porté garant pour son fils.

Cela est-il possible ?

Si le mariage a été conclu avec garantie de la dot par le père, à un moment où il lui était permis d’engager sa garantie à raison d’une dette, vu qu’il n’était pas personnellement tenu d’autres dettes et qu’il n’existait aucun
obstacle à cette garantie, la femme aura le droit de concourir avec les créanciers pour le montant de sa dot, à moins que lesdits créanciers ne revendiquent à l’encontre de la femme, les corps certains qui se trouvent dans le patrimoine de leur débiteur, comme étant leurs marchandises K

{Al-Mazari, T. III, pp. 240-241.)

La femme apporte dans son trousseau des vêtements à Tusage du mari, tels que ghoufjara (ijUi : burnous en laine et soie) *’, chemise, pantalons. Tantôt le mari fait usage de ces objets après la consommation du mariage, tantôt il ne s’en sert pas.

Il arrive ensuite que la femme ou son tuteur réclame la restitution de ces objets et prétend qu’ils n’ont été remis qu’à titre de prêt à usage, ou encore qu’ils n’ont figuré dans le trousseau que comme ornement et nullement comme cadeau. Que décider?

S’il existe dans le pays un usage coutumier relatif à ces vêtements, un usage en vigueur, on en fera application en faveur du mari. S’il n’y a pas de ‘ourf connu à cet égard, on doit s’en remettre à la déclaration de la femme ou de son tuteur, qui prétendent qu’il y a eu prêt à usage ou dépôt de ces objets à titre d’ornements.

Ibn Al-Maw\vâz a dit : « Ce que la femme apporte en fait de choses tissées, de turbans, pantalons, ceintures, manteau, chemise, porte-manteau, lui reviendra, si elle le réclame, quand son mari la répudie, car tout cela fait partie de son trousseau, sauf toutefois les objets qui ont été usés
par le mari. »

[IbnRouschd. T. III, p. 261.)

Un individu donna sa fille en mariage à un homme et stipula, par écrit, que la dot, payable comptant et à terme, serait à la charge du père de celui-ci, lequel s’était chargé de la conclusion du mariage.

Puis, le mari voulut consommer le mariage avec sa femme, mais le père de celle-ci répondit : « J’avais imposé au fils et à son père la condition que le mariage de ma fille serait consommé chez moi, jusqu’à ce qu’elle s’habituât à son mari. »

Le père et le fils nient cette allégation, tandis que le père de la jeune fille prétend avoir la preuve que, avant la conclusion du contrat, il avait posé ces conditions au père, lequel, après en avoir référé à son fils, l’informa de l’acceptation de celui-ci.

L’âge de la fille est, selon la déclaration du père, de dix ans, et de treize ans, selon le mari.

L’époux est-il tenu du contrat de mariage conclu, pour son compte, par son père, si toutefois cela est établi ? Est-il tenu du serment, à raison de l’allégation portée contre lui ? Le mariage conclu sous ces conditions est-il valable ?

L’acte conclu par le père, au nom de son fils, avec la stipulation sus-indiquée, n’a aucune force obligatoire.

Si cette condition a été imposée au fils, elle lui sera opposable, s’il doit en résulter un avantage pour la jeune fille, comme l’habitude et la bonne éducation, afin qu’elle sache comment accueillir les hommes, et afin que son caractère soit formé. Si le mari nie cette stipulation, il sera tenu de prêter serment sur ce point, à moins qu’il ne le réfère au père de la jeune fille, auquel cas la condition sera établie.

[Aboâ-l-Abbâs Al-Marazt. T. III, pp. 220-221.)

Un individu épouse une femme moyennant une dot déterminée, payable moitié au comptant, moitié à terme. Le mari répudie sa femme avant la consommation du mariage, alors que la coutume de la localité est que celui qui répudie avant la consommation, doit payer la moitié de la dot entière sur-le-champ, sans qu’on attende Téchéance de la moitié qui est à terme.

[En Tespèce pi’ésente], le mari est-il tenu de payer la moitié de ce qui est exigible, sauf à attendre l’échéance pour payer la moitié de ce qui est à terme ?

D’autre part, ce mariage est-il nul, du fait de cette coutume ?

Si telle est la coutume, le mariage n’est pas valable ; il ne comporte aucune dot, s’il n’a pas été consommé.

Ceci est l’application d’un principe contenu dans une félwa d’ibn Rouschd relative aux stipulations écrites à titre d’engagement volontaire, tandis que la coutume leur reconnaît le caractère de conditions nécessaires. Dans ce cas, selon Ibn Rouschd, c’est la coutume qui s’applique, et il n’est tenu aucun compte de l’écrit.

Au contraire, si Ton appliquait la félwa d’Ibn Al-Hâdj, qui donne la prépondérance à l’écrit, la convention, dans notre espèce, vaudra, lo mari ne paiera la moitié payable à terme qu’à son échéance, et le mariage ne sera pas déclaré nul.

[As’SoayoÙPÎ. T. 111, p. -208.)

Que pensez-vous de la coutume suivante ?

Dans les qsoùrs des environs de Qafsa (Gafsa)^ , on avait primitivementl’habitude de partager la dot stipulée en argent (dinars) ; une partie était payable avant la consommalion du mariage, l’autre partie après. Mais l’usage général est que la portion payable comptant, avant la consommation du mariage, n’est touchée, en dinars, ni par la femme, ni par son père, ni par son tuteur ; le mari se contente

1. GcTfîsa, ainsi que le prononcent les indigènes, est une ville de la
Régence de Tunisie, à 2^0 kilomètres sud-ouest de Tunis.

d’apporter des vêtements et des bijoux en or, en disant : « Je les ai achetés tant. » Parfois même, les bijoux sont en argent, ou partie en argent, partie en or. Ces objets viennent en déduction de la portion de la dot payable comptant, avant la consommation du mariage.

Telle est la coutume en usage chez toutes ces populations.

Cela vicie-t-il le mariage, étant donné que, souvent, les vêtements comme les bijoux sont de variétés différentes ?

Ce mariage est nul pour les raisons que vous avez données.

{As’SouyoûPÎ. T. 111, p. 203.)

Un individu épouse une femme et consomme le mariage avec elle. La femme venant à mourir, le mari désire épouser sa sœur et se contente d’efTacer le nom de la morte de Tacte de la dot et d’y substituer le nom de la sœur. Peut-être n’existe-t-il même pas d’écrit. Que décider, en se plaçant successivement dans l’hypothèse où la morte a laissé ou n’a pas laissé d’enfants ?

11 faut qu’on dresse un nouvel acte de dot pour la nouvelle épouse, et que les enfants de la prédécédée, ou ses parents, donnent au mari décharge de la première dot et de la succession de leur mère ou fille.
Sinon, les droits des enfants ou des parents subsistent à rencontre du mari.

{Aboâ Mouhammad. T. III, p. 202.)

Un individu fait donation à sa fille, non encore mariée, de cinquante têtes de ses moutons et de la moitié de ses vignes. Sept années après que son père l’eut mariée, la fille vint lui réclamer l’exécution de la donation. Le père déclara que, au moment du mariage, il lui avait fourni le trousseau moyennant les biens qu’il lui avait précédemment donnés, et qu’il ne lui avait fait cette donation qu’en vue du trousseau qu’il devait lui fournir. La fille nie cette prétendue convention. Que décider ?

La déclaration à admettre, en l’espèce, est celle du père, car l’usage témoigne en sa faveur. En effet, les pères préparent d’ordinaire pour leurs filles en bas âge, par des donations et des cadeaux, de quoi leur fournir
plus tard leur trousseau. C’est, d’autre part, au père qu’il appartient de conclure des aliénations et d’ester en justice au nom de sa fille.

Cependant, en l’espèce présente, il y a lieu d’examiner si les sommes employées au trousseau équivalent au montant de la donation. Si elles le dépassent, l’excédent reste à la fille ; si elles sont moindres, la différence est à la charge du père.

{Ibn Loubb. T. III, p. 197.)

Un individu, ayant plusieurs filles, promet l’une d’elles en mariage à un homme. Puis l’une de ses filles venant à mourir, le père prétendit que c’est la fiancée qui était morte. En conséquence, il réclama au fiancé la dot qu’il lui avait promise. Le futur époux répondit que sa femme est une de celles qui ont survécu. Que décider, étant donné qu’il n’y a aucune preuve entre eux ?

Le père prêtera serment, par Allah, que celle qui est morte est bien la promise. De son côté le futur jurera que sa femme est la survivante. Cela fait, le contrat sera annulé à l’égard des deux parties. En effet, le père n’est pas tenu du serment prêté par le fiancé, concernant la fille survivante, car le fiancé n’a juré que pour se libérer de l’obligation de payer la dot réclamée par le père au nom de la morte. D’autre part, le fiancé n’est pas lié par le serment prêté par le père, car celui-ci n’a juré que pour échapper à l’obligation de donner en mariage sa fille survivante.

Il en serait de même si le fiancé prétendait que le père lui avait promis la plus riche et la plus belle de ses filles, et que le père soutenait le contraire.

{Ibn Loubâba. T. III, p. 174.)

Une jeune fille, titulaire d’une créance contre son père, est mariée par celui-ci, qui lui fournit le trousseau. Le père meurt et la fille prétend qu’il lui avait fourni le trousseau de ses propres deniers. Les héritiers lui répondent que le prix du trousseau a été prélevé sur le montant de la créance. Que décider ?

On doit se référer à la déclaration ilos héritiers, par analogie avec Tespèce mentionnée dans la Moudawwana.

au chapitre « Du dépôt» (<*ojJ\ al-ivacWa), 11 y est dit :

« Un individu ayant reçu une somme d’argent, celui qui Ta versée dit que c’était en paieintmt d’une dette ou en remboursement d’un prêt dont il était tenu. L’autre répond : « C’est un dépôt que tu m’as confié et (|ue j’ai perdu. » Dans ce cas, le payeur sera cru sous serment. »

(T. III, p. 101.;

Le mariage et la vente sont-ils valables, si les témoins n’ont pas pris connaissance de la dol ou duprix qu’on a omis de mentionner ?

il est indispensable que le mari fixe une dot, Tacheteur
un prix. Si l’un ou l’autre s’y refuse, le réclamant (co-con-
tractant) prêtera serment, pourvu qu’il ait produit une
allégation vraisemblable, et le mariage ou la vente sera
obligatoire contre eux.

[Al-Makouî.T, UI,p. 99.i
CÉRÉMONIES

Que penser de Thabitude qui s’est introduite, aujourd’hui S dans la conclusion du mariage, de stipuler des conditions très onéreuses et d’assister à des scènes de divertissements répréhensibles ? Ainsi, on exige du mari, indépendamment de la dot payable comptant et à terme, des choses nécessaires au ménage, de la servante, lorsqu’il épouse une parente, — qu’il fournisse la moitié de tout ce qu’il possède, peu ou beaucoup. A un autre on demande le tiers, ou une quotité déterminée. Il ne peut on pnlus se passer de donner la moitié de sa maison.

Bref, chacun est taxé suivant ses facultés.

De plus, on dit au mari : « Il faut que tu fasses la cérémonie du mariage », et voici comment cela se passe :

Le mari doit amener des musiciens, abattre un bœuf ou deux ou même plus, suivant sa situation. Puis, les libertins se réunissent et se rendent dans un endroit spacieux, où ils se font apporter du vin, qu’ils boivent.

Si la fête a lieu pendant la nuit, ils font venir des courtisanes, qui se trouvent dans un état de promiscuité avec eux. Les hommes de la région se mêlent à eux, tandis que les femmes montent sur les terrasses des maisons et par dessus les murs et même sur les chemins. De même, les femmes de mauvaise vie se mêlent à elles, tantôt habillées en hommes, tantôt en femmes.

S’il y a un Qā’īd dans ce ḥiṣn, il reste à sa place sans bouger de sa Qasba, de peur de s’attirer leur inimitié. Il ne peut réagir contre ceux qui font ces choses blûmables jusqu’à ce que la noce soit terminée.

Les gens de la fiancée disent au futur : « Il faut que tu fasses tout cela ; sinon, tu ne verras pas ta fiancée dans ta maison. »

Le futur, embarrassé, va consulter un faqīh. Celui-ci lui répond : « C’est un usage courant, il faut que tu t’y conformes, comme le veulent les gens de la mariée. D’ailleurs, les fuqāhā eux-mêmes s’y conforment, et semblables noces se célèbrent en leur présence. »

Est-il permis de renoncer au mariage, vu les charges qu’on se voit imposer et vu ces choses répréhensibles qui ne manquent pas de se produire ?

Tout ce qui vient d’être dit peut être valablement promis, si le fiancé y a consenti et s’y est engagé, car Dieu a dit : « Lorsque vous avez donné un quintal à l’une d’elles, n’en reprenez rien (IV, 24) »

Ainsi l’homme est-il libre de choisir : s’il consent à donner, il donnera ; mais s’il ne veut pas, nul ne l’obligera à donner, si ce n’est ce qu’il a consenti de son plein gré. Aussi, dès qu’il s’engage, il se trouve obligé. Cela n’a jamais été réprouvé, ni anciennement, ni actuellement.

Quant aux divertissements, s’ils ont pour objet des choses prohibées, ils seront considérés eux-mêmes comme prohibés et ne pourront être valablement stipulés, ni valablement exécutés par le mari qui s’y serait engagé.

S’il s’agit simplement de divertissement qui ne comporte rien de répréhensible, cela est permis, comme il a été déclaré licite de faire entendre, pendant la noce, le son des tambours de basque, afin de publier le mariage.

Quant à cette hideuse description que vous avez faite de la noce, touchant la réunion des libertins avec les femmes de mauvaise vie et l’usage du vin, cela ne peut même pas faire l’objet d’une question. Les lieux qui deviennent le théâtre de choses aussi abominables mériteraient d’être engloutis. Quand cela se renouvelle et devient habitude, c’est alors s’exposer à la colère divine et à voir le malheur fondre sur le pays où Ton se permet de semblables choses.

Pour ce qui est des fuqāhā qui déclarent que c’est là une coutume dont on ne peut se passer, ce sont des libertins et des ennemis de la religion et des lois de Dieu, et non des fuqāhā, puisqu’ils déclarent licite la plus abominable des choses défendues.

Quant à savoir si un individu doit, dans ce cas, renoncer au mariage, il faut, s’il ne peut se résigner au célibat, qu’il trouve quelqu’un de religieux qui consente à s’allier à lui, sans tomber dans le péché. Les hommes religieux n’ont pas tous disparus.

Quant aux onctions dont on recouvre le corps et le visage de la mariée, en lui recommandant de ne pas s’en débarrasser par le lavage, en sorte qu’elle reste sans prière, c’est là une chose qui ne peut émaner d’une personne
ayant Tamour de l’Islam. Comment cette jeune fille peut-elle rester ainsi, sans faire sa prière pendant tout le temps qu’on lui impose ou même pendant un jour seulement. Le Prophète n’a-t-il pas dit: « Entre le croyant et l’infidélité, il n’y a que la négligence de la prière, il est permis de verser le sang de quiconque néglige une seule prière, jusqu’à manquer l’heure canonique où il pouvait la faire. »
Aussi, un mariage conclu dans ces conditions est-il rarement touché par la bénédiction de Dieu.

On peut parler longuement sur ce chapitre, mais il suffit de ce que nous avons dit.

{Al-Ḥaffār, III,194-6.)

Un Musulman se convertit au christianisme et va se marier avec une chrétienne dans le pays des ennemis.

Il demeura ainsi avec sa femme pendant un certain nombre d’années, puis il revint en pays d’Islam et se convertit de nouveau à l’Islam en même temps que sa femme.

Leur mariage sera-t-il maintenu ou annulé au moyen d’une répudiation, après quoi ils concluront un nouveau contrat ?

En le supposant annulable, que décider au sujet des deux époux qui sont demeurés mariés jusqu’à ce jour, sans qu’une séparation soit intervenue entre eux? Sont-ils passibles chacun d’une correction ?

L’apostat, selon l’opinion la plus répandue, ne doit pas être maintenu dans son mariage. C’est la doctrine de la Mudawwana, Cependant, Ibn Al-Māğišūn dit qu il y sera maintenu, et son opinion est adoptée par Ibn Habil). Mais la solution la plus répandue et qui mérite le plus confiance est la première.

En conséquence, le mariage en question sera annulé, au moyen d’un Ṭalāq ; la femme attendra qu’il se soit écoulé, pour elle, le laps de trois Aṭhār (puretémois) ; le mari pourra alors la reprendre, si cela lui plaît.

Aucun des deux époux ne sera atteint par aucun châtiment, pour avoir maintenu son mariage avec l’autre, pendantla durée de temps écoulée, et cela à raison même de la divergence qui règne, à ce sujet, entre les docteurs. Quant aux enfants, ils se rattachent à leurs parents.

{Ibn Sirāğ, III, 194.)

Une femme s’enfuit du domicile conjugal*, et s’en va dans une autre ville où elle se remarie en se faisant passer comme libre de tout lien conjugal. Son premier mari venant ensuite la revendiquer, est-elle passible du hadd ?

Si elle produit une excuse plausible, elle ne sera pas punie, mais sera rendue à son mari après Istibrā’.

Pas de hadd^ non plus, si elle nie avoir cohabité [avec le second mari],

[Aboû’l’Hasan Al-Qâbisi. T. III, p. 35.)

Un individu dit à un autre: « Répudie ta femme et je te donnerai ma fille en mariage. » Il la répudia, mais l’autre refusa de lui donner sa fille.

Que décider ?

Le père de la jeune fille sera contraint de choisir entre les deux partis suivants :

Ou bien il se chargera de payer la dot de la femme que l’autre a répudiée ; ou bien il lui accordera sa fille.

{Ibn Loubâba. T. III, p. 176.)

Une femme voit apparaître l’éléphantiasis chez son mari, avec lequel elle a déjà eu des enfants. Elle demeure encore avec lui pendant un certain nombre d’années, sans porter son affaire devant la justice. Elle le fait maintenant en demandant à son mari de la répudier sans avoir à aller devant le qâdî. Son mari lui répond que si elle veut se hâter [, elle n’a qu’à user du khoul῾.

La femme donna alors procuration à quelqu’un qui lui obtint le khouV de son mari, moyennant une somme déterminée.

Ce khouV est-il exécutoire ?

Oui, ce khouV est exécutoire, car cette question n*est pas identique à celle qui est mentionnée dans la Moudawwana. Dans celle-ci, il est dit que, si la femme, après avoir obtenu un khoul\ découvre que son mari avait un vice, tel qu’éléphantiasis ou autre, qui oblige à la restitution, elle aura le droit de répéter contre son mari tout ce qu’il a reçu d’elle ; dans ce cas, en effet, elle avait déjà le droit de se séparer de lui.

Dans l’espèce présente, au contraire, la femme n’aura droit de rien répéter contre son mari, car elle eût pu attendre qu’on lui fixât un délai, au cas où Ton eût espéré la guérison du mari ; à défaut de guérison
, elle aurait obtenu la séparation. C*est donc qu’elle avait intérêt à devancer ce moment.

[Ibn Marzoûq. T. III, p. 73.)

Est-il permis d’épouser les filles des hommes injustes ?

Il est permis de les épouser, mais il est, au contraire, défendu de prendre aucun bien licite ou illicite venant du père de la jeune fille, s’il est sujet à caution. Il est également défendu de donner sa fille à l’un de ces hommes. — C’est ainsi que les Ashâb ont épousé des femmes sectatrices des Ecritures ; que ‘Umar ibn ῾Abd al-῾Azīz épousa Fāṭima bt. ῾Abd Al-Mālik, et lui dit : « Rends tes bijoux au Bait al-Mâl des Musulmans. »

(T. III, p. 198.)

Est-il nécessaire que les deux témoins regardent le visage de la jeune vierge orpheline qui se marie, ou suffit-il qu’elle se drape entièrement dans sa milhafa i, et que Ton dise aux deux témoins : « C’est celle-ci » ?

Il n’est pas requis, comme condition de validité du témoignage relatif à la consultation de la jeune fille, que les témoins la voient. Cela n’est exigé qu’afin de permettre aux deux témoins de reconnaître l’identité de la jeune fille. S’ils la reconnaissaient de façon à acquérir la certitude que c’est bien elle, point n’est besoin qu’ils la regardent. Ainsi, lorsque, par la déclaration d’une personne digne de foi, ils acquièrent la certitude que c’est bien la jeune fille dont il s’agit, il leur sera permis de témoigner en ce qui la concerne, alors qu’elle est drapée dans son vêtement.

