Le patriarche Cyriacus descendit à Tagrit et il y ordonna Basile, de la ville de Balad, qui était occupé dans les jugements séculiers et était même au tribunal et dans la perception des maks. Le patriarche pensait qu’un tel homme pourrait résister et obvier aux agissements des Orientaux, et pour ce motif il l’ordonna.
[…]
[506] A cette époque, Basile de Tagrit, qui était un homme orgueilleux, vaniteux, sans modération dans sa conduite, ne s’élevait pas seulement au-dessus des chrétiens, mais même parfois vexait les païens de Tagrit; l’administration des Eglises ne lui suffisait pas, mais il se préoccupait de l’administration publique, qui ne le regardait pas, de la fréquentation des princes, et même de la perception de la ǧizya. Il en vint à imposer le tribut (mdattō) aux musulmans (mhaggrōyē).
Quand ils virent son orgueil, ils se soulevèrent contre lui, et ils maltraitaient tout le peuple à cause de lui. Dans leur zèle, ils tuèrent les porcs dans les rues.
Basile ne se tint pas tranquille: mais il prit quelques personnes avec lui et descendit à Bagdad pour se plaindre des musulmans (mhaggrōyē).
Ceux-ci descendirent à sa suite, arrivèrent et entrèrent les premiers ; ils écrivirent une pétition de plainte contre les chrétiens, au sujet des simandres, des croix, du vin et des porcs qui entraient dans la mosquée ; ils attestèrent que Basile, le métropolite, et ʿAbdūn, un notable, ont ou //49// tragé leur prophète ». Alors parut un décret pour l’abolition des lois des chrétiens et l’arrestation de Basile et de ʿAbdūn.
Tandis que Basile prit la fuite, ʿAbdūn se montra jusqu’au bout comme un véritable martyr du Christ. Le roi Māʾmūn voulut l’amener se faire musulman par la flatterie et par la promesse des présents, des honneurs, des dignités, mais il ne put y parvenir ; il usa alors des menaces et des tourments, et après sept mois de prison, après /507/ avoir subi des tortures, ʿAbdūn fut couronné par le glaive au milieu de la foule et dans le tribunal et il fut suspendu au gibet. Combien de prodiges et de miracles s’accomplirent à son couronnement, cela surpasse la narration.
Basile qui menaçait les Arabes (Ṭayyōyē) de les expulser de leurs maisons, ne put jamais rentrer à Tagrit ; et tandis qu’il voulait se révolter contre le siège d’Antioche, il fut exilé de son propre siège ; ce qui est encore plus digne l’admiration, cela arriva sans qu’on y mit la main.
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Comme l’écrit le patriarche lui-même :
« Basile de Tagrit, Ã la suite de la discorde entre lui et les Matthéens, parce qu’il n’avait pas été élevé dans le couvent parmi les moines, mais avait Ãété appelé du dehors, s’enorgueillit en lui-même, et songea à se révolter contre nous et à faire révolter la région orientale contre le siège d’Antioche.
A l’exemple du maudit Bar Ṣawmā de Nisibe, Basile médita de se faire Catholicos. Comme il ne le put du temps de Cyriacus, parce que celui-ci//48// était de Tagrit, de nos jours il tenta et eut l’espoir, par l’intermédiaire des Tagritains, [506] de réaliser (son projet).
Il commenca par leur inspirer de la haine contre moi ; il disait aux Tagritiens : « Ce patriarche est votre ennemi » ; aux évêques il disait : « Jusqu’à quand serons-nous soumis aux Occidentaux, qui nous donnent des ordres et prennent l’argent que nous recueillons ? Pourquoi ne sommes-nous pas indépendants nous et notre siège, comme celui d’Egypte, puisque nous sommes égaux en dignité ? Mais le Seigneur ne permit pas que son dessein s’accomplit.
Comme les Tagritiens nous aimaient beaucoup, ils nous avaient écrit à Bagdad, de venir célébrer la fête chez eux; mais lui disait que les évêques ne nous le permettraient pas, parce qu’ils l’avaient invité à aller consacrer le chrême dans leurs pays. Il nous écrivait :
Ce n’est pas le moment de venir à Tagrit, car nous sommes opprimés par la violence cruelle des princes.
Nous qui connaissions sa malice, nous abandonnâmes la route de Mossoul et nous montâmes par celle de l’Euphrate à la ville de Circesium, et après la consécration du chrême et la célébration des fêtes, nous montâmes par les villages du Habura et nous parvinmes à Nisibe, à Dara, et à Kafar Tūtā, ville de Ǧazīra.