Traités de Protectorat de ‘Abdallah b. Salîm puis Sidi ‘Umar b. Hasan, sultans d’Anjouan, 1886-1892

Traité conclu le 21 avril 1886 avec le sultan d’Anjouan.

Le gouvernement de la République française dûment représenté par M. Gerville-Réache, commandant de Mayotte et Son Altesse Abdallah ben sultan Salime, sultan d’Anjouan, intervenant directement, soucieux du développement de la prospérité du sultanat d’Anjouan, ont décidé de consacrer par les conventions suivantes les relations d’amitié existant entre eux depuis longtemps et d’assurer la prépondérance de la France à Anjouan.

Art. 1. — Son Altesse, assistée de son conseil des Ministres, déclare placer l’île Anjouan sous la protection de la France,

Elle s’engage et engage par le fait ses successeurs à ne jamais traiter avec aucune nation et à n’accorder aucun privilège aux étrangers sans le consentement de la France.

Art. 2. — Les sujets de Son Altesse pourront en toute liberté entrer, résider, circuler et commercer en France ou dans les colonies françaises dans les mêmes conditions que les colons français. D’autre part, les Français jouiront de la môme liberté dans les Etats de Son Altesse.

Art. 3. — Le sultan prend l’engagement de fournir aux industriels français qui voudraient s’établir à Anjouan les terres dont ils auront besoin pour leur exploitation dans les limites du domaine dont il pourra disposer.

Art. 4. — Les différends qui pourraient s’élever entre les citoyens français et les Anjouanais seront jugés par les tribunaux français.

Art. 5. — Les droits des étrangers actuellement établis dans l’île demeurent réservés sans qu’en aucun cas le gouvernement français puisse être responsable de l’exécution des faits et conventions antérieures. S’il y avait contestation au sujet des faits et conventions, le gouvernement de la République française sera pris pour arbitre.

Art. 6. — Les bâtiments anjouanais seront traités dans les ports français comme les navires français. Les mêmes avantages seront accordés aux navires de la République française qui entreront dans un port dépendant des Etats de Son Altesse.

Art. 7. — En vue d’assurer la tranquillité à Anjouan et de permettre la succession régulière au trône, conformément aux usages du pays, le sultan fait choix pour son successeur du prince Salime ben Abdallah, son fils aîné, et en cas de décès de ce dernier, avant son avènement au sultanat, de Abdallah ben Salime, fils aîné de Salime. Enfin, le gouvernement français devra régler la succession au trône dans le cas où les dispositions prises par Son Altesse ne pourraient pas recevoir leur effet et qu’il n’y aurait aucun héritier direct et immédiat dans sa famille.

Art. 8. — Le sultan promet de continuer à assurer à chacun de ses frères des moyens d’existence.

Art. 9. — Pour mettre fin aux guerres civiles qui désolent Anjouan depuis de longues années, le gouvernement français et Son Altesse déclarent que toute personne qui aura pris les armes contre un pouvoir constitué sera considérée comme rebelle et jugée conformément aux lois du pays.

Art. 10. — Le gouvernement de la République française s’engage à ne donner asile à aucun sujet anjouanais qui, reconnu par lui en état de rébellion, viendrait à se réfugier en France, à Mayotte ou dans toute autre possession française.

Art. H. — Son Altesse prend l’engagement de ne porter les armes dans aucune des îles Comores et de ne prêter à aucun parti aide et assistance sans l’approbation du commandant de Mayotte.

Art. 12. — Le sultan déclare qu’il n’existe entre son royaume et aucune autre puissance un acte pouvant vicier le caractère de la présente convention.

Art. 13. — Le sultan s’engage à prendre les dispositions nécessaires en vue de l’abolition de l’esclavage dans ses Etats.