{Al’ffaffâr, T. III, p. 196.)

LA DISSOLUTION DU MARIAGE : AT-TALÂO

Ṭalâq muṭalliq nafsaha : irrévocable, prononcée par le Qāḍī comme complément de personnalité juridique

Ṭalāq al-Ḵul῾ : répudiation moyennant rançon (naqd plus kali en général)

Ṭalāq al-Moubārāt : répudiation par décharge mutuelle. Mari abandonne le naqd, femme le kālī.

Ṭalāq : répudiation sauf reprise (rağ῾a) dans la ῾idda de trois mois/quru

at-ṭalāq bi-th-ṯalāṯ

Al-Ilâ ou serment de continence, après 4 mois, il entraîne le Talāq III, ou expiation

Adh-Ḏihār : injure, après 4 mois, le Talāq MS peut être prononcé par le Qāḍī

Al-Li῾An : accusation d adultère et/ou désaveu de paternité entraîne Talāq al-M si les deux jurent 4 fois leur bonne foi

II, 225, 226.

Istribrā’ : délai de viduité pour fornication

‘idda al-wafat : délai de viduité de veuvage (4 mois et 10j)

TALÂQ

Un individu ayant quatre femmes, voit Tune d’elles sortant sa tête hors de la lucarne : « Si je ne te répudie pas, lui dit-il, que toutes tes compagnes soient répudiées. » Une fois entré à la maison, il ne reconnut plus la coupable. Que décider ?

Selon les uns, il doit les répudier toutes, comme dans le cas où il aurait oublié quelle est celle de ses femmes qu’il a répudiée.

Selon d’autres, il suffît qu’il en répudie seulement trois. Cette solution ne doit pas faire de doute ; car, si la quatrième femme conservée par le mari, est bien celle qui a sorti sa tète de la lucarne, la répudiation a frappé les trois autres, comme le voulait le mari. Si, au contraire, elle est au nombre des trois répudiées, en réalité, elle devait être seule répudiée, mais comme on ne pouvait pas l’identifier, on s’est préservé de l’erreur en répudiant deux autres avec elle. De sorte que la quatrième ne peut être touchée par la séparation, pas plus que le mari n^est tenu de la répudier.

(T. IV, p. 190.)

Un individu répudie sa femme, et la teneur de l’acte de répudiation implique que le mari était, en ce faisant, sain de corps et d’esprit. Après son décès, sa femme établit un autre acte, dont il résulte que la répudiation a eu lieu au cours d’une maladie qui a abouti à la mort du mari.
Quant au premier acte, il y est constaté, par l’attestation de nombreux témoins de la localité même et des environs, que le mari vaquait à ses affaires, soit à pieds, soit monté.

Que décider?

On doit appliquer l’acte qui établit Tétat de santé du mari, vu que la femme n’a aucune exception à lui opposer. C’est dans ce sens, que le jurisconsulte Ibn Al-‘Awwâd a rendu sa félwa au mois de Ramadan de l’année 508 de l’hégire.

{Ibn Al’Hâdj. T. IV, p. 303.)

Est-il permis à une femme répudiée de partir en voyage avec son ex-mari, afin d’élever l’enfant qu’elle a eu de lui, quand on craint que cet ex-mari, homme de peu de confiance, ne cohabite avec la femme ?

S’il est possible d’écrire [aux autorités] de la localité, où ils vont s’établir, de les tenir éloignés l’un de l’autre, au moment de leur arrivée, et si, d^autre part, il est possible d’éviter que la femme voyage, au départ, avec son mari, et de la séparer de lui à l’arrivée, le but est atteint.

Sinon, ils ne partiront pas.

{As-Souyoûrî. T. III, p. 207.)

Un individu ayant répudié sa femme, en épouse une autre. Il stipule dans le contrat de mariage de celle-ci que, s^il reprenait sa première femme, celle-ci serait, par le fait même, répudiée. Mais, dans son engagement, il n’a pas dit : « si je la reprenais au détriment de ma seconde femme ». Or, cette dernière étant sortie de sa puissance maritale, par répudiation ou décès, cet individu désire reprendre sa première femme (la répudiée), en soutenant que son intention n’était pas de s’interdire pour toujours la faculté de reprendre sa femme, mais seulement tant que la seconde femme serait dans sa puissance maritale (i^w-ac^ ‘isma). Que décider ?

La répudiation s’impose au mari dès qu’il reprend sa première femme, que la seconde soit encore ou non dans sa puissance maritale. Il ne sera pas ajouté foi à sa prétention, quant à l’intention quMl aurait eue, et cela dès qu’il est actionné en exécution de l’engagement qu’il a pris devant témoins. Quant à son intention, elle lui profite dans ses rapports avec Allah, son Créateur.

Il est entendu que, s’il n’a pas eu l’intention dont il s’agit, la répudiation s’impose à lui dès qu’il reprend sa première femme, mais elle cesse d’être obligatoire s’il la reprend encore une fois, après une nouvelle répudiation.

{Ibn Rouschd. T. IV, p. 299.)

Un individu dit à sa femme : « Sois répudiée, jusqu’au moment de la mort*. »

De quoi est-il tenu ?

Cette question est la même que celle du mari qui dit à sa femme : « Sois à jamais répudiée 2. » C’est une répudiation triple. ^^j^^ 7/nrdn. T. IV, p. 282.)

1. ::,UJ\ Jl jlO. cJl

2. l^JblcjJll^C^l

Un individu possédé d’un mauvais génie {^ji^ qarîn) se dispute avec sa femme et lui dit : « Je te répudie », sans que, dans son for intérieur, il se soit proposé la répudiation. Que décider?

La répudiation ne s’impose pas au mari, si sa langue a devancé son intention. Mais il n’en est ainsi que si le mari vient lui-même solliciter une félwa sur son cas. Au cas où il serait tenu en vertu d’une preuve testimoniale, on n’admettra pas son excuse, car les mots « Je le répudie » se passent de la nécessité de l’intention de répudier.

Cependant, si les témoins étaient au courant de son état d’aliénation mentale et croient, par les indices de son état, qu’il était dans une crise au moment de la prononciation des termes en question, on le laissera ensemble avec sa femme.

(T. IV, p. 216.)

Un individu répudie sa femme dans son cœur, sans articuler aucune parole. Est-il tenu de répudier sa femme ?

Non ; en donnant la préférence à l’une des deux opinions qui ont été émises à ce sujet. C’est l’opinion à laquelle s’est rangé Ibn ‘Abd Al-Hakam.

Aboû Moûsâ ‘Isa 6. Mouhammad b, Al-Imâm, IV, p. 218.)

Un individu ayant eu une dispute avec son épouse, celle-ci lui dit : « Si les femmes avaient le droit de répudier les maris, je t’aurais répudié. » Sur quoi, le mari répondit : « Eh bien, sois répudiée cent fois! »

Puis cet individu prétendit qu’avant son mariage, il avait eu des relations illégitimes avec celle qui est devenue sa femme et les a continuées jusqu’au mariage sans istibrâ. Au cas où cela serait établi, aura-t-il le droit de reprendre sa femme ?

On n’admettra pas cette déclaration du mari, après la répudiation triple, et la preuve testimoniale relative aux dits rapports illégitimes sera repoussée ; à moins qu’un empêchement légitime n’ait mis obstacle à ce que les témoins portassent l’affaire devant la justice, et ne se soit prolongé de façon que l’information de la justice n’ait pu avoir lieu qu’après la disparition de l’empêchement. Dans ce cas, les témoins seront entendus, et il sera décidé conformément à leur déposition.

(T. IV, p. 216.)

Un individu dit à sa femme : « Tu es répudiée, si tu ne touches pas le ciel. »

C’est une répudiation subordonnée à une condition impossible ; elle n’oblige pas le mari.

{Aboû-l’Hasan A^^Saghîr. T. IV, p. 188.)

Un individu dit à sa femme : « Va, tu es plus libre que le lièvre dans la plaine de… ». Quelle répudiation encourt- il?

Selon Ibn *Attâb, c’est la répudiation triple. Selon Ibn Al-Qa^tân, c’est la répudiation simple, révocable, à moins que le mari n’ait eu l’intention d’en prononcer une triple.

{Hamdis. T. IV, p. 186.)

Un individu, voulant répudier sa femme, vient trouver le notaire/muaṯṯiq et lui dit : « Dresse-lui son acte de répudiation, mais ne le date pas, en attendant que je demande conseil. » Le notaire écrivit la teneur de l’acte de répudiation, sans la date, et cela se passait en présence d’un ṭâlib qui témoigne en faveur du mari que la rédaction de Tacte n’a eu lieu que sous réserve de consultation préalable. Que décider ?

La répudiation ne s’impose pas au mari, tant qu’il n’en a pas pris la ferme résolution. Il n’est pas non plus tenu du serment, vu les circonstances ci-dessus.

(T. IV, p. 185.)

Un individu vend sa femme à un autre, pour plaisanter. De quoi est-il passible ?

Les faqîhs sont partagés sur cette question. Selon les uns, le mari sera tenu de répudier sa femme, car, en matière de répudiation, la plaisanterie a le même effet que si l’on agissait au sérieux. Selon d’autres, il n’y a pas de répudiation nécessaire dans ce cas, mais le qâdî se rangera à celle des deux opinions qu’il lui plaira. Il peut également infliger au mari, pour avoir ainsi plaisanté, une correction qu’il jugera convenable, soit en l’humiliant, soit en l’emprisonnant pendant peu de temps. En tous cas, nul autre que le qâdî ne peut s’immiscer dans cette affaire

{Aboû ‘Abd Allah Al-Haffâr. T. IV, p. 140.)

Un homme du peuple dit à sa femme : « Si tu fais ceci, tu ne resteras plus dans la maison. »

Quelle espèce de répudiation sa femme encourt-elle ?

C’est la répudiation triple. Telle est l’opinion du célèbre Al-‘Abdoùsî.

{Aboûlshâq Ibrahim A l-Qârt^ Aboâ-l-hasan As-Çaghtr.
T. IV, p. 126.)

Un individu dit à sa femme : « Tu seras répudiée, le jour où Un Tel arrivera de voyage. » D’après Ibn Schâs, si Un Tel n’arrive que la nuit, le mari n’encourra pas le parjure, à moins que son intention n’ait été de subordonner la répudiation à l’arrivée, même pendant la nuit.

Cette opinion est contraire à la Moudawwana. Que décider ?

Cela dépend de l’intention du mari, lequel par le mot jourai pu ne pas exclure la nuit^

{Ibn Marzoûq. T. IV, p. 116.)

Un individu répudie sa femme par une répudiation unique, conformément à la Sounna. Puis le destin voulut que les suggestions de Satan le poussèrent à cohabiter avec elle, sans qu’il ait eu l’intention, en ce faisant, de reprendre sa femme. Entre temps, il usa de son droit de reprendre sa femme et demeura avec elle pendant tel laps de temps qu’Allah a voulu. Mais s’étant souvenu de ce qu’il avait fait, il la répudia de nouveau.

La reprise est-elle valable ? La seconde répudiation est-elle obligatoire vis-à-vis de la femme ?

Si, depuis la cohabitation jusqu’au moment où cet individu a repris sa femme, il s’est écoulé le temps nécessaire pour Istibrâ, la reprise est va- lable, à la condition qu’elle ait été accompagnée d’un walî, d’une dot et de témoins, comme pour le mariage initial. Le mari pourra ainsi reprendre sa femme après la répudiation et même avant l’expiration de la ‘idda.

Au cas où, depuis le moment de la reprise, il ne se serait pas écoulé le délai nécessaire pour Vislibrâ, la cohabitation postérieure à la reprise n’est pas valable. Si le mari a répudié de nouveau, il ne pourra reprendre sa femme qu’après l’expiration du délai d^istibrâ, à compter de la dernière répudiation. 11 faut de plus le concours d’un wali d’une dot et des témoins attestant le consentement des époux à reprendre la vie commune.

{Ibn Al’Hâdj, T. IV, p. 40.)

Un individu marie sa fille bikr moyennant une dot. Puis l’époux demande au père de la jeune fille la résiliation du mariage, que celui-ci lui accorde.

Tout cela s’était passé, du reste, avant la consommation du mariage. Que décider?

D’après Ibn ‘Abd Al-Hakam, l’époux devra répudier, par une répudiation unique, ladite jeune fille, sans qu’elle ait droit à aucune partie de la dot promise par le mari, si celui-ci ne l’a pas encore payée. Si le père l’a touchée, il en devra la restitution au mari.

Selon Ibn Al-Hâdj, si les choses se passent avant la consommation du mariage, c’est une décharge de la puissance maritale, et elle se résout en une répudiation triple. Au demeurant, Allah le sait mieux que personne.

(T. IV, p. 304.)

ḴUL῾

Une femme obtient de son mari le ḵul῾ moyennant la totalité de son reliquat de dot payable à terme, et moyennant décharge de ce dont il est tenu envers elle, à raison d’un enfant à la mamelle qu’elle a eu de lui, comme vêtements et autres frais d’entretien, et cela jusqu^au moment où le mari aurait cessé d’en être légalement tenu. Elle y a consenti, à la condition que le mari ne lui retirerait pas l’enfant, qu’elle change de résidence en se transportant de Miknās à Salā, ou de Salā à Miknās.

La femme perd-elle son droit à la garde de l’enfant, en se remariant ? Est-elle tenue de payer les frais d’entretien jusqu’à l’époque convenue, à la personne, — père de l’enfant ou autre, — qui revendique la garde de l’enfant?

La femme perd son droit de garde en se remariant ; ce droit passe à celui à qui il doit légalement revenir. La mère sera, dans ce cas, tenue des frais d’entretien et du vêtement de son enfant, conformément aux stipulations du père, et jusqu’à Tépoque convenue. Elle paiera tout cela à celui qui est chargé de prendre soin de l’enfant, père ou autre. En effet, c’est à ces conditions que le mari a accordé le divorce et lâché de sa main la puissance maritale. C^est donc une condition qui oblige la femme et une convention à titre onéreux valable, à laquelle elle ne peut échapper.

ÇAbd Allah Al- Wânaghilt. T. IV, p, 5.)

Une femme mariée obtient son ḵul῾ en faisant abandon à son mari de tout le reliquat de sa dot payable à terme et d’autres avantages matrimoniaux spécifiés dans l’acte de divorce, et en s’engageant à ne pas se remarier avant l’expiration d’un délai d’un an à partir de la date du divorce. Au cas où elle se remarierait avant cette époque, elle s’engage à payer à son mari la valeur de cent miṯqāl murābiṭīyya. Cette convention est-elle valable ?

Le ḵul῾ est valable, mais la condition est nulle La femme aura le droit de se remarier avant l’expiration du délai d’un an, sans rien devoir pour cela.

(Ibn Al-flâdj et Ibn fiouschd. T. IV, p. 5.)

Un individu accorde le ḵul῾ à sa femme, à condition qu’elle s’est engagée avec sa mère, envers lui, à pourvoir à l’entretien de la fille qu’elle a eue de lui, tant que ladite fille restera avec sa mère. La grand’mère meurt au bout d’une année environ, et ses héritiers réclament le partage de la succession. De son côté, le mari divorcé réclame la part de la succession qui doit revenir à sa propre fille, à raison de l’engagement que la grand’mère avait contracté conjointement avec la femme divorcée. Que décider ?

On estimera ce que devrait coûter Pentretien de la fille jusqu’au jour où le père cesserait d’en être tenu. On y procédera au moyen d’une estimation moyenne, sans pencher d’un côté ni de l’autre. Puis, on prélèvera sur la succession la moitié de la somme estimée, et on la déposera entre les mains d’un homme de confiance. Sur cette somme, on prendra la moitié des dépenses d’entretien, au fur et à mesure des besoins. Si, au moment où la fille cesse d’être légalement à la charge de son père, il y a un reliquat de ladite somme déposée, il sera versé aux héritiers.

[Aboû ‘Outhmân Al-‘Oughânî. T. IV, p. 6.)

SERMENTS EN MATIÈRE DE RÉPUDIATION : AYMĀN ; ĪLĀ ; ḎIHĀR

Un individu jure de répudier sa femme s’il faisait telle chose. Puis la femme qui était en sa puissance meurt. Reste-t-il tenu par son serment, en ce qui concerne les femmes qu’il pourrait épouser par la suite, s’il faisait la chose dont il avait juré de s’abstenir?

La répudiation ne s’impose au mari que pour la femme qui était en sa puissance le jour où il a proféré le serment. Mais il n’esl tenu de rien, en ce qui concerne les femmes qu’il a pu épouser après son serment et avant son parjure.

[Aboû Zakariyyâ Yahyâ b. Djâbir Al-Bafwi {ou Al-Boutoâwi). T. IV, p. 66.)

Un individu, père d’un enfant non encore pubère, vit celui-ci, au moment où il faisait paître des chevreaux, porter à l’un d’eux un coup qui l’a renversé. Il jura alors, par les serments obligatoires, d’infliger à son fils le même traitement qu’au chevreau. Ainsi, l’ayant frappé, il le renversa par terre, et l’enfant resta dans cette position pendant un bon moment de la journée. Quand il revint à lui, le chevreau ne s’était pas relevé de son renversement : il était mort.

L’intention du père ayant été de renverser seulement son fils, comme celui-ci l’avait fait pour le chevreau, et non de le tuer en cas de mort de l’animal, puisqu’il ignorait que celui-ci mourrait du coup, cette intention profile-t-elle au père, ou bien doit-il être considéré comme parjure, et tenu comme tel de répudier sa ou ses femmes ? Si les faits sont tels qu’ils sont rapportés plus haut, le père est délié de son serment par le traitement qu’il a infligé à son fils, car tel était le but de son serment.

{Stdi ‘AU Barakât Al’Baroânî. T. IV, p. 205.)

Un individu jure par la répudiation en langue berbère, sans qu’il ait eu une intention précise. En cas de parjure, comment son serment doit-il être interprété ?

La règle est qu’il faut interpréter les termes d’après l’intention. Si l’individu n’a pas d’intention, ce sera d’après le ‘ourf {coutume) en usage chez celui qui a juré et non ailleurs.

A défaut de *ourf^ c’est d’après la signification la moins rigoureuse que ce terme a dans la langue étrangère.

{Ibn’Arafa. T. IV, p. 204.)

Un individu donne l’hospitalité à quelques personnes, parmi lesquelles se trouvait un homme que la femme du maître de la maison trouvait insupportable. Elle reproche à son mari de l’avoir introduit, et celui-ci jure, par les serments obligatoires ( i«j>Dl jU> VI al-aimân al-lâzima) « que cet homme ne passera cette nuit que chez moi, et dans ma chambre ». Cet individu et ses compagnons ayant dû sortir pendant la nuit, le mari commet-il un parjure ?

Si l’homme en question est resté la majeure partie de la nuit dans la chambre, le mari n’encourt pas de parjure. Il en sera de même, si l’intention du mari était que nul ne ferait sortir de la chambre l’individu en question, mais que celui-ci pourrait sortir lui-même s’il le désire.

Si, au contraire, son intention était que cet individu devait passer toute la nuit dans la chambre, il encourt le parjure. En cas d’absence d’intention, si l’interprétation normale de son serment indique que le mari entendait dire que nul ne devait faire sortir l’individu de la chambre, il y a encore parjure, si l’homme sort lui-même, de son plein gré.

Enfin, à défaut d’intention et de sens normal du serment, le parjure est encouru par suite des termes mêmes du serment.

En effet, le mari a juré que l’homme passerait la nuit chez lui, et il se trouve qu’il ne Ta pas passée.

{Ibn Al-Hâdj. T. IV, p. 302.)

Un individu jure par les serments obligatoires et le voyage à La Mecque, pour obliger sa femme à se lever et à souper avec lui. La femme refuse et, malgré la réitération de cette invitation du mari, elle refuse encore. Le mari commence alors à souper tout seul, puis la femme se lève et se met au repas avec lui.

Entre le moment où elle s’était levée et le serment proféré par le mari, il s’était écoulé un court laps de temps. Que décider?

Le mari encourt, pour s’être parjuré, la répudiation et l’obligation d’accomplir le voyage de La Mecque ^.

