Flavius Josephe, Guerre des Juifs, VII, 10, 1 : Les sicaires en Égypte, v. 80 n-è

Après la prise de Masada, effectuée dans ces conditions, le général laissa dans la place une garnison, puis se rendit à Césarée avec ses troupes. Car il ne restait plus un ennemi dans le pays, déjà soumis tout entier par une longue guerre qui avait répandu dans beaucoup de colonies juives, même très éloignées, des rumeurs et des dangers de troubles. C’est ainsi qu’après les événements, de nombreux Juifs trouvèrent encore la mort à Alexandrie d’Égypte. Car ceux des sicaires qui purent échapper à la répression de la révolte et s’y réfugièrent, non contents de s’être sauvés, commencèrent de nouvelles menées révolutionnaires et persuadèrent à une grande partie des hôtes qui les avait accueillis de revendiquer leur indépendance, de nier que les Romains fussent supérieurs et de considérer Dieu comme leur seul maître. Quand ils virent quelques Juifs de condition élevée se dresser contre eux, ils les égorgèrent et s’attachèrent aux autres en les exhortant à se révolter. Alors les chefs du conseil, en présence de ces égarements des sicaires, jugèrent qu’il serait dangereux pour eux de négliger ces tentatives ; ils réunirent donc tous les Juifs en assemblée et condamnèrent la fureur désespérée des sicaires en les dénonçant comme les auteurs de tous ces troubles ; ils déclarèrent que ces hommes, n’ayant pas, même dans la fuite, l’espérance d’un salut assuré, – car reconnus par les Romains, ils seraient bientôt mis à mort – faisaient maintenant retomber tout le malheur mérité par eux sur ceux qui n’avaient participé à aucun de leurs crimes.

Ils supplièrent donc la multitude de se garder de la ruine dont ces sicaires la menaçaient, et de se justifier elle-même auprès des Romains en les leur livrant. Comprenant la grandeur du péril, les Juifs se laissèrent persuader par cet avis, et, s’élançant avec fureur contre les sicaires, ils les firent prisonniers. On en captura aussitôt six cents, et tous ceux qui s’enfuirent en Egypte et dans la ville égyptienne de Thèbes furent en peu de temps arrêtés et ramenés. Il n’y avait personne lui ne fût frappé de leur constance et de leur fureur, que l’on doit peut-être appeler force d’âme. On imagina contre eux toutes sortes de tourments et de supplices dont on accablait leur corps. à seule fin de leur faire reconnaître César pour leur maître : mais aucun ne céda ni ne parut sur le point de prononcer ces mots : tous gardèrent leur opinion élevée au-dessus de la contrainte, comme s’ils recevaient la torture et le feu sur un corps insensible sur une âme presque joyeuse. Ce fut surtout la conduite des enfants qui étonna les spectateurs : on ne put contraindre aucun d’eux à nommer César son maître. Tant la force de l’intrépidité dominait en eux la faiblesse du corps.