Ismayl Urbain, L’Algérie Française. Indigènes et Immigrants (I) 1862

? Il est évident que ne pouvant ou ne voulant pas accepter toutes les charges de notre état social, ils ne doivent pas en recueillir tous les avantages. Autant par une sage circonspection de notre part qu’à cause de leur répugnance particulière, ils ne peuvent participer à l’égalité civile et politique réglée par nos lois. Notre droit est absolu ; on ne saurait en réclamer le bénéfice si l’on veut se retrancher dans certaines exceptions privilégiées.
Tant que les indigènes n’auront pas opéré une séparation radicale entre le spirituel et le temporel, tant que leur culte et leurs dogmes religieux seront en contradiction avec nos Codes, ils ne pourront être investis du titre de citoyens français. Il faut que le Koran devienne pour eux un livre purement religieux, sans action sur la législation civile. Ce progrès n’est pas impossible, D’autres peuples sont sortis de l’organisation théocratique et se sont rangés sous un gouvernement séculier, sans abdiquer leurs croyances.
Sous la réserve de ces observations, essayons de préciser la situation des indigènes. Ils sont régnicoles, avons-nous dit. A ce titre, ils ont droit à notre protection diplomatique lorsqu’ils voyagent hors de nos frontières. Ils ne sont plus les sujets de la Porte ottomane ; ils n’ont pas devant le droit public européen une autonomie propre. Nul ne peut s’interposer entre la France et eux ; ils n’ont rien à attendre du dehors ; la vie politique, le développement et l’avenir social leur viendront de nous seuls. La scission est nette avec leur passé, elle est irrévocable.
Si nous interrogeons leur position vis-à-vis de notre droit intérieur, ils nous apparaissent comme des clients, comme des sujets politiques, et non des sujets civils (si une pareille distinction est possible), comme des affranchis de la nationalité étrangère, auxquels un stage est imposé avant de devenir participants à la souveraineté française. Ils ont leur domicile parmi nous, mais les délais ne sont pas expirés pour qu’ils reçoivent la grande naturalisation.