En effet, il avait juré que sa femme se lèverait pour manger avec lui dès le commencement du souper ; la femme ne l’ayant pas fait, la répudiation est encourue par le mari.

(T. IV, p. 302.)

Un individu jure de ne pas faire cuire son pain dans un four situé tout près de son domicile, à cause de l’aversion qu*il a pour le boulanger qui le détient. Une femme, de la maison de cet individu, prend le pain de celui-ci et le porte au four dont il s’agit, où le boulanger en question le fait cuire. Le mari encourt-il le parjure ?

Le mari n’est en aucune façon tenu à raison de son serment, car il avait seulement juré de ne pas faire cuire son pain dans le four en question. Or, il ne Ta pas fait et n’a ordonné à personne de le faire à sa place.

S’il avait juré que son pain ne serait pas cuit dans tel four, certes il encourrait le parjure.

[IbnRouschd, T. IV, p. 303.)

Un individu s’étant disputé avec sa femme, celle-ci lui dit : « Que je sois tenue d’un jeûne d’un an, si jamais je consentais à moudre pour toi le grain, tant que je reste- rai avec toi ! » Et le mari de répondre : « Et puissé-je être tenu de la répudiation triple, si je payais à n’importe qui les frais de la mouture ! »

Le mari encourt-il le parjure, quand sa femme charge une autre de lui moudre son grain, avec ou sans salaire ?

Si c’est la femme elle-même qui a traité, et moyennant salaire, pour la mouture du grain ; si c’est elle aussi qui a payé de ses deniers ledit salaire, point de parjure à la charge du mari. Mais si elle a payé les frais de la mou-ture avec les deniers du mari qui a juré, et si, l’ayant su, il y a consenti, il sera tenu de la répudiation triple, s’il y a une preuve testimoniale, et alors même qu’il prétendrait, pour s’excuser, qu’il a juré simplement de ne pas payer de sa propre main. Au contraire, on ajoutera foi à sa déclaration, s’il n’y a pas de témoins.

(Misbâh b. Mouhammad b. ‘Abd Allah Al-Yâlisoûtî. IV, p. 283.)

Un individu demande en mariage, pour son fils, la main de sa nièce ((ille de son frère). Son frère refuse de lui accorder la main de sa fille, et le demandeur en mariage jure, par la répudiation, de n’assister avec son frère à aucune fête de famille, à aucun deuil. Le frère meurt et le jureur désire assister au lavage du corps, à Tensevelissement, aux condoléances et à la prière des morts qui sera dite sur son frère. Commet-il un parjure en ce faisant?

On ne saurait dire qu’on assiste avec quelqu’un après sa mort. Le but de celui qui a juré a été de causer de la peine à son frère en le laissant seul, dans des occasions où, d’habitude, les proches parents seréunissentensemble. Ce but ne saurait être atteint après la mort du frère.

Si, au contraire, il a entendu dire qu’il n’assisterait à aucune fête ou deuil de son frère, son but aura été de s’éloigner de lui et de cesser toutes relations avec lui ; dans ce cas, il y aurait parjure s’il assistait à l’une des cérémonies mentionnées ci-dessus.

{Aboû-l’Qâsim ibn Al-Barâ. T. IV, p. 266.)

Un individu reçoit son salaire pour un travail qu’il n’a pas encore commencé. Est-il parjure, lorsqu’il jure * qu’il ne possède rien.

Oui, car il est propriétaire de son salaire, dont il supporte seul les risques.

(T. IV, p. 186.)

Un individu ayant une jolie femme, lui dit : « Si jamais un œil te voit, tu seras répudiée. » Que décider ? S’il a voulu dire qu’il en sera ainsi au cas où elle se dévoilerait et se montrerait, il n’encourra rien, tant que ces faits ne se seront pas produits. Mais s’il a entendu dire qu’aucun œil ne doit la voir, il se parjurera dès qu’un œil la verra.

{Ibn Ad-Dâbit, T. IV, p. 184.)

Vn individu a juré de ne jamais épouser de veuves. Désirant maintenant épouser une jeune fille il craint que, par suite de quelque accident, elle ne soit plus vierge. Dans ce cas, lui sera-t-il permis de rester avec elle ?

Oui, car, même dans ce cas, elle n’est nullement veuve.

[Aboû Wbd Allah Al-Mawwâq. T. IV, p. JG/i.)

Un individu dit à sa femme : « Je jure que si tu sors d’ici, jusqu’au jour où je rentrerai de voyage, tu seras répudiée. » Comme ils habitent une maison prise en location, que décider si le propriétaire expulse la femme?

Si la femme n’est pas sortie de son plein gré, le mari n’encourt point de parjure; mais elle doit rester continuellement dans la maison où elle aura déménagé ?

(IbnLoubâba, T. IV, p. 149.)

In individu est assailli chez lui par une troupe de cavaliers, sous prétexte de se saisir inopinément d’une femme, qu’ils ne trouvèrent j)as. L’un des assaillants frappa le maître de la maison d’un coup de sabre, en lui demandant de jurer, par la répudiation triple, que ladite femme n’était pas en son domicile. Il jura alors par la répudiation triple, que la femme était partie pour Tàzà. Il prétend n’avoir juré que par suite de la contrainte. Que décider?

S’il est établi que cet individu craignait pour sa personne s’il ne jurait pas, qu’il appréhendait d’être tué ou frappé de nouveau avec l’épée comme il l’a été la première fois, il est admis sans conteste qu’il n’encourt pas de paijure, s’il ne s*est pas proposé le serment dans son cœur, et s’il n’a juré que d’une manière extérieure et par sa langue, pour éviter un mal. En effet, la contrainte n’a d’empire que sur ce qui est externe, jamais sur ce qui est interne.

^lais si, en ne jurant pas, il craignait, non pour sa personne, mais pour la femme uniquement, les avis sont partagés sur le point de savoir s’il est ou non coupable de parjure. L’opinion la plus répandue est qu’il l’est, mais l’opinion préférable est qu’il ne commet pas de parjure.

{Al”Abdoâsi. T. IV, p. 81.)

V\\ individu perdit une vache et, ayant appris qu’elle était entre les mains d’une certaine tribu, envoya son frère pour la chercher. Celui-ci ne la ramena point et prétendit ne l’avoir pas trouvée. Mais on informa le propriétaire de la vache que son frère l’avait vendue, et celui-ci, interrogé par lui à ce sujet, nia de la façon la plus formelle. L’autre jura par la répudiation triple de ne pas lui adresser la parole tant qu’il ne lui aura pas restitué sa vache même, ou une autre qu’il agréerait. Ils restèrent ainsi un certain temps sans se parler, jusqu’au jour où le frère acheta une vache et l’amena à l’autre, qui l’agréa aux lieu et place de la sienne. Depuis, il lui adressa la parole.

Puis, la vache ayant été revejidiquée et le prix restitué par le vendeur, le frère qui a juré se trouve-t-il ainsi en état de parjure? Doit-on adopter la négative et considérer la revendication comme un cas fortuit, sans influence sur les serments, de même qu’il n’en est pas tenu compte en d’antres matières ?

S’il a adressé la parole à son frère après la revendication de la vache, il s’est parjuré et a encouru la répudiation triple. ^lais si, depuis la revendication, il ne lui a pas adressé la parole, la controverse porte sur le point de savoir s’il a encouru le parjure pour avoir parlé à son frère dans l’intervalle entre la réception de la vache et sa revendication. Le désaccord est basé sur le point de savoir s’il faut tenir compte du sens littéral des serments ou de l’intention. Le mieux pour l’individu en question est de reconnaître son parjure. Si, au contraire, il opte pour le parti inverse, le désaccord sera porté devant son épouse et, si elle adopte le môme parti que lui, tous deux s’en tireront sains et saufs. Au cas où la femme se rangerait à l’opinion qui admet le parjure, le différend sera porté devant le qâdî, et celui-ci ne pourra trancher que dans le sens du parjure, qui est l’opinion la plus accréditée.

(Al-‘Abdoûsi. T. IV, p. 82.)

Un individu jure de ne point manger de telle viande faisandée. Peut-il manger de la graisse fondue provenant de cette viande ?

Si des miettes de pain avec lequel on a mangé ladite viande faisandée, sont becquetées par des poulets, sera-t-il permis à l’individu qui a juré, de manger de ces poulets, étant donné que les miettes de pain ont été touchées par le bouillon (ou la sauce) fait avec la viande en question ?

Si la graisse provient de la viande faisandée qui a été l’occasion du serment, il ne pourra, en aucune façon, en manger. Mais si elle provient de la même brebis, dont une partie de sa viande a été faisandée, il pourra en manger, car tel n’est pas l’objet de son serment. Quant aux poulets qui ont becqueté les miettes, il peut en manger sans encourir aucune condamnation.

(Aboâ Said Faradj ibn Loubb. T. IV, p. 94.)

l’n individu épouse une femme et stipule spontanément*, en faveur de celle-ci, au moinont de la conclusion de son mariage avec elle, que toute autre femme qu’il épouserait dans la suite serait répudiée par le fait méme de son mariage avec elle. Cet homme ayant épousé une femme, celle-ci fut déclarée répudiée. Qand elle eut terminé le temps de sa retraite légale ( i-^ *iddd), il Tépousa de nouveau. Le serment fait par le mari produit-il de nouveau son efl’et?

Oui, le serment produit de nouveau son effet, toutes les fois que cet individu épouse ladite femme. Je ne sache pas qu’il y ait aucune dissidence à ce sujet. La controverse qui existe porte uniquement sur Topinion d’Ihn Al-(^àsim, au sujet de Tinfluence continue du serment, dans le cas d’une femme individiiellemenl désir/née. Si le mari dit à sa femme : « Si j’épouse, toi vivante, l’ne elle, qu’elle soit répudiée » et que, l’ayant épousée une première fois, il l’épouse de nouveau (aj)rès répudiation , on se demande si le serment doit produire encon» son efl’et sur son second maiiag;\ Là est la controverse.

(Ibn Rouschd. T. IV, p. -293.)

Que décider au sujet d’un homme ([ui s’engage |)ar serment envers s:i femme de la répudier si l’on peut dire do lui qu’il est un homme vil f Jij radhl) ?

Si cet homme mange dans les boutiques des trij)iers ou des uuirchands de Ivirtsa – ( ^^ ;, il commet un parjure. Mais, s’il se contente d’acheter chez eux et d’apporter le comestible à la maison ou dans sa boutique et de Tv manger, il n’v a pas de parjure.

(T. IV, p. -256.

Un individu étant décédé, deux hommes viennent témoigner qu’à une époque antérieure à sa mort, il avait juré de répudier sa femme et s’était parjuré. La femme
aura-t-elle une part quelconque dans sa succession?

Quelle retraite légale doit-elle accomplir, celle exigée après décès, ou celle requise après répudiation?

Si les deux témoins étaient présents et s’ils ont gardé le silence à ce sujet, jusqu’à ce que l’individu fût mort, on leur infligera une flagellation douloureuse, et leur dépositionne sera pas admise.

Si, ayant été absents, ils sont revenus après le décès du mari, leur déposition sera admise, la femme observera la ‘/rfofa de répudiation (J5U2’1 S-^ ) et aura droit à la succession.

Si, pendant Tabsence des témoins, c’est la femme qui meurt, et si les tériioins, une fois de retour, attestent que le mari Tavait répudiée définitivement, cette déposition sera reçue et le mari n’aura aucun droit sur la succession de la femme.

[Ibn Habib, T. IV, p. 357.)

Que décider, lorsqu’un mari, parlant de sa femme, dit : Qu’elle me soit défendue, comme la viande de porc. »

Si son intention, en disant ces mots, n’a pas été de prononcer une répudiation triple, il n’encourra qu’une seule répudiation par laquelle la femme recouvrera la liberté de sa personne. Tel est le * ourf [àvoil coutumier) aujourd’hui. Il n’en était pas ainsi autrefois. C’est pour cela que, dans ce cas, la Moudawwana décide qu’à moins d’intention contraire, la répudiation encourue est la répudiation triple, pourvu qu’il y ait eu déjà cohabitation.

[Mouhammad ibn Yoâsouf As-Sabbâgh, T. IV, p. 141.)

Un individu, ayant eu une dispute avec sa femme parce qu’elle s’était refusée à son invitation, lui dit : « Je le considère comme une morte, et ne viendrai vers toi qu’en cas de nécessité. » Que décider?

La prohibition ne s’impose pas au mari.

(Ibn ‘Arafa. T. IV, p. 183.)

῾IDDA et ISTIBRÀ

Un individu meurt, laissant une veuve, qui, après dix jours, reçoit là visite du frère du défunt. Ce frère passe la nuit dans la même chambre que la veuve, conformément à la coutume Çourf] en usage dans la région K II est admis, chez eux, en effet, que lorsqu’un individu meurt, son frère ou son proche parent s empresse d’accourir an domicile du défunt où il entre {auprès de la veuve), pour indiquer par là que nul ne peut, dès ce moment, la demander en mariage, et qu’elle est réservée pour ce frère ou ce proche parent, à l’exclusion de tout autre.

Puis, la femme ayant été mise à Técart du frère du défunt, auprès de gens de bien, elle prétendit, depuis la mort de son mari, qu’elle était enceinte de ses œuvres. Elle ne cessait de [lej crier chaque mois, jusqu’à l’expiration des quatre mois et dix jours, délai de la retraite légale ῾idda après décès. Dans l’intervalle, elle a eu plusieurs fois
ses menstrues.

Ayant été interrogée, ensuite, au sujet de la grossesse qu’elle avait prétendue, elle répondit : « Je n’étais pas enceinte, ni dans le doute de l’être ; je l’avais cru tout d’abord, mais je ne le crois plus du tout maintenant. »

Des femmes expertes qui Tout visitée, ont déclaré qu’elle n’est pas enceinte. [Dans ces conditions], cette femme est-elle licite pour le frère du défunt sus-indiqué, vu que le délai de la ‘idda après décès est expiré, et que la veuve a eu plusieurs fois ses menstrues dans l’intervalle et après la nuit passée chez elle par le frère du défunt ?

Oui.

{Qâsim Al’Oaqbûni. T. IV, p. 352.)

Une femme est épousée par un individu, durant la maladie dont il meurt avant l’annulation* de ce mariage ; doit-elle ou non se conformera la ‘idda (retraite légale) requise après le décès du mari’^, et qu’il y ait eu ou non cohabitation ?

C’est à la ‘idda après décès qu’elle devra se conformer, que le mariage ait été ou non consommé. On a prétendu que cette question devait être résolue de la même manière que celle du mariage (nul), au sujet duquel on est en désaccord sur le point de savoir si, avant l’annulation, il comporte ou non la répudiation et les autres conséquences du mariage.

D’après l’opinion apparente d’un autre auteur, la femme n’est tenue que de Vistibrâ (délai de viduité), quand il y a eu cohabitation, par cette raison que ladite femme n’a pas droit à la succession de son mari.

[Ar-Rammâh, T. IV, p. 329.)

Une bédouine répudiée, ou veuve, prétend qu’elle est enceinte, puis, ayant dépassé de beaucoup le délai de la retraite légale {idda^ 5-V£.), elle est demandée en mariage, autorise [ceux qui doivent contracter le mariage en son nom], se marie, et consomme le mariage. Puis, ayant accouché d’un enfant au bout de six mois ou plus, son premier mari, ou ses héritiers, revendique Tenfant, en s’en tenant à la première déclaration de la femme (quVUe était enceinte). De son côté, le second mari revendique Tenfant, invo- quant le silence de la femme au moment de la conclusion du contrat de mariage en son nom, et aussi la naissance de Tenfant à son terme. Que décider ?

Si la femme a dit qu’elle s’était mariée après l’expiration de la */rfrfa, et qu’elle s’était aperçue ensuite qu’elle n’était pas enceinte, Tenfant qu’elle mettra au monde six mois * ou plus après la consommation du mariage et les menstrues, appartiendra au second mari. A défaut de menstrues, ou en cas d’accouchement avant six mois de mariage, l’enfant appartiendra au premier mari. Tels sont les textes du rite et les règles qu’ils posent ; je n’ai pas vu autre chose.

{Aboâ Mahdî ‘îsâ Al-Ghoubrînî, T. IV, p. 324.)

Une femme, ayant perdu son mari, entre en retraite légale (S-v^., ‘idda)^ pendant quatre mois et dix jours. Puis, après avoir attendu un mois, elle se remarie et son époux consomme le mariage avec elle. Elle met un enfant au monde deux mois après la conclusion de son second mariage. Que décider?

Sache que l’enfant se rattache au premier mari, pendant cinq ans (depuis la mort de celui-ci), lorsque la femme l’a mis au monde, chez le second mari, avant six mois de mariage. Le second mariage sera annulé sans qu’il soit besoin de répudiation, et les ex-époux ne pourront jamais plus se remarier ensemble, car il y a eu mariage durant la Udda. La femme aura droit au montant de sa dot à rencontre du mari, tant pour la partie payable comptant, que pour celle qui Test à terme, pourvu qu’il n’y ait pas eu fraude de sa part, en ce qui concerne la grossesse. Au cas où il y eu fraude de sa part, le mari pourra répéter contre elle la dot, sauf à lui en abandonner un quart de rf/ndr, ou trois drachmes exactement.

Selon certains auteurs, il ne sera pas ajouté foi à la déclaration de la femme qu’elle ignorait sa grossesse, car c’est une chose qu’elle trouve dans son ventre ; elle serait seulement excusable en cas d’erreur dans le calcul de la *idda, lorsque la supputation est faite au mois.

(76/1 Al-Fakhkhâr. T. IV, p. 327.)

Une femme répudiée prétend, pendant toute une année (depuis la répudiation), qu’elle soupçonne d’ôtre enceinte (<,\^^1^, moustarâba). Que décider?

Elle sera examinée par les femmes et, si celles-ci déclarent qu’il y a un soupçon de grossesse (<*» j , rîbdjy elle continuera à demeurer dans la maison de son époux, ou dans celle qu’il a louée à son intention. Elle jurera qu’elle n’a pas eu ses règles pendant le laps de temps écoulé, et restera ainsi [dans cette maison], depuis cette époque jusqu’à l’expiration de cinq années, la plus longue durée de la gestation.

Que si elle refuse de jurer, elle n’aura plus droit au logement et sera expulsée de la maison où elle accomplissait sa retraite légale Çidda),

{Ibn Al-‘Attâr. T. IV, p. 357.)

Un individu enlève une femme de son plein gré et disparait avec elle pendant un certain temps, jusqu’au jour où elle devint enceinte de ses œuvres. Puis lorsqu’elle eut accouché, cet individu, ou un autre, voulut Tépouser. Cela est-il permis ?

Si la femme a accouché après qu’elle a été mise définitivement à Técart du ravisseur, de sorte qu’il ne lui était plus possible d’avoir commerce avec elle, elle pourra se marier soit avec lui, soit avec un autre. Mais s’il était er mesure de cohabiter avec elle à l’époque de Taccouchement, il faut nécessairement le délai de Vislibrâ.

(Said Al-‘OuqbânL T. IV, p. 323.)

Un individu disparaît dans le pays du Maghreb, et sa femme fait établir par un acte qu’il était mort en se basant sur ce qu’elle Ta pleuré au vu et au su de tout le monde, et se remarie avec un autre, qui consomme le mariage avec elle. Deux ans après, le premier mari apparaît; peut-il élever quelque réclamation ?

Le second mariage devient caduc par l’arrivée du premier mari. Quant à la femme, elle doit observer un délai de viduité du second mariage nul, délai de trois mens- trues, si elle les a, sinon, de trois mois, ou jusqu’à Taccouchement si elle est enceinte. Ce délai passé, elle est restituée à son premier mari, sans qu’il soit besoin d’exercer le droit de retour, et sans qu’on puisse infliger une correction à la femme ou au second mari, car tous deux sont excusables, par suite de Tacte testimonial qui établissait la mort du premier mari. En effet le mariage était valable avant l’arrivée de ce dernier, et sa nullité n’est apparue que par la survenance du premier mari, qui a mis en évidence l’erreur des témoins.

(T. IV, p. 167.)

Un individu cohabite avec son esclave, puis celle-ci est revendiquée (par le véritable propriétaire), et Tinclividu en question Tacheté du revendiquant. Peut-il continuer avec elle la cohabitation ou doit-il attendre le délai A’islibrâ ?