Art. 14. — Le présent contrat qui sera définitif après l’approbation du gouvernement de la République a été signé on présence, d’une part, de M. Brion, lieutenant de vaisseau, commandant du Chacal, de Lestrac, sous-commissaire de la marine, Gauthier et Lesquivit, enseignes de vaisseau. Deslandes, médecin de 2′ classe de la marine, d’autre part.

De Salime ben sultan Abdallah ; Mohammed ben sultan Salime, Saïd Attoumani ben sultan Salime, Saïd Ali ben sultan Salime, Abdallah Mohamed dit Diamond, etc., etc. Fait en trois expéditions à Montsamoudou (Anjouan),le 21 avril 1886 Ont signé : Abdallah, ben sultan Salime, Gerville-Réache, sultan d’Anjouan, commandant de Mayotte, (Signature des témoins). 

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Traité conclu, le 15 octobre 1887, avec le sultan d’Anjouan

Le gouvernement de la République française dûment réprésenté par M. Edouard Hibon, commandant de Mayotte, représentant du protectorat français aux Gomores, El son altesse Abdallah ben sultan Salime, sultan d’Anjouan, intervenant directement ;

Ont reconnu comme définitives les conventions provisoires intervenues, à la date du 8 octobre 1887, entre M. Théodore Troupel, résident de France à Anjouan, agissant conformément aux instructions de M. le commandant de Mayotte et son altesse Abdallah ben sultan Salime et dont la teneur suit :

Art. 1. — Les conventions signées à la date du 26 mars 1887 et passées entre M. le capitaine de vaisseau Dorlodot des Essarts, commandant de la division navale de l’océan indien et son altesse Abdallah ben sultan Salime sont annulées et ne pourront en aucun cas être invoquées.

Art. 2. — Le traité du 21 avril 1886 (texte français) est définitivement reconnu et adopté, sauf en ce qui concerne l’article 4 du dit acte qui est remplacé par l’article 4 ci-après et en y ajoutant les articles 3 et 5 du présent traité.

Art. 3. — Le résident sera accompagné de ses secrétaires, interprètes et autres employés nécessaires à assurer son service.

Art. 4. — Les différends de toute nature qui pourront s’élever entre citoyens français résidant à Anjouan et Anjouanais seront jugés et réglés par un tribunal composé du résident ou de son délégué, président, d’un assesseur français et d’un assesseur anjouanais.

Art. 5. — Une école française, dirigée par un ou plusieurs instituteurs laïques, est créée à Montsamoudou par les soins au gouvernement français. Le local scolaire sera fourni, payé et entretenu par son altesse Abdallah ben sultan Salime.

Le présent traité qui sera définitif après approbation du gouvernement de la République a été signé en triple expédition au palais, à Bambao, le 15 octobre 1887.

Ont signé :

Abdallah Ben sultan Salime, Hibon, sultan d’ Anjouan. Commandant de Mayotte,

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Traité conclu, le 8 janvier 1892, avec Sa Hautesse Said Omar Sultan d’Anjouan

Sa Hautesse Saïd Omar, sultan d’Anjouan, chevalier de la Légion d’honneur, désirant resserrer les liens d’amitié qui l’unissent à la nation française, en vue d’assurer la tranquillité de ses Etats ainsi que la prospérité et le bonheur de ses sujets, a arrêté les conventions suivantes avec le gouvernement de la République française, dûment représenté par M. Clovis Papinaud, chevalier de la Légion d’honneur, officier de l’Instruction publique, gouverneur de Mayotte, représentant du protectorat français aux Comores :

Art. 1. — Les fonctions de ministre, ainsi que le Kabar des ministres comme conseil de gouvernement, sont et demeurent supprimés. — Le sultan ne recevra désormais de conseils que du résident de France.

Art. 2. — Chacun des actes du sultan sera contresigné par le résident de France, qui sera chargé d’en assurer l’exécution.

Art. 3. — Le résident de France aura sous ses ordres le personnel de la police. Aucune force publique ne pourra se recruter, s’organiser, ni se mouvoir que par les ordres du résident.

