Chronique “Mozarabe” de 754 : La Bataille de Tours[-Poitiers]

Puis Abdirrama (‘Abd ar-Rahman), voyant la terre emplie de la multitude de son armée, franchit la Montagne des Vaccei (Basques), et traversa défilés et plaines, jusqu’à pénétrer en dévastant et en massacrant sur la terre des Francs. Il mena bataille à Eudon [d’Aquitaine] entre la Garonne et la Dordogne, et le contraint à fuir ; si complètement que Dieu seul connu le nombre des morts et des blessés. Sur ce, Abdirrahaman se lança à la poursuite du Duc Eudon [qui fuyait vers Bordeaux] ; alors il tourna vers l’Eglise de Tours qu’il désirait piller avec les palais et les églises. C’est alors qu’il se retrouva face au Consul de Francie Intérieure Austr[as]ie nommé Carrul (Charles), un puissant guerrier dans sa jeunesse, et expert dans les choses militaires qui avait autrefois affronté Eudon.
Durant presque 7 jours, les deux armées se contemplèrent l’une l’autre, attendant avec anxiété le moment d’affluer à la bataille. Finalement ils se tinrent prêt au combat. Et dans le choc de la bataille les gens du Nord apparurent tenir fermement, tous proches les uns des autres comme une zone de rigueur glaciale, une mer qui ne pouvait être déplacée, formant comme un rempart de glace ; et à grands coups d’épées ils abattirent les Arabes. Fondus comme une bande autour de leur chef, les Austr[as]iens se chargèrent de tout ce qui était devant eux. Leurs mains infatigables menaient leurs épées vers le bas, contre les poitrines.
A la dernière nuit, les combattants se retirèrent. Suspicieux, ils rangèrent leurs lames, et découvrant les innombrables camps des Arabes, se préparèrent à une nouvelle bataille le jour suivant. Très tôt, quand ils achevèrent leur retraite, les Européens virent les tentes des Arabes toujours biens rangées, au même endroit où ils avaient établi leurs camps. Sans savoir qu’elles étaient entièrement vides, et effrayés que les phalanges des Saracènes fussent formées pour le combat, ils envoyèrent des espions s’assurer des faits. Ces espions découvrirent que tous les escadrons des Ismaelites avaient disparu. En fait, durant la nuit, ils avaient fui dans le plus grand silence, allant retrouver à toute vitesse leur patrie. Les Européens, incertains et apeurés qu’ils soient en route pour revenir en embuscade, envoyèrent des éclaireurs un peu partout, mais, à leur grand étonnement, ils ne trouvèrent rien. Puis, sans se contraindre à poursuivre les fugitifs, ils se contentèrent de partager les dépouilles et retournèrent aussitôt à leur propre patrie !