11 ne pourra avoir commerce avec elle qu’après l’expiration du délai d’istibrâ^ contrairement à ce qui aurait lieu, si cet individu avait affranchi ladite esclave, puis l’avait épousée.

Selon d’autres, Vislibrâ n’est pas nécessaire, car il nV a pas, ici, analogie avec le cas de l’esclave déposée, car l’individu dont il s’agit avait librement commerce avec cette esclave, et il vient de s’apercevoir qu’elle ne lui appartient pas.

On peut rapprocher de cette question, celle du père qui cohabite avec Tesclave de son fils, et qui se trouve tenu de lui en payer la valeur. Selon Ibn Al-Qâsim, dans ce cas, le père continuera librement ses relations avec l’esclave. Selon d’autres Vistibrd est nécessaire, à moins qu’on ne soutienne qu’il existe en faveur du père une présomption de propriété sur les biens de son fils \ vu que, dans ce cas, le père n’est pas passible du hadd (peine corporelle définie). C’est comme si Tesclave était sa propriété. Dans l’es- pèce présente, au contraire, l’individu en question n’a, en réalité, aucun droit de propriété sur ladite esclave. La question est donc différente.

{IbnAboûZaid. T. IV, p. 329.)

ENTRETIEN : NAFAQA

Vn individu désirant faire un voyage,’ qui devait le retenir deux ans loin de son domicile, en informa sa femme et lui dit : « Si tu consens à continuer la vie commune, tu n’auras droit à aucuns frais d’entretien durant mon absenco. Sinon, je te répudie. » La femme consentit, mais lorsque son mari s’absenta, elle réclama son entretien. Que décider ?

Cette convention oblige la femme.

{Ibn Aboû Zaid, T. IV, p. 16.)

Quelle différence y a-t-il entre la femme d’un absent et l’esclave concubine de ce môme absent? Pourquoi, en l’absence de provision alimentaire, l’épouse peut-elle obtenir son divorce contre l’absent, tandis que la concubine ne peut pas obtenir son affranchissement?

La raison en est que la femme est dans une situation supérieure à celle de l’esclave concubine. Ne vois-tu pas que, si le mari se refuse à la copulation, il est condamné envers l’épouse, tandis qu’il ne l’est pas envers la concubine ?

ijbn Aboû Zaid, T. IV, p. 15.)

Une femme réclame, durant l’absence de son mari, et prouve diiment qu’elle manque des frais d’enlretien. Le qâdî lui impartit un délai ; puis, ayant prêté serment et dégagé sa personne des liens du mariage, elle obtient du qâdî l’autorisation de se remarier, et son nouvel époux consomme le mariage avec elle. Mais le premier mari arrive et prouve que les frais d’entretien étaient à la charge de sa femme. Que décider?

Le second mariage sera dissous, et la femme retournera auprès de son premier mari, si Allah le veut.

{Aboiî Bakr ibn ‘Abd Ar-Bahmân. T. IV, p. li.»

Vu individu épouse une femme ayant un enfant d’un premier lit, et s’engage envers elle à pourvoir à l’entretien de cet enfant tant que durera le mariage. Puis, il la réi)U(liê par une répudiation uni(|ue, et, à l’expiration de la “idda, Fépouse de nouveau. Le mari continue-t-il à être tenu de l’entretien de Tenfant, alors qu’il ne s’y est pas engagé à l’occasion de ce deuxième mariage :* En est-il tenu seulement pour le temps qui reste à courir sur le délai de révocation de la répudiation ? Doit-il également le vêtement, alors qu’avant la répudiation il ne s’était eng.igé qu’à rentreiien {ncifaqa) ?

L’entretien est à la charge du mari pour tout le temps pendant lequel il peut revenir sur sa répudiation, car, selon MiUik et tous ses partisans, « pendant la durée du mariage » est synonyme de « pendant la durée de la puissance maritale ».

Quant au vêtement, je suis d’avis qu’il ne doit pas en être tenu, à cliarge par lui de prêter serment (jue par nafaqa il a entendu promettre la nourriture seulement, non le vêtement.

Ibn Zarb et d’autres savants sont d’un avis contraire. Mais je ne partage pas leur manière de voir, car, bien que le mot nafaqa ait un sens large, il a été restreint par Tusage presque universel, comme désignant les aliments
seulement à l’exclusion du vêlement.

[Ibn Roiischd. T. IV, p. 12.

Un individu épouse une femme, qui a deux enfants d’un premier lit, et pourvoit à leur entretien pendant une durée de huit années, époque à laquelle ils moururent. L’époux réclame maintenant à la succession des enfants le montant de ses déboursés. La femme prétend que son mari s’était engagé, envers elle, à l’entretien de ses deux enfants, mais elle n’en a aucune preuve. La réclamation du mari est-elle fondée ?

Si les enfants avaient une fortune personnelle, quand le mari dépensait pour eux, il aura un recours pour tous ses déboursés, à moins que la femme ne prouve qu’il s’y était engagé envers elle, comme elle l’avait prétendu.

[Ibn Marzoûr/. T. II, p. 5.)

Un individu répudie sa femme, dont il a un enfant. La femme se remarie, puis s’ol)lige envers son premier mari à pourvoir à Fentretien de l’enfant qu’elle a eu de lui, pour un certain nombie de mois. L’enfant ayant trouvé à s’employer moyennant (juelques dirlujms, à lui reviendront ces derniers ?
D’après Ibu ‘Atlàh, ils reviennent à la mère, qui s’en aidiM-a pour Tentretien de l’enfant.

D’après Ibn Al-Qattàn, ils seront mis de coté pour l’enfant, car c’est une partie de son patrimoine.

D’après IbnKaulUar, l’opinion d’ibn ‘Attâb, qui attribue les dirhema à la mère, est la meilleure, car l’enfant n’a |)as de patrimoine pro|)re, tant qu’il est sous la puissance d’un autre.

(T. IV, p. 9.)

LIÂN

Un individu répudie sa femme et se dispose à partir en voyage. Mais le père de la femme dit : « Ma fille est enceinte ; donne-lui les frais d’entretien nécessaires, ou fournis-lui une caution, jusqu’au moment de l’accouchement. » Un homme qui assistait à cette discussion dit : « Je me porte caution envers la femme, au cas où elle mettrait au monde un enfant. » Or, il se trouva que la femme accoucha d’un enfant ; mais le mari nie qu’il fut de ses œuvres. Le qâdi invoqua contre lui l’engagement spontané de la caution pour l’entretien de l’enfant à naître, en présence du mari, qui gardait le silence et qui, n’ayant pas désavoué, avait consenti à endosser la paternité de l’enfant.

L’enfant se rattache-t-il au mari, et celui-ci encourt-il, dans ce cas, le fjadd (peine corporelle définie) ?

Si le mari a accepté l’engagement de la caution pour l’entretien de Tenfant à naître, et s’il vient ensuite à naître un enfant, dont la conception peut se placer à une époque antérieure à rengagement de la caution, — en prenant en considération la durée de gestation la plus courte, — dans ce cas, il sera tenu obligatoirement d’accepter la paternité de l’enfant. De plus, il subira le hadd^ pour avoir désavoué l’enfant.

Ce n’est pas ici le lieu, comme on Ta prétendu, (Fécarter le hndd, à raison de ce que Ton est en matière de présomption, car il s’agit, dans Tespèce présente, d’une accusation d’adultère (jU) Wân)^ à raison de laquelle la femme a un droit légitime de poursuivre le mari, (^uello présomption y a-t-il en faveur du mari ? — Si la paternité de l’enfant ne lui a pas été attribuée malgré lui, la femme eût été déclarée coupable d’adultère. C’est donc en réalité une accusation d’adultère. Or, au point de viio de la condamnation au hadd^ c’est la même chose, selon nous, de porter directement ou indirectement une accusation d’adultère.

[Aboû ‘Imrcin. T. IV, p. 54.)

Une femme ayant perdu son mari, commence par dire qu elle est enceinte, puis que son fœtus s’est endormi (raqad djanînî). Elle le disait encore jusqu’au jour où elle fut den)andée en mariage et même jusqu’à Tépoque de la conclusion du contrat. Le second mari a dressé un acte de preuve testimoniale (<^^ bayijina)^ où des femmes attestent que la veuve avait sesjrègles avant la conclusion du mariage.

Etes-vous d’avis d’admettre l’aveu de la femme qu’elle était enceinte, — vu que la femme dont le fcrtus s’est endormi ne cesse pas, comme on le sait, d’avoir ses règles, — et d’attribuer, dans ce cas, la paternité de l’enfant au premier mari ? Ou bien, estimez-vous que Texistence prouvée des règles enlève toute valeur à la déclaration de la femme qu’elle était enceinte d’un fœtus endormi, et que Tenfant se rattache ainsi au second mari ? J\ijoute que l’accouchement a eu lieu à un terme normal depuis la date du second mariage.

Si la femme a persisté à prétendre qu’elle était enceinte, jusqu’au moquent de la conclusion du second mariage, ce mariage est nul; il n*y a pas de présomption de paternité contre le deuxième mari, et l’enfant se rattache au premier (le défunt). 11 en serait ainsi même au cas où la femme dirait, au moment de la conclusion du contrat, qu’elle n’a plus aucun soupçon de grossesse et se déclare en état d’être demandée en mariage.

{Qâsim Al-‘Ouqbânî. T. IV, p. 3:)2.)

Une femme, devenue veuve, est soupçonnée d’être enceinte. Les sages-femmes qui l’ont visitée sont partagées, les unes la déclarant enceinte, les autres hésitant à déposer en ce sens. Après un an et demi, elle contracte un mariage, se marie effectivement et consomme le mariage après cinq mois de fiançailles. Cinq mois après, elle accouche d un enfant, dont le second mari revendique la paternité, en prétendant qu’il a eu des relations avec la femme avant la célébration du mariage.

Doit-on admettre la déclaration du mari, quant aux relations anticipées qu’il a alléguées ? Est-il besoin, au contraire, d’une preuve testimoniale attestant l’isolation, étant donné que le représentant (walî) de la femme nie que celle-ci se soit trouvée isolée avec son fiancé ?

L’enfant se rattache au second mari. C’est à la déclaration de celui-ci qu’il faut se référer, lorsqu’il affirme qu’il a eu des relations avec sa femme à une époque où la conception de Tenfant peut se placer. En effet, si le mari n’avouait pas lui-même ses relations anticipées, il serait quand même présumé en avoir eu [avec sa fiancée], et l’enfant se rattacherait à lui.

{Qâsim Ai-‘Ouqbâni. T. IV, p. 353.)

Une femme veuve vint s’établir à Fâs et déclara qu’elle était enceinte. Puis, sept ans après, elle accoucha d’un enfant, qui était d’une ressemblance frappante avec son père (le mari décédé). Le défunt, ayant laissé des enfants, ceux-ci admirent le nouveau-né à la succession de leur père, vu la ressemblance qu’ils lui trouvèrent avec ce dernier. Ils y acquiescèrent de plein gré et n’élevèrent aucun doute à son sujet. Que décider?

J’ai consulté sur cette espèce notre scAa//rA Aboû-1-Hasan, dont je conserve l’écrit.

En conformité de vue avec lui, j’ai écarté de la femme le hadd (peine corporelle définie), rattaché l’enfant à son père, à moins que celui-ci, de retour*, ne le désavoue par le H’ân (accusation d*adultère, ou action en désaveu, jU;, s’il plaît à Allah.

CAbd Al’Aziz Al’Qarwî. T. IV, p. 335.)

Un individu quitte sa famille pour raison de commerce, et reste absent pendant une durée d’environ trois ans. l^endant son absence, sa femme l’assigna devant la justice et obtint sa répudiation après avoir prêté serment.

Sa ‘idda étant expirée, elle se remaria. Le second mari demeura un certain temps avec elle, puis s’absenta à son tour. Pendant son absence, la femme ayant appris la résidence de son premier mari, qui habitait une autre ville
que celle où elle était, alla le trouver; mais elle ne Finforma point de la répudiation qu’elle avait obtenue ni de son second mariage. En conséquence, elle demeura avec ui comme elle était auparavant. Le mari était dans Tignorance de tout ce qui s’était passé, jusqu’à ce qu’elle ait eu de lui des enfants. Puis, ayant appris la répudiation et le second mariage de sa femme et qu’elle était dans la puissance maritale du second mari, Tépoux actuel s’abstint de sa femme.

Les enfants nés dans ces conditions se rattachent-ils à leur père ? La femme est-elle passible du hadd ? Admettra-t-on en sa faveur l’excuse tirée de l’ignorance, si elle l’invoque ?

Quant aux enfants, ils se rattachent à leur père. La femme est passible d’un châtiment douloureux, si les choses sont telles que vous les avez dites. Mais si elle a agi sciemment, elle encourra le hadd,

{Ibn Louayy. T. III, p. 87.)

HipÂNA^

Un individu répudie sa femme, dont il a eu une fille. La femme s’étant remariée., son premier époux lui laisse la garde de son enfant, pendant une durée de trois années (depuis le second mariage). A-t-il le droit, s’il le
désire maintenant, de lui retirer son enfant?

Si le père a laissé la fille chez sa mère, après le mariage de celle-ci, pendant la durée susdite, il y a là un consentement qui lui fait perdre son droit à la garde deTenfant. 11 faut donc restituer la fille à sa mère, sous la garde et la surveillance de laquelle elle devra rester. Le père paiera les frais d’entretien.

Cette décision est rapportée dans l’ouvrage d’Aboù Ishâq At-Tounisi (le Tunisien).

(T. IV, p. 348.)

Une femme ayant un jeune enfant est répudiée par son mari. Elle se remarie avec un autre, et le père reprend son enfant pour l’élever. Puis le second époux et le père de l’enfant meurent tous les deux ; la femme a-t-elle le droit de reprendre son enfant pour l’élever à partir du décè& du mari et du père ?

La femme n’a aucun moyen de reprendre l’enfant, qui sera revendiqué par celui des parents du père auquel revient ce droit, après celui-ci. Le motif est qu’en se remariant, la femme a perdu son droit de garde.

(76/2 Zarô. T. IV, p. 39.)

Que décider au sujet d’une femme qui abandonne son enfant à la mamelle, au point qu’il meurt faute de lait?

La dïa (prix du sang) est à la charge de la ‘âqila de la femme. Cette question est analogue à celle des voyageurs auxquels on refuse l’eau et qui meurent de soif. Dans ce cas aussi, le prix du sang est à la charge de la ‘âqila de ceux qui ont refusé l’eau.

{Ibn Haroûn. T. IV, p. 348.)

Que décider si un père se plaint de ce que son fils majeur lui désobéit ainsi qu’à sa mère?

Le jeune homme qui a déjà des pollutions nocturnes (pubère) et qui est maître de sa conduite, n’est plus sous la surveillance de ses parents, mais il reste tenu de ses devoirs envers eux et doit s’acquitter envers eux deux ou envers le survivant de ce qu’Allah lui a imposé.

{Al’Qâbisî. T. II, p. 213.)

COMMUN ALLAITEMENT : RIDA

Deux femmes ont allaité chacune l’enfant de l’autre, à une même époque; ces enfants grandissent et d’autres naissent après eux, sans que les mères allaitassent d’autres enfants que les deux sus-indiqués. Est-il permis aux derniers-nés de se marier entre eux ^ ?

Chacun des enfants allaités par la mère des autres ne peut valablement se marier avec aucun des enfants de sa nourrice, que ceux-ci soient nés avant ou après lui. Quant aux enfants nés postérieurement, ils ont le droit de se marier les uns avec les autres.

{Ibn Aboâ Zaid. T. IV, p. 358.)

Un individu épouse une femme, consomme le mariage avec elle, le tout en présence de la mère et des frères et sœurs de la femme. Us restent huit ans tous ensemble dans la même ville. Après ce laps de temps, Tépouse prétendit que sa mère avait allaité le mari. Ceci se passait après la mort de la mère.

Depuis, elle ne cessait pas de le tracasser en lui disant : « Ma mère t’a allaité, répudie-moi. » Le mari lui répondit : « Je ne te répudierais que lorsque tu auras prouvé contre moi que ta mère m*a allaité. Deux témoins, habitants de ladite ville, assistèrent les époux, et, la femme ayant dit : « Répudie-moi », le mari répondit : « Soit, je te répudie si la prétention, en ce qui concerne le fait de Tallaitement, est prouvée. » Les deux témoins ont pris acte de ces déclarations. Mais il n’existe, en faveur de la femme, aucune preuve que sa mère a allailé le mari. Que décider, étant donné que la mère était morte quatre mois après la consommation du mariage de sa fille ?

S’il est avéré que la répudiation a élé subordonnée à la preuve de l’allaitement, que la déclaration du mari forme un tout complet qui ne comporte pas d’autre interprétation et si, d’autre part, le fait de l’allaitement nVst pas prouvé, la femme demeurera dans la puissance de son mari, sans qu’il ait besoin d’exercer son droit de retour ou reprise, rac(/*a). Si, au contraire, l’allaitement est prouvé, la femme n’étant pas en la puissance de son mari, celui-ci sera condamné à se séparer d’elle, sans répudiation, car c’est un mariage nul, de l’avis unanime de la doctrine, et qui, selon cette même unanimité, ne saurait être l’objet d’une répudiation. Le mari restituera à la femme ce qu’il a reçu d’elle à titre de khoul\ pour la répudier, car le khouV est la contre-valeur fournie par la femme pour se dégager de la puissance de son mari. Or, il se trouve qu’elle n’était pas en sa puissance ; tout ce qu’il recevra d’elle est donc un profit illégitime.

[Al’Abdoûst.l. IV, p. 79.)

LIVRE 11

STATUT RÉEL

LES MONNAIES : AS-SIKAK

Est-il permis de faire frapper les monnaies chez les chrétiens ?

Si ces monnaies portent des croix ou des inscriptions qu’il n’est pas permis d’y graver, dans ce cas, il n’est pas^ermis au Musulman d’aider à faire ce qui est illicite, ni de s’en mêler. Mais si la monnaie, portant d’ailleurs des inscriptions interdites, contient des noms d’Allah, on sait que la Moudawwana désapprouve de se servir, dans les relations avec les chrétiens, des monnaies musulmanes, précisément pour ce motif, qui est la nécessité de préserver les noms d’Allah très exalté d’être constamment entre les mains des infidèles. Il y a cependant désaccord sur ce deuxième cas

{Abū-l-Farağ, I, 221.)

Est-il permis d’acheter des comestibles ou autre chose, moyennant trois quarts de dirhem^ l’acheteur payant un dirhem entier et le vendeur lui rendant un quart de dirhem ? Seulement, si l’on pesait ce quart de dirhem, il n’équivaudrait pas au quart du poids de celui-ci ; mais c’est un usage courant et, en réalité, il a la valeur exacte d’un quart de dirhem.

Cela n’est pas permis, à moins que l’on n’ait la certitude que le quart de dirhem rendu pèse moins ou plus que le dirhem : dans ce cas Topéralion est permise.

{AboûAzîz. T. V, p. 69.)

Un individu vend une marchandise pour dix dirhems et un qîrât, par exemple. Au moment du paiement, Tacheteur paie onze dirhems et le vendeur lui rend un qîrât, La chose ayant été connue par la suite, que doit-on décider, les deux parties s’étant ou non séparées, les dirhems existant encore ? Dans le cas où les parties étant encore présentes, le vendeur a disposé des dirhems^ doit-on amener devant le juge celui qui est accusé de s’être livré à cette opération, ou s’en tenir à la compétence de ce dernier, s’il est compétent ?

La vente est valable et le paiement nul. Mais si les deux parties sont présentes, le vendeur restituera le onzième rf/VAem (à l’acheteur) et celui-ci lui rendra le qîrât. Si le vendeur est absent, l’acheteur mettra de côté le qîrât jusqu’à l’arrivée du vendeur. Si celui-ci n’arrive pas, le mieux est qu î l’acheteur dépense ce qîrât en aumône, même au cas où il aurait porté l’affaire devant le juge et payé, en retour de ce qîrât^ une chose licite, comme une contre-valeur consistant en marchandise ou en comestibles, par exemple. Si c’est Tacheteur qui est absent, le vendeur restituera le dirhem en excédent, et le juge ordonnera à quelqu’un de le changer contre deux qîrâts : le vendeur prendra alors un qîrât en échange de celui qu’il a rendu à l’acheteur et un second qîrât en retour de sa marchandise.

{Aboâ ‘Azîz.T. V, p. 71.)