Art. 4. — Le résident de France sera reçu par le sultan en audience privée toutes les fois qu’il le demandera, assistera de droit à tous les pourparlers, audiences ou conférences que le sultan pourra avoir avec les représentants ou agents des puissances ou nations étrangères.

Art. 5. — Toutes les dépenses relatives au service du protectorat français à Anjouan seront, à compter du 1er janvier 1892, supportées par le budget du sultanat.

Art. 6. — Les revenus publics du royaume, ainsi que ceux provenant du domaine privé du sultan, seront versés à la caisse d’un fonctionnaire nommé par le gouvernement français. Ce comptable sera chargé de la perception des impôts, taxes et revenus, ainsi que du payement des dépenses.

Art. 7. — Le résident de France aura la liquidation, l’ordonnancement et le mandatement de toutes les dépenses du sultanat. Il devra se conformer aux règles de la comptabilité publique française.

Art. 8. — Tous les ans, et avant le mois de décembre, le résident de France dressera, pour l’année suivante, un projet de budget des recettes et des dépenses du sultanat. Ce budget sera définitif et rendu exécutoire après avoir été homologué par le sultanat et approuvé par le gouverneur de Mayotte.

Art. 9. — Une commission de trois membres, nommée par le gouverneur de Mayotte, procédera tous les ans à la vérification et à l’apurement des comptes présentés par le résident et le comptable.

Art. 10. — En vue de faciliter les services du protectorat. Sa Hautesse le sultan met à la disposition du gouvernement de la République française les immeubles ci-après faisant partie du domaine, savoir :

1* Une maison située à Montsamoudou en face le palais du sultanat et où sont actuellement installés les bureaux du résident et des employés du protectorat ;

2* Tous les terrains qui s’étendent depuis la citadelle de Montsamoudou jusqu’à la base de la montagne de Hongoni d’une part, et la rivière de Montsamoudou jusqu’à l’autre versant de la montagne de Humbo, d’autre part, ainsi que les constructions qui existent sur ces terrains, lesquelles Servent actuellement de logement pour le résident et de Caserne pour les troupes françaises ;

3* Enfin, toute la propriété dite de Hongoni, destinée à tenir lieu de convalescence aux fonctionnaires et employés du protectorat.

Art. 11. — Le gouvernement de la République française prêtera au sultan son appui moral et, s’il y a lieu, effectif, en vue du maintien de l’ordre et de la tranquillité du royaume.

Art. 12. — Les traités du 21 avril 1886 et 15 octobre 1887, intervenus entre le gouvernement de la République française et le sultan d’Anjouan, sont maintenus en tout ce qu’ils n’ont pas de contraire aux présentes conventions que les parties contractantes s’engagent à exécuter de bonne foi. En cas de contestation, le texte français seul pourra être invoqué.

Art. 13. — Le présent traité ne sera définitif qu’après avoir été ratifié par le gouvernement de la République française .

Fait au Palais de Montsamoudou, le 8 janvier 1892, en trois originaux, français et sahouéli, qui ont été revêtus du sceau et du contreseing des parties contractantes, après lecture faite des deux textes, en présence de MM. Ormières, résident titulaire de France à Anjouan ; Castaing, chef du secrétariat du gouvernement de Mayotte, résident intérimaire de France à Anjouan ; Perreau, préposé à Anjouan du trésorier-payeur de Mayotte ; Garrigues, secrétaire de la résidence d’Anjouan ; prince Sidi Abdallah, frère du sultan ; prince Saïd Mohamed, fils aîné du sultan; prince Abdallah Sidi, gendre du sultan, cadi de Montsamoudou ; Abdallah Abderrhimann, beau-frère du sultan, et Abdallah Mohamed, gendre du sultan, interprète de la résidence.

Ont signé : Saïd Omar. Papinaud. (Signatures des témoins).