Asila et la Normandie du Maghreb au IXe siècle, al-Bakrî, v. 1060 n-è

Asila

Asîla, première ville du littoral africain, à partir de l’occident, est située dans une plaine entourée de petites collines. Elle a la mer à l’ouest et au nord. Autrefois elle était environnée d’une muraille percée de cinq portes. Quand la mer est agitée, les vagues vont atteindre le mur du Jâmi‘, édifice composé de 5 nefs. Tous les vendredis il se tient dans cette ville un marché qui est très fréquenté. Les puits qui se trouvent dans l’intérieur de la place ne fournissent qu’une eau saumâtre mais le Bîr Adel, le Bîr es-Sanïa ce puits de la machine hydraulique, et plusieurs autres puits de l’extérieur, donnent une eau de bonne qualité. Le cimetière est à l’est de la ville. Le port, dont l’entrée est du côté de l’orient (?), offre un bon abri aux navires une jetée, formée de pierres de taille, se déploie en segment de cercle au nord de ce bassin, et protège le mouillage contre la violence de la mer.

Asîla, ville de construction moderne, doit son origine à un événement que nous allons raconter. Les Majûs avaient débarqué au port deux fois. Lors de leur première descente ils se présentèrent comme de simples visiteurs, et prétendirent avoir caché dans cette localité beaucoup de trésors. Voyant que les Berbers s’étaient réunis pour les combattre, ils leur adressèrent ces paroles

« Nous ne sommes pas venus ici avec des intentions hostiles mais ce lieu renferme des trésors qui nous appartiennent allez-vous placer plus loin, et, lorsque nous les aurons déterrés, nous en ferons le partage avec vous. »

Les Berbers acceptèrent cette condition, et, pendant qu’ils se tenaient à l’écart, ils virent les Majûs creuser la terre et en retirer une grande quantité de dokhn (millet pourri). Voyant la couleur jaune de ce grain, et croyant que c’était de l’or, ils accoururent pour s’en emparer, et mirent les étrangers dans la nécessité de s’enfuir vers leurs vaisseaux. Ayant alors reconnu que leur butin était du millet, ils eurent du regret de ce qu’ils venaient de faire et invitèrent les Majûs à débarquer de nouveau pour déterrer leurs trésors.

« Non, répondirent ceux-ci, nous ne le ferons pas vous avez violé votre engagement, et vos excuses ne nous inspirent aucune confiance. »

Ils partirent alors pour l’Andalousie et firent une descente sur le territoire de Séville. Cela eut lieu en l’an 229 (844), sous le règne de l’imam Abd er-Rahman ibn el-Hakem.

La seconde fois qu’ils débarquèrent au port d’Asîla, leur flotte venait d’être chassée des parages de l’Andalousie par un fort coup de vent. Plusieurs de leurs navires sombrèrent à l’entrée occidentale du port, au lieu qui s’appelle encore Bab al-Majûs « la porte des païens ».

Les habitants du pays s’empressèrent alors de bâtir un ribat sur l’emplacement d’Asîla, et d’y installer une garnison qui devait se renouveler régulièrement, au moyen de volontaires fournis par toutes les villes du voisinage. On y tenait une grande foire aux trois époques de l’année que l’on avait fixées pour le renouvellement de la garnison, c’est-à-dire au mois de ramadan, au 10 de dou-‘l-hiddja et au 10 de moharrem.