Est-il permis à quelqu’un de prendre un dirhem d’une personne et de lui donner, à la place, deux qîrâtSj sans pesée, pour lui rendre service ?
Gela n’est pas permis, et devra être annulé, s’il a déjà eu lieu, car c’est de l’usure.

{Aboâ ‘Abd Allah Az-Zawâwî. T. V, p, 72.)

Un individu loue les services d’un ouvrier moyennant un qîrât; lui est-il permis, s’il n’a pas de qirât^ de lui donner un dirhem, sauf à l’ouvrier à lui rendre un qirâf?

Gela est permis en matières de louage et de vente.

{Al-Waghlîsi.T. V, p. 72.)

Lorsqu’une monnaie a disparu de la circulation, et qu’il en était dû une certaine ‘^quantité par suite de prêt, mariage ou vente, que devient l’obligation du débiteur?

Pour ce qui est du prêteur, il ne peut recevoir que ce qu’il a prêté. Quant au mariage et à la vente, le créancier aura droit à la monnaie en cours au moment de la conclusion du contrat. Si on n’en trouve pas, on s’en remettra, pour ce paiement, aux lumières des commerçants et des hommes compétents pour déterminer le change. Ainsi, on saura qu’elle était la valeur d’échange de cette monnaie contre de l’or, à cette époque, et le créancier touchera en or la valeur d’échange de cette monnaie à ladite époque.

[Mouhammad ibn Al-Mîr. T. V, p. 37.)

Selon un autre auteur, on ne doit faire aucune différence selon qu’il s’agit de prêt, mariage ou vente. De plus, la valeur de la monnaie sera estimée au jour où elle a disparu de la circulation, si cet événement s’est produit après l’échéance, et au jour de celle-ci, s’il s’est produit avant.

[Ibidem.)

Lorsque les gens pressentent une démonétisation, est-il permis à celui qui possède une quantité de cette monnaie de s’empresser de Técouler avant la démonétisation ?

Il n’est pas permis de s’empresser de Fécouler. Celui qui le fait sera obligé de garder cette monnaie quand on la lui refuse. Selon moi, cette question doit être résolue de la même manière que la question du paiement fait par V insolvable {i)^j^\ al-midyân) ^ lorsque ses créanciers veulent le faire déclarer en faillite. Les auteurs qui admettent qu’on peut valablement se faire payer, par crainte de la faillite, permettent aussi d’écouler la monnaie [appelée à être démonétisée] ; ceux qui défendent ce paiement^ dé- fendent aussi d’écouler la monnaie.

Enfin, ceux dont Topinion est que le paiement n’est plus permis, quand les créanciers se sont entretenus de la mise en faillite, ne permettent pas d’écouler la monnaie quand on s’est déjà entretenu de sa démonétisation.

(T. VI, p. 55.)

Étant donné que les docteurs ont dit qu’on doit briser la fausse monnaie, lorsqu’on craint qu’on ne s’en serve dans les transactions, si vous admettez cette opinion, estimez-vous que tout individu connaisseur qui trouve cette monnaie doit la briser ? Dans ce dernier cas, celui qui brise la monnaie fausse est-il tenu de quelque chose envers celui à qui elle appartient ?

Lorsqu’on craint la tromperie, on brisera la fausse monnaie, et si cela ne suffit pas pour le résultat voulu, on la fera fondre. Toute personne qui trouve la fausse monnaie doit la briser, à moins qu’il n’y ait lieu de craindre une rixe entre cette personne et le propriétaire de la monnaie.

{Aboâ ‘Abd Allah Az-Zawâwî. T. V, p. 72.)

Est-il permis de fabriquer avec ses propres dirhems y pour son usage personnel, de la monnaie identique ou meilleure que la monnaie du Sultan ?

Gela est permis, mais on le défend de crainte que le Sultan, en l’apprenant, ne punisse cet individu, et aussi afin de fermer les voies [à la fraude], de peur que cela n’amène une confusion au préjudice de la monnaie du Sultan, ou que Ton ne soit regardé comme un fraudeur, vu que la plupart de ceux qui fabriquent cette monnaie sont des fraudeurs.

ÇAbd Allah Al-‘Abdoûsi. T. VI, p. 88.)

Est-il permis de se servir, dans les transactions, de la
monnaie faible (<-aîli nâqisa) ?

Gela est permis, lorsque l’individu qui reçoit la monnaie
sait qu’elle est faible et l’accepte telle que. La tradition,
à cet égard, est rapportéedans la ^Oulbyya^ d’après l’Imâm
[MâlikJ. Si cet individu a eu, en ce faisant, l’intention de
rendre service à son frère, le Musulman, il a droit, de
ce chef, à une rémunération (divine) considérable, et sera
touché par la bénédiction de l’invocation prophétique (de
Mahomet).

Ce qui est défendu, c’est de tromper le vendeur en lui
faisant passer de la monnaie faible avec de la monnaie
ayant le poids légal, en sorte que, s’il avait connu ce vice,
il n’aurait pas accepté ladite monnaie. Mais si le vendeur
avait connaissance de la faiblesse de la monnaie, pour en
avoir été informé par le payeur, ou par suite de l’usage
courant, et s’il l’a acceptée tout de même, cela est licite,
permis.

{Aboû ‘Abd Allah Al-Haffâr. T. V, pp. 195-196.)

Est-il permis de remettre à un orfèvre des dirhems
pour en fabriquer des bijoux, lorsqu’on est sûr qu’il ne les

 

LES MONNAIES 449

remplacera pas par du métal argent lui appartenant pour
s’approprier les dirhems ? Dans le cas de raffirmative,
admettez-vous qu’il soit permis de fondre ces dirhems ou
de les couper pour les remettre ensuite à l’orfèvre ?

Il est permis de remettre les dirhems à l’orfèvre, lors-
qu’on est sûr qu’il ne les remplacera pas [par du métal
argent]. Cependant les *Oulémas ont dit qu’il n’est pas
permis de couper les gros dirhems.

{Aboâ ‘Aziz. T. V, p. 71.)

Est-il permis de contracter avec les sectateurs des Écri-
tures, relativement à des choses qu’il estlicite de posséder ?

Quant aux dirhems de ces non-Musulmans, leur usage
nous est permis, comme les céréales ou autres comestibles.
Il en est différemment des exemplaires du Qoran, des
chevaux et de tout objet dont il peut résulter un préjudice
pour les Musulmans. Mais que les sectateurs des Écri-
tures prennent nos dirhems, sur lesquels est gravé le nom
d’Allah, cela n’est pas permis, d’après l’opinion la plus
répandue.

{Un jurisconsulte de Fâs. T. V, p. 88.)

DES VENTES : AL-BOUYŪ῾

-volonté réciproque, (écriture, signes, actes).

– exclusion de l’impubère, du murâhiq, du fou, de l’insolvable judiciairement (midyân), le malade et exempt de violence, d’erreur
et de doL

DES CHOSES QUI PEUVENT OU NE PEUVENT PAS ÊTRE VENDUES

Est-il permis à des Musulmans de l’Andalousie de vendre aux ennemis les choses que les ‘oulémas défendent de leur vendre, comme les armes, parce qu’ils ont eux- mêmes un besoin pressant de leur acheter d’autres choses, comme des comestibles, des vêtements, etc. ? Y a-t-il quelque différence, à ce sujet, entre les Andalous et les autres Musulmans ? La même prohibition, si vous l’admettez, atteint-elle la vente de la cire à ces ennemis? Peut-on faire des chandelles avec la cire et les vendre à un marchand de parfums ^ quand on sait que celui-ci les vendra aux infidèles ou même à un Musulman buveur de vin?

L’Andalousie est soumise aux mêmes règles que les autres pays [d’Islam], vu que les ^oulémas n’ont fait, en cette question, aucune différence entre les différents pays. Ils n’ont pas distingué, non plus, entre ceux qui se trouvent dans une période de trêve avec nous, et ceux qui sont nos ennemis. Seul, Ibn Habib fait cette distinction au sujet des comestibles; il en autorise la vente aux chrétiens qui ont conclu une trêve, à l’exclusion de ceux qui sont en état de guerre. Quant à la raison que vous invoquez, à savoir que nous avons besoin d’eux (les chrétiens), cela n’entraîne pas nécessairement la permission de leur vendre, car Allah très exalté a dit : « Les infidèles sont impureté {nadjas ^J»^) ; qu’ils n’approchent plus de la Sainte Mosquée à partir de cette année-ci -. »

Les Musulmans ont été ainsi avertis que, malgré le besoin où ils se trouvent de recourir aux infidèles pour approvisionner La Mecque en vivres, cela n’autorise pas à sacrifier l’inviolabilité du territoire sacré. De même, on n’autorisera pas à regarder comme licite le dommage que Ton pourrait causer aux Musulmans.

Quant à la cire, Al-Mâzarî dit que le motif de sa prohibition, c’est que les infidèles peuvent en avoir besoin pour voyager ou pour s’en servir dans d’autres circonstances; c’est-à-dire qu’ils peuvent s’en servir pour nous faire du mal. Aussi est-il défendu de leur vendre la cire.

Quant à la transformation de la cire en chandelles, on désigne, dans le langage vulgaire, un droguiste, un épicier (Tunisie). Le sens que nous lui avons donné est celui qu’il a dans la langue lilléraire; c’est vraisemblablement dans ce sens qu’il est employé ici, car, chez les Musulmans, c’est le marchand de parfums qui fabrique et vend les chandelles.

2. Voyez Qoran, sourate IX, verset 28.

ne la fera pas pour les chrétiens, s’ils doivent s’en servir contre nous. Mais s’ils doivent s’en servir pour leurs dieux, il est convenable de ne pas leur fabriquer ces chandelles ni leur vendre la cire, par analogie avec la décision d’Ibn Al-Qàsim relative à la vente de la brebis aux chrétiens, quand on sait qu’ils doivent l’égorger pendant leurs fêtes. Ibn Al-Qâsim désapprouve cette vente pour éviter un acte qui peut être répréhensible. D’ailleurs, si la vente a déjà eu lieu, elle ne sera point annulée.

Pour ce qui est du marchand de parfums, ce n’est pas un grand péché de lui vendre la cire, car tout le monde sait qu’il vend à des personnes dont il ignore l’emploi qu’ils feront de la cire. Mais c’est plutôt la vente de la cire par ces marchands qui est sujette à examen

Est-il permis de vendre les armes de guerre, l’équipement du cheval et les autres choses dont on se sert pour faire la guerre aux Musulmans?

Ces objets ne peuvent être vendus ni par un marchand de bric-à-brac, ni par un fourbisseur, ni par un commerçant. Rien de tout cela ne peut faire valablement l’objet d’un commerce, ni être vendu à un Musulman. Il en est de même des Arabes rebelles ou autres : il n’est pas permis de les aider par quoi que ce soit qui puisse leur donner la force de faire le mal, comme le fait, par les habitants des Zâouïas, de leur accorder l’hospitalité, de leur donner des aliments, ou de les préserver de celui qui les recherche pour se venger d’eux. Celui qui agit ainsi tombe sous la malédiction du Prophète : « Celui qui innove ou donne asile à un innovateur, que sur lui soit la malédiction d’Allah, des anges et des hommes tous ensemble ! »

Ibn *Arafa a dit: « On n’admettra pas comme une excuse, en ce qui concerne les marabouts (j^^^), la crainte qu’ils inspirent, car ces individus entrent dans les villes et se comportent comme tout le monde. De même, on ne leur achètera pas les fourrures, le liège ou autres marchandises, dont ils peuvent tirer une aide. »

Est-il permis de vendre les raisins à celui à Tégard duquel on a de fortes présomptions de croire qu’il les pressera pour en faire du vin ?

Cela est défendu par la majorité des docteurs ; mais Rabî’a, le maître de Màlik, le permet, en disant : « Vends les choses licites à qui tu voudras »

Est-il permis de vendre des livres de facéties, des romans historiques, comme celui de ‘Antar ou la delhama et des livres de satires, de poésie, de chansons ou autres sujets analogues ?

Il n’est pas permis de vendre ces livres, ni de les lire.

Le roman de Antar, ou la Antariyya. comme on rappelle vulgairement en Orient, est trop connu pour qu’il soit besoin d’en parler ici.
Lamartine lui-même y a trouvé des beautés. — La delhama (pour Dhoû-4-Himma <*yJl ji ) ou Stral-al-Moudjâhidin est moins populaire, mais non moins appréciée. Nombreux sont les Orientaux qui, durant les longues veillées du Rama(jân, se délectent à entendre raconter, par les rapsodes, la vie si mouvementée de la princesse Dhoû-l-Himma^ Théroïne du récit, récit qui ne comprend pas moins de 55 volumes. Voyez, sur tous ces romans le livre curieux du baron Taylor : l’Egypte, par L.-R.-P. Laorty- lladji, Paris, 1S57, et le livre bien connu de M. William Lane : An Account of the manners and cusloms of Ihe modem Egyptians, etc. London, 1836.
D’après Ibn Qaddâh, il n’est pas permis d’admettre comme Imâm (pour la prière) ou comme témoin celui qui entend le roman de *Antar ou la delhama^ car ce sont des mensonges. Or, celui qui regarde le mensonge comme une chose licite est lui-même menteur.

La même décision s’applique aux livres d’astrologie ou de formules cabalistiques en langage incompréhensible.

Est-il permis de vendre le furet, pour la chasse, comme on vend le chat, ou doit-on le ranger au nombre des bêtes féroces ?

Le furet a de la ressemblance avec les chiens, le chat et les bêtes féroces, en ce qui concerne les règles qui leur sont applicables, si ce n’est qu’il a plus de ressemblance, au fond, avec le chat. Aussi, selon moi, sa vente est licite, comme la vente du chat.

La vente du blé vert sur pied contre du blé en grain est-elle valable ?

Oui, à condition que l’on commence tout de suite à en faire la moisson. Si l’acheteur laisse ce blé vert jusqu’à ce qu’il se transforme en grain, la vente est résolue entre les parties, et la récolte sur pied appartient à son vendeur. .

Est-il permis de vendre des navets et des oignons en plates-bandes après leur arrivée à maturité, l’acheteur laissant ces légumes dans leurs plates-bandes, jusqu’au moment où il doit les consommer ?

Cela est permis. Au demeurant, Allah le sait mieux que personne.

{Al’Waghlîsî. T. V, p. 78.)

Le jour de l’avènement d’Aboû Hafç au trône de Tunis, l’un des jurisconsultes d’Ifrîqiyya fut consulté sur la question suivante :

Lorsque Aboû Hafç assiégea Tunis, les Arabes se dispersèrent et allèrent cerner les villages d’alentour, interceptant les vivres et coupant les routes. Il se produisit, pour ce motif, une hausse des prix à Tunis. Puis, lorsque rÉmir Aboû Hafs prit possession du pouvoir, les Arabes apportèrent les céréales à la ville, le jour même de Tavènement d’Aboù Hafs et voulurent les vendre. Mais la majorité des habitants s’abstint d’en acheter. On consulta tes savants qui s’y trouvaient, et l’un d’eux répondit qu’il n’était pas permis d’acheter les céréales aux Arabes.

Cependant le Schaikh Aboîi Mouhammad *Abd Allah ibn Yahyâ Az-Za\vâwî opina en sens contraire et les habitants suivirent sa fétwa.

(T. V, p. 59.)

DÉLIVRANCE

Une femme vend une parcelle de terre, puis, contrevenant à son engagement, la vend à un autre. A qui appartient le marché ?

Le marché appartient au premier acheteur, à moins que le deuxième n’ait déjà obtenu délivrance de la chose vendue. Dans ce cas, celui-ci prêtera serment qu’il ignorait l’achat conclu par l’autre avant lui. On n’admettra pas ici la déclaration de la vendeuse, à moins qu’elle n’ait vendu au deuxième pour un prix supérieur à celui qu’elle a consenti au premier acheteur. Dans ce cas, celui-ci prendra la différence entre les deux prix.

{Ibn Aboû Zamnin. T. VI, p. 124.)

 

DES VENTES 459

Un individu achète une monture, qui périt avant qu’il en ait prit livraison; en doit-il le prix?

Lorsque la monture périt après la conclusion de Tachât sans qu’elle fût déjà malade, qu’elle est en la possession du vendeur sans aucun motif provenant de son fait, que sa perte s’est produite avant qu’elle ait été reçue par son acheteur, qu’elle n’était pas retenue par le vendeur jusqu’à ce qu’il touchât le prix, lorsque celui-ci n’a pas déjà été touché, dans ce cas, la perte est pour l’acheteur, et il devra payer le prix.

{Aboiï Saîd Faradj ibn Loubb. T. VI, p. 307.)

ACCESSOIRES

Un individu achète à un autre quatre arbres individuellement désignés et situés dans son enclos. Le vendeur n’a pas stipulé contre l’acheteur que celui-ci n’aurait ni le passage [pour arriver à ces quatre arbres], ni l’eau [qui leur est nécessaire], et l’acheteur, non plus, ne les a pas
stipulés en sa faveur. Que décider?

Je suis d’avis que l’acheteur y a droit à l’encontre du vendeur; il aura un passage jusqu’aux arbres et l’eau qui leur est nécessaire, encore qu’il ne les ait pas stipulés.

{Mâlik.)

Un individu vend une terre, puis, après un certain délai, intente une action, prétendant que les arbres qui se trouvent sur cette terre n’ont pas été compris dans la vente. Que décider?

La règle légale est que celui qui vend une terre plantée d’arbres, comprend ces arbres dans la vente, en même temps que la terre. Ils appartiendront à l’acheteur, à moins que le vendeur ne les ait exclus au moment de la vente, en disant qu’il en reste propriétaire. S’il ne les a pas exclus, ces arbres seront compris dans la vente, en môme temps que la terre. Et puis, le silence du vendeur pendant la durée susdite, lui fait tomber son droit, s’il avait réellement un droit bien établi ; à plus forte raison quand il n’a aucun droit sur les arbres.

{Ibn Sirâdj. T. V, p. 213.)

Un individu vend une boutique à un homme. Ce vendeur possède une maison attenante à ladite boutique, dans laquelle se trouve la fosse d’aisance de la maison. L’acheteur, au moment de la vente, ignorait l’existence de cette fosse, et le vendeur voulant la maintenir [à son profit], l’acheteur s’y oppose en disant : « En vendant la boutique avec tous les droits qui y sont attachés et toutes ses utilités, tu as cessé d’avoir aucun droit à la fosse. «Que décider ?

L’acheteur aura le choix de garder la boutique avec le vice dont elle est atteinte ou de l’abandonner.

{Aboâ ‘Oumar Ahmad b/Abd Al-Malik Al-IschbiU, VI, 184.)

VICES RÉDHIBITOIRES

Un individu achète une maison et y découvre une ombre, ou bien il est établi que, dans cette maison, une personne a été tuée *. Cela constitue-t-il un vice entraînant une option au profit de Tacheteur ?

Je n’ai connaissance d’aucun texte sur cette question. Selon moi, c’est un vice, mais Allah le sait mieux que personne.

D’autre part, Ibn *Arafa a décidé par félwa que la réputation, pour une maison, d’être de mauvais augure ou d’être hantée par les génies, constitue un vice.

Il est bon de donner, en appendice, à cette place, une liste sommaire des vices qui peuvent affecter les choses vendables. Nous commencerons par les esclaves. Ainsi, nous disons, en abrégé, que les vices qui entraînent la résiliation [de la vente] sont :

1″ Les mauvais génies (c’est-à-dire la possession); ** l’éléphantiasis; 3® la lèpre ; k^ le tremblement nerveux ;5® l’asthme; 6** le dessèchement ou atrophie de la main (JLLi) î 7® l’évanouissement; 8° la perte d’un œil ; 9® la surdité; 10® le mutisme ; H** la taie ; 12® la bosse; 13® l’ablation des testicules (w^bî ^^”^ l’imperforation [^y^^) de la femme ; 15® le déchirement du périnée (UaiVl) ; 16® la castration ; 17® l’état clairsemé des parties génitales de la femme {ry^^j^j)\ i8® la blancheur des cheveux; 19® la petitesse exagérée des parties génitales; 20® la fornication; 21® le vol; 22® les poux ; 23® l’habitude de prendre la fuite ; 24° la filiation adultérine (ou naturelle • ; 25** l’albugo ; 26″ la fétidité de Thaleine; 27** les marques sur le visage ; 28** l’état d’époux ; 29** la ‘idda (ou retraite légale pour la femme 1 ; 30** les dettes; 31** l’existence du père
ou de la mère [de l’esclave]; 32** l’existence d’un fils [de Tesclave] ; 33** l’existence d*un frère * [de l’esclave]; 34** le fait de pisser au lit, quand on a dépassé de beaucoup l’enfance ; 35** la grossesse ; 36** les flueurs blanches ; 37** la cessation des menstrues pendant plus de quarante- cinq jours ; 38** Téléphantiasis chez le père ou la mère [de l’esclave]; 39** la même maladie chez les aïeuls; 40** les manières efféminées chez Tesclave mâle ; 41** les allures masculines chez la femme esclave ; 42** Tincirconcision du mâle et de la femme ; 42** la circoncision de l’esclave, homme ou femme, amené du dehors – ; 43** une cautérisa- tion repoussante de nature à diminuer le [prix]; 44** l’habitude de boire du vin ; 45** le fait d’être gaucher ; 46** l’ambidexité, lorsque la main droite est moins active que la main gauche ; 47** toute excroissance ; 48** la croissance d’un ongle ou d’une dent superflus; 49** la chute des dents; 50** la défloration d’une esclave dont les pareilles ne sont pas soumises à la copulation-^ ; 51** l’accumulation frauduleuse du lait dans les seins ‘* d’une esclave achetée pour être nourrice ; 52° le cil rentrant dans Tœil (5^) ; 53*^ Tophtalmie chronique; 54® le strabisme de Tun ou des deux yeux; 55*^ la dissyinétrie des deux joues; 56″ la convexité de la poitrine ; 57® les cicatrices; 58® Tulcère, quand, après la guérison, sa trace diffère de la couleur de la peau; 59® la verrue sur le dessus de la main ou autre partie du corps; 60® la hernie ombilicale; 61® la scrofule ; 62® la disparition des phalanges; 63® la chute d’une seule dent; 64® les cheveux blancs.

Quant aux vices qui entraînent la résiliation, dans les ventes d’animaux, on compte :
1® le fait pour la jument d’être très ombrageuse; 2® rétive; 3® de manger peu; 4″* le gonflement des nerfs; 5® Tos proéminent dans les pieds de devant {f^^) ; 6® la jarde ; 7® les lésions internes du sabot {^J^^J) 8® le
chancre Çj^j^) ; 9° le suros -*^JjjJ^ ; 10® le tremblement des genoux; 11® al-maschasch (^j-^) *, ou callosité au canon ; 12® Técorchure (faite par le bât ou la selle) au dos ; 13® Tincirconcision ? (v…iAA)l) ; 14® Thabitude de couper le mors; 15® ou les chaînettes; 16® an-namla (<i^ll, espèce de fissure au sabot; 17® l’habitude de mouiller les musettes ; 18® le tétanos (ixjJl) ; 19® le tremblement; 20® l’albugo; 21® l’habitude de manger les entraves, les liens ou les rênes; 22® l’habitude de manger la corde qui attache la charge; 23** le hennissement (exagéré); 24** la déviation (^^^Adl) ; 25® l’habitude, après avoir été abreuvé, défaire sortir l’eau par les naseaux; 26® de déchirer les musettes; 27® d’éparpiller la ration; 28® d’avoir le membre caché dans le fourreau; 29® de fuir en entendant la voix du maître; 30® de ne pas se prêter à la mise de la bride; 31** de marcher lentement; SS** de faire entendre des borborygmes; 33® d’avoir Tœil larmoyant; 34° de se coucher, même quand la charge n’est pas lourde; 35® la courbure des pieds de devant; 36® le djôumoû (f^^fji qui est une cavité entre le cou et le garrot (dljUJl), et constitue un vice de naissance; 37® Tentétement exagéré ; 38^ la fuite ; 39** le bronchement, quand il n’est pas de peu d’importance.

Quant à la vache et au bœuf trouvés impropres au labour, Sahnoiin ne les considère pas comme atteints d’un vice rédhibitoire, à moins que cette destination n’ait été expressément stipulée. Sahnoûn veut dire qu’il ne suffirait pas que la bête ait été achetée à la saison des labours (pour sous-entendre la condition ci-dessus). Mais si l’acheteur a stipulé qu’il achète les bêtes pour le labour, sans spécifier que les bétes traîneront la charrue avec la tête ou avec le cou, et s’il a trouvé qu’elles ne peuvent traîner la charrue qu’avec le cou, il aura le droit de refuser les bœufs et non les vaches ; c’est l’usage suivi à ce sujet.

Quant aux vices en matière de vente de maisons, on compte les suivants :

1® L’existence d’une excavation, d’un puits, d’une fosse d’aisance, d’une cave à proximité des murs ou des chambres, ou au-dessous des uns et des autres ; 2® le plafond qui menace ruine ; 3® l’écoulement de l’eau d’une autre maison sur la maison achetée ; A® la stagnation des eaux de cette maison ; 5° le curage de la fosse d’aisance [qui ne peut se faire] qu’à la porte de la maison ; 6® l’absence de lieu d’aisance ; 7® les punaises en grande quantité ; 8° la découverte d’un tombeau dans la maison, si ce n’est le tom- beau d’un avorton ; 9® le lézardement des murs; 10® l’existence dans la maison d’un puits qui renvoie l’écho ; 11° la proximité d’un fleuve qui déborde et atteint la maison.

Les vices rédhibitoires des objets mobiliers sont :

i^ L’existence des punaises dans un lit; 2® des vers dans le bois; 3° des mites dans les étoffes ; à® la confection des vêtements en différentes étoffes ; 5** l’existence, dans une fourrure de prix, d*un endroit sans poils ou d’une pièce pour couvrir cet endroit.

Les vices rédhibitoires des choses fongibles sont :
i^ Le mélange du blé avec d’autres céréales en grande quantité; 2*^ la pourriture des œufs, car c’est un vice qui apparaît même avant de casser l’œuf ; c’est le vendeur qui le supporte, si l’œuf a été cassé, pourvu que le vendeur ait été de mauvaise foi. C’est l’opinion de Mâlik, exprimée dans la Moudawwana, Cet auteur entend dire par là qu’il s’agit, en ce cas, d’une vente subordonnée à la condition que les œufs seront cassés, puisqu’on ne peut s’en servir qu’après cette opération. Ibn Al-Mavsrwâz professe l’opinion contraire. Quant à Mâlik et Ibn Al-Qâsim, ils n’admettent la restitution des œufs au vendeur, que s’ils ont été cassés en sa présence ; 3® l’aigreur du lait, à moins qu’il n’ait été acheté poiir la préparation de la madîra ( \y^ ) * ; 4″* Talliage du cuivre à l’or ou à l’argent ; 5*^ le beurre de vache fondu et salé vendu comme beurre de chèvre ou de brebis ; 6® la monnaie fabriquée au moyen de l’alchimie. On ne peut s’en servir pour ses achats qu’en spécifiant la provenance de cette monnaie ; 1^ en général, tout vice qui entraîne une diminution du prix de la chose. C’est le principe auquel on doit se rapporter en cette matière.

(T. VI, pp. 36-39.)

Peut-on vendre le vêtement d’un individu mort de la peste ?

On pense que cela (la peste) constitue un vice de la marchandise, en matière de vente, si cela est connu et inspire de la répugnance, en sorte que, si le vendeur le déclarait, cela entraînerait une diminution dans le prix, ou une abs- tention de la part des acheteurs. Cela apparaît donc comme un vice, car les vices, en ce qui concerne les marchandises, s’apprécient d’après le sentiment des hommes et non d’après les règles de la loi. Salut.

[Ibn Loubb. T. VI, p. 27.)

Un individu ayant acheté le vêtement d’un chrétien, on lui dit de ne pas faire la prière avec ce vêtement avant de l’avoir lavé. L’individu répond qu’il ignorait la provenance du vêtement. Que décider ?

S’il ignorait que le vendeur était chrétien, ou que le vêtement a été porté par un chrétien, il pourra refuser le vêtement (et reprendre son prix). Mais s’il le savait, son ignorance [des prescriptions religieuses] ne lui donnera pas le droit de rendre le vêtement. 11 en est comme du cas où, ayant acheté un esclave atteint d’un vice, il vient dire: «Je ne savais pas que cela constituait un vice (rédhibitoire). » Dans ce cas, il est obligé de garder l’esclave.

{Ibn Mouzain, T. VI, p. 40.)

Un individu achète une vache pleine, dans l’espoir d’avoir du lait. Lui-même déclare qu’il ne l’a achetée que dans ce but. Or, quand elle a mis bas, elle ne donna qu’une quantité de lait à peine suffisante pour rassasier le petit veau. Que décider ?

C’est un vice rédhibitoire qui permet de refuser la vache, à moins que le vendeur ne déclare au moment de la vente qu’il vend la vache telle quelle et non le lait [qu’elle pourra donner].

{Ibn Loubâba, T. V, p. 220.)

Un individu achète une ânesse et la trouve stérile ; cela constitue-t-il un vice ?

C’est un vice qui donne à l’acheteur le droit de rendre Fânesse, car cela est de nature à entraîner une diminution dans le prix de la chose vendue, car la reproduction est un des principaux buts que se proposent les acheteurs d’une femelle. Néanmoins, la résiliation [de la vente] n’aura lieu qu’après que le vendeur aura avoué que cette qualité manque chez la bête, ou qu’il aura été prouvé que ce vice est ancien, par cette raison que le vendeur ou l’acheteur faisait saillir la femelle sans qu’elle devînt pleine. Si cette antériorité n’est pas prouvée, il n’y aura pas de recours, parce qu’il est possible que la cause de la stérilité ait pris naissance chez l’acheteur.

(Qâsim Al-‘Ouqbânî. T. VI, p. 36.)

Un individu achète un jeune poulain et lorsqu’il voulut le conduire chez lui, le poulain refusa de se laisser conduire, s’effaroucha et se montra difficile. Que décider ?

L’acheteur n’a aucun recours, lorsque le propriétaire n’a pas monté le poulain avant la vente, ne l’a pas conduit ni essayé, lorsque la connaissance qu’il en avait égalait celle de l’acheteur, qui n’aura pas de recours contre son vendeur.

{Aboâ Djafar ibn Rizq. T. VI, p. H8.)

Un individu achète un exemplaire du Qoran et trouve qu’il contient des barbarismes et beaucoup de fautes d’orthographe. Le vendeur était-il tenu de spécifier cette particularité au moment delà vente, bien qu’en le faisant, il ne trouve personne pour lui acheter son Qoran ?

11 ne lui est permis de vendre qu’en spécifiant.

{Ibn Rouschd, T. VI, p. 44.)

Qui doit supporter les frais du transport, lorsque la marchandise refusée pour cause de vice rédhibitoire a déjà été transportée par Tacheteur dans un autre lieu [que celui de la vente] ?

Si le vendeur a été de mauvaise foi, il sera obligé d’accepter la marchandise à l’endroit où elle se trouve. Sinon, c’est à Tacheteur à la restituer. Que si les deux contractants résilient la vente dans une autre ville que celle où elle est intervenue, on suit les mêmes régies, à moins que les frais que l’acheteur devra faire pour retransporter la marchandise au lieu de la vente n’emportent toute la valeur de la chose. Dans ce cas, il y a transfert définitif (de la propriété) et l’acheteur aura seulement un recours pour a moins-value déterminée par le vice.

Ibn Al-*Attâr dit, — dans l’ouvrage intitulé Al-Ahkâm (les jugements) d’Asch-Scha’bî, — qu’à défautde preuve du dol, le vendeur jurera qu’il n’a pas commis de dol et qu’il n’avait pas connaissance du vice ; l’acheteur sera alors tenu de re transporter la chose [à ses frais].

[Aboû Mouhammad.)

Un individu achète un jardin à proximité d’une vallée ; le torrent arrive et lui emporte son jardin. L’acheteur veut se prévaloir de cet accident comme d’un vice rédhibitoire, qui entraîne forcément la résolution [de la vente]. Que décider ?

L’acheteur n’a rien à dire ; il n’a pas droit, non plus, à la résolution, à moins que le vendeur n’ait eu connaissance [de cette éventualité], ou qu’il ne l’ait trompé.

{Aboû Mouhammad, T. V, p. 178.)

Un individu prend à ferme une terre et l’ensemence en lin. La récolte ayant été détruite par les papillons (farâscha), le bail est-il annulé ?

Le preneur est légalement tenu de remplir ses obligations, si le propriétaire de la terre Texige, à moins que des témoins ne déposent, par devant le qâdî, que lesdits papillons qui ont mangé le lin, étaient cachés dans la terre en question, et s’abattaient sur elle à la manière des sauterelles, que c’est un vice inhérent à cette terre. Si ces faits sont établis par témoignage, le bail est annulé.

{AboûSaîdFaradjibn Loubb. T. V, p. 206.)

Que décider, lorsqu’un individu ayant acheté de la semence sous la condition qu’elle germera, celle-ci ne germe pas?

Cet individu devra la valeur de ces grains estimés comme grains qui ne germent pas, car le blé et l’orge, même ne germant pas, sont utiles pour être mangés ou être donnés en fourrage [aux animaux]. On estimera ce grain comme pouvant germer, puis comme ne germant pas, et il sera restitué à l’acheteur la différence entre les deux valeurs, à moins que cet acheteur ne trouve des grains semblables ne germant pas, auquel cas il en rendra une égale quantité au vendeur et reprendra tout le prix qu’il a payé.

Si la semence n’est pas susceptible d’être consommée, que seule la plante qu’elle produit peut être consommée, et si elle ne germe pas, l’acheteur reprendra tout son prix.

[Ibn Loubâba. T. V, p. 217.)

Une maison, connue pour être un lieu de halte des troupes militaires, est vendue sans que le vendeur ait spécifié [cette circonstance particulière]. L’acheteur a-t-il, de ce chef, droit à la rescision [du contrat] ?
Cela n’est pas un vice, car il est sujet à disparaître et n’est pas perpétuel. Certaines personnes le considèrent comme n’ayant aucune gravité, puisqu’elles demeurent avec [les soldats]. L’Émir [des Croyants] ne cessait pas de faire halte avec ses troupes dans les maisons de Basra de Baghdâd, du Caire et d’autres villes, jusqu’au moment de son départ. Si cela constituait un vice, les Émirs d’autrefois ne l’auraient pas fait. Dans ce cas, les maisons où descendent habituellement les hôtes devraient aussi être considérées comme entachées de vice.

Cependant, d’après le Schaikh Aboii Tâhir ibn Baschîr, c’est un vice qui donne lieu à rescision.

(T. V, pp. 38-39.)

Un individu achète une maison et y habite pendant six mois environ. Puis il y découvre un vice rédhibitoire consistant dans l’existence de petites fourmis noires qui gâtent le pain et les condiments et piquent les enfants.
Les voisins ont déclaré que c’est un vice ancien, qui apparaît [chaque année] depuis le printemps jusqu’à l’automne. Que décider ?

Si le vice en question est établi, et si. étant reconnu comme un vice ancien, le vendeur ne l’a pas déclaré, ni stipulé la non-garantie de sa part sur ce point, la restitution de la maison est évidente, obligatoire, en faveur de l’acheteur, s’il le désire.

{Aboâ Said Faradj ibn Loubb. T. V, p. 178.)

PAIEMENT

Un individu achète une marchandise ou une monture au comptant. Le propriétaire de la chose lui demande de lui payer le prix, mais Tacheteur lui dit qu’il va s’ingénier à lui payer le prix et demande, en attendant, un délai ; doit-on le lui accorder ?

L’acheteur sera contraint de payer comptant en espèces sonnantes. Il ne pourra obtenir un délai que pour une durée très courte n’entraînant aucun préjudice pour le vendeur, comme trois jours, à moins que l’acheteur ne prouve qu’il n’a pas d’argent liquide. En ce cas, il prêtera serment sur ce point, et obtiendra un délai pour vendre ceux de ses biens qui peuvent être vendus le plus rapidement. Dans tous les cas, il devra donner une caution pour la somme due.

ÇAbd Allah Al ‘Abdoâsi. T. V, p. 242.)

RISQUES

Un individu achète à un autre un tas de blé et conclut définitivement Tachât. Puis, étant allé chercher le prix, un incendie se déclare et brûle le tas de blé. Que décider ?

La perte est pour Tacheteur.

{Ibn Al-Qâsim. T. VI, p. 201.)

Ibn Rouschd a dit : « Cela ne comporte aucune controverse, si le tas de blé était placé dans un endroit qui n’est pas la propriété du vendeur, comme, par exemple, dans les marchés aux grains… Mais si le tas acheté était dans la maison du vendeur ou dans sa boutique, on rencontre, dans ce cas, la même dissidence que dans le cas où la marchandise vendue périt entre les mains du vendeur, avant que l’acheteur en ait pris livraison, même quand l’intervalle [entre la vente et la perte de la marchandise] a été très long.

{Ibidem.)

Que décider, lorsque les nautoniers (<^\y nawâtiyya) qui débarquent les sacs de blé à terre, en laissent tomber un à la mer ?

Les risques sont pour l’acheteur.

{IbnAl-Qâsim. T. VI, p. 193.)

Cela est évident, dit Ibn Rouschd, car si l’acheteur a acquis la marchandise dans le navire, et qu’elle tombe dans la mer pendant le transbordement, les risques sont pour lui, car la marchandise est débarquée comme étant déjà sa propriété. S’il l’achète en stipulant que les risques seront pour le vendeur, la vente serait nulle, car il achète une chose déterminée en mettant les risques à la charge du vendeur ; c’est donc qu’il achète la garantie [du vendeur].

{Ibidem,)

Un individu achète un esclave chrétien et l’affranchit sur-le-champ. Puis, il l’emmène, dans un pays autre que celui où il l’avait acheté, et le vend à un autre individu, sans le mettre au courant de l’affranchissement. L’esclave reste deux mois chez l’acheteur, puis, celui-ci ayant su l’affranchissemeat dont il s’agit, établit une preuve testimoniale et veut rendre l’esclave à son précédent propriétaire.

L’esclave étant mort après l’établissement de cette preuve, l’acheteur peut- il répéter le prix contre le vendeur, ou doit-on considérer I la mort [de l’esclave] comme un obstacle à l’action de l’acheteur ?

Si l’esclave en question a consenti à être vendu, les risques sont pour l’acheteur, et on ne doit pas ordonner la résiliation de la vente, car le consentement de l’esclave à être vendu emporte de sa part renonciation au droit d’agir. On reconnaît, en effet, à l’affranchi le droit de se déclarer incapable d’agir même quand il possède une fortune apparente.

Mais si l’affranchi n’a pas consenti à la vente de sa personne, la perte en sera pour le vendeur, à qui on ordonnera de restituer le prix à l’acheteur.

{Aboa-4-Diyâ Sayyidî Misbâh. T. V, pp. 32-33.)

Un individu vend en bloc une jarre de beurre fondu ou d’huile; mais la jarre est trouée, soit que le vendeur ait été de mauvaise foi sur ce point, soit qu’il ait oublié [d’avertir l’acheteur]. Que décider, si le beurre ou l’huile s’échappe, avant qu’on ait eu le temps de le transvaser ?

La perte est pour le vendeur, pour n’avoir pas spécifié [que la jarre était trouée].

{Aboù §âlih. T. V, p. 224.)

RÉSILIATION

Un individu vend une terre, puis demande [à Tacheteur] de résilier le contrat. Celui-ci y consent à condition que, si jamais il vendait ladite terre, il (l’acheteur primitif) aurait l’option de la reprendre moyennant le prix originaire. Le propriétaire ayant vendu sa terre, le premier acheteur veut faire annuler cette vente et user de sa stipulation. Que décider ?

Il y a controverse dans le rite sur le point de savoir si, en cas de vente, le premier acheteur peut se prévaloir de sa stipulation, ou si la stipulation doit être considérée comme non avenue, la résiliation étant nulle, la vente ayant fait définitivement sortir la terre du patrimoine du vendeur.

Selon l’ouvrage intitulé al-‘Outbiyya^ la stipulation doit être maintenue au profit du premier acheteur. Mais l’opinion la plus répandue dans la doctrine est que cette stipulation est nulle, à raison de l’interdiction de vendre qu’elle comporte. C’est une variété de la vente. Aussi, quand la [seconde] vente se produit, la résiliation est annulée. Mais s’il s’est écoulé un long temps et que la terre soit sortie définitivement du patrimoine (du propriétaire) par vente, cette vente est exécutée et la résiliation est maintenue, car c’est une vente valable.

