Jean de Nikiu, 111, Première incursion “Moagarite” en Egypte (639 ?), à la faveur d’une révolte paysanne, v. 700 n-è

Or Théodore, qui était commandant en chef en Egypte, après avoir été informé par les messagers de Théodose, préfet d’Arcadie, de la mort de Jean, Maître des Armées, (dux de Barqa) ramena toutes les troupes d’Egypte et les troupes auxiliaires, et se rendit à Lôqyôn, qui est une île. Car il craignait qu’à la suite du soulèvement des habitants de ce canton, les musulmans ne vinssent s’emparer du littoral de Lôkyôn et chasser la communauté de serviteurs de Dieu qui étaient (des fidèles) sujets de l’empire romain. Ses plaintes étaient plus tristes que l’élégie de David sur la mort de Saül, qui disait : « Comment les héros sont-ils tombés ? Comment les armes de guerre ont-elles été détruites ! » Car Jean, Maître des Armées, n’était pas le seul qui eût été tué. Jean, de la ville de Mârôs, le général, avait également trouvé la mort dans le combat, ainsi que 50 soldats qui l’accompagnaient à cheval. Mais je vais vous faire connaître brièvement ce qui arriva d’abord aux habitants du Faiyoûm.

Jean et ses compagnons, les guerriers que nous venons de mentionner, auxquels les Romains avaient confié la garde du canton, avaient placé d’autres gardiens près de la pierre de la ville de Lâhûn, pour y rester constamment en observation et pour avertir le commandant des milices des mouvements des ennemis ; ils avaient ensuite pris quelques chevaux et une troupe de soldats et de tireurs d’arc, et avaient marché contre les musulmans, se proposant de les arrêter. Les musulmans s’étant dirigés vers le désert, enlevèrent un grand nombre de moutons et de chèvres de la montagne, sans que les Égyptiens en eussent connaissance. Puis, lorsqu’ils parurent devant Behnesâ, toutes les troupes qui se trouvaient avec Jean au bord du fleuve accoururent, et ils furent empêchés, pour cette fois, de pénétrer dans le Faiyûm.

Le général Théodose, en apprenant l’arrivée des Ismaélites, se transportait d’un lieu à l’autre, afin d’observer les mouvements de ces ennemis. Les Ismaélites vinrent, massacrèrent le chef de l’armée et tous ses compagnons et se rendirent maîtres de la ville (de Behnesa). Quiconque se rendait auprès d’eux, fut massacré ; ils n’épargnèrent personne, ni vieillards, ni femmes, ni enfants. Ils se tournèrent ensuite contre le général Jean. Celui-ci et ses compagnons prirent leurs chevaux et se cachèrent dans les clos et les plantations, pour se dérober aux ennemis ; puis ils marchèrent, pendant la nuit, vers le grand fleuve d’Egypte, vers Abôït (canton d’Asiyût) où ils espéraient être en sûreté. Or tout cela venait de Dieu.

Le chef de partisans qui était avec Jérémie, renseigna l’armée musulmane sur les Romains qui étaient cachés ; les musulmans les atteignirent et les massacrèrent. Lorsque cette nouvelle parvint au général Théodose, et à Anastase, qui alors se trouvaient à une distance de 12 milles de la ville de Nikious, ils se rendirent immédiatement à la citadelle de Babylone et y demeurèrent, envoyant à Abôït le général Léonce. Celui-ci était un homme obèse, sans vigueur, ignorant la pratique de la guerre. Voyant que l’armée égyptienne et Théodore combattaient les musulmans et qu’ils sortaient fréquemment de la ville de Faiyûm, pour prendre la ville, il retourna avec la moitié des troupes à Babylone, pour rendre compte de la situation aux gouverneurs, tandis que l’autre moitié resta avec Théodore.

Théodore ayant, après de longues recherches, retrouvé le corps de Jean qui avait été jeté dans le fleuve, l’en fit retirer au moyen d’un filet, en manifestant une grande douleur, le fit placer dans une bière, et le fit conduire auprès des gouverneurs, qui l’envoyèrent à Heraclius,

Ceux qui se trouvaient en Egypte cherchaient un refuge dans la citadelle de Babylone. Ils attendaient Théodore le général, afin d’attaquer les Ismaélites avec leurs forces réunies, avant la crue du fleuve et la période des semailles, alors que l’on ne pourrait pas faire la guerre, de crainte que les semailles ne fussent détruites, et les habitants exposés à mourir de faim avec leurs enfants et leur bétail.