Jean de Nikiû, 116, Instabilité politico-religieuse en 641-2 : raisons de la chute d’Alexandrie, v. 700 n-è

Heraclius était très affligé de la mort de Jean, chef des milices, et de Jean le général, tués par les musulmans, ainsi que de la défaite des Romains en Egypte. Puis, suivant le décret de Dieu, qui enlève les chefs et les généraux et les hommes de guerre, aussi bien que les rois, Heraclius tomba malade d’une inflammation et mourut dans la 31ème année de son règne, au mois de yakâtît des Egyptiens, qui correspond au mois de février des Romains ; dans la 14ème année du cycle, l’an 367 de Dioclétien (641).

On disait alors qu’il était mort, parce qu’il avait fait frapper une monnaie d’or portant les figures des trois empereurs, c’est-à-dire la sienne et celles de ses deux fils, l’une à sa droite, l’autre à sa gauche, de sorte qu’on ne trouvait point déplace pour inscrire le nom de l’empire romain. Après sa mort, on détruisit ces trois figures.

[…]
Il arriva ce que le grand Sévère, patriarche d’Antioche, avait écrit à Caesaria la patricienne, à savoir :
« Aucun fils d’un empereur romain n’occupera le trône de son père, aussi longtemps que la secte des Chalcédoniens régnera dans le monde. »

Constantin, fils d’Heraclius, après son avènement, fit réunir un grand nombre de vaisseaux, qu’il confia à Ktrioûs et à Salâkrioûs, et les envoya auprès du patriarche Cyrus pour le lui amener, afin qu’il pût conférer avec lui, payer tribut aux musulmans et lutter s’il le pouvait, sinon, de revenir à la capitale, à la fête de la Sainte-Résurrection, et qu’alors tous les habitants de Constantinople devaient concourir à cette entreprise.

Il manda aussi à Anastase de revenir, en laissant Théodore pour garder la ville d’Alexandrie et les villes de la côte, et il fît espérer à Théodore qu’il lui enverrait, en été, beaucoup de troupes, afin de combattre les musulmans. Puis, lorsque, suivant l’ordre de l’empereur, on eut préparé les vaisseaux pour partir, Constantin tomba gravement malade ; il vomit du sang, et, quand il eut perdu tout son sang, il mourut. Il avait été malade pendant 100 jours, c’est-à-dire pendant tout le temps de son règne, depuis la mort de son père Heraclius. On se moquait de l’empereur Heraclius et de son fils Constantin.

Les gens de la secte de Gaïnas, s’étant réunis dans leur église, située dans la ville de Defàschir, près du pont de Saint-Pierre l’Apôtre, voulaient attenter à la personne du patriarche Cyrus, qui, du temps de la persécution, avait enlevé des églises beaucoup de richesses, sans l’autorisation des magistrats. Aussitôt qu’Eudocianus, frère du préfet Domentianus, fut informé de ce rassemblement, il y envoya des troupes en leur donnant l’ordre de tirer sur les émeutiers avec des flèches et de les empêcher d’exécuter leur dessein. Quelques-uns de ces gens furent si cruellement frappés qu’ils moururent sous les coups ; deux autres eurent les mains coupées, sans jugement. Et l’on proclama dans la ville, par la voix du héraut :
« Que chacun d’entre vous se rende à son église et que personne ne commette aucun acte de violence envers un autre ! »

Mais Dieu, gardien de la justice, n’abandonna pas le monde, et vengea les opprimés ; il ne fit pas grâce à ceux qui l’avaient provoqué, et les livra aux Ismaélites : les musulmans se mirent en campagne et firent la conquête de toute l’Egypte. Après la mort d’Heraclius, lorsque le patriarche Cyrus revint, loin de renoncer à sévir contre le troupeau de Dieu et à le persécuter, il multipliait ses actes de violence.