{Al-Mâzarî. T. VI, p. 76.)

La résiliation à terme est-elle valable * ?

La résiliation moyennant un prix plus faible ou plus fort 1. II s’agit ici de la résiliation d’une vente^ dans laquelle le vendeur s’engage à rembourser le prix, ou un prix plus fort ou plus Taible, mais à terme.
est permise. Si le prix est stipulé à terme, cela est également permis, qu’il y ait, dans le prix, une différence en plus ou en moins, car tout cela est payé par le vendeur ; il n’y a pas de danger à retarder le paiement du prix, car il s’agit maintenant d’une autre vente avec prix différé. C’est une règle connue en matière de résiliation de vente des choses déterminées, commme une maison, ou toutes autres propriétés et objets mobiliers. Au contraire, en matière d’obligations, la résiliation à terme est défendue, car il s’y trouve une annulation de la dette.

{Ibn Loubb. T. VI, p. 28.)

Un individu achète à un autre deux moudds de blé et en prend livraison. Puis les deux parties ayant résilié la vente, qui supportera les frais de transport du blé chez le vendeur ?

Le plus vraisemblable est que les frais sont à la charge du vendeur, car l’acheteur a déjà effectué le transport au moment de l’achat; c’est donc au vendeur à effectuer le transport au moment de la résiliation : ils seront ainsi sur un pied d’égalité. Mais la réalité, dans cette question, est que cela dépend de la controverse qui règne sur la résiliation, pour savoir si elle est une nouvelle vente, ou une annulation de vente.

. (Ibn Al’Ilâdj. T. VI, p. 189.)

LÉSION. —ERREUR

Quelle est l’influence de la lésion en matière de ventes ? La divergence sur l’influence de la lésion {^jf^ghabn ) en matière de vente est connue. L’opinion préférée par certains des jurisconsultes récents, est que la victime de la lésion doit prouver qu’elle est de ceux qu’on trompe dans la vente et l’achat de la marchandise en question, à cause de son incompétence et de son ignorance des valeurs et des prix. Si cela est prouvé, cet individu aura un recours pour se faire restituer de la lésion.

C’est la préférence donnée à l’une des deux opinions relatives à cette question. C’est dans ce sens qu’était la pratique suivie par les jurisconsultes de Cordoue.

(T. VI, p. M.)

La réclamation pour cause de lésion (j^, ghabn ) s’applique-t-elle seulement aux ventes autres que celles aux enchères ? Doit-on assimilera la vente aux enchères le fait que le propriétaire de la marchandice l’a présentée, pour la vendre, à diverses personnes et qu’il les a poussées à Tacheter, la marchandise consistant dans un terrain ou autre chose ? Le témoignage de celui à qui la marchandise a été offerte en vente suffit-il, si le plaignant nie les cir- constances où la vente s’était produite ?

Pour ce qui est de la vente aux enchères, la lésion ne s’y conçoit pas. Il en est de même des autres ventes, d’après la doctrine courante, sauf la vente dite bay’ al-islimân

( jU-J^-Vl /uj ) *, au sujet de laquelle le hadîlh a été rapporté. Quant au témoignage de celui à qui la marchandise a été offerte, il est admissible. Allah le sait, d’ailleurs, mieux que personne.

{Barakâl Al-Baroâni. T. V, pp. 81-82.)

Un individu reçoit mandat d’une femme pour procéder, en son nom, à un partage de biens dont elle était copropriétaire avec d’autres. Cet individu procède au partage aux lieu et place de la femme, puis achète de celle-ci sa part dans lesdits biens. Après cet achat, le mandataire vient prétendre qu’il y a eu une erreur dans le partage, celui-ci ayant eu lieu par tirage au sort; a-t-il le droit de recourir (contre les copartageants) ?

Si l’erreur est prouvée, l’acheteur pourra faire procéder, une deuxième fois, au partage. La vendeuse n’a aucun droit à y réclamer, car ce qu’elle a vendu, c’est une quote-part déterminée.

(T. VI, p. 172.)

NULLITÉS

L’acheteur et le vendeur, étant encore en présence l’un de l’autre, et la marchandise encore présente également, ils s’aperçoivent qu’il y a une cause de nullité de la vente.
Leur est-il permis, s’ils tombent d’accord, d’annuler la vente, sans recourir à une décision judiciaire, ou l’intervention du juge est-elle nécessaire pour cela ?

S’ils tombent d’accord tous les deux pour annuler [la vente], cela suffit.

{Aboû’I-‘Abbâs ibn Idrîs. T. V, p. 81.)

Un individu vend ou achète des objets mobiliers ou un terrain par un contrat de vente nul. L’acheteur a-t-il le droit de consommer les fruits de son acquisition?
Quant à la marchandise achetée par un titre d’acquisition nul, il n’est pas permis d’en manger, pas plus que des fruits qu’elle produit, tant que l’aliénation n’est pas deve- nue définitive. En effet, la vente nulle ne transfère pas la propriété, mais déplace seulement les risques. De sorte que la chose vendue reste la propriété de son vendeur, tandis que les risques sont à la charge de celui qui en a pris réception, après labconclusion du contrat nul. Il en est ainsi, par exemple, de la mise en gage ou du prêt d’une chose susceptible d’être dissimulée. S’il y a aliénation définitive et si la valeur [de la chose] est devenue une dette personnelle à l’acheteur ou que, s’agissant de choses fongibles, il soit tenu d’en rendre de semblables, il pourra dans ce cas consommer les fruits ou la chose même. Mais tant qu’il n’y a pas aliénation définitive, cela est impossible, car il est prescrit à l’acheteur de rescinder le contrat nul et de restituer la chose à son vendeur, quel que soit le moment. S’il ne restitue pas les fruits, il les gagne après la rescision de la vente. Sache-le.

[Aboû’l’Fadl Râschid. T. V, p. 53.)

Lorsque, dans une vente nulle, une revendication ou autre situation analogue, l’estimation devient nécessaire, qui supportera le salaire des estimateurs ?

Le salaire est à la charge du vendeur, qui touchera la valeur estimative, parce qu’il demande le prix : c’est donc à lui à le faire fixer.

{Al’Lakhm! T. VI, p. 162.)

Une femme vend une olivette, au milieu d’un cercle d’acheteurs rassemblés à la porte de sa maison. Le courtier ayant fait tous ses efforts et arrêté un prix déterminé, en rendit compte à la femme. Les surenchères ayant pris fin dans ce cercle, la femme vendit et toucha (le prix). Mais quelqu’un est venu mettre une surenchère importante sur le prix ; que décider ?

Le marché du premier acheteur est annulé et c’est le deuxième acheteur qui le prendra. La raison en est que la femme ne connaît pas la valeur exacte de ce qu’elle vend, lorsqu’elle ne le constate pas de visu^ ou qu’il n’y a là personne pour lui en faire une description telle qu’elle peut tenir lieu de la constatation visuelle.

{Ibn ‘Arafa. T. VI, p. 57.)

Que décider lorsqu’un individu vend une parcelle de terre irrigable à main d’homme, sans que l’acheteur ait stipulé [l’usage] de l’eau, ni que le vendeur en ait fait mention dans le contrat ?

La règle suivie, au sujet de la terre vendue par un individu qui la décrit comme étant irrigable, sans rien ajouter, est que la vente est valable et que le vendeur n’est tenu d’aucune obligation. En eflet, cette description signifie que cette terre est irriguée au moyen de l’eau qu’on y apporte de l’extérieur, et que c’est à son propriétaire d’y pourvoir.

Mais si le vendeur a déclaré que la terre a une prise d’eau destinée à son irrigation, et qu’il l’a comprise dans la vente, les faqths (jurisconsultes) l’obligent à faire connaître ce moyen d’irrigation et à spécifier son rendement. Ces jurisconsultes ajoutent que, sans cette condition, la vente est prohibée, car c’est une vente aléatoire et indéterminée quant à l’objet ; l’eau est, en effet, une deuxième vente avec [celle] de la terre.

(Ibn Loubb. T. VI, p. 30)

Un individu vend à un autre la moitié indivisée de son jardin ou de sa maison, puis prétend qu’il lui a vendu la moitié est (ou ouest). Que décider ?

Cette vente n’est pas valable, car l’acheteur ne sait pas ce qu’il a acheté, à moins que le vendeur ne lui en ait indiqué les limites.

{Aboâ Moukammad. T. V, p. 178.)

Un individu achète un arbre situé dans le verger d’un autre individu. L’arbre s’étend beaucoup, de manière à porter préjudice au propriétaire du verger. D’autre part, l’acheteur avait stipulé, à l’encontre du vendeur, qu’il aurait la propriété de l’arbre et du terrain qu’il recouvre, à quelque distance que cet arbre atteigne et s’étende. Cela est-il permis ?

Cette stipulation n’est pas valable. La vente est nulle, car elle est incertaine, son maximum n’étant pas connu.

[Un jurisconsulte de Fâs. T. V, p. 88.)

Un individu achète le sel dissimulé dans ses récipients, en donnant des céréales enfermées dans leur local. La vente a été conclue moyennant la totalité d’un produit contre la totalité de l’autre, le sel étant en plus ou moins grande quantité que les céréales. La vente, conclue dans ces conditions, est-elle valable, ou bien faut-il attendre jusqu’à connaître la quantité de l’un et de l’autre produit?

Laventedusel contre les céréales, les deux produits ou l’un d’eux étant dissimulés, est une opération usuraire.

{Al’Waghlisi. T. V, p. 77.)

Un boulanger achète à un Bédouin des tiges de fèves, dans le but de les brûler pour la cuisson du pain. Ces tiges étaient encore sur pied dans le champ. Or, quand Notre Seigneur — qu’il soit glorifié ! — daigna faire descendre la pluie à la fin de Tannée, lesdites tiges revinrent à la vie, verdoyèrent, redevinrent tendres et produisirent des fèves. Le boulanger et le Bédouin entrèrent alors en contestation au sujet de ces fèves. A qui doivent-elles revenir ?

Du moment que les plantes sont redevenues vertes et ont produit des fèves, la vente en est nulle. La récolte appartiendra au propriétaire du champ, qui devra payer au boulanger le prix qu’il a touché de lui, s’il a déjà touché quelque chose.

{Mouhammad Al-Ġadāla, V, 27.)

Une espèce qui a lieu assez fréquemment dans les campagnes est la suivante :

Celui qui désire acheter des céréales, n’en prend livraison du vendeur qu’après avoir secoué le sd’ (mesure de capacité) et l’avoir remué de sa main*. Tel est l’usage suivi par les Bédouins. Est-il permis de l’adopter ?

Cela n’est pas permis, à raison de l’incertitude et de la tromperie [possibles]. La manière de mesurer les grains consiste à entourer de sa main l’ouverture de la mesure de capacité, puis à lâcher la main : les grains qui restent dans la mesure en sont le comble.

{Al-\\aghlîsî. T. V, pp. 78-79.)

Un individu vend une marchandise au comptant à un autre individu, puis il désire lui acheter cette marchandise à crédit. Cela est-il permis ?

Si cet individu a racheté sa marchandise à la suite d’une résolution qui est née en lui après qu’il l’a vendue et touché le prix de l’acheteur, cela est |)ermis. Sinon, non.

{Ibn Houschd. T. VI, p. 137-)

VENTE A RÉMÉRÉ

Un individu achète divers terrains à d’autres individus, par un achat ferme. Puis, après la conclusion définitive de la vente, l’acheteur s’engage spontanément envers cer- tains des vendeurs à résilier la vente, dans ses rapports avec ceux d’entre eux qui lui apporteront le prix qu’il leur a payé pour leur terrain. Pour certains d’entre eux, il a fixé un délai déterminé, tandis qu’il n’en a imposé aucun aux autres. Puis cet acheteur meurt, comme aussi certains des vendeurs susdits. Son engagement, dans ces deux cas, est-il valable dans quelque mesure ? Les héritiers de • ceux qui sont morts de part et d’autre, prennent-ils, à cet égard, la place de leurs auteurs ?

Cet engagement n’oblige pas les héritiers de l’acheteur en question, ni pendant le délai déterminé, ni dans le cas où il n’en a pas été fixé, que l’acheteur soit mort avant ou après l’expiration du délai ; car c’est une donation (<> hiba) non perçue*. C’est dans ce sens que notre maître Aboû-1-Hasan As-Saghîr a rendu ses fétwas (consultations juridiques).

ÇAbd Allah Al-‘Abdoûsi. T. V, p. 230.)

Un individu vend une terre, sous la condition que le jour où il apporterait le prix à l’acheteur, celui-ci lui rendrait son terrain. Le réméré n’ayant eu lieu qu’après une certaine durée, cet individu aura-t-il droit aux fruits (perçus lors que le terrain était entre les mains de l’acheteur) ?
Les fruits appartiennent à celui qui détient la terre (c’est-à-dire à l’acheteur), selon la doctrine d’Ibn Al-Qâsim, au livre « des délais * », qui considère le réméré comme une vente nulle 2. D’après l’opinion de Sahnoùn, qui y voit un nantissement nul, les fruits appartiennent au vendeur à réméré 3.

{A boâ’l’Hasan As-Saghîr. T. VI, p. 84.)

Un individu vend une plantation d’arbres et stipule contre Facheteur que celui-ci n’en prendra livraison qu’après un an. Ladite plantation n’avait point de fruits, au jour de la vente. Cette espèce est-elle régie par les mêmes principes que la maison ou le terrain [vendus] avec ajournement de la délivrance ^?

La licéité de cette vente se déduit de la controverse qui existe sur la nature de l’objet soumis au réméré. La vente est permise, d’après l’opinion qui regarde cet objet comme restant la propriété du vendeur. Elle ne Test pas, d’après l’opinion qui considère cet objet, comme [définitivement] acheté^ à cause de la prohibition dont le Prophète a frappé la vente des fruits avant qu’ils soient créés ou qu’ils entrent en maturité.

{Ibn Rouschd. T. VI, p. 338.)

VENTE A LIVRER

Le jurisconsulte dénommé ci-dessous fut consulté au sujet de la question suivante, qui lui parvint du Sahara :

Il existe, dans le Sahara, une tribu possédant un gisement de sel, que ces individus retirent du sol et taillent en blocs, pareils à des blocs de marbre. Le chameau peut porter deux de ces blocs, Fun sur le côté droit, l’autre sur le côté gauche : c’est ce qu’ils appellent une charge de sel (jci» Ju^). Ces blocs varient en qualité et en grosseur, et leur prix varie en conséquence. Les plus estimés, chez eux, ce sont les blocs qui sont exempts de cassure. Des brisures en grand nombre sont considérées comme un vice. Tel est le principal commerce auquel ils s’adonnent.
Ils transportent ce sel d’une région à l’autre dans tout leur pays, car tout leur pays ne peut s’en passer. L’habitude s’est établie chez eux, lorsque quelqu’un veut acheter A livrer {^) une ou dix charges, ou plus, d’indiquer dans son contrat le nombre de charges et leur qualité. Comme qualités, il y a l’espèce dite O/-»^ tanasral, qui est la meilleure, et l’espèce tadjarbat, qui lui est inférieure. Il peut aussi stipuler qu’il y aura tant de charges de cette qualité et tant de charges de l’autre. Quant à l’indication des dimensions, elle a lieu à Tempan. Ainsi, ils disent :
chaque bloc aura cinq empans de longueur, trois empans de largeur, et une épaisseur moyenne, ni trop mince ni trop grosse, conformément aux usages établis chez eux à ce sujet. C’est de cette manière que la coutume s’est éta- blie, chez eux, de contracter la vente à livrer, depuis que leur pays a été habité jusqu’à ce jour ; et ils détiennent des contrats de vente à livrer, établis de la façon susdite par le ministère de leurs notaires et portant les signatures de leurs Qâdis. Ils demeurèrent dans cette situation jusqu’à ces dernières années, quand le désaccord se mit entre leurs jurisconsultes (faqihs) qui furent partagés en deux groupes. La dissidence portait sur le point de savoir si la vente à livrer, ayant le sel pour objet, est valablement contractée avec l’indication [des dimensions du bloc] à Tempan, ou si, au contraire, elle n’est valable qu’au poids. On consulta le Diwàn d’Ibn Schâs, au livre « delà vente à livrer » (U-Jl as-Salam, où cet auteur s’exprime ainsi :

« La cinquième condition [pour la validité de la vente à livrer] est que la chose [vendue] soit connue quant à la quantité, évaluée selon le mode d’évaluation en usage, au poids, à la mesure [de capacité], au nombre, à la coudée ou autre mesure en usage. Ainsi, on achète à livrer un poids déterminé, une quantité déterminée, un nombre déterminé, une mesure de longueur déterminée, et pour un délai également déterminé. Pour les choses qui se comptent, il suffit de l’indication du nombre, sans qu’il soit besoin de recourir au poids, à moins que les unités de cette marchandise ne soient différentes entre elles, d’une manière telle que cela entraîne une différence corrélative dans les prix de ces unités. Dans ce cas, la détermination par le nom])re n’est plus suffisante. »

Après avoir pris ainsi connaissance de ces paroles d’Ibn Schâs, les jurisconsultes en question demeurèrent en désaccord, les uns étant d’avis que la vente à livrer à l’empan n’est jamais permise « car, disent-ils, si nous pesions ces charges de sel, nous trouverions infaillible ment une dilTérence entre les divers blocs. Dans ces conditions, cette denrée ne peut être vendue à livrer qu’au poids » ; les autres, — qui admettent la validité de celte vente avec indication des dimensions à Tempan, — répondant ainsi : « Votre argumentation, basée sur la diflereiice de poids [des divers blocs], n’est pas concluante, pour quatre raisons :

1** En admettant même, avec vous, que les blocs dill’èrent de poids, nous vous répondons : « Si nous trouvons une différence entre les blocs, en les pesant, cette différence n’est que de peu d’importance, vu que presque tout le monde sait, par approximation, ce que pèsent ces blocs, pour les avoir maniés pendant toute sa vie. Or, dans beaucoup de règles, on ne tient pas compte de ce qui est infime. »

2″* Telle est la coutume (^^ ‘ourf) et tel est l’usage

établi chez nous, en matière de vente à livrer, depuis que notre pays a été habité jusqu’à ce jour; or, la coutume Çourf) est l’une des sources du droit.

S*” Si nous étions astreints à peser tout le sel qui pénètre dans notre ville, en blocs non brisés, et surtout avec le peu de grandes balances dont nous disposons, cela entraînerait une grande gène et beaucoup de peine, deux choses que la Loi (f ^ scfiar’) exclut. Si vous objectez que la peine et la gène ne sont pas un argument en notre faveur, attendu que toutes les céréales et les matières grasses, qui sont en bien plus grande quantité que le sel, sont, malgré cela, pesées et mesurées, nous répondrons ainsi, et c’est la quatrième raison :

4″ « 11 y a une grande différence entre les céréales et les matières grasses, d’un côté, et le sel, de Tautre. Cette différence consiste en ce que les céréales et les matières grasses peuvent, sans inconvénient, être divisées et mises en petits lots, pour être pesées ; cela ne leur cause aucun dommage. Pour le sel, au contraire, si nous le brisions pour en rendre la pesée plus facile, cela le gâterait et lui enlèverait toute sa valeur. »

Les deux partis de jurisconsultes ayant chacun produit son argument, il nV avait plus moyen que les uns se rangeassent à l’avis des autres. Au contraire, chaque parti prétend être dans le vrai et Tautre dans Terreur. Indiquez-nous lequel de ces deux partis est dans le vrai. Fuisse Allah maintenir, grâce à vous, la dignité de l’Islam et guider, par vous, dans la bonne voie, quiconque s’en est égaré. Salut !

Réponse. — La meilleure opinion est celle de ceux qui ont adopté la validité de la vente du sel à livrer, après détermination de ses dimensions, en longueur, en largeur et en épaisseur, car tel est l’usage établi parmi eux, ainsi que cela a été indiqué. S’il est constant que la mesure en usage chez eux, en pareil cas, est l’empan, la vente du sel à livrer n’est plus permise au poids, attendu que là où seule la mesure est prise en considération, la pesée n’y peut être permise. De même, la marchandise qui se vend au poids ne peut l’être valablement à la mesure, car cela constitue une incertitude dans la vente. C’est ce qu’on trouve écrit dans la Moudawwana et dans d’autres ouvrages, au sujet de la vente des parchemins, des peaux, des cordonnets, toutes choses qui ne peuvent être valablement ven- dues qu’à la mesure à l’empan ou à la coudée. Les mêmes auteurs permettent la vente de la viande à livrer par approximation, même sans pesée. Or, si la viande peut être vendue à livrer dans ces conditions, à plus forte raison cette vente est-elle possible, quand on connaît exactement la quantité de la chose vendue.

