Voilà de subtiles méthodes; mais une des meilleures, à mon sens (car nous en avons à choisir), c’est celle du contrat Mohatra.
Le contrat Mohatra, mon père!
Je vois bien, dit-il, que vous ne savez ce que c’est. Il n’y a que le nom d’étrange. Escobar vous l’expliquera au tr. 3, ex. 3, n. 36 Le contrat Mohatra “est celui par lequel on achète des étoffes chèrement et à crédit, pour les revendre au même instant à la même personne argent comptant et à bon marché.” Voilà ce que c’est que le contrat Mohatra par où vous voyez qu’on reçoit une certaine somme comptant, en demeurant obligé pour davantage.
Mais, mon père, je crois qu’il n’y a jamais eu qu’Escobar qui se soit servi de ce mot-là ; y a-t-il d’autres livres qui en parlent ?
Que vous savez peu tes choses ! me dit le père. Le dernier livre de théologie morale qui a été imprimé cette année même à Paris, parle du Mohatra,et doctement. Il est intitulé Epilogies. C’est un abrégé de toutes les Sommes de théologie, pris de nos pères Suarez, Sanchez, Lessius, Fagundez, Hurtado, et d’autres casuistes célèbrcs, comme le titre le dit. Vous y verrez donc en la p. 54 Le Mohatra est quand un homme, qui a affaire de “vingt pistoles, achète d’un marchand des étoffes pour trente pistoles, payantes dans un an et les lui revend à l’heure même pour vingt pistoles comptant.” Vous voyez bien par là que le Mohatra n’est pas un mot inouï.
Eh bien mon père, ce contrat-là est-il permis ?
Escobar, répondit le père, dit au même lieu qu’il y a “des lois qui le défendent sous des peines très-rigoureuses.”
Il est donc inutile, mon père ? Point du tout, dit-il car Escobar en ce même endroit donne des expédients pour le rendre permis « encore même, dit-il, que celui qui vend et achète ait pour l’intention principale le dessein de profiter ; pourvu seulement qu’en vendant il n’excède pas le plus haut prix des étoffes de cette sorte, et qu’en rachetant il n’en passe pas le moindre, et qu’on n’en convienne pas auparavant en termes exprès ni autrement. » Mais Lessius dit « qu’encore même qu’on eût vendu dans l’intention de racheter a moindre prix, ou n’est jamais obligé à rendre ce profit, si ce n’est peut-être par charité, au cas que celui de qui on l’exige fut dans l’indigence, et encore pourvu qu’on le put rendre sans s’incommoder si commode potest. » Voilà tout ce qui se peut dire.
En effet, mon père, je crois qu’une plus grande indulgence serait vicieuse. Nos pères, dit-il, savent si bien s’arrêter où il faut ! Vous voyez assez par là l’utilité du Mohatra.
Muḫāṭara : “Pari, risque, péril, chance, assurance (commerce).