[Aboù ‘Abd Allah ibn ‘Abd Al-Karîm Al-Agh.yUvi. V,119-21.)

VENTE DES BIENS D’AUTRUl

Un individu acliète des biens appartenant «n un orphelin, en traitant avec une personne qui n’a sur lui aucun droit de tutelle ou de garde, et sans qu’aucune nécessité dictât cette opération à l’orphelin. (>lui-ci a-t-il le droit de se plaindre et de réclamer [^oulre la restitution de son bien] les produits ou les fruits de celui-ci? De son côté, esl-il tenu, dans e cas, des frais d’entretien |^faits par l’ache- teur ], à l’occasion de la chose achetée ?

L’orphelin a le droit de reprendre sa chose de l’acheteur, en même temps que ce qu’elle a produit. Il ne doit rien pour les frais d’entretien. Au demeurant, Allah le sait mieux que j)ersonne.

(Al’Waghlîsî. T. V, pp. 76-77.1

APPENDICE DISPOSITIONS DIVERSES

Un individu arrive au marché avec une marchandise, qu’il remet au crieur {dallal) pour qu’il la mette à la criée au marché. Les acheteurs surenchérissent les uns sur les autres, jusqu’à ce que l’enchère atteigne un prix de 10 miṯqāl-s, par exemple, offert par un tel. Mais le propriétaire de la marchandise veut la vendre à celui qui en avait offert 9 miṯqāl-s. En a-t-il le droit ? Il se peut, aussi, que cet acheteur se soit repenti d’avoir surenchéri et dise ne plus vouloir de la marchandise, une enchère ayant d’ailleurs été mise sur la sienne par un autre acheteur. Que décider ?

Selon les textes, le propriétaire de la marchandise a le droit de la vendre à celui qui en a offert 9 pourvu que cela soit fait incontinent. Mais si le temps s’est écoulé, nous n’admettons plus cette solution, lorsque l’enchère a déjà été arrêtée au profit d’un individu et que le vendeur arrive après le marché.

On doit traiter les gens selon leurs usages et le but qu’ils se proposent.

1 Miṯqāl = 24 carats = 96 grains)

{Al-Mawwâq, T. V, p. 30.)

(24 carats ou 96 grains)

Un individu achète une maison, dans laquelle le vendeur a un chameau et des jarres. Ce vendeur veut sortir son chameau et ses jarres, mais la porte n’est pas assez large pour cela. Le propriétaire de la porte [l’acheteur de la maison] est-il tenu de la desceller ?

Le propriétaire n’y est pas tenu ; et si le vendeur ne peut sortir ni ses jarres ni son chameau, il égorgera celui-ci et cassera celles-là.

[Ibn ‘Abd Al’Hakam. T. VI, p. \m,)

Est-il permis d’acheter en se servant d’une mesure de capacité, dont on ignore la contenance en mudd (amdād) ?

L’acheteur n’est pas tenu de connaître la contenance de la mesure de capacité employée par rapport à celle usitée dans sa localité. 11 peut acheter et vendre en se servant de la mesure de la localité où il se trouve, bien qu’il ignore sa contenance par rapport à la mesure qu’il connaît.
11 lui suffit que cette mesure a été établie comme telle.

[Abon Wbd Allah ibn Al-‘Abbâs. T. V, pp. 91-92.

Les négociants en étoffes de la ville de Salā, voyant que des impôts nouveaux, et parfois lourds, étaient constamment mis sur eux par le Maḵzan, se mirent d’accord pour que, chaque fois qu’ils achètent une marchandise destinée à leur commerce, l’acheteur verse à une caisse commune un petit dirham. Tous ces darāhīm sont réunis entre les mains d’un homme qui a la confiance de ces commerçants, et sur le choix duquel ils se sont mis d’accord. « Les sommes ainsi réunies, dirent les commerçants, nous les trouverons pour nous en aider le jour où nous serons frappés d’une contribution. » Mais les tisserands répondirent : « Ceci est une injustice contre nous, car nous n’avons pas d’autres moyens d’existence qu’avec vous, ô commerçants ! C’est à vous que nous vendons notre marchandise, de sorte qu’aucun de vous ne l’achètera, sans compter, au moment de l’achat, qu’il devra payer un dirham ; en conséquence, il le déduira sans aucun doute du prix auquel il achète notre bien. Ainsi, lorsque l’un de vous achète une marchandise moyennant 10, nous sommes certains que, sans ce dirham, il l’aurait achetée pour 11. Mais comme l’acheteur savait qu’il devait, au moment de l’achat, débourser un dirhem, il a fait son compte et, en conséquence, il a déduit ce dirham du prix auquel il achète. Ainsi, en réalité, le prix n’est qu’une partie des prix de notre marchandise. »

Les commerçants refusèrent d’abandonner leur manière de faire.

Le Qāḍī de Salā, Sa῾īd b. Muḥammad Al-῾Uqbanî, saisi de l’affaire, décida :
-que les tisserands n’avaient aucun droit sur les dh mis en réserve, et ne pouvaient empêcher les commerçants de verser ce dirhem ;
-que les commerçants ne pourront contraindre personne à verser ledit dirhem, mais que celui qui désire le payer est libre de le faire.

Les tisserands, mécontents de cette décision demandèrent une fatwa à Abū-l-῾Abbās Aḥmad Al-Qabbāb, mufti de Fās. Celui-ci répondit qu’on doit empêcher les commerçants de verser le dh en question, et que les dh déjà réunis sont la propriété des tisserands vendeurs ; chacun de ceux-ci, qui aura vendu une marchandise, aura le dirhem qui a été versé par l’acheteur au moment de Tachât de la marchandise.

Après une longue controverse, le mufti s’est trouvé à court d’arguments.

V, pp. 258-285.)

Il convient que le wālī s’attache tout particulièrement à l’équité, qu’il s’occupe des marchés de ses sujets et ordonne à Thomme le plus digne de confiance qu’il connaisse dans sa ville, de visiter fréquemment les Marchés, le fonctionnaire vérifiera la balance, les poids, toutes les mesures de capacité ou de longueur et, s’il trouve que quelqu’un a altéré quelque chose de tout cela, il le punira selon l’appréciation qu’il fera de son délit et de sa désobéissance au wālī. Il l’expulsera du Marché, jusqu’à ce que son repentir et son retour à la bonne conduite deviennent évidents.

Si le gouverneur agit ainsi, j’ai l’espoir qu’il échappera au péché, et que les intérêts de ses sujets seront satisfaits, si Dieu le veut. 11 faudra encore qu’il ne néglige pas de urveiller l’apparition dans les soûqsAe^ la fausse monnaie ou de la monnaie mélangée de cuivre. Il s’y montrera sévère et recherchera celui qui Ta mise le premier en circulation. S’il parvient à se saisir de lui, il lui infligera un châtiment sévère et ordonnera de le promener par les soûqs, afin d’intimider ceux qui sont derrière lui ^; peut-être craindront-ils le terrible châtiment qui a frappé le coupable. Ensuite il le gardera en prison pendant une durée dont il estseul juge. 11 ordonnera, en outre, au plua digne de confiance qu’il puisse trouver, de surveiller assidûment ce délit dans le soâq, jusqu’à ce que les dirhems et les dinars qui y circulent soient tous de bon aloi. C’est la plus méritoire des précautions dont le wâlî puisse entourer ses sujets.

Poids et mesures. — Il n’est pas bien séant que dans les soâqs des villes musulmanes, les mesures de capacités soient diflérentes chez chaque marchand. Que le wâlt craigne Allah, son maître, pour ce dont il lui a confié la garde ! Qu’il surveille [ses sujets], en ce qui touche les mesures de capacité, leurs balances, leurs quintaux, leurs rails 2 (livres), leurs onces, jusqu’à ce que tous ces poids soient connus. L’étalon-type sur lequel on doit établir les rapts (livres), c’est l’once que le Prophète a imposée pour le paiement de la zakât, en matière d’or et d’argent.

{Yaḥyā b. ‘Umar b. Lubāba, VI, 286-7)

On a trouvé du pain frais ayant un poids amoindri. Qu’en fera-t-on, et que fera-t-on au marchand à qui ce pain appartient, surtout qu’il est récidiviste ?

Si cette fraude a été commise plusieurs fois par ce boulanger, on l’expulsera du marché. On ne laissera point dans les marchés celui qui commet, à plusieurs reprises, des actes de tromperie et de vol. S’il est pauvre, on lui rendra ensuite son pain après l’avoir rompu. S’il est dans l’aisance, on distribuera son pain en aumône et malgré lui.

{Al-Laḵmī, VI, 348}

ratl de 16 oûqiyyas (système de paris et d’Espagne) : ratl ῾aṭṭārī = kgr. 546 g
18 onces : ratl du marchand de légumes = 614 g
24 onces : ratl kabīr/sūqī 819 g : marchand d’huile, beurre, savon…
12 onces : Ratl fadni = 407 g ou, système de Troyes et d’Angleterre.

Doit-on interdire aux cordonniers de fabriquer des chaussures en cuir-musique, car les femmes en font usage et les recherchent ? Elles les mettent et se promènent avec à travers les soûqs et les lieux où se réunit la foule. Or, il arrive que l’homme, qui était inattentif, entend le bruit de ces souliers et lève alors la tête.

Je suis d’avis que Ton doit interdire aux cordonniers la fabrication des chaussures bruyantes. S’ils en fabriquent, après cette défense, mon opinion est que la couture des souliers sera coupée. On remettra ensuite ces souliers à la femme, qui est passible d’une correction, après un premier avertissement.

[Yahyâ ibn ‘Oumar ibn Loubâba. T. VI, p. 295.)

LE NANTISSEMENT : AR RAHN

GAGE

Un individu prétend qu’un autre lui a acheté un certain poids de poivre, pour un prix déterminé, [payable] à une date fixée, et lui a remis un gage en nantissement du prix. Le constituant prétend qu’il n’a pas acheté, mais emprunté, et que le gage garantit le prêt. Que décider ?

Si le poivre vaut la somme prétendue par le gagiste, il Bera vendu et le gagiste se paiera [sur le prix de vente] de ce qui lui est dû. Mais s’il ne vaut pas le prix prétendu par le gagiste, on admettra la déclaration du gagiste sous serment pour la différence entre le prix réclamé et la
valeur estimative du gage.

Yoûsouf a dit : « Je suis d’avis que le gagiste aura la plus forte des deux sommes ; la valeur du gage ou le prix du poivre avoué par le constituant. »

[Ibn Loubâba. T. VI, p. 353.)

Un individu achète une marchandise au comptant, puis donne au marchand, en nantissement du prix, une autre marchandise. Les parties étant en désaccord sur le montant du prix, la marchandise donnée en gage joue-t-elle le rôle de témoin * ?

Si la marchandise vendue est sortie des mains de l’acheteur, le gage est témoin [du montant du prixj en faveur du vendeur, et jusqu’à concurrence de sa valeur, d’après la doctrine de Mâlik. Mais tant que la marchandise [vendue] subsiste [entre les mains de l’acheteur], le gage n’est témoin en faveur du vendeur, que dans la doctrine de celui qui tient compte de la vraisemblance de la demande.

{Ibn Rouschd, T. \’I, p. 349.)

Un individu reçoit en gage un vêtement qui est ensuite abîmé par la souris pendant qu’il était en sa possession. Le propriétaire du vêtement peut-il l’en rendre responsable ?

Si le créancier gagiste apporte la preuve qu’il s’agit d’un dommage causé par la souris, sans qu’il y ait eu négligence [de sa part], il n’encourt aucune responsabilité. Mais s’il n’apporte pas cette preuve, il est responsable, selon la doctrine de Mâlik. Quant aux jurisconsultes du Maschriq (Orient), leur opinion est différente ; ils disent que le gagiste est seulement tenu de jurer qu’il n’a pas été négligent, ni peu diligent. En effet, comment les témoins pourraient-ils déposer sur un fait auquel ils n’ont pas assisté – ? Néanmoins, notre opinion et nos fétwas sont conformes à l’opinion de Mâlik.

{Ibn Loubâba, T. VI, p. 352.)

ANTICHRÈSE

Un individu donne en antichrèse une maison lui appartenant en copropriété avec sa femme, laquelle a consenti à cette opération. Mais le créancier antichrésiste n’a ni obtenu, ni demandé la mise en possession, jusqu’à la mort du débiteur. L’épouse, après avoir payé au créancier une partie de son dû, se refusa à compléter le paiement, tout en conservant la possession de la maison, tandis que le créancier était présent et ne réclamait pas son droit. Aujourd’hui, il intente une action tendant à sa mise en possession de la maison. Que décider ?

La part de l’épouse dans la maison donnée en antichrèse est bien engagée, puisqu’elle y a consenti. Elle-même est considérée comme constituante del’antichrèse. Et la règle en matière de nantissement, est que l’on contraint [le constituant) à la mise en possession du gage, (|uand le créancier gagiste l’exige ; son droit, à cet égard, ne se perd pas par le retard, tant que le constituant est présent et à la tête de ses affaires.

{Aboâ Saîd Faradj ibn Loubb. T. VI, pp. 350-51.)

Un individu donne une maison en antichrèse, à raison d’une dette, et donne mandat à Tantichrésiste de vendre la maison en due forme. Puis le créancier dit au débiteur :
« J’ai appris que ta mère a fait donation aumônière de sa part dans la maison en faveur de son petit-fils. » Celui-ci était le fils du débiteur. L’aïeule fit comparaître son petit-fils susdit, et tous deux renoncèrent à l’objet du nantissement en question, dans la forme voulue. La maison fut ensuite vendue, en vertu du mandat susindiqué et demeura entre les mains de Tacheteur pendant une durée d’environ trois ans. Puis le petit-fils produisit, après la mort de la grand’ mère et du père constituant de Tantichrèse, un titre comportant que la grand’ mère lui avait fait donation valable de sa part dans ladite maison, et elle avait stipulé dans l’acte de donation que celle-ci serait considérée comme habous au profit de l’enfant, sans qu’il puisse en disposer par vente ou autrement, si ce n’est après vingt ans. Passé ce délai, il aura le droit de disposer par vente ou autrement. Or, le petit-fils était sur le point d’atteindre sa puberté [mourâhiq) au moment de la donation ; il était capable au moment de la renonciation, et, au moment où il a intenté l’action et produit le titre en question, il restait du [délai] de la donation que la grand’mère a stipulé comme l^abous, six mois.

La renonciation consentie par la grand’ mère et le petit- fils les oblige-t-elle ?

Si le donataire avait, au moment de la renonciation, connaissance de la donation, sa renonciation l’obligera, et la vente de la maison par son père est exécutoire, non rescindable à raison de ce qui reste à courir sur le délai de la constitution du habous. En effet, le habous à terme est une ‘oumrâ (donation viagère). Mâlik et ses adeptes n’ont pas d’autre opinion à cet égard. Cela est indiqué par Al-Lakhmî et *Iyâd.

Mais il existe une grave controverse sur la stipulation par laquelle la donatrice a imposé à son petit-fils, le donataire, le bsibous pendant vingt ans. On se demande si cette stipulation ne vicie pas la donation, car cela implique la prohibition de la vente pendant ladite durée. L’opinion la plus solide, dans cette controverse, est celle qui est rapportée dans l’ouvrage de Mouhammad, à savoir que, si le donateur renonce à sa stipulation, la donation devient valable ; c’est, en définitive, Topinion exprimée dans la Moudawwana, Or, la donatrice susdite, en assistant à la vente et en renonçant [à Tobjet vendu], a abandonné la condition, qui est la prohibition de la vente.

{Misbûhb, Mouhammad Al’Yâlisoûli.T. VIII, p. 34.)

LA TRANSACTION : ^ AS-SOLLH

Le procurateur de l’absent peut-il transiger pour lui ?

II n’est pas permis au procurateur de Tabsent de transiger pour lui, s’il ne lui en a pas donné le pouvoir dans le mandat qu’il lui a conféré *. Tel est le texte de la tradition, rapportée d’après Mâlik. Tout adepte de ce jurisconsulte qui sera d’un avis contraire commettra une erreur. La transaction consentie par le tuteur testamentaire, au nom du pupille, est soumise à la règle inverse*.

(76/1 Rouschd, T. \T, p. 355.)

Un individu donne mandat à son frère de transiger, pour lui, sur la succession de sa sœur. Le frère mandataire transige, par un seul acte, sur la succession et sur la dot de la sœur. Gela est-il valable ?

Non

[Qâsim Al-‘Ouqbânî, T. VI, p. 366.)

Un individu transige au sujet d’une monture lui appartenant avec un associé, moyennant une somme d’argent, à condition d’abandonner la monture au revendiquant. Cette transaction oblige-t-elle son associé ?

(]e qui semble évident, c’est que l’associé ne sera point contraint de livrer sa part, en exécution du contrat conclu, car il peut avoir des arguments autres que ceux produits par son associé. La transaction est sujette à examen, car elle comporte un abandon [de la part du premier associé], de ce qui lui appartient avec un autre, à moins qu’ils ne se soient donné mandat réciproque.

(T. VI, p. 357.)

Vue terre était partagée entre deux individus et ses limites étaient connues. Puis, ces limites ayant cessé d’être apparentes, les deux individus tonibèrent d’accord sur la fixation de limites entre eux deux. Les anciennes limites réapparaissant, doit-on considérer un jugement passé en force de chose jugée, aucun d’eux n’ayant de réclamation à élever contre l’autre ?

Selon un premier auteur, aucune réclamation n’est plus possible. Mais un autre schaikh dit que l’on doit admettre la déclaration de celui qui s’en tient aux limites originaires, vu que la Moudawivana et d’autres ouvrages décident que, si la preuve {bayyina) est retrouvée après la transaction, celle-ci est considérée comme un jugement <lont Terreur est devenue évidente.

(T. VI, pp. 158-159.)

Deux parties en contestation font une transaction. Puis, l’une d’elles se reprend et dit: « Je n’ai transigé qu’à la condition d’avoir l’option [d’exécuter ou non la transaction. » L’autre prétend qu’il y a eu transaction définitive, sans option. Que décider ?
Cette dernière partie jurera que l’autre n’a pas stipule contre elle, dans la transaction, Toption qu’elle allègue.
Si elle prête ce serment, la transaction obligera l’autre partie. Elle a également le droit de lui référer le serment, et si l’autre partie le prête, le procès recommencera entre elles.

llbn Zarb, T. VI, pp. 362-3.

Vn individu intente un procès à des individus, à raison d’une terre qu’ils détiennent. Ces individus lui opposent une dénégation, puis s’engagent spontanément envers lui à lui payer, chaque année, huit wasqs, tant qu’ils vivront. Quand ces individus seront tous morts, le bénéficiaire [s’engage] à renoncer à son droit et à n’avoir plus, a l’encontre de leur postérité, rien à réclamer. En conséquence, cet individu s’est désisté de sa demande. Que décider ?

C’est une transaction après dénégation, bien que les parties l’aient désignée par la dénomination d’engagement volontaire^ car le demandeur ne s’est désisté de sa demande que moyennant ce que les autres lui ont promis.
Aussi, s’il est établi qu’il y a eu transaction et non engagement spontané, le demandeur aura accepté une compensation incertaine en échange de sa demande ; ce qui n’est pas permis. En conséquence, la transaction sera annulée, le demandeur restituera ce qu’il a touché et sera réintégré dans sa demande.

{Aboâ’l-Hasan As-Saghîr. T. VI, p. 368.)

L’n individu exploite une terre pendant un certain temps ; puis il perd son acte d’achat. Le vendeur ayant prétendu qu’il n’a pas vendu, l’acheteur transige avec lui moyennant une somme qu’il lui paie, puis retrouve son acte d’achat. Que décider ?

L’acheteur aura recours contre le vendeur, par analogie avec le cas de celui qui retrouve une preuve après le jugement

{Aboâ-l-Hasan As-Saghîr. T. VI, p